Chapitre 22 : Cette goutte d’eau serait-elle de la Puissance de Souverain ?
Salomon avait désormais le choix entre utiliser sa goutte de Puissance de Souverain pour tuer ses adversaires ou pour leur faire peur afin qu’ils le laissent partir. D’une manière ou d’une autre, il était tiré d’affaire. Cependant, son atout n’en était plus un puisqu’il avait été révélé au grand jour.
Cette pensée le rendait furieux.
Il jeta un coup d’œil en coin à Elquin et Inigo : de toute évidence, tous deux avaient très envie de cette goutte de Puissance de Souverain mais ils n’étaient pas certains de pouvoir la lui prendre.
– « Les Pierres d’Encre et les Azurites du Royaume Infernal ayant toutes été créées par les Souverains de la Destruction, cette goutte d’eau noire est spécifiquement relative à la Puissance de Souverain de la Destruction. Or c’est précisément la voie dans laquelle je me forme. Associer les deux ne fera que décupler mon pouvoir. »
Le visage d’Elquin était vraiment terrible à voir.
Le Royaume Infernal comptait une multitude de nombreux puissants experts, les Démons Sept Etoiles étaient considérés comme des experts suprêmes. Il y avait aussi les Asuras, au nombre de 108, – les plus grandes figures qui puissent parcourir tout le royaume – et les anciens Asuras.
Mais pour pouvoir se tenir au sommet, il fallait remplir au moins l’une des conditions suivantes :
1. Comme Aiken, être capable de raffiner de la Puissance de Souverain. Qui, en effet, oserait combattre un expert en mesure d’utiliser une de ces gouttes ?
2. Etre un expert suprême en possession d’un artefact Souverain, ce qui le plaçait bien au-dessus des autres.
3. Etre un Dieu Supérieur et avoir atteint le rang de Parangon, ce qui signifie avoir réussi la fusion de tous les mystères d’une Loi Elémentaire.
4. Bien sûr, il y avait toujours des cas particuliers, comme celui d’un Démon Sept Etoiles qui serait à l’origine une Créature Divine avec une monstrueuse capacité telle que le « Dévoreur de Dieux ». On comptait aussi les mutations de l’âme ou autres circonstances spéciales.
En bref, que ce soit Aiken, dont la renommée dominait tout le Continent du Bourgeon Rouge, ou Beyrut, du Continent de la Crête Sanglante, tous ces experts avaient quelque chose sur quoi compter.
Elquin, quant à lui, était un Démon Sept Etoiles plutôt talentueux mais comme il ne possédait ni goutte de Puissance de Souverain, ni artefact Souverain et n’avait pas atteint le rang de Parangon, il lui serait très difficile d’affronter Salomon.
Entre une attaque soutenue par la Puissance de Souverain et une autre s’appuyant sur le seul recours au pouvoir divin de niveau Dieu Supérieur, il y avait un écart similaire entre celui séparant le ciel de la terre, et ce même si la compréhension des Profonds Mystères des Lois était exactement la même.
Imaginez un enfant qui serait expert dans le maniement de l’épée affrontant un géant à la force phénoménale. Quand bien même ce géant ne connaîtrait rien du combat à l’épée, pensez-vous que l’enfant gagnerait ?
Même logique : en termes de compréhension des Lois, Salomon n’avait peut-être atteint que 10% de ce que maîtrisait son adversaire mais le pouvoir conféré par la Puissance de Souverain était infiniment plus grand que celui d’un Dieu Supérieur.
– « Comment ? Vous voulez tenter d’acquérir cette goutte ? » Fit Salomon avec un petit rire.
– « M. Elquin ? » Demanda Inigo en se tournant vers ce dernier.
Inigo étant déjà bien plus faible que Salomon au départ, si celui-ci recourait à la Puissance de Souverain, il n’en ferait qu’une bouchée.
Elquin hésita un court instant et soupira : « Un si grand pouvoir dans une si petite goutte d’eau… ».
Certes il s’agissait d’un article à usage unique mais il pouvait s’en servir pour menacer des tiers et dans un moment critique, elle pourrait lui sauver la vie.
Tout au fond du bassin de magma, Linley semblait réfléchir. Délia et Bébé trouvaient son attitude quelque peu étrange.
