Après s’être occupé de toutes les affaires officielles, Roland retourna dans sa chambre et vit Anna arranger ses vêtements, avec une grande valise en cuir à ses côtés.
«Euh… Que faites-vous? »
«Vous ne pouvez pas deviner ? » Elle tapota les vêtements pliés.
«Je me prépare pour un long voyage. »
«Dans ce cas, la Cité Sans Hiver devra tout arrêter. » Roland fit une blague.
«Est-il vraiment bien que le Ministre de l’Industrie puisse partir sans dire un mot? »
«Ne vous inquiétez pas. À part les turbines à vapeur, les quelques produits finis pour renforcer le moteur à pistons, l’usine est déjà en phase de production, et tout au plus, le nombre de produits qualifiés diminuera légèrement. De plus, les membres de la Société des Métiers Extraordinaires que vous avez ramenés sont tous talentueux, les laisser à eux-mêmes un moment n’est pas une mauvaise chose. »
«Attendez une minute…» Roland sentit quelque chose d’anormal. Anna avait choisi seulement des vêtements simples et résistants, sans une robe de soirée ou une robe de soie formelle.
Il n’y avait même pas une seule jupe à l’intérieur et elle ne semblait pas plaisanter.
«Où allez-vous ? »
«Sur l’île flottante, avec vous. » Elle révéla une expression ‘aviez-vous vraiment besoin de demander’.
«Vous n’avez pas l’intention d’attendre à la Cité Sans Hiver le résultat sur les lignes de front, n’est-ce pas? Je peux dire que vous avez pris cette décision après avoir conversé avec les Trois Chefs de Taquila. De plus, se rendre à la Terre Sans Fond en passant au-dessus des Montagnes Infranchissables est beaucoup plus pratique, ce qui vous donne une raison de ne pas revenir ici. »
«Cela ne marchera pas», répondit inconsciemment Roland.
«Tout d’abord, même en ignorant comment cette bataille finale avec les Diables se déroulera, personne ne sait ce qu’il y a dans la Terre Sans Fond. Et Hackzord a mentionné que cet endroit avait été envahi par le Royaume Ciel-Mer; vous ne savez même pas… »
‘Smack.’
Anna tendit les deux bras pour frapper doucement les joues de Roland, puis lui secoua la tête de force avant de caresser ses joues.
«Je sais. Et c’est pour cette raison que je viens. »
Sa voix était douce et gentille, mais Roland savait d’un regard dans ses yeux qu’elle n’acceptait pas un non comme réponse.
Et à cet instant, l’image d’elle lors de leur première rencontre se chevauchait avec son apparence actuelle.
À ce moment-là, Anna ressemblait à un petit animal craintif.
Elle n’avait rien d’autre que ses capacités. Malgré cela, sa détermination une fois qu’elle avait pris une décision avait toujours été difficile à changer.
Roland ne put s’empêcher de tenter une dernière fois.
«Vous êtes différente d’autrefois. En tant que Reine, laisser la Cité Sans Hiver et prendre ce risque inutile n’est pas la chose la plus mature…»
«Si j’aurais été vraiment mature, je n’aurais pas accepté de vous laisser partir sans rien savoir. » Anna mit ses mains sur les épaules de son mari et le coupa.
«En ce qui vous concerne, vous pourriez mourir durant la bataille ou bien disparaître, tout est possible. En d’autres termes, cette dernière attaque pourrait bien être la dernière fois que nous puissions nous voir. Pensez-vous vraiment que j’accepterais de rester en ville ? Puisque tout le monde prend le même risque, ce n’est pas grand-chose pour moi. »
«…» Roland savait que sa dernière tentative avait échoué. Après tout, s’il aurait été à sa place, il n’aurait jamais accepté d’attendre seul.
«Si nous ne revenons pas…»
«Si cela arriverait, la situation serait si terrible qu’elle ne pourrait pas être pire, n’est-ce pas ? » Anna relâcha ses épaules et rit.
«Mais même si cela arrivait, je ne le regretterai pas. »
…
Passant à travers les lignes noires et blanches, Rossignol entra dans le bureau vide.
Avec la nuit tombée, la plupart des gens s’étaient déjà endormis, ne laissant dans la cour que quelques flammes vacillantes.
Après avoir tiré les rideaux, elle ouvrit un tiroir, prit la pierre magique et la plaça dans un support de lumière.
Très rapidement, la pièce fut éclairée d’une lumière douce.
