Traductrice : Moonkissed
Auteur : Exallion
Jour 55 – 18h37 – Cellule de surveillance, zone hospitalière, laboratoire militaire, district nord, Colonie de Bay City, Ville de Pasay, Metro Manila
Mark fixa Spera d’un air abasourdi. C’était la première fois de sa vie qu’il voyait quelqu’un ramper sur ses pieds. Il pouvait également voir qu’il ne s’agissait pas d’une comédie, la fille qui lui serrait les pieds était totalement suppliante, comme s’il lui avait pris son seul moyen de vivre.
Spera regarda Mark avec des yeux remplis de larmes. Elle ne se souciait pas de ce à quoi elle ressemblait en ce moment. La seule chose qu’elle voulait, c’était récupérer ses pouvoirs, même si elle devait payer de sa personne pour cela. C’est pourquoi…
« Hic… S’il te plaît… S’il te plaît… Rends-le-moi… Hic… Je ferai n’importe quoi… Si tu veux… Si tu veux mon corps, je peux te le donner… Mais… Hic… S’il te plaît, rends-le-moi… »
C’était inconfortable… C’est ce que Mark avait ressenti. Même Nia et Allen, qui s’étaient méfiés de Mark après sa dernière phrase, l’avaient ressenti.
Heureusement, Mark avait couvert tous les moyens possibles pour que les gens de l’extérieur puissent voir ce qui se passait à l’intérieur de la pièce. C’était parce que peu importe la façon dont ils regardaient, on aurait dit que Mark avait fait pleurer un enfant.
Mark soupira. Il se pencha, tint les épaules de Spera et la souleva. Il remarqua. Elle était très légère… même pour une fille qui avait un corps de treize ou quatorze ans, elle était trop légère. Il n’y avait aucun effort à faire pour la soulever par les épaules et la remettre sur son lit. Cette sensation poussa Mark à se demander si cette fille mangeait correctement.
« Calme-toi, veux-tu ? Tu crois vraiment que je vous parleriez à tous comme ça alors que je n’ai qu’à reprendre ces capacités sans condition ? Si c’était le cas, cette réunion ne serait pas nécessaire, je peux simplement prendre les capacités par la force et aucun d’entre vous ne pourrait faire quoi que ce soit à ce sujet… »
Mark tapota alors ses poches avant de se tourner vers Nia et Allen.
« Vous avez tous les deux un mouchoir ? J’ai oublié le mien. »
Les deux furent confus. Mais Nia avait quand même sorti le sien et l’avait tendu à Mark.
Là, ils virent Mark essuyer soigneusement les larmes de Spera comme s’il s’occupait d’un enfant.
« Sérieusement, tu pleures trop. Quel âge as-tu ? »
Spera s’était tue. Elle était abasourdie car elle ne s’attendait pas à un tel geste de la part de Mark. Mais puisqu’il posait une question, elle y répondit par réflexe.
« J’ai dix-sept ans… »
La déclaration de son âge surprit Nia et Allen. L’apparence actuelle de Spera cachait totalement ce fait. Mark, lui, n’était pas surpris. Il pouvait déterminer l’âge d’une personne par la fluctuation de ses émotions et il savait qu’elle était plus âgée qu’elle n’en avait l’air. Il avait juste posé cette question comme une expression, mais cette fille lui avait répondu.
Mark continua à essuyer le visage de Spera sans changer d’expression et cette dernière le laissa faire sans protester. Elle avait l’air d’une enfant qui avait trouvé l’affection qu’elle désirait depuis très longtemps.
Son manque de défense fit sourire Mark intérieurement.
Il serait facile d’obtenir sa loyauté comme ça.
Il était vrai que Mark avait été intéressé lorsqu’il avait remarqué son manque d’expression et d’émotions hier. Cependant, ce n’était pas la véritable raison pour laquelle il l’avait laissée en vie. Même si son apathie l’intéressait, ce n’était pas suffisant pour qu’il la laisse en vie, car elle se trouvait initialement dans le camp de l’ennemi.
Néanmoins, le retour de Flam à ses côtés lui fit comprendre que tous les ennemis n’avaient pas besoin d’être éliminés. Comme dans certains jeux vidéo de l’ère Sengoku, tous les généraux capturés par l’ennemi n’avaient pas besoin d’être tués. Parfois, leurs talents pouvaient être utiles au camp du joueur et ce que le joueur devait surveiller, c’était leur trahison potentielle, car ils étaient à l’origine des ennemis.
Spera correspondait à ce critère. Elle n’était pas qu’une simple utilisatrice de capacités, mais un génie aux yeux de Mark.
