Le lendemain, Agnès et ses hommes ont commencé à se préparer pour leur voyage de retour au Palais. Avec l’aide de Rodrigo, Max passa en revue la liste des bagages tout en coordonnant les serviteurs pour préparer le départ de leurs invités.

Le plan initial était de consulter Riftan pour offrir un cadeau au Roi, mais les os et la peau du monstre prenaient la plupart de l’espace disponible dans les calèches. De plus, entre le butin d’Agnès lors des raids de monstres et les achats qu’elle avait faits en ville, les serviteurs ne pouvaient placer que quatre tapisseries et six verres à vin incrustés de rubis dans divers endroits.

“Avez-vous inspecté les carrosses ?” Max a demandé à Rodrigo.

“Oui, ma Dame. J’ai remplacé une des roues et nourri les chevaux. Les forgerons ont également prévu de vérifier les fers à cheval avant le départ.” Max continua à parcourir la liste de colisage pendant que Rodrigo l’informait. Il l’a regardé tranquillement pendant un moment avant de dire nerveusement. “Ma Dame, cela ne fait pas longtemps que vous avez récupéré. Si vous avez besoin de repos, laissez-moi le faire.”

Max lui a fait un sourire aigre. La personnalité surprotectrice de Riftan semblait s’être répandue parmi les serviteurs. C’était maintenant un thème récurrent pour quelqu’un de lui demander de se reposer chaque fois qu’elle était occupée.

Elle bougea son corps mince, regardant la jupe de sa robe verte pâle osciller faiblement. Avait-elle l’air malade ? Elle savait qu’elle n’avait pas l’air particulièrement forte, mais elle ne se briserait pas non plus en se tenant debout. Max a relevé la tête et a dit avec assurance.

“Je ne suis pas malade. Je me suis suffisamment reposée, merci. Je vais bien maintenant.”

“Je suis heureux de l’entendre, ma Dame, mais s’il vous plaît, ne vous surmenez pas.”

“Oui, je sais.” dit Max avec ironie, imperturbable par les paroles du majordome. Elle se tourna pour se concentrer sur les serviteurs qui s’affairaient dans le château. Elle voulait aider le personnel occupé et ne voulait pas être traitée comme une vieille femme faible. Elle avança dans le couloir avec une expression nonchalante pour paraître professionnelle.

Agnès et ses chevaliers inspectaient leurs armes, artefacts magiques et autres équipements près de la Grande Salle. Un chevalier avait dit à Max que la traversée des montagnes d’Anatolie était déjà en soi un voyage dangereux, ils devaient donc se préparer à des embuscades de monstres. Les chevaliers ont revêtu leurs chevaux d’une armure de protection et ont installé des lames tranchantes sur les toits plats des chariots pour empêcher les monstres de s’y percher. Enfin, les chevaliers ont commencé à vérifier les défauts de leurs armures personnelles. Même les assistants étaient légèrement armés d’épées et d’armures de cuir. Au lieu de rentrer à la maison, le groupe avait l’air de partir à la guerre.

“Maximilien !” Agnès l’a salué joyeusement. “Merci d’avoir aidé mes hommes et moi à faire nos bagages.”

“Oui. S’il vous plaît, faites-moi savoir s’il y a autre chose dont vous avez besoin.”

“Nous avons juste besoin d’assez de nourriture et d’eau pour atteindre le domaine du Baron Luvein. Plus de marchandises, et il sera dangereux de manœuvrer. Le poids supplémentaire ralentira notre mouvement.” Agnès a regardé la liste de colisage de Max et a hoché la tête en signe d’approbation. “Ça semble exact.”

“V-vous avez demandé des médicaments ce matin ?”

“Trente shekels de potion de désintoxication (environ 330 grammes), et vingt shekels de potion de récupération (environ 220 grammes) suffiront.” répondit Agnès.

Max nota les quantités avant de remettre la liste à Rodrigo. La princesse observa la transaction avec un sourire triste.

“J’ai mal à la tête depuis l’aube. J’ai envisagé de prolonger mon départ de quelques jours, mais mon père a envoyé un message urgent.” Elle soupira, faisant signe à un faucon messager posé sur l’un des carrosses.

Les yeux de Max s’écarquillèrent. “Qu-quelque chose s’est passé à la capitale ?”

“Le drame typique. Une autre dispute territoriale.” Agnès se frotta le front. “Après la saison des pluies, les imbéciles qui sont restés enfermés toute la journée ont tendance à faire du bruit, comme s’ils étaient des ours qui se réveillent de leur hibernation. Il n’y a vraiment jamais de jour paisible.”

Le cœur de Max se serre. Elle se souvenait que les chevaliers de Croix quittaient souvent le domaine pour l’une des campagnes de son père. Les chevaliers semblaient passer la plupart de leur vie sur le champ de bataille.

“R-Riftan devra aussi partir a-un moment donné.” Max a dit profondément, en essayant de cacher son découragement.

“Oui, si le conflit prend de l’ampleur au point de nécessiter les Chevaliers de Remdragon.” dit Agnès avec son attitude habituelle et joyeuse, en vérifiant que les marchandises sont bien fixées sur sa selle. Max se cacha le visage, essayant de revoir la liste de colisage, mais ses yeux étaient trop brouillés par les larmes pour lire les mots correctement. Elle se mordit la lèvre pour cacher sa déception.

“Quand ce temps viendra, Maximillian, tu pourras venir aussi.”

