Le banquet se tenait à l’hôtel Golden Kaidi et comportait deux parties : un dîner et une soirée. Hu Hou avait voulu le tenir dans l’auditorium de la mairie pour ne pas paraître inutile au public, mais Shentu Tian-Yin avait proposé de couvrir toutes les dépenses. Son offre n’ayant pas été refusée , le banquet avait donc eu lieu à l’hôtel Golden Kaidi. Cet hôtel étant également une des filiales du groupe Vientiane – c’était comme si Shentu Tian-Yin invitait les personnes importantes de Hai-Zhu à une réunion gratuite.
Le coût du banquet avait été éstimé à un million de yuans. Xia Lei avait dû tenir compte de certains facteurs avant de donner une prime et de se faire gronder par « l’intendante » Liang Si-Yao, mais Shentu Tian-Yin l’avait dépensé comme ça, pour inviter les gens à manger et à discuter. Il y avait un fossé entre les deux.
Hu Hou lui en parla en chemin.
À l’intérieur de la salle, Xia Lei déclara : « Maire Hu, je suis plus qu’honoré que vous soyez venu me chercher vous-même. Vous devez être très occupé à ce banquet, il n’est donc pas nécessaire de m’accompagner. Je vous en prie, continuez vos affaires. »
« J’ai beaucoup de choses à faire. Je ne vous accompagnerai donc pas. Je vous retrouverai quand je serai moins occupé », dit modestement Hu Hou.
Après le départ de Hu Hou, Xia Lei se trouva une place dans un coin et s’assit tranquillement pour observer la situation dans la salle. Il y avait déjà plusieurs invités dans la salle à manger, tous en très bonne tenue. Certains étaient assis en silence tandis que d’autres faisaient discrètement la conversation. Il y avait plus d’une centaine d’invités dans l’immense salle à manger, mais c’était plutôt calme.
Xia Lei balaya la zone, son regard s’arrêta sur la zone proche de la scène. Il avait repéré Shentu Tian-Yin. A côté d’elle se trouvait Gu Ke-Wen. Shentu Tian-Yin était vêtue d’une longue robe noire sans bretelles. Ses fins cheveux noirs étaient tirés en une coiffure dite bouton de fleur dans laquelle était insérée une fleur de soie violette. C’était élégant, frais, chic et noble. À côté d’elle, Gu Ke-Wen était vêtue d’une robe de soirée rouge décolletée avec un collier de diamants précieux autour du cou. Les diamants scintillaient sous la lumière, attirant l’attention sur la zone de peau blanche située en dessous et sur ce profond sillon en forme de V. Son sex-appeal était assez différent de celui de Shentu Tian-Yin. Gu Ke-Wen était comme une rose dans le jardin royal tandis que Shentu Tian-Yin était une tulipe au pied d’un iceberg, fleurissant à côté d’un ruisseau bouillonnant.
Shentu Tian-Yin et Gu Ke-Wen étaient des femmes de même standing, mais elles étaient complètement différentes. Shentu Tian-Yin avait trois points d’avance en termes de portance, mais lorsqu’il s’agissait de ruses féminines et de sex-appeal, elle perdait contre Gu Ke-Wen de deux points.
Ce que Xia Lei trouvait étrange en revoyant Shentu Tian-Yin, c’était qu’il avait eu pendant un moment le sentiment de vouloir la courtiser et d’être avec elle. Mais ce sentiment avait disparu à présent. Il pouvait admirer sa beauté surnaturelle, mais aussi ressentir sa froideur et sa réserve en même temps.
À ce moment, un jeune homme en costume blanc s’approcha de Shentu Tian-Yin et de Gu Ke-Wen, puis s’assit de l’autre côté de Shentu Tian-Yin qui ne sembla pas repoussée par le jeune homme. Elle l’avait même salué.
Ce jeune homme était grand, mince et beau, il n’était pas moins séduisant qu’une belle célébrité sud-coréenne masculine. Un tel homme attirerait de nombreux fans n’importe où, que ce soit dans un endroit comme celui-ci ou dans un marché où l’on vend du porc.
Qui était-il ? Xia Lei avait été frappé par une pensée et son œil gauche tressaillit, se fixant sur le trio. Par coïncidence, Gu Ke-Wen salua le jeune homme à ce moment-là.
« Pourquoi es-tu venu seulement maintenant, Grand Frère ? »
Gu Ke-Wen avait un doux sourire sur les lèvres.
Xia Lei découvrit l’identité du jeune homme – Gu Ke-Wu.
Gu Ke-Wu sourit faiblement.
