La salle de conférence du château du Royaume de l’Aube était beaucoup plus grande que celle de la Cité Sans Hiver et pouvait accueillir une centaine de personnes sans provoquer de surpeuplement.
La salle était divisée par une longue table au milieu et divisait les participants en deux groupes distincts, Roland en tête d’un côté avec les hauts gradés de Graycastle, l’autre était composé des nobles du Royaume de l’Aube et des représentants des Chambres de Commerces. Comparé aux expressions calmes que le premier groupe avait en attendant silencieusement le début de la réunion, le second groupe était visiblement agité. D’innombrables expressions inquiètes et leurs conversations privées ne s’arrêtaient jamais.
De toute évidence, l’apparition de la Divinité des Cieux les avait grandement affectés.
S’ils n’empêchaient pas la peur de se répandre, l’ordre dans les pays voisins risquait de s’effondrer à tout moment.
Roland savait qu’il devait stabiliser la confiance de ses alliés avant que cela n’arrive.
Selon les rapports du bureau administratif, après que Rodolphe avait pris le pouvoir en tant que nouveau Roi de l’Aube, le commerce entre les deux pays avait atteint un nouveau sommet. Vingt pour cent des importations de fer, de cuivre, d’aluminium et d’autres matières premières et produits provenaient d’eux. Quant au cuir, aux étoffes, à la viande séchée, au lait et à d’autres fournitures quotidiennes, le Royaume de l’Aube fournissait la moitié de ce que la Cité Sans Hiver importait.
Bien que Roland ait travaillé dur pour que l’accord commercial se concrétise, sans le soutien du Royaume de l’Aube, il aurait été impossible de maintenir l’augmentation soudaine de la population de la Cité Sans Hiver sans affecter le niveau de vie.
Sur cette base, Roland ne pouvait pas abandonner le Royaume de l’Aube aussi facilement.
De plus, il y avait aussi la performance impeccable de la famille Quinn lors de la formation de l’alliance. Roland ne savait pas si Rodolphe avait un successeur, mais il était peu probable que personne ne puisse établir un lien aussi parfait.
Il observa tranquillement chaque noble à sa gauche jusqu’à ce que leurs conversations privées cessent. «Depuis le début de la bataille, j’ai souvent entendu parler de votre contribution dans les rapports, alors je tiens à vous remercier pour votre travail acharné. »
Tout le monde de l’autre côté de la table se montra surpris.
Mais Roland ne mentait pas.
Il aurait été impossible, même avec les efforts de la Première Armée, de faire en sorte que le chemin nord-sud soit construit aussi rapidement. Le chemin était extrêmement vital pour les chariots et les porteurs pour se déplacer rapidement. C’était une pratique courante pour les nobles de guerroyer entre eux et ils étaient habitués de piller les villages aux alentours pour se ravitailler; Par conséquent, très peu de gens connaissaient l’importance de la logistique et la contribution qu’ils avaient apportée aux efforts de guerre.
«Je suis sûr que tout le monde comprend la situation en ce qui concerne la Bataille de la Divine Volonté, tout comme je l’ai souligné à maintes reprises, la défaite mènera à l’anéantissement de la race humaine. Il est impossible de se rendre, donc à part résister, nous n’avons pas d’autre voie à suivre. »
«Je me prépare pour cette bataille depuis quatre ou cinq ans. Mais l’humanité n’existe pas uniquement à Graycastle, il faut que chaque humain participe pour gagner la Bataille de la Divine Volonté. Et je suis heureux de voir que vous êtes devenus une partie de la résistance. »
Roland hocha la tête en direction de Barov, qui ouvrit un épais carnet et commença à lire à voix haute.
Il s’agissait des registres de logistique de la Première Armée, ainsi que des contributions du Royaume de l’Aube.
Roland n’avait pas l’intention d’utiliser des mots pour persuader les nobles: tous les discours sur la défense de leur foyer et le prétexte de s’engager pour l’humanité ne produiraient aucun effet sur eux.
La méthode la plus directe était encore la pression et les intérêts.
Et plus la narration était détaillée et précise, plus elle serait convaincante.
Il avait besoin que les nobles sachent que même s’ils n’étaient pas en première ligne, ils étaient capables de contribuer fortement à la guerre. Deuxièmement, ces accomplissements étaient consignés en noir et blanc, et ils pourraient être échangés contre le montant correspondant après la guerre. Enfin, tous les traîtres ou ceux qui restaient passifs durant la guerre subiraient les peines les plus sévères. À ce moment crucial, Roland n’avait plus la patience de leur permettre de faire ce qu’ils voulaient.
Rodolphe hocha subtilement la tête.
Il savait que le Roi de Graycastle avait saisi le point principal dès le début avec une entrée claire et un contenu détaillé. Ce plan impliquait les nobles qui ne faisaient toujours pas leur part dans cette affaire destinée à entrer dans l’histoire, une affaire importante qui serait racontée pendant au moins un millénaire. Plus important encore, agir de cette manière augmenterait sans aucun doute leur sentiment de participation. Être reconnu et entrer dans l’histoire était quelque chose que les nobles recherchaient. De plus, avec la manière dont Roland avait expliqué que le risque et les gains seraient liés, ils comprenaient qu’ils ne seraient pas abandonnés ou maltraités.
Mais la valeur des récompenses avait toujours été un sujet difficile pour les meilleurs des nobles.
Quelques familles vassales lui avaient suggéré plusieurs fois qu’il n’était pas nécessaire d’accomplir les instructions de Roland Wimbledon comme un serviteur et de se comporter davantage comme le Roi de l’Aube. Sa réponse était toujours de rire.
