Si les joueurs n’avaient pas débattu et qu’un seul s’était plaint, Pei Qian aurait pu faire semblant de ne rien entendre. Ainsi, il n’aurait rien eu à faire. Cependant, au vu de la tournure des événements, s’il continuait à ne rien faire, les joueurs ne le laisseraient sûrement pas tranquille.
Les joueurs risquaient de se mettre en colère et de mener une enquête approfondie sur Ghost General . Cela le mettrait dans une situation délicate !
L’une des règles du Système stipulait qu’il ne pouvait révéler ou laisser entendre l’existence du Système à quiconque. Cela signifiait que Pei Qian ne pouvait faire des choses illogiques ou absurdes qu’en secret, mais il ne pouvait pas permettre au grand public de devenir suspicieux à son sujet !
Il n’était pas logique que Pei Qian ne mette pas à jour Ghost General , étant donné que ce jeu était si rentable. Si ce n’était pas pour le fait que tant de gens suivaient de près le jeu, Pei Qian aurait pu s’en sortir.
Cependant, si cette affaire prenait de l’ampleur et que des gens, dans ou en dehors de l’industrie, devenaient méfiants, l’inaction de Pei Qian pourrait être interprétée comme une violation des règles.
Pei Qian ne pouvait pas se permettre de prendre ce risque.
Ainsi, après quelques secondes de réflexion, il décida qu’une fois Game Designer terminé, il envisagerait de mettre à jour Ghost General . Dans tous les cas, il pourrait acheter quelques animations de cartes et quelques nouveaux modèles de fonctions aléatoires à ajouter au jeu. Ensuite, il fixerait un prix bas et considérerait le travail comme accompli. Il réfléchirait aux problèmes de règlement la semaine suivante.
Quoi qu’il en soit, à ce moment-là, il devrait trouver de nouvelles façons de perdre de l’argent !
Alors qu’il réfléchissait à tout cela, il arriva au cybercafé attrappe-pigeons . À l’entrée, quelques ouvriers s’affairaient à installer la devanture. Au-dessus de l’entrée principale, une grande paroi vitrée arborait un logo étrange et excentrique.
Au centre du logo, un pigeon gothique* à l’apparence grotesque. Il ressemblait à un emoji transformé en insigne. Le pigeon avait un air légèrement coquet, et sa queue semblait presque se métamorphoser en queue de dragon.
Au-dessus du pigeon gothique se trouvait une lettre « M » abstraite. Elle ressemblait vaguement à une aile étendue, cherchant à gratter une démangeaison. Elle évoquait aussi une couronne posée sur la tête du volatile. Derrière ce logo trônait une énorme lettre « Y », qui maintenait l’ensemble.
Pei Qian observa attentivement ce logo.
Humph, c’est chic mais absurde, absurde mais unique. Ce logo immense était la seule chose visible sur la devanture. Aucune inscription en mandarin ou en anglais n’accompagnait ce dernier.
Pei Qian supposa que c’était sûrement l’œuvre de Ma Yang.
Il avait probablement engagé quelqu’un pour concevoir et personnaliser ce logo. Pei Qian se demandait quel genre de requête artistique peu fiable Ma Yang avait pu donner à ce designer. L’absence de texte sur la devanture correspondait parfaitement aux attentes de Pei Qian.
Les passants ne comprendraient absolument rien en voyant cette boutique. Ils ne pourraient même pas deviner ce qui s’y faisait !
Pei Qian entra dans le cybercafé et regarda autour de lui. Les travaux de rénovation étaient presque terminés. Deux personnes nettoyaient l’endroit.
Il avait déjà acheté les chaises, les tables et d’autres meubles. Des cartons jonchaient différents coins du café. Zhang Yuan, penché sur son travail, installait les ordinateurs. Deux jeunes hommes l’aidaient. Pei Qian devina qu’ils étaient fraîchement recrutés.
« Comment ça va, Frère Qian ? Satisfait ? » demanda Ma Yang avec un large sourire en entrant dans le café.
