Lorsque Sophia monta les escaliers jusqu’au troisième étage du château, une épaisse pile de papier dans les bras, elle rencontra Rossignol qui baillait et qui était sur le point de partir.

«Vous n’êtes pas encore partie dormir? » demanda Rossignol en s’arrêtant puis haussant les sourcils de surprise.

«C’est peut-être parce que je vieillis, j’ai eu du mal à dormir récemment. » répondit Sophia en souriant puis elle secoua la tête. «Où est Sa Majesté? Est-il déjà parti dormir ?»

«Oui, il est retourné dans sa chambre une demi-heure plus tôt. »

«Alors pourquoi restez-vous au bureau? »Demanda Sophia, la main sur la bouche. «Vous n’avez pas mangé secrètement les collations de Sa Majesté, n’est-ce pas? »

«Euh… haha. » Rossignol fut surprise un moment avant de tousser. «Oui, j’ai mangé son bœuf râpé épicé et aussi bu un peu de sa Boisson du Chaos. »

Désormais, c’était au tour de Sophia d’être surprise.

Qu’est-ce qui lui arrivait… pourquoi admettait-elle si rapidement ? Dans le passé, tant qu’elle n’était pas prise en flagrant délit, Rossignol n’aurait jamais admis avoir volé de la nourriture.

Mais en pensant à quel point Wendy et elle volaient souvent les boissons de Rossignol, Sophia ne sut momentanément pas quoi dire.

«Euh, je vais dormir maintenant… » lança Rossignol qui évita son regard puis elle se dirigea vers le deuxième étage. «Ne restez pas éveillée trop tard. Roland m’a dit que plus vous vieillissez, plus les effets secondaires du manque de sommeil sont graves ». Elle leva les yeux du bas de l’escalier. «Bonne nuit. »

«… Bonne nuit. » Répondit Sophia, un peu confuse. Puis, elle se retourna et entra dans le bureau.

Même si les flammes du foyer s’étaient déjà éteintes, la chaleur persistait.

Sans hésiter, Sophia ouvrit la bibliothèque et rangea les informations qu’elle tenait dans les classeurs sur l’étagère avant de sortir les informations qui nécessitaient des réponses de Sa Majesté.

Il contenait des lignes et des lignes d’équations extrêmement longues; elle pouvait dire d’après l’écriture que certaines parties avaient été écrites par Roland et d’autres par Anna et Céline. L’une de ses tâches quotidiennes était de fournir des informations de ce genre à l’Académie d’Arithmétique et de demander à ce groupe d’astrologues de calculer la réponse. Puis elle la remettrait au bureau central pour comparer les réponses.

D’après les descriptions écrites dans l’information, l’information était probablement liée à la nouvelle expérience de Sa Majesté. Mais ce qu’elle ne pouvait pas comprendre, c’était comment on pouvait obtenir les dimensions d’un appareil que personne n’avait jamais vu ou même imaginé auparavant simplement en faisant des calculs sur une feuille de papier. C’était comme si ce n’était pas des chiffres, mais des croquis de la réalité. Cela, à ses yeux, n’était pas différent de prédire l’avenir.

Sophia ne pouvait s’empêcher d’être stupéfaite à chaque fois qu’elle voyait l’écriture gracieuse d’Anna sur ces feuilles. Anna était née à Border Town en tant que fille ordinaire. Pourtant, elle avait désormais atteint un niveau qu’elle et les autres sorcières ne pouvaient même plus comprendre. Même lorsque tout le monde était assis dans ce bureau à regarder Sa Majesté faire des expériences scientifiques intéressantes au début, chacune d’entre elles pouvait faire un commentaire significatif ou deux. Mais à présent, la seule personne qui pouvait suivre de près Sa Majesté était Anna.

Mais elle ne se sentait pas du tout triste. En fait, elle était pleine de fierté.

Parce qu’elle était une sorcière.

Sophia s’assit devant le bureau de Roland et ouvrit un dossier, se préparant à tout mémoriser comme d’habitude. De cette façon, s’il y avait des erreurs dans les calculs quand elle recevrait la réponse, elle serait capable de les remarquer à temps.

Cependant, cette fois, elle remarqua quelque chose d’étrange.

«Ai-je des problèmes de vision? »

Sophia se frotta les yeux et aperçut de vagues chaînes de caractères flottant sous certaines équations, comme si c’était les réponses correspondantes.

Ce n’aurait pas été étrange si elle avait lu des épreuves ou des dossiers de résidence permanente. Depuis qu’elle avait découvert le moyen de faire une recherche rapide, elle était généralement capable de déterminer d’où venait l’information et de trouver tout le contenu qui s’y rapportait en regardant un dossier une seule fois.

