Max avait besoin de s’occuper. Son inactivité lui rappelait les souvenirs de son séjour au château de Croix et lui donnait l’impression de stagner. Elle décida alors de se rendre à la cuisine et de superviser les domestiques pour voir si le dîner se passe bien. Au moment où elle descendait des escaliers et se dirigeait vers le hall, une voix épaisse l’appela par-dessus son épaule.
“Dame Calypse !”
Max a déplacé son regard vers la source de la voix. Les chevaliers Gabel Laxion et Lombardo traversent la porte grande ouverte. Leurs expressions sérieuses ont rendu Max nerveuse.
“Qu… Qu’est-ce qui se passe ? A cette heure de la journée… ?”
“Je m’excuse de vous appeler si soudainement. Il y a quelqu’un de blessé, pourriez-vous gentiment l’examiner ?” Ils passèrent à travers les domestiques qui nettoyaient les sols du hall et coururent droit vers elle. Max est décontenancée, ses yeux s’écarquillent.
À l’époque où elle venait de commencer à pratiquer la magie de guérison, elle s’occupait souvent de chevaliers blessés et n’avait jamais connu l’épuisement de son mana. Cependant, depuis l’incident de l’épuisement du mana, de tels échanges ont cessé.
Ce doit être quelque chose de sérieux pour qu’ils aient décidé de lui faire une telle demande. Max se sentit embarrassée et ouvrit précipitamment les lèvres pour parler.
“Que diriez-vous de… R-ruth ?”
“Le magicien est sur le site de construction en ce moment. Je ne veux pas vous accabler, madame, mais je n’ai pas le temps d’aller en ville pour trouver un autre guérisseur.”
Ils étaient pressés et n’ont pas attendu la réponse de Max pour la conduire rapidement à la porte. Max a presque trébuché dans la précipitation alors qu’elle essayait de suivre le rythme des grandes enjambées des chevaliers.
“Comment… Qui a été blessé ?”
“Ce sont les chevaliers qui ont été envoyés en reconnaissance à Libadon l’hiver dernier. Il semble qu’ils aient été attaqués par des loups-garous au-delà du territoire d’Anatol alors qu’ils rentraient. L’un d’entre eux a été mordu et infecté par du venin…”
Gabel gloussa légèrement la langue et jeta tardivement un regard inquiet à Max.
“Savez-vous comment utiliser la magie pour les blessures impliquant du venin ?”
“J’ai étudié la formule magique. Mais je n’ai pas encore eu l’occasion de pratiquer…”
“Vous pourrez essayer cette fois-ci.”
Gabel a craché sans hésiter, puis a commencé à glisser le long de la rampe de l’escalier. Max s’est précipitée à sa poursuite mais a dû tirer l’ourlet de sa robe sur le côté pour s’empêcher de tomber.
“Plutôt… Ne serait-il pas préférable d’attendre le retour de Ruth ?”
“Si nous retardons encore, le venin va se répandre et il sera incapable d’utiliser sa main droite pour le reste de sa vie. Sa vie de chevalier sera terminée. Nous ne vous en voudrons pas si vous échouez, mais essayez d’abord.”
Lombardo a craché d’un ton qui ressemblait plus à une contrainte qu’à une demande. Max déglutit sèchement. Les chevaliers ont jusqu’ici vécu en essayant de cacher la moindre blessure, maintenant qu’ils viennent lui demander de l’aide pour un problème aussi grave, elle ne savait pas si elle se sentirait heureuse ou accablée par ce qu’on attend d’elle.
Et si je ne pouvais pas le soigner ? Elle suivit les chevaliers à travers le jardin et tendit ses paumes humides pour les essuyer contre sa jupe. Ils franchirent les portes et se dirigèrent directement vers les dortoirs.
“Par ici.”
Max est entrée dans le bâtiment en bois pour les suivre, elle s’est raidie en voyant la situation à l’intérieur de la pièce rendue sombre par d’épais rideaux. Lorsque le chevalier a allumé une bougie, un espace désolé avec trois ou quatre lits de camp est apparu. La pièce semble avoir été conçue au hasard pour accueillir uniquement ceux qui ont été blessés pendant l’entraînement.