– « A quoi pense le Patron ? » Demanda Bébé. « Ce n’est tout de même pas parce qu’il a entendu parler de Puissance de Souverain ! Ceci dit, je dois reconnaître que c’est extrêmement tentant. »
– « En effet. », répondit Délia. N’as-tu pas entendu ce que Salomon a dit ? Il est si difficile de raffiner cette Puissance de Souverain que rares sont les experts au sein du Royaume Infernal qui en ont la capacité. De plus, cela nécessite une telle quantité de Pierres d’Encres et d’Azurites que toute la fortune du clan Boyd est passée dans une seule goutte ! »
Pendant ce temps, l’énergie spirituelle de Linley tentait de pénétrer l’anneau Panlong qui contenait encore deux gouttes d’eau bleue.
Des gouttes d’eau… des gouttes d’eau… La Puissance de Souverain… Quoiqu’il eût l’esprit engourdi, Linley fit aussitôt les recoupements. « Que suis-je bête ! » Se dit-il. « Une goutte d’eau capable de transformer mon corps et de rendre puissant au point de faire face à l’attaque d’un artefact de niveau Dieu Supérieur… ce ne peut être que de la Puissance de Souverain ! Quoi d’autre ? »
Son corps était devenu si puissant qu’il avait consommé une énorme quantité d’énergie. Or seule la légendaire Puissance de Souverain était en mesure de lui en fournir autant sous la forme d’une simple goutte d’eau !
« Je suis vraiment stupide ! Cet anneau Panlong protecteur d’âme étant un artefact Souverain, il a forcément appartenu autrefois à un Souverain ! »
C’était tout simplement logique et expliquait la présence de trois gouttes de Puissance de Souverain dans l’anneau.
Si le précédent maître de l’anneau Panlong avait été un Dieu Supérieur, il aurait certainement utilisé ces gouttes au cours de combats. En revanche, il était parfaitement normal qu’un Souverain, dont le pouvoir divin Souverain était illimité et qui n’en avait donc pas l’usage, ait pu laisser, en mourant, trois gouttes dans l’anneau.
« Comme j’en ai utilisé une, il m’en reste encore deux. Si je devais les vendre, quel prix en obtiendrais-je ? » Bien qu’il fût curieux de le savoir, Linley n’était pas stupide au point de le faire, une seule goutte de Puissance de Souverain étant un trésor inestimable !
Pour en obtenir une, Salomon avait dû libérer Aiken de la dette qu’il avait envers le clan Boyd et lui remettre une fortune que les siens avaient mis d’innombrables années à cumuler. En vérité, pour un expert du niveau d’Aiken, une dette avait plus de valeur que n’importe quel trésor sans quoi jamais Aiken n’aurait raffiné la goutte de Puissance de Souverain. D’autant qu’il était très possible qu’elle vienne à tomber un jour entre les mains d’un ennemi.
« Si la goutte d’eau noire est d’affinité Destruction, ma goutte bleue devrait être d’affinité Eau », se dit Linley qui s’était toujours demandé ce que cela pouvait bien être pour l’avoir rendu aussi puissant. Or il lui avait semblé percevoir l’aura de l’eau.
Il venait de comprendre.
« Si je l’utilisais pour exécuter ma technique « Ombre Déroutante », quelle pourrait être sa puissance ? » Se demanda-t-il.
La force d’une attaque dépendait généralement de trois facteurs : l’artefact, le niveau d’énergie et les mystères, l’un d’eux pouvant lui conférer une puissance terrifiante.
Si, par exemple, la maîtrise des mystères était de niveau Parangon, l’expert serait quasi invincible.
S’il détenait une énergie du niveau de la Puissance de Souverain, ce serait tout aussi terrifiant.
Et s’il possédait un artefact Souverain, il pourrait alors dominer le Royaume Infernal.
A condition bien sûr qu’outre l’aspect dominant, les deux autres ne soient pas trop faibles.
Or Linley possédait un artefact de niveau Dieu Supérieur – Sang Pourpre – et une source d’énergie par le biais de ses gouttes de Puissance du Souverain. Quant aux mystères, il en avait déjà fait fusionner deux. En combinant les trois, il ne serait peut-être pas une menace pour un Dieu Supérieur de niveau Parangon mais il était confiant de pouvoir affronter Elquin.
Cela dit, il lui faudrait utiliser une autre goutte de Puissance de Souverain.
« À moins que la situation ne soit vraiment critique, je ne peux pas l’utiliser car c’est dans ces moments-là que ce trésor peut sauver des vies et changer la destinée », se dit Linley qui avait suffisamment combattu pour sa vie pour en être conscient.
Il émergea de ses pensées et s’aperçut que Bébé et Délia le regardaient.
– « Que regardez-vous ainsi ? » Demanda-t-il en riant.
Il était de très bonne humeur. Qui ne le serait pas en découvrant qu’il possédait un objet aussi puissant, un véritable atout dans un royaume aussi dangereux !