Max a relevé la tête. “M-m-moi ?”

“Tu n’es pas un sorcier ?” Agnès incline la tête, surprise par sa réponse. “Si une crise est assez importante pour nécessiter l’aide de Riftan, son groupe aura également besoin de magie de guérison. Il y a trop de conflits dans ce monde et pas assez de sorciers pour les soutenir. Il pourrait avoir besoin de ton aide bientôt, Maximilien.”

“Oh, je ne suis pas sûr que je puisse être utile. Je n’ai commencé à apprendre la magie qu’il y a quelques temps. La dernière fois que j’ai utilisé la magie de guérison, je me suis évanoui. Je ne semble pas avoir beaucoup de mana.”

“Ta magie va s’améliorer de façon exponentielle avec la pratique.” a dit Agnès, en fronçant les sourcils. Elle semble s’être attendue à une réponse plus enthousiaste de la part de Max. “J’ai entendu dire par les chevaliers que tu as commencé à apprendre la magie il y a seulement quelques mois. Tu as fait des exploits impressionnants en tant que débutante, Maximilien.”

“Je n’ai fait que de simples sorts de guérison. Ruth fait beaucoup d’autres types de magie. J’ai essayé d’autres branches de la magie avec lui, mais je n’ai pas beaucoup avancé.”

“Il n’est pas rare que les sorciers excellent dans certaines branches. Très probablement, Maximilien, tu as une affinité pour la magie de guérison. Si tu t’entraînes pendant quelques années et que tu prends quelques risques en dehors du château, je ne doute pas que tu deviendras une grande guérisseuse dans quelques années.” Agnès semblait tellement convaincue du potentiel de Max que même elle commençait presque à se demander si elle n’avait pas un talent inné. La princesse baisse la voix pour encourager Max : “N’abandonne pas les talents que Dieu t’a donnés.”

Max regarde fixement les yeux bleus d’Agnès, ne sachant plus quoi dire. Elle avait vécu presque vingt-deux ans en étant traitée de bègue inutile par son père. Depuis qu’elle était arrivée à Anatol, elle faisait semblant d’agir comme une noble distinguée, et était souvent découragée par ses piètres performances. Pourtant, maintenant, un puissant sorcier comme Agnès qui avait voyagé à travers tout le continent disait que Max avait un don. Elle a regardé la princesse nerveusement, essayant de voir si elle pensait vraiment ce qu’elle avait dit. L’expression d’Agnès était tendre, mais son regard était ferme. Elle semble sincère.

Max déglutit avant de dire : “Je vais faire de mon mieux.”

“Tu peux le faire.” Agnès a souri, essayant de la motiver, puis elle a légèrement tapé sur son épaule avant de vérifier ses chevaliers.

Tu peux le faire. Ces simples mots ont semblé produire une ondulation dans l’esprit de Max, comme si elle faisait germer l’idée nouvelle qu’elle pouvait contrôler son avenir.

***

Un dîner extravagant a été organisé dans la salle à manger comme une fête d’adieu informelle pour les invités. C’était un peu trop simple pour appeler cela un festin, mais les invités ont apprécié leur repas sans se plaindre. Tous les chevaliers Remdragon étaient présents pour souhaiter bonne chance à Agnès et ses hommes pour leur voyage. Après une courte cérémonie d’adieu, les chevaliers se sont alignés à l’extérieur du château.

Agnès sauta sans attendre sur son cheval brun-rouge, désireuse de camper au pied des montagnes avant le coucher du soleil.

“Je vous remercie tous pour votre générosité. J’ai passé un moment merveilleux.” sourit Agnès à Max. Elle remerciait son hôte comme l’étiquette l’exigeait, comme on l’attendait d’une princesse.

“N-non. J’aurais aimé être une meilleure hôtesse.”

“Mettons fin aux formalités ici.” La princesse regarda par-dessus son épaule, s’assurant que son groupe était prêt à partir. Trois carrosses bien remplis et ses assistants étaient derrière elle, ses chevaliers à sa gauche et à sa droite la regardaient tous, prêts à recevoir l’ordre de partir. Six Chevaliers Remdragon supplémentaires avaient temporairement rejoint le groupe d’Agnès. Ils avaient reçu l’ordre de Riftan d’escorter Agnès en toute sécurité hors d’Anatol. “Nous devrions y aller.”

Hebaron, qui faisait partie de son entourage, a fait un énorme sourire tout en se grattant le dos.

“Tu es venu comme un typhon en faisant du désordre et maintenant tu pars comme le tonnerre. Est-ce que tu dois faire une grande impression à tous ceux qui croisent ton chemin ?”

“C’est vrai que je déteste l’idée de partir sans désordre.” a répondu Agnès.

“C’est parce que tu es trop impatiente et imprudente.” Riftan, debout au premier rang, les bras croisés sur la poitrine, marmonnait cyniquement sous sa respiration et Agnès riait comme si les soupçons de Riftan étaient ridicules.

“Le Seigneur Calypse est la dernière personne qui devrait m’apprendre la patience.”

“Ne pense même pas à discuter de patience avec moi.” a prévenu Riftan. “Je n’ai pas élevé la voix contre toi une seule fois. J’ai enduré ta présence ces dernières semaines pendant que tu essayais de me contraindre avec tes plans.”

“Tu n’as pas élevé la voix ?” Agnès le répète, déconcertée. ( Euh… disons qu’il l’a pas trop fait mdr )