Pei Qian hocha la tête. « Hum, ça a l’air plutôt bien. »
« Avez-vous des demandes ou des instructions ? Voyez si l’emplacement du comptoir vous convient. Que pensez-vous des chaises et des tables ? Et cette bibliothèque ; quel genre de livres souhaitez-vous y mettre ? »
Ma Yang parcourait le café internet, un sourire satisfait sur le visage. Trente pour cent de lui cherchait l’approbation de Pei Qian, mais les soixante-dix pour cent restants voulaient simplement se vanter de son travail.
Il voulait montrer à quel point il avait parfaitement exécuté la tâche !
Pei Qian observa attentivement chaque recoin du café internet. Tout avait été fait selon ses directives, et même mieux que ce qu’il avait imaginé.
Dans l’espace café , ou plutôt, la zone du bar, le comptoir se trouvait à proximité immédiate des ordinateurs. Les clients pourraient y commander diverses boissons, alcoolisées ou non. De l’autre côté, une petite scène équipée de plusieurs micros était prête pour des séances de chant.
Les murs restants étaient bordés de bibliothèques, conférant à l’endroit une allure très cultivée. En voyant ces étagères vides, Pei Qian sentit qu’il devait intervenir.
Il compta mentalement le nombre de livres nécessaires pour les remplir. Des milliers, au bas mot. Si le café devait adopter un style japonais, il faudrait inévitablement investir dans des mangas ou des romans populaires en ligne.
Mais Pei Qian exclut immédiatement cette idée .
Remplir ces étagères de mangas risquerait d’attirer les « baleines de l’animation » ! Comme le dit le proverbe : « La collection d’un otaku peut coûter autant qu’une maison à Pékin. » On ne pouvait sous-estimer leur pouvoir d’achat !
Il était hors de question de transformer cet endroit en paradis pour otakus.
Pei Qian toussota et pointa les bibliothèques :
« Mon bon vieux Ma, retiens bien ça. Ce n’est pas les livres qui comptent, mais… »
Ma Yang l’interrompit : « La solitude ? »
« Quelle solitude ? C’est l’attractivité ! Ce qui compte, c’est l’attractivité ! » Pei Qian en resta bouche bée.
« Oh, l’attractivité, bien sûr, » acquiesça Ma Yang en hochant vigoureusement la tête.
« Les mangas et les romans ? Hors de question ! Nous voulons des livres hautement attractifs… achète-en autant que possible et remplis ces étagères. »
Ma Yang demanda, perplexe : « Donnez-moi quelques titres pour commencer ? »
Pei Qian hocha la tête et répondit : « D’accord, laisse-moi réfléchir.
Une brève histoire des tracteurs ukrainiens, Manuel pour conducteurs de petits tracteurs, Construire un tracteur pour ma patrie, Le récit du chef de la station de tracteurs et de l’agronome en chef, Utilisation et entretien des tracteurs manuels… »
Ma Yang écarquilla les yeux, stupéfait : « Frère Qian, pourquoi autant de livres sur les tracteurs ? »
Pei Qian, sérieux, expliqua : « C’est une manière de rendre les choses attractives ! Seules des personnes vraiment exceptionnelles apprécieront cela. Compris ?
« Ah, oublie ça. C’est trop demander que tu comprennes. Va sur internet, cherche “bibliothèques des jeunes prétentieux et cultivés” et achète les titres que tu ne comprends pas ! Sinon, rends-toi dans une vieille librairie et sélectionne des livres usés et déchirés. Plus ils ont l’air vieux, mieux c’est ! »
« Oh, d’accord, » répondit Ma Yang, hochant la tête à plusieurs reprises.
Ils se tournèrent ensuite vers la cuisine.
Bien qu’ils n’aient pas encore choisi de chef, de nombreux grands cuisiniers avaient postulé. Le salaire était attractif, et vu l’apparence du lieu, il semblait évident qu’il n’y aurait pas beaucoup de cuisine à faire.