– « Que s’est-il passé, Patron, pour que vous restiez là à sourire ? » Demanda Bébé.
– « Je souriais ? » S’exclama Linley, visiblement ravi. On le serait à moins.
Soudain, il leva la tête :
– « Hm ? Elquin abandonnerait-il ? »
En effet, bien que celui-ci ne fut pas du tout disposé, il avait fini par répondre :
– « Ne vous inquiétez pas, Salomon, je ne suis pas avide au point de tenter de m’emparer de votre Puissance de Souverain. Je suis certain aussi que vous répugnez à devoir l’utiliser. »
Evidemment, car s’il l’utilisait, il n’en aurait plus ! Et il avait dépensé toute la fortune de son clan pour l’acquérir.
– « Si vous m’y forcez, je n’aurai pas le choix », répondit Salomon.
– « Phusro, ouvre le tunnel et laissez-les partir », ordonna immédiatement Elquin.
Le petit chaton doré, toujours dans ses bras, fit entendre un doux « miaou » et aussitôt, une vaste vallée apparut qui partait de la caverne et traversait la chaîne volcanique. Salomon leva les yeux vers le ciel : de toute évidence, il faisait presque nuit.
« Ouf ! » Pensa-t-il. « Je ne serai pas contraint d’utiliser ma goutte d’eau noire. »
– « Allons-y, Nisse », dit-il en tournant la tête vers sa sœur.
La jeune fille regarda le bassin de magma doré qui bouillonnait toujours et dégageait une chaleur étonnante, et elle se remit à pleurer.
– « Ne regarde plus », lui dit doucement Salomon.
Nisse jeta un regard au chapeau de paille qu’elle tenait toujours à la main :
– « Très bien mon frère, partons. »
Sur ce, tous deux prirent leur envol et, en un clin d’œil, disparurent dans les plaines sauvages.
– « Tout ce travail pour rien! » Soupira Elquin, en proie à une colère réprimée.
Lui qui pensait que la fortune du clan Boyd allait tomber entre ses mains ! Jamais il n’aurait pu penser que celle-ci était en fait un trésor si difficile à acquérir.
Soudain, Inigo déploya son Royaume Divin afin qu’on ne puisse les entendre et, devant le regard suspicieux d’Elquin, expliqua :
– « Celui qui porte le nom de Bébé est toujours prisonnier de ce magma, Seigneur. Or son arme est un véritable trésor. Prenons-la lui et nous n’aurons pas tout perdu ! »
Bien qu’Inigo ne fût pas présent au moment des faits, Phusro l’informait de tout par insinuations. Elquin comprit alors pourquoi il craignait que Linley et les siens ne puissent les entendre.
« C’est exact », répondit-il. « Seul Beyrut pouvait forger une telle arme, faite d’Etincelles Divines, résistante et tranchante ! Elle surpasse de loin tout artefact divin de niveau Dieu Supérieur et est presque aussi puissante qu’un artefact Souverain. »
Une arme faite d’Etincelles Divine ! C’était la signature même de Beyrut car seuls les Rats Dévoreurs de Dieu étaient en mesure de digérer ces étincelles. Si Bébé pouvait les digérer, en revanche, il n’était pas encore en mesure de les raffiner.
Par ailleurs, au Royaume Divin, une seule Etincelle Divine coûtait une somme astronomique !
– « Mais pour que le Seigneur Beyrut ait fait don de cette arme à Bébé, tous deux doivent entretenir une relation exceptionnelle ! En le tuant, je risque d’offenser Beyrut et vous savez à quel point il est terrifiant ! » Répondit Elquin, hésitant.
Inigo rageait intérieurement. Comment aurait-il pu l’ignorer ?! Si les Divinités ordinaires ignoraient l’existence de cet expert, surgi de nulle part et propulsé au sommet, tous les grands clans et les experts qui vivaient reclus le connaissaient. S’il fallait le décrire en un mot, ce serait : brutal !
Beaucoup étaient persuadés que sur le Continent de la Crête Sanglante, exception faite du Souverain régnant, Beyrut était l’expert numéro Un.
– « Je sais qu’il est très puissant, Monseigneur, mais un Souverain lui-même ne peut connaître le passé ou l’avenir. Si nous détruisons toutes les preuves, y compris le cadavre de Bébé, jamais Beyrut ne saura qui l’a tué. Si vous craignez que son arme ne soit trop dangereuse pour que vous la gardiez, il vous suffira de la vendre au Château du Sable Noir. Vous en tirerez un prix astronomique et d’ici là, personne ne saura qui était le tueur ! »