“Un baiser d’une femme noble est le plus grand honneur qu’un chevalier puisse recevoir.”

Sa réponse arriva un peu plus tard, la sérénité toujours présente sur ses traits. “Je viens d’un milieu modeste, je n’ai donc jamais eu beaucoup de sentiments pour ces histoires démodées. De plus, je ne ressentirais aucun honneur à recevoir un baiser d’une femme qui aurait froncé les sourcils devant mon insupportable puanteur en s’approchant d’elle.”

Max fut décontenancé par sa réponse apathique et resta les yeux fixés sur le sol, son regard suffisant pour y faire un trou à tout moment.

Riftan appuya son épée sur le mur et s’allongea dans le lit avec elle, montrant qu’il n’avait aucune intention d’être sarcastique pour ses questions sur sa vie personnelle, et ses prédilections qui l’entouraient. Remarquant que Max se crispait automatiquement à la seconde présence à ses côtés, Riftan laissa échapper un sourire en coin en se roulant sur le côté.

“Ne t’inquiète pas, je ne vais pas te taquiner ce soir. J’ai cru comprendre que tu étais encore endolorie.”

Max a hoché la tête, bien trop vite pour être considéré comme normal, son cou rougissant. Alors que Riftan la saisit et la tire pour qu’elle s’allonge à côté de lui, il place le couvercle sur la lampe, éteignant le feu qui brille à côté. L’obscurité a lentement englouti la pièce. Elle écouta les battements réguliers de son cœur et commença à se détendre, oubliant ses pensées.

Une autre journée s’est écoulée au château Calypse de cette manière.

***

Le musc de la terre remplit le château alors que l’averse continue depuis des jours.

Malgré le temps, Riftan a inspecté le village, la mine et les fermes. Voulant aussi être responsable, Max avait demandé la permission d’utiliser librement la bibliothèque. Elle a été frappée d’incertitude devant tous ces livres, pensant trop qu’elle pourrait les abîmer, mais sa crainte s’est vite transformée en admiration en scrutant les étagères.

Max a trouvé un registre écrit par un chevalier de Roem, qui avait autrefois gouverné Anatol, niché entre les parchemins.

Elle se retint de fouiller dans les livres de littérature poétique de l’ère Roem et ouvrit plutôt un livre de mathématiques. Elle n’essayait pas d’apprendre quelque chose de trop grandiose. Ce qu’elle devait faire d’abord, c’était renforcer ses connaissances rudimentaires sur la monnaie et l’arithmétique de base.

Mais sans conseils, ses efforts ne serviraient à rien, c’était un défi bien plus tumultueux pour quelqu’un sans éducation appropriée.

“Madame, le président de la guilde des marchands, est venu vous rendre visite.”

Max ferma le livre qu’elle lisait et sortit de la bibliothèque. Lorsqu’elle suivit Rodrigo dans le salon, un homme d’une trentaine d’années se leva de son siège pour la saluer.

“C’est un honneur de vous rencontrer, Madame Calypse. Mon nom est Aderon Thoner.” Le marchand incline la tête en signe de déférence.

Max pouvait à peine placer un sourire sur son visage. On l’avait informée que le marchand viendrait à elle, maintenant que la pluie s’est calmée, mais le fait de l’affronter la rendait extrêmement nerveuse. Mais peut-être était-ce davantage à cause des décisions qui allaient lui tomber sur les bras.

Max retint son souffle peu avant d’ouvrir la bouche. “Merci d’être venu malgré la pluie.”

“Ce n’est pas un problème, madame. Je m’excuse de ne pas vous avoir rendu visite assez tôt.” répondit le marchand en souriant généreusement.

Max s’est assise à la table en face de lui. Dès qu’elle s’est installée sur la chaise coussinée, elle se sentait encore trop anxieuse pour entamer une conversation. Bien qu’elle ait eu suffisamment d’occasions de parler après avoir été réunie avec, plutôt que le silence feutré que son père exigeait d’elle, elle ne devrait pas être trop nerveuse maintenant. Mais elle ne pouvait s’empêcher de se sentir sur les nerfs.