En suivant les chevaliers, elle a vu une étagère remplie d’herbes médicinales et de bouteilles de médicaments inconnus, un brasero émettant une faible lumière, et une bouilloire bouillante.
Ses épaules se sont levées devant ce paysage sinistre, sa tête a tourné d’un côté à l’autre, puis elle a entendu un faible gémissement. Max se tourne vers le son et voit un jeune chevalier allongé sur le lit le plus éloigné.
Elle s’est approchée de lui et a froncé les sourcils, “Il fait sombre, donc je ne peux pas bien voir les blessures. Est-ce que les rideaux peuvent être enlevés ?”
“Le venin des loups-garous rend les nerfs extrêmement sensibles. L’exposition à la lumière du soleil intensifie la douleur, donc la lutte sera plus douloureuse. Tenez, laissez-moi allumer une bougie à la place.”
Gabel expliqua brièvement et alluma un chandelier à côté du lit. La faible lumière a révélé le torse nu du chevalier. Max baissa les yeux d’un air tendu, confirmant que la taille de la blessure n’était pas plus importante que ce à quoi elle s’attendait, ses épaules se relâchèrent un peu. Il y avait une profonde marque de morsure sur son avant-bras, heureusement, l’os ne semblait pas être endommagé. Cependant, l’infection était sérieuse.
Max a placé le dos de sa main contre le visage du jeune homme, ses sourcils se sont froncés à la chaleur de sa température corporelle.
“L’antidote… il-il l’a pris ?”
“Il l’a immédiatement pris quand il a été mordu, mais le monstre qui l’a mordu semble être une élite, l’antidote ne fonctionne pas.”
Max a tourné la tête à la voix inconnue. Un jeune chevalier au visage émacié est entré dans l’infirmerie, portant une flasque. Sir Lombardo lui a rapidement pris la flasque des mains.
“Je t’ai dit de faire une pause et de laisser les serviteurs s’occuper de ces corvées.”
“Je vais bien. Par contre, ce type a été mordu pendant qu’il m’aider. C’est à moi de m’occuper de lui.”
Le jeune chevalier s’est entêté à répondre, saisissant la flasque, et s’approchant du chevet du malade. Il a ensuite imbibé une serviette d’eau et a commencé à essuyer le corps du chevalier inconscient. Lorsque la serviette froide rencontra le corps fiévreux du jeune homme, un faible gémissement en sortit. Sir Lombardo regarde la scène avec irritation et se tourne vers Max avec urgence.
“Dépêchez-vous, s’il vous plaît. Si le venin se répand encore, son bras sera définitivement endommagé.”
“Je… Je vais essayer.”
Elle inclina le chandelier avec un visage tendu, examinant soigneusement l’état du bras mordu par le monstre. Elle avait déjà vu un loup-garou mordre auparavant, mais c’était très différent de celui-ci. Une odeur fétide se dégageait des deux marques de dents piquées, si profondes qu’on aurait dit qu’elles avaient été clouées avec un maillet. L’ecchymose sur son bras ressemblait à une peinture rouge-violet foncé étalée et enflait comme une saucisse dodue.
Serai-je capable de le guérir correctement ? Max essaya de se rappeler la magie qu’elle avait apprise de Ruth en plaçant sa main tremblante sur la blessure. Guérir les blessures infectées par le venin consomme moins de mana que la magie de guérison, mais le processus et l’exposition sont plus complexes.
Elle a essayé de tirer son mana selon la façon dont elle se souvenait de la formule inconnue, mais contrôler le mana n’était pas aussi facile qu’elle le pensait. Elle a dessiné la formule magique deux fois. La tension était évidente sur les visages des chevaliers et ils observaient tranquillement à ses côtés, remarquant qu’elle rencontrait des difficultés pendant le processus.
“Est-ce… difficile ?”
