Rodrigo poussa un léger soupir.

“On dirait qu’après tant d’années de négligence, le Seigneur semble avoir oublié qu’un havre de paix au-delà des nids de monstres et du champ de bataille sanglant existe dans ce maigre Château, ces choses sont probablement insignifiantes pour lui.”

Max s’est intérieurement juré que cela ne resterait pas ainsi. La pièce fade devant elle s’animera dans un flamboiement de couleurs et de luxe, devenant l’une des salles de banquet les plus convoitées du continent. La noblesse se battrait bec et ongles pour obtenir une invitation à l’insaisissable château Calypse.

“S’il vous plaît, appelez les marchands dès que possible.” dit-elle, une résolution en tête.

Rodrigo acquiesça farouchement, il pouvait sentir sa détermination et cela l’impressionnait.

Elle passa ensuite en revue la salle de réception et la chambre d’amis, deux pièces presque identiques à la salle de banquet. Au moins, la chambre d’hôtes était légèrement accommodante avec son mobilier basique mais terne. Chaque chambre était équipée de lits solides et de couettes propres, de simples étagères bordant la fenêtre pour tout ce que l’occupant jugeait bon d’y placer. Il n’y avait pas assez de choses à examiner dans cette pièce simplement décorée, alors ils continuèrent à descendre au premier étage pour vérifier les quartiers des domestiques.

“Les domestiques masculins vivent dans un bâtiment séparé, et les servantes vivent dans un logement au rez-de-chaussée afin de pouvoir toujours répondre à l’appel de leur maître. Si madame a besoin de quoi que ce soit, il suffit de sonner la cloche de la chambre, les servantes viennent aussitôt, même au milieu de la nuit.”

Selon Rodrigo, le château Calypse n’emploie que 87 serviteurs, une force considérablement insuffisante pour gérer une forteresse gargantuesque, les terrains et les douves alentour. Pourtant, d’un autre côté, ce n’était peut-être pas un trop petit nombre, étant donné que le propriétaire l’avait laissé vide pendant si longtemps.

Différents visages défilèrent devant elle alors qu’elle était présentée par Rodrigo à certaines des servantes travaillant dans le château. Après avoir fait connaissance avec de nombreux visages qu’elle était sûre d’oublier le jour suivant, ils continuèrent leur visite vers la cuisine du château. Contrairement aux anciennes pièces qui étaient mortes et froides, l’énorme cuisine était le contraire, elle était chaude et pleine d’activité.

Max jeta un coup d’œil à la grande cheminée sur le mur de gauche, les flammes vacillant sous une marmite assez grande pour servir de bain. Encore plus sur le cerf rôtissant sur le feu du four ouvert sous la bouche d’aération, ou peut-être était-ce le délicieux parfum qui la faisait se concentrer sur ce dernier.

Sa silhouette immobile et debout contrastait avec le bruit des pieds des serviteurs qui travaillaient sans relâche. Certains pétrissent du pain, d’autres épluchent des pommes de terre, découpent de la viande fumée dans des assiettes et font la vaisselle, les bols étant empilés en tas près de l’évier.

“La cuisine est l’endroit le plus occupé du château. Les serviteurs n’ont pas le temps de se reposer lorsqu’ils préparent la nourriture des chevaliers et des gardes. Et à cause de la pénurie de travailleurs, presque tous les serviteurs du château doivent être équipés sur la cuisine dès que le déjeuner ou le dîner approche.”

“C’est donc pour ça qu’on n’a pas vu de serviteurs dans les autres pièces…”

Elle se jura de dire à Riftan qu’il devait engager plus de domestiques.

“Voulez-vous voir l’annexe maintenant ?”

Quand elle acquiesça, Rodrigo la conduisit à l’extérieur.

Immédiatement, sous l’éclat du soleil, un jardin sans vie l’accueillit. Un arbre solitaire se tenait à côté d’un pavillon non entretenu, la seule vie présente dans le sol étant les mauvaises herbes qui poussaient sur les parterres de fleurs.