La capacité de créer des portails reliant deux endroits différents n’était pas une tâche facile, même si la personne en avait la capacité, d’autant plus que cette capacité était soumise à de nombreuses règles. En fait, le précédent détenteur de cette capacité, Maurellfel, n’était pas aussi douée que Spera pour l’utiliser.
Tout d’abord, la capacité coûtait une grande quantité d’énergie pour ouvrir les portails. À son apogée, Maurellfel ne pouvait lancer que trois portails à longue distance ou neuf portails à courte distance en l’espace d’une journée. De plus, le délai d’ouverture d’un portail allait de dix minutes à plusieurs heures, en fonction de la distance du portail précédent.
Ensuite, l’ouverture d’un portail provoquait une perturbation de l’espace qui le rendait très instable. À moins qu’il ne s’agisse d’un portail à très courte portée, il fallait se concentrer jusqu’à ce que le portail soit entièrement créé. Toute perte de concentration entraînerait l’échec du portail et le gaspillage de l’énergie déjà dépensée pour l’ouvrir.
Toute perturbation de l’énergie dans les environs pouvait affecter le portail et sa création. C’était une autre raison pour laquelle il était difficile à utiliser pour Maurellfel. Cependant, en tant que tireur d’élite, elle pouvait utiliser cette capacité car elle se trouvait toujours à l’arrière de la ligne, loin des perturbations les plus importantes, ce qui lui permettait de se concentrer sur son utilisation.
La dernière règle était que l’utilisateur devait être arrivé à la destination du portail avant de pouvoir en ouvrir un.
Pour ce qui était de la dernière règle, il n’y avait rien à faire, car l’utilisateur de la capacité devait saisir l’aura de l’espace de la destination avant de pouvoir ouvrir le portail. Pour ce qui était des autres raisons, ils apprirent plus tard que c’était dû au fait que Maurellfel ne comprenait pas les lois de l’espace. Malheureusement, il était déjà tard lorsqu’ils avaient réussi à s’en rendre compte.
Dans le cas de Spera, c’était différent.
Le laps de temps qui s’était écoulé entre l’arrivée et le départ de leur groupe avait été trop court. De plus, Spera avait réussi à ouvrir un portail de force malgré les perturbations créées par l’épais miasme qu’il avait répandu dans la zone. Si c’était Maurellfel, Mark savait qu’il lui serait impossible de le faire.
Cela signifiait que Spera était capable d’utiliser cette capacité qui était vraiment difficile à saisir parfaitement. En d’autres termes, c’était un génie.
Mark ne voulait pas se séparer d’une telle personne si possible. Sinon, il n’hésiterait pas à en finir immédiatement avec elle.
Pourtant, il semblait que les choses se passeraient comme il le souhaitait. Il était tout de même étrange que la fille apathique d’hier soit devenue une fille très émotive, même si cela rendait le travail plus facile.
C’est dans cette optique que Mark termina d’essuyer ses larmes et s’assit sur la seule chaise de la pièce, laissant Spera avec un air déçu.
« Comme je l’ai dit, je n’accepterai pas les capacités sans condition. C’est aussi à la demande de cette source. Le savez-vous tous ? Les pouvoirs que vous aviez appartenaient à d’autres personnes auparavant. Ces personnes étaient les plus grands amis et alliés de la source des cristaux. »
En entendant cela, Nia et Allen furent ébranlés. Les capacités qu’ils possédaient appartenaient en fait à d’autres personnes.
« Et ces personnes, où sont elles ? »
demanda Nia.
« Malheureusement, ils sont déjà morts. Mark sourit amèrement. Ils se sont tous battus jusqu’à la mort pour sauver leur planète.
– Leur planète ? Ce sont des extraterrestres ? »
Cette fois, c’est Allen qui posa la question avec intérêt.
« Non, ce sont aussi des humains. C’est juste qu’ils ont été emmenés par des extraterrestres pour vivre sur une autre planète. » Mark regarda Allen. « Et puis, n’en demandez pas trop. Je ne vous dirai pas tout, car il vaut mieux que vous n’en sachiez rien. »
Mark prononça ces mots d’un air sérieux.
« Tu as dit que tu n’accepterais pas nos capacités sans condition ? »
demanda encore Nia.
« C’est vrai. Comme je l’ai dit, ces capacités proviennent des précieux amis et camarades de la source, et cette personne ne voulait pas que ces capacités soient utilisées à des fins malveillantes. Heureusement, Nia et Allen, vous avez réussi. »
Les deux furent surpris.
« Qu’est-ce que tu veux dire ?