“Je… je vais essayer encore une fois…”
Max murmura d’une voix traînante, son visage devenant rouge à cause de l’effort qu’elle faisait. Elle se sentait pleine de regrets, pensant qu’elle aurait dû pratiquer cette variante de la magie au lieu de perdre son temps à s’apitoyer sur son sort. Max avait peur que si elle ne parvenait pas à guérir ce jeune chevalier, la confiance qui s’est construite entre elle et tous les chevaliers s’effrite. Une lumière bleue brumeuse a été émise et s’est enroulée autour du bras du chevalier, et elle a commencé à dessiner des motifs complexes.
Le pouvoir magique qui a coulé dans le corps du chevalier a purifié le sang contaminé par le venin et l’a évacué du corps avec l’aide de la formule magique que Max a dessinée. Constatant que la formule fonctionne, Max expire avec un long soupir de soulagement. Après un moment, l’énergie rouge sombre autour du bras du chevalier et son gonflement furieux se sont calmés.
“C’est… fini.”
Max retira lentement sa main en sentant que l’énergie sombre était complètement éradiquée de la blessure. Gabel a pris un chandelier et a regardé attentivement le teint du chevalier. Il a ensuite soudainement tiré les rideaux et la lumière vive du soleil a inondé la pièce, faisant plisser les yeux et froncer les sourcils de Max.
“Il ne réagit pas agressivement à la lumière du soleil. Il semble que la magie ait fonctionné, et que le venin ait complètement disparu.”
“Ce n’est pas certain, il peut rester du v-venin et de l’énergie noire… il aura besoin de plus d’antidote. Auriez-vous l’amabilité de faire bouillir des herbes médicinales ?”
“Je vais les préparer.”
L’autre chevalier qui s’agitait à ses côtés commença rapidement à faire du thé, mettant des herbes et des feuilles dans une bouilloire. Max s’est assise près de la fenêtre et a soupiré un moment pendant que le thé bouillait. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas utilisé la magie, alors elle se sentait légèrement fatiguée, mais elle ne ressentait pas de vertiges comme lorsqu’elle épuisait son mana.
Max mesura son mana restant, ayant pensé qu’elle pouvait se permettre d’utiliser la magie de guérison, elle l’appliqua sur le chevalier. Alors que les marques de morsures sur l’avant-bras du chevalier guérissaient rapidement, le visage du jeune homme commençait à avoir meilleure mine.
“Nous vous sommes reconnaissants d’avoir fait autant, c’est au-delà de la faveur. Madame devrait aussi boire le thé qu’il infuse, les racines médicinales qu’il contient aident aussi à restaurer le mana.”
“M…Merci.”
“Nous devons exprimer correctement nos salutations reconnaissantes envers vous. Merci d’avoir sauvé la vie de ce jeune chevalier.”
Aux mots polis de Gabel, le visage de Max est devenu rouge. Entendre de tels mots d’appréciation de la part des autres était comme une douce pluie au milieu d’une sécheresse, une pause dans l’oppression des pensées terribles. Max marmonne avec un visage timide tout en sirotant la tisane fumante.
“C’est b-bien… si j’ai été utile.”
“Vous êtes extrêmement utile. Si l’aide avait été tardive, le venin se serait répandu, et son bras aurait été définitivement inutilisable. Sir Ruth n’est pas dans le coin, heureusement pour ce type, ma Dame est capable d’utiliser la magie de guérison.”
Il fronça soudain les sourcils et regarda le chevalier titulaire.
“Vous n’étiez pas obligé de retourner au château immédiatement, vous auriez dû prioriser le fait d’aller voir le guérisseur sans attendre.”
“Nous sommes entrés dans Anatol par l’avant. Nous avons décidé qu’il valait mieux aller au château immédiatement que de descendre la colline et de passer par le village. De plus, il a insisté pour que, quoi qu’il arrive, nous allions directement au château. Je ne savais même pas que le venin s’était répandu plus que je ne le pensais.”
Le chevalier qui transpirait tout en remuant le thé dans la bouilloire réfuta avec une expression pleine de préjugés.
“Avez-vous découvert quelque chose là-bas ?”
Le chevalier a alors hoché la tête avec une expression ferme.