La théière brisée avait été nettoyée depuis longtemps et un nouveau tapis identique avait remplacé le tapis taché, comme si le petit incident ne s’était jamais produit.
Rossignol passa devant la table couverte de téléphones et trouva sa cible : une boîte en bois recouverte par des dossiers en désordre à l’avant de la table.
Dans sa brume, elle pouvait distinguer des objets sans lumière.
Dans ce domaine unique qui ressemblait à un monde complètement différent, il était à jamais dans son état noir. Le noir, le blanc et le gris construisaient le monde entier sans aucune source de lumière.
À l’exception de cela.
Elle ouvrit la boîte; il y avait des papiers couverts d’une écriture serrée et quelques pierres brillantes.
Rossignol prit un morceau de pierre et le plaça dans sa paume, puis tenta d’entrer dans la brume. Juste au moment où le pouvoir magique surgissait, il se dispersa immédiatement, comme obstrué par quelque chose.
«Comme je m’y attendais…» soupira-t-elle en replaçant la pierre dans la boîte et en prenant une feuille de papier.
C’était un rapport venant de la Tour des Sorcières. S’il ne venait pas d’Ayesha ou de Céline, il devait venir d’Isabella.
Mais la possibilité qu’il fut écrit collectivement par les trois était aussi possible.
La crise de la Divinité des Cieux venait d’être résolue, mais la Brume Rouge sur le Plateau d’Hermès ne s’était pas encore complètement dissipée.
Les sorcières de Taquila devaient digérer les découvertes et les expériences faites par les Sorcières Pures.
C’est pourquoi Isabella avait choisi de vivre temporairement à la Cité Sans Hiver. Avec la technologie obtenue des Diables, de nombreux résultats furent obtenus, et un rapport devait être envoyé dans les prochains jours.
En règle générale, Roland finissait de lire tous les rapports le même jour, mais ce jour-là était une exception.
Avec l’ascension de la Montagne du Versant Nord et le vol d’essai de l’énorme avion organisé le même jour, Roland n’avait pas eu l’occasion de vérifier les rapports.
Mais Rossignol avait remarqué l’existence de la pierre dès le début.
Après tout, il n’y avait que deux choses qui n’étaient pas visibles dans la Brume, l’une étant le pouvoir magique, et la seconde étant la pure cavité noire formée par les Pierres de Dieu.
Selon les recherches d’Isabella, les deux pourraient même être connectés.
Ainsi, Rossignol avait remarqué depuis longtemps la tache noire dans la brume lorsque Roland avait rencontré Banach Lothar, juste que comparée à une Pierre du Châtiment Divin, son rayon d’action était à une échelle beaucoup plus petite, surement à la suite des modifications d’Isabella. Comme il s’agissait d’un spécimen lié au rapport, elle n’y prêta pas attention.
La petite pierre était la raison pour laquelle Rossignol avait été incapable de réagir lorsque la théière tomba.
La cavité noire englobait la théière qui tombait, et à l’intérieur de la Brume, son corps n’avait pas pu entrer dans cette cavité.
Si c’était simplement le cas, Rossignol l’aurait considéré comme un accident.
Cependant, elle avait vu une ligne blanche se déplacer, passant à travers la cavité noire pour entrer en collision avec la théière, ce qui avait altéré la trajectoire de chute de la théière.
Les distorsions dans la brume ne pouvaient pas être contrôlées. Même elle devait faire attention aux lignes instables, autrement, elle pourrait être découpée en morceaux.
C’était la première fois qu’elle assistait à une telle chose.
Mais Rossignol ne savait pas si c’était une coïncidence ou si quelque chose avait changé en elle.
Elle tenta de manifester à nouveau sa capacité en touchant le bord de la table dans le brouillard, imitant la situation plusieurs fois mais en vain.
On dirait que je réfléchis trop. Rossignol rétracta maladroitement sa main.
Ayesha avait raison, juste parce que beaucoup de sorcières sont capables de le faire, je ne devrais pas supposer que l’évolution est une chose aussi simple. Heureusement pour moi, je n’avais rien dit, sinon Roland se serait moqué de moi.
Elle remit la pierre magique dans le tiroir et quitta le bureau en reculant.
‘Crack…’
La pièce qui avait retrouvé son silence émit soudain un léger bruit.
Sur le côté de la table qui était contre le mur, une fissure fleurit le long du grain de bois.