« Choisis un chef comme je te l’ai décrit : pas un expert en cuisine japonaise ou française. Je veux juste quelqu’un qui sait préparer de bons plats faits maison. Compris ? » Pei Qian, inquiet, insista auprès de Ma Yang.
Ma Yang tapa sur sa poitrine : « Vous pouvez compter sur moi ! »
Pei Qian hocha la tête, satisfait : « Parfait ! »
Il fit un tour du café internet, ravi. L’endroit semblait prêt… prêt à générer des pertes monumentales !
Pei Qian se tourna vers Ma Yang, ému : « Ma Yang, sans toi, je ne saurais pas quoi faire ! »
Ma Yang sourit de toutes ses dents : « Ah, arrête, tu me fais trop d’éloges ! Si tu continues, je vais prendre la grosse tête ! »
Pei Qian rit : « Pas de problème. Sois aussi arrogant que tu veux. Ce n’est pas dans ton style de rester discret. »
Pei Qian retourna dans la zone principale du cybercafé. Zhang Yuan travaillait avec une rapidité impressionnante pour installer les ordinateurs, mais malgré tous ses efforts, il n’en avait terminé qu’à peine la moitié.
Pei Qian s’installa devant un ordinateur déjà allumé, en prenant un au hasard.
L’expérience était exaltante !
Il y avait beaucoup d’espace sur le bureau. La chaise de gaming était incroyablement confortable. Le clavier et la souris étaient manifestement de haute qualité ; leur texture en témoignait.
Eh bien, c’était le résultat d’avoir dépensé autant d’argent.
« Souviens-toi : chaque table doit être équipée d’un petit paquet de serviettes haut de gamme. Les clients pourront s’en servir pour se nettoyer les mains et le visage avant de jouer. Ils pourront aussi les utiliser pour essuyer la souris. Je ne veux pas qu’ils salissent les souris ou les casques.
« Évidemment, si cela arrive, on n’aura pas d’autre choix que de tout remplacer, » ajouta Pei Qian avec un soupir d’impuissance.
Ma Yang hésita. « Ça marcherait, ça ? Est-ce que les clients prendront l’habitude de s’essuyer les mains avant de jouer ? »
Pei Qian réfléchit un instant. C’était vrai ; on ne pouvait pas vraiment compter sur les clients pour utiliser spontanément les serviettes humides.
C’était irréaliste.
« Voici ce qu’on va faire : dès qu’un client s’assoit devant un ordinateur, un serveur lui apportera immédiatement une serviette propre et chaude. Comme dans les restaurants haut de gamme. Ces serviettes devront être impeccablement propres et bien chaudes pour tuer les bactéries. Trouve quelqu’un pour s’occuper de ça ! »
Les yeux de Ma Yang s’écarquillèrent. « C’est… pas un peu trop luxueux ? »
Pei Qian secoua la tête. « Tu crois qu’on gère quoi, ici ? Un centre de divertissement haut de gamme ! Les clients que nous visons viennent tous de familles riches. Nous devons leur offrir un service irréprochable, tu comprends ? »
À cet instant, une autre idée traversa l’esprit de Pei Qian, et il poursuivit : « Ah, et une autre chose : il est interdit de fumer ici. Nulle part, pas même une zone dédiée. S’ils veulent fumer, ils devront sortir. »
« Quoi ? »
Ma Yang, surpris, pensait que le café internet serait comme les autres, avec des zones fumeurs et non-fumeurs. Il s’apprêtait même à installer des panneaux pour les délimiter. Mais Pei Qian venait de lui interdire catégoriquement de le faire.
« Mais— »
Pei Qian l’interrompit : « Pas de “mais”. On a un endroit aussi beau ; tu veux vraiment qu’il soit envahi par la fumée ? Ah, et pense à ça : installe un système de ventilation d’air frais. Dans un quartier aussi fréquenté, il faut renforcer la circulation de l’air. »
*Fish-catching, le nom de l’enseigne en anglais se traduit par attrappe pigeon en français. L’enseigne originale était la description d’un poisson salé qui en argot chinois représente un cadavre, mais adapté ici pour correspondre à la traduction.