« Pensez-vous que j’ai autant de temps libre ? J’avais quelque chose à faire à la compagnie, donc je suis en retard. J’aurais repoussé à demain si j’avais su que Tian-Yin était là elle aussi. »
Ses mots étaient doux, mais Shentu Tian-Yin l’avait juste écouté et ne lui avait même pas fait un sourire poli.
« Oh, c’est vrai, Tian-Yin, je pense à créer un fond caritatif pour la prise en charge des enfants abandonnés. Serais-tu intéressée à y participer ? »
Gu Ke-Wu ne s’était pas inquiété de la froideur de Shentu Tian-Yin, il semblait pouvoir trouver beaucoup de sujets qui pouvaient l’attirer.
Shentu Tian-Yin prit alors la parole, peut-être pour ne pas paraître impolie.
« Merci, mais notre groupe Vientiane a ses propres fonds caritatifs. Nous soutenons également la prise en charge des enfants abandonnés. »
Gu Ke-Wu sourit juste faiblement. Il ne semblait pas du tout gêné par sa froideur.
« Pourquoi parles-tu encore de travail, Grand Frère ? Grande Soeur Tian-Yin a travaillé toute la journée – elle doit avoir envie de se détendre. Tu ne l’as pas contrariée exprès ? »
Gu Ke-Wen fit un clin d’oeil à Gu Ke-Wu, comme pour donner à son frère des conseils sur la façon de rester du bon côté d’une reine de glace comme Shentu Tian-Yin.
Gu Ke-Wu comprit l’allusion et gloussa.
« Excusez-moi, je ne suis pas très au fait des méthodes de grands esprits comme les vôtres, mais je vais apprendre. »
Xia Lei sentit la peau de son dos ramper de dégoût. Gu Ke-Wu avait à la fois l’apparence et le statut, il ne manquait donc pas de femmes autour de lui – comment pouvait-il ne pas savoir comment les femmes pensent ? Il pouvait tromper une jeune adolescente avec ces mots, mais il fallait être bien naïf pour penser que cela marcherait sur Shentu Tian-Yin.
Le clan Gu s’était levé des enfers et était toujours connecté au monde souterrain. Aucune personne du clan Gu n’était à l’abri d’une effusion de sang. Gu Ke-Wen était déjà extrêmement rusé et venimeux, sans parler du futur chef du clan Gu, Gu Ke-Wu. Quel genre de personne était-il ? Xia Lei était plein de conjectures à son sujet.
« Ke-Wen, il doit y avoir une file de filles de quelques kilomètres de long qui veulent se rapprocher d’une personne comme ton frère. Tu dois le tenir en échec, sinon tu finiras avec une belle-sœur qui est méchante avec toi », déclara Shentu Tian-Yin.
Gu Ke-Wen sourit : « J’ai depuis longtemps quelqu’un en tête, Grande Sœur Tian-Yin. Tu ne sais tout simplement pas qui. »
Shentu Tian-Yin semblait savoir de qui elle parlait et ses sourcils se plissèrent.
À ce moment, un homme âgé entra dans le réfectoire depuis la zone de travail et balaya la zone avant de se diriger vers Shentu Tian-Yin.
Xia Lei l’avait reconnu tout de suite – c’était le majordome du clan Shentu, Fu Chuan-Fu. Le regard de Shentu Tian-Yin s’était alors déplacé et son regard rencontra celui de Xia Lei. Elle s’arrêta, mais ne détourna pas son regard.
Xia Lei sourit poliment. Ils étaient trop éloignés l’un de l’autre pour qu’il puisse la saluer.
Shentu Tian-Yin ne réagit pas, elle se contenta de fixer Xia Lei.
Fu Chuan-Fu se dirigea vers Shentu Tian-Yin et lui chuchota quelque chose à l’oreille. Il avait couvert sa bouche pour que Xia Lei ne puisse pas lire sur ses lèvres.
Shentu Tian-Yin fit un signe de tête, puis leva la main en direction de Xia Lei.
Fu Chuan-Fu jeta un coup d’oeil et se mit à marcher vers Xia Lei.
L’interessé poussa un gémissement interne à l’égard de la chose troublante qui arrivait, mais il sourit. Il attendit que Fu Chuan-Fu s’approche avant de le saluer poliment.
« Ça fait longtemps que je ne vous ai pas vu, Aîné Fu. Vous êtes toujours aussi vif. »
Fu Chuan-Fu répondit aussi très poliment : « Merci, notre Dame vous invite à vous asseoir avec elle. »
Xia Lei hésita, mais refusa : « Je remercie Mlle Shentu pour sa gentillesse, mais je n’irai pas plus loin. Je suis très bien ici. »
Les sourcils de Fu Chuan-Fu se plissèrent.