– Je peux le dire. Vous n’êtes pas de mauvaises personnes. D’ailleurs, ne croyez pas que je ne sais pas que vous avez apporté en cachette de la nourriture aux orphelins du village de tentes. Vous avez aussi participé furtivement à la défense de la colonie lors des attaques. Je me suis promené ces derniers jours pour surveiller la colonie et je savais déjà pour vous deux. C’est juste que le moment n’était pas venu pour vous deux de me rencontrer.
– Tu… Tu nous as observés ?
– Dans une certaine mesure. Mark sourit. Après tout, c’est mon devoir de le faire.
– Alors pourquoi n’avons-nous pas senti ta présence. Il est impossible que nous ne l’ayons pas remarqué.
– Oh, tu parles de cette sensation étrange ? Mark ferma les yeux et respira profondément. Maintenant, pouvez-vous la sentir ? »
Les trois personnes présentes dans la pièce étaient abasourdies. L’étrange sensation avait disparu.
« J’ai surutilisé mes capacités hier et j’ai provoqué cette sensation. Je peux l’activer et la désactiver à tout moment. C’est parce que je m’attendais à vous rencontrer aujourd’hui que je l’ai laissée allumée.
– Pas étonnant. Nia sourit de soulagement. Alors, tu nous laisseras, Allen et moi, garder ces pouvoirs ?
– Oui… Pour l’instant… Mark redevint sérieux. Mais si vous essayez de faire un mauvais usage de vos pouvoirs, je pourrais vous les reprendre. Vous devez vous comporter correctement.
– Merci et ne t’inquiète pas. Nia baissa la tête. Nous ne ferons certainement pas un mauvais usage des pouvoirs que nous avons. Nous devons encore rendre la pareille au professeur Isaach qui nous a adoptés et protéger la colonie dans l’ombre. Nous ne voulons pas devenir comme ces gens qui nous ont jetés à la rue.
– Alors, vous étiez tous les deux des enfants des rues avant, hein ?
– Oui. Le professeur Isaach nous a adoptés après que nous ayons acquis ces pouvoirs et il ne nous a jamais maltraités.
– Très bien. Vous devriez partir tous les deux. Je pense que le professeur vous cherche déjà. Il est déjà tout près. Je dois encore parler avec cette fille immature. »
Mark désigna Spera qui se tenait tranquille, assise sur son lit.
« Oui. »
Nia et Allen s’inclinèrent et sortirent de la pièce après que Mark ait enlevé le miasme qui recouvrait la porte.
Après avoir remis le couvercle sur la porte, Mark fit face à Spera.
« Quant à toi, j’ai une proposition à te faire. Quitte Auraboros et rejoins mon équipe. Tu as du talent et du potentiel, ce ne sera pas mal de te recruter. Es-tu d’accord ?»
Mark se leva.
« Au fait, il est certain que je suis déjà un ennemi de cette organisation. Si tu te joins à moi, alors tu seras aussi leur ennemi. »
Spera fut plutôt surprise par cette invitation.
« Pourquoi ? Elle exprima son incrédulité. Tu as dit que tu étais l’ennemi de l’organisation. Alors pourquoi me veux-tu ? Je suis membre de cette organisation.
– J’ai déjà dit que tu avais du talent et du potentiel. De plus, l’organisation est mon ennemie, mais cela ne signifie pas que tous les membres de l’organisation sont également mes ennemis. Laisse-moi te poser une question. Veux-tu me tuer ? Je parie que tu n’as jamais essayé de tuer qui que ce soit dans ta vie.
– Non. Je ne veux pas te tuer, ni tuer d’autres personnes. Je n’en ai ni le courage ni la capacité. »
Spera répondit en regardant le sol.
« Alors, tu n’es pas un de mes ennemis. Pourquoi n’essaierais-je pas de te recruter ? D’ailleurs, tu n’as pas le choix. Si tu veux récupérer cette capacité, tu ne peux que rejoindre mon camp. Sinon, ne t’inquiète pas, je ne te tuerai pas, mais je ne te la rendrai pas non plus.
– Tu n’as pas peur que j’essaie de te trahir ? »
demanda Spera en levant la tête et en fixant Mark droit dans les yeux.
« Non, j’ai des mesures pour cela. De plus, je ne te rendrai pas cette capacité immédiatement. Tu dois d’abord prouver ta loyauté. Alors, quelle est ta réponse ? »
Spera baissa à nouveau les yeux en réfléchissant longuement. C’est alors qu’une main se posa sur sa tête et lui ébouriffa les cheveux.
« D’accord, je ne vais pas te presser. Je te laisse toute la nuit pour te décider. Essaie aussi de manger plus. Tu es trop légère. »
Après cette plaisanterie, la main posée sur sa tête disparut. Elle leva précipitamment la tête pour regarder Mark, mais elle ne trouva personne d’autre qu’elle dans cette pièce solitaire.