“J’ai entendu dire que vous prévoyez de rénover le château. Avez-vous un endroit précis par lequel vous voulez commencer ?”

Le marchand prit la parole avant Max, qui ne pouvait pas rapidement se résoudre à parler.

“Eh bien, je veux d’abord changer les fenêtres. Les couloirs sont trop sombres et beaucoup de chambres ont des fenêtres cassées.”

“Changer toutes les fenêtres du château pour de nouvelles augmentera considérablement le coût. Pensez-vous à des vitres à billes ?”

Max a imaginé les fenêtres transparentes du château de Croix. Elle ne savait pas qu’il existait différents types de verre.

“Le prix varie fortement en fonction du type de verre. Le verre de bouleau est le moins cher, tandis que le verre de cristal du continent sud est la variante la plus chère. Si vous le souhaitez, je peux préparer quelques échantillons pour vous les montrer la prochaine fois.”

“O-oui, j-j’aimerais beaucoup.”

“Y a-t-il d’autres choses que vous voudriez changer ?”

“Nous avons besoin de rideaux pour les fenêtre et d’un lustre pour la salle de banquet. Et aussi des tapis décoratifs pour le sol et les murs…”

Réalisant que cela pourrait être une affaire énorme pour lui, le marchand a souri d’une oreille à l’autre. D’un autre côté, Max a senti sa gorge se serrer. Riftan a bien dit qu’il paierait n’importe quel prix, mais voulait-il vraiment dire n’importe quel montant ? Ne sachant pas encore si elle devait poursuivre ce projet ambitieux, la marchande avait commencé à se précipiter sur ses plans. Impatient de le concrétiser et d’empocher la somme de pièces exorbitantes.

“Il faut un certain temps pour commander tous les articles que vous avez énumérés. Je reviendrai avec des échantillons dès que possible, au moment qui vous conviendra. Si vous le permettez, pouvez-vous me montrer les sols et les murs que vous avez l’intention de décorer, madame ?”

Max jette un coup d’œil à Rodrigo avec une légère inclinaison de la tête. Le marchand saurait mieux qu’elle ce dont le château a besoin.

Les deux hommes quittèrent le salon et se dirigèrent vers la plus grande salle de banquet du château. Rodrigo, un serviteur plus âgé et deux gardes les suivaient par derrière. Quand Aderon, le marchand, a regardé la salle, il a rapidement fait un long discours sur les besoins de chaque partie de la salle et sur les articles qu’ils devraient commander en plus.

Max fit de son mieux pour se souvenir de chaque mot qu’il mentionnait, avant-gardiste, disait-il, chaque pièce exotique qu’il énumérait promettait de l’exubérance à l’intérieur morne.

“Que pensez-vous de changer les carreaux de pierre en marbre ?” suggéra-t-il en regardant le sol avec désapprobation.

“Nous devrions travailler sur nos priorités d’abord…” commença Max, essayant de ne pas se laisser emporter par trop de détails.

Mais le marchand continuait d’agiter ses mains dans la pièce, ses mots rapides et contrastés par rapport à ceux de la jeune femme.

“Je pense que les carreaux de marbre au sol et une peinture murale, les murs devront être refaits à la chaux, seront fantastiques. Évidemment, je m’assurerai que seule l’excellence sera utilisée pour la rénovation.”

“Je vais devoir y réfléchir.” répondit-elle avec un sourire gêné.

“Je pense qu’il est nécessaire d’être extravagant et élaboré. C’est le château du plus grand chevalier du continent ! Ne convenez-vous pas qu’il mérite de vivre d’une manière digne des éloges de son titre ?” Le marchand répondit de manière passionnée, ce qui fit se figer Max, son sourire perfectible devenant presque de travers. ( Il est doué ce marchand… )