Le Roi de Graycastle qui avait développé l’artillerie, les avions et les navires à vapeur en acier méritait le respect, mais ce n’était pas tout à fait la raison pour laquelle Rodolphe le considérait avec autant de respect. La véritable raison de sa loyauté et de son dévouement décisifs était les bénéfices obtenus par sa famille. Dans le commerce entre les deux royaumes, l’autre pays n’avait pas compté sur sa force ni sur sa relation avec la fille de Rodolphe, Andrea, pour prendre le dessus. Au lieu de cela, Roland insista pour payer pour tout, et parfois, donna même une partie des profits à chaque participant impliqué, permettant à tous d’en bénéficier. Le respect était bien plus important que la force.
Andrea avait probablement compris ce point avant de faire une suggestion.
Comparé à son fils Yohan, la différence était trop grande.
«Votre Majesté, le pré-requis de vos suggestions est que les humains remportent la victoire finale. » Après le récit de Barov, quelqu’un se leva et demanda: « Mais la question est de savoir si Graycastle peut vraiment vaincre les Diables? J’ai entendu dire que… » Il hésita un instant, « Que votre armée semble avoir perdu face aux Diables au Royaume de Wolfheart. »
«C’est vrai… nous connaissons tous la force de la Première Armée», répondit un autre participant inquiet. «Mais l’île flottante est vraiment trop puissante… Une fois qu’elle nous tombera dessus, j’ai bien peur que nous n’ayons même pas le temps de nous échapper, non? »
Roland leva sa tasse de thé et sirota lentement le thé noir. Il savait que le résultat de la bataille dans les Montagnes Infranchissables serait diffusé assez tôt puisque beaucoup de ceux qui avaient participé aux missions de recherche et de sauvetage étaient des habitants du Royaume de Wolfheart qui étaient familiers avec le terrain. Dans la bataille, ils avaient perdu le contact avec plus d’un millier de personnes. Non seulement l’escadron d’artillerie avait été décimé, mais la force de réserve chargée de les épauler avait subi de lourdes pertes.
Les quelques jours passés dans les combats aériens contre les Bêtes Démoniaques avaient fait perdre 40 avions aux Chevaliers Aériens, la moitié abattus par l’ennemi, l’autre moitié à cause de mauvais fonctionnement inattendu des machines. Pour cette raison, Tilly n’avait pas eu d’autre choix que de reporter l’opération.
Mais il y avait malgré tout de bonnes nouvelles. Bien que la Mouette ait été touchée, Wendy et Shavi avaient maîtrisé la situation. Avec Foudre et Maggie qui les défendaient au loin, ils étaient parvenus à atterrir de force et à sauver toutes les sorcières à l’intérieur.
Lorsque Roland eut lu le rapport pour la première fois, il sentit son cœur se serrer. En termes de pertes de troupes, c’était la plus importante perte de toutes les campagnes militaires auxquelles ils avaient fait face. Mais il était d’accord avec l’état-major. Valkries ne savait rien sur le principe permettant à la Divinité des Cieux de voler et ne connaissait pas les détails concernant les Démons Symbiotiques se trouvant à bord. S’ils ne testaient pas les défenses de l’île flottante, ils ne sauraient rien sur l’ennemi.
«La défaite est due à notre connaissance insuffisante de l’île flottante. » Roland dit la vérité. «Nous pourrions penser que c’est énorme, imposant et même invulnérable, mais la vérité est que ce n’est pas le cas. »
«Oui. » La Perle de la Région du Nord épingla une ébauche détaillée de la Divinité des Cieux sur le mur et se lança directement dans une explication détaillée. «D’après les observations faites par la Première Armée, sa forme est plus ou moins circulaire avec un diamètre de 50 à 60 kilomètres, comparable à la Chaîne des Montagnes Infranchissables. La partie supérieure et la partie inférieure sont capables de libérer de gigantesques lances de pierre, capables d’atteindre une cible à 15 kilomètres de distance. Il s’agit de l’arme cruciale qui a pris la Première Armée au dépourvu, mais cela signifiait aussi que tant que cette distance n’est pas franchie, ce n’est qu’une île flottante dans le ciel. Nous pouvons utiliser cela pour concevoir un plan afin de supprimer l’ennemi… »
La peur vient toujours de l’inconnu.
Les humains craignaient les expériences émotives ou les mauvaises descriptions, mais n’avaient jamais eu peur d’un groupe de nombres. Plutôt que de faire de grands efforts pour couvrir leur échec, ou utiliser de grands mots vides pour tromper la foule, pourquoi ne pas rendre publique l’information que la Première Armée avait obtenue durant la défaite et mettre fin à la peur d’un point de vue rationnel.
«… Et les informations ci-dessus sont toutes les informations que nous avons sur l’île flottante des Diables. » Edith passa sa main sur sa poitrine en direction de Roland.
Roland tourna son regard vers le noble qui avait soulevé la question. «Laissez-moi ajouter un point de plus: éviter le rayon d’attaque des lances en pierre n’est qu’une mesure temporaire. Le but ultime de l’armée est de détruire complètement la forteresse volante. »
Un des nobles déglutit. «Mais c’est une montagne inversée…»
« Ce n’est pas comme si les humains n’avaient pas la capacité de le faire, c’est juste que vous ne savez pas comment réussir. Comme avant la création des avions, personne ne pensait que des humains allaient voler dans le ciel bleu comme des oiseaux… » Roland rit. «Pour cela, laissez-moi vous dire que nous avons réussi. »