« Monsieur Xia, vous êtes la cinquième personne que notre Dame invite personnellement cette année. N’allez-vous pas honorer sa demande ? »
Xia Lei était sans voix.
« S’il vous plaît. »
Fu Chuan-Fu se pencha à la taille de manière encore plus respectueuse.
Xia Lei sourit avec ironie et se leva pour marcher vers Shentu Tian-Yin. Il ne cherchait pas à prendre des airs mais à éviter de s’asseoir à la même table que Gu Ke-Wen et Gu Ke-Wu. Il n’allait cependant pas expliquer une telle chose au majordome du clan Shentu.
Gu Ke-Wen avait également vu Xia Lei et le sourire qu’elle avait sur le visage disparut. Un éclair de venin apparut dans ses grands yeux brillants.
Gu Ke-Wu avait également regardé Xia Lei. Sa réaction avait été tout à fait contraire à celle de Gu Ke-Wen et il garda un sourire amical. Il salua Xia Lei d’un signe de tête avant que Xia Lei ne le salue.
Il était impossible que Gu Ke-Wu ne connaisse pas l’identité de Xia Lei à la suite de l’incident avec la société d’équipement sportif Nice Moves, bien qu’il n’y ait pas lui-même participé. Il donnait l’impression qu’il n’avait aucune idée de l’identité de Xia Lei. Il était donc aimable avec lui, sans aucun soupçon de malveillance.
Plus Gu Ke-Wu agissait normalement, plus Xia Lei avait l’impression qu’il gardait son vrai visage caché. C’était quelqu’un qui cachait des couteaux derrière un sourire, une personne dangereuse.
« M. Xia, asseyez-vous s’il vous plaît », déclara Shentu Tian-Yin.
« Merci. Bonjour. »
Xia Lei les salua poliment et s’assit en face, aussi loin qu’il put de ces trois-là.
Gu Ke-Wu sourit :« M. Xia ? Oh ! Je me souviens maintenant. La ville de Hai-Zhu a un jeune entrepreneur prometteur nommé Xia Lei. Je suppose que c’est vous ? »
Il était évidemment au courant et connaissait aussi les détails, mais il avait choisi d’afficher une telle attitude – ce Gu Ke-Wu était difficile à saisir.
Xia Lei acquiesça : « Juste une petite entreprise. Ce n’est pas grand-chose. »
« Venez, faisons connaissance et soyons amis. »
Gu Ke-Wu se mit debout et tendit la main.
Xia Lei se leva également et serra la main de Gu Ke-Wu.
« Bonjour, c’est un honneur de vous rencontrer… Quel est votre nom ou votre titre ? »
Xia Lei lui aussi avait dû faire semblant.
« Je n’ai pas de titre. Je suis surnommé Gu, Gu Ke-Wu », dit-il avec un sourire.
Les deux hommes se serrèrent la main et s’assirent. Ils n’échangèrent pas d’autres mots.
Gu Ke-Wen s’écria : « Grand frère, tu ne dois pas sous-estimer ce M. Xia. Il est assez impressionnant. Il n’était qu’un ouvrier du bâtiment il y a six mois, mais il a maintenant sa propre entreprise. J’ai failli perdre contre lui la dernière fois aussi. »
L’avancement de Xia Lei pourrait être décrit comme un miracle. Il était assez impressionnant et digne d’éloges, mais les éloges de Gu Ke-Wen portaient en eux des sous-entendus de mépris. Un propriétaire de petite entreprise qui avait commencé comme ouvrier du bâtiment – comment pouvait-il être assez digne pour s’asseoir à la même table que le chef du Groupe Vientane et deux dirigeants du Groupe Nord ?
Xia Lei ne répondit pas à ces paroles voilées mais Shentu Tian-Yin fronça les sourcils.
« Ke-Wen, je n’approuve pas tes paroles. L’empereur de la dynastie Han, Liu Bang, était un simple fermier avant de devenir empereur. Notre clan Shentu et votre clan Gu n’étaient également que des familles modestes au tout début. Nous n’en sommes arrivés là aujourd’hui que grâce à notre travail et nos réformes passées, n’est-ce pas ? Nos ancêtres à l’époque avaient juste besoin d’une tête pour faire des affaires, mais c’est différent aujourd’hui. M. Xia a réussi à faire passer son entreprise de rien à l’état dans lequel elle se trouve aujourd’hui – j’ose dire que personne d’autre en Chine ne peut se comparer à lui. »
Ses paroles avaient permis à Xia Lei de se sentir bien mieux dans ses baskets.
« Vous êtes trop aimable… », dit-il en souriant.
« Je plaisante, Grande Soeur Tian-Yin. Tu n’as pas à prendre ça au sérieux. », dit Gu Ke-Wen en ricanant.