Le problème était que c’était la première fois qu’elle regardait ce dossier d’informations.

Non seulement elle était incapable de comprendre la signification de ces calculs et équations, mais même les “réponses” qui flottant au dessus de sa tête la déconcertaient.

De plus, ses symboles étranges ne suivaient pas chaque ligne d’équations, la plupart des colonnes n’en avaient pas.

Si elle fixait les symboles flous et intangibles pendant trop longtemps, elle se sentait prise de vertige.

Elle se dit que Rossignol avait raison: la privation de sommeil commençait à l’affecter. Sophia soupira doucement. Hélas, elle ne se sentait pas fatiguée. C’était comme si son cerveau travaillait à grande vitesse tout le temps.

Peut-être devrais-je aller à l’hôpital demain et obtenir des somnifères, pensa-t-elle. Les effets secondaires sur les sorcières n’étaient pas énormes. En utiliser une ou deux fois ne lui ferait sans doute aucun mal.

Après s’être forcée à mémoriser toutes les informations, une intense vague de vertige la submergea et son esprit se vida momentanément. Le corps de la femme bascula vers l’avant et elle renversa accidentellement le porte-plume sur le bureau.

Mais le vertige disparut aussi vite qu’il avait commencé et elle se sentit redevenir normale après quelques respirations. Non seulement elle ne ressentait plus aucun vertige, mais ses pensées semblaient devenir beaucoup plus claires qu’avant.

Sophia cligna des yeux à plusieurs reprises. Après avoir confirmé que son corps allait bien, elle sourit amèrement et se pencha pour ramasser le porte-plume.

À cet instant, elle eut l’impression d’avoir été frappée par la foudre.

Parce que l’apparence du plancher avait changé.

Elle ne pourrait jamais oublier le plancher du bureau de Sa Majesté. Les planches étaient faites de pin de la Forêt aux Secrets et recouvertes d’un tapis de laine de mouton. Bien qu’il semble un peu vieillot, Sa Majesté ne l’avait jamais changé. Désormais, bien que le tapis sous ses pieds soit encore fait de laine de mouton, le sol était fait d’un matériau complètement différent .

Il était passé du bois à la pierre comme par magie.

Comment était-ce possible?

Sophia releva prudemment la tête et sentit son sang se glacer davantage.

Ce n’était pas seulement le sol; l’apparence de tout le bureau s’était transformée. Le fauteuil sur lequel Rossignol était souvent assise avait disparu sans laisser de trace. À sa place se trouvait une rangée de vieux classeurs en fer. Elle eut l’impression de se trouver dans une salle d’archives.

Y avait-il un endroit semblable à Graycastle ?

La fenêtre!

La grande fenêtre était l’élément préféré de Sa Majesté et était la spécialité de son bureau. Si elle regardait dehors, elle pourrait voir la Cité Sans Hiver la nuit, tachetée de lumière …

Sophia se secoua et ouvrit le rideau de velours derrière elle.

Mais elle ne vit qu’un mur de briques grises derrière.

Indéniablement, cet endroit n’était pas le bureau du Roi avec lequel elle était familière.

Elle s’élança frénétiquement vers la fenêtre et frappa deux fois contre le mur. Le mur ne bougea pas du tout. D’après l’écho profond et régulier, il était clair que le mur n’était pas une illusion mais complètement réel.

Sophia se sentit envahie par le désespoir.

N’importe qui ressentirait un fort sentiment d’impuissance et de vulnérabilité s’il était soudainement téléporté dans un endroit étranger et n’avait aucun moyen de sortir

Elle inspira profondément et se força à se calmer. Il n’était pas exact de dire qu’elle était complètement enfermée. Dans le coin, entre deux rangées de classeurs, se trouvait une petite porte de fer qui était de la même couleur que les armoires. Il était facile de ne pas la remarquer si on ne regardait pas attentivement.

Cela semblait être la seule sortie de cette pièce.

Où conduisait la porte en fer?

Si elle ouvrait cette porte, y aurait-il un piège ou un autre mur?

Sophia ne put s’empêcher de se poser ces questions en prenant lentement la poignée de la porte.

“Clac”

La porte de fer s’ouvrit.

Un rayon de soleil doré envahit la pièce et le silence se brisa. Des centaines de bruits déferlèrent à l’intérieur avec un souffle d’air froid glacial. Elle entendait la clameur des conversations, le bruit des sifflets et le bruit incessant des pas. Devant elle, un nombre incalculable de personnes marchaient, la tête baissée. De temps en temps, certains d’entre eux la regardaient d’un regard étonné.

Et derrière la foule, Sophia vit de nombreux bâtiments gigantesques qui se dressaient comme des montagnes, occupant tout son champ de vision.