Elle fronça les sourcils. Même si le Grand Hall est considéré comme la fierté du Seigneur, le jardin qui se trouve à l’entrée du château principal devrait quand même être emblématique. En tant que première chose que les invités voient, il devrait y avoir un étalage exorbitant et stupéfiant de fleurs, assez pour les aveugler. Après tout, les premières impressions laissent une impression durable.

Un secret était sur ses lèvres. La seule chose dont elle pouvait être sûre était son sens de l’aménagement paysager, c’était la passion de son père et cela signifiait qu’elle devait l’inculquer à son tour.

Même si je ne peux pas faire grand chose cette saison, je devrais au moins m’assurer que nous ne soyons pas ridiculisés.

“A-t-on un jardinier ?”

“Les domestiques se relaient pour nettoyer la cour et le jardin… mais il n’y a pas de jardiniers et d’architectes paysagistes officiels.”

Rodrigo a répondu en essuyant son front baigné de sueur froide.

Max savait que les serviteurs n’étaient pas à blâmer. C’était habituellement la responsabilité du Seigneur et de sa Maîtresse de meubler le château. Depuis que Riftan était parti pour une longue expédition, la gestion aurait dû lui revenir en tant qu’épouse… Les accusations d’hier que son mari lui avait lancées ont soudainement inondé son esprit comme un torrent inclément. ( Et toi t’a compris de travers, c’était pas vraiment un reproche, mais bon comme il parle brutalement )

“Montrez-moi l’annexe, s’il vous plaît.”

“Oui, madame. Venez par ici, s’il vous plaît.”

En suivant tranquillement les instructions de Rodrigo, ils passèrent devant le jardin gris et longèrent la petite allée sur le côté gauche de la Grande Salle. De vieux chênes leur offraient une ombre dense sur le chemin de terre, à l’abri de la chaleur impitoyable.

“L’annexe était la résidence principale du clan de feu Sir Anatol, mais maintenant elle a été remodelée et utilisée comme logement pour les apprentis.” ( Feu Sir, c’est pour dire qu’il est mort )

Max incline la tête avec curiosité. “Est-ce que le château C-calypse a beaucoup d’apprentis chevaliers ?”

“Il y en a environ trente. Après que le seigneur soit devenu le commandant des chevaliers, de nombreux aristocrates ont envoyé leurs fils et leurs filles s’entraîner sous sa tutelle. À la fin de leur apprentissage, ils sont initiés comme membres des Chevaliers Remdragon.”

Le majordome, qui ouvrait la marche, s’est soudainement arrêté dans ses pas. Ils s’arrêtèrent près d’un grand champ ouvert au bout du chemin. Des garçons, à peine considérés comme des adultes avec leurs visages reflétant leur jeunesse, étaient tous alignés, chacun d’entre eux brandissant une épée en bois qui semblait inoffensive mais dont Max savait qu’elle produirait quelques dégâts.

“Oh, c’est l’heure de l’entraînement.” il se tourne alors vers elle, lui demandant son avis. “Que faisons-nous, madame ? Voulez-vous accueillir les apprentis ?”

“Oh, non… Je ne veux pas les déranger. Nous pouvons revenir plus tard…”

Une gêne soudaine jaillit en elle de nulle part, et elle s’arrête brusquement de parler. Les larges épaules de Riftan, qui se tenait droit comme un bâton devant les garçons, ont attiré son attention.

“Je suppose que le Seigneur supervisé leur formation.”

Le majordome s’est également retrouvé debout à l’ombre de l’arbre et a dit d’une voix tendue.

“Je crois que c’est une bonne idée de retourner en arrière, madame. Le seigneur n’aime pas que des spectateurs soient présents pendant les séances d’entraînement.”

“Oh, alors allons-y.”

Elle espérait que la déception ne transparaissait pas dans sa voix. Alors qu’elle se retournait vers le château à la demande de Rodrigo, elle sentit la paume rugueuse familière d’un homme saisir son poignet délicat.