Après être retournée au Sanatorium, Fei Yuhan verrouilla la porte de l’intérieur et sortit le dispositif d’enregistrement intégré.
Il faisait à peu près la taille d’un ongle et ne pouvait donc être utilisé qu’avec un lecteur spécial à cause de sa taille. Elle l’inséra donc le lecteur et commença sa recherche.
Après avoir transféré les données dans son ordinateur portable, elle trouva le fichier sonore enregistré au moment le plus proche du moment où Valkries avait quitté l’arène et commença à écouter.
Bzzt … Bzzt …
«Nous nous revoyons, Mademoiselle Valkries. » La voix de Roland se fit entendre.
Ça y est.
Fei Yuhan mordit un coin de sa lèvre et se servit une tasse de thé chaud.
Elle comptait profiter pleinement des résultats de ses efforts.
…
Avant qu’elle ne parvienne à prendre une gorgée, sa tasse de thé s’était refroidie lentement au point où il était devenu glacé.
Même si elle avait eu des doutes, les choses qu’elle venait d’entendre dépassaient de loin tout ce qu’elle avait prévu!
Lorsqu’elle appuya sur le bouton d’arrêt, Fei Yuhan se rendit compte que le bout de ses doigts tremblaient légèrement.
Pour une artiste martiale de longue date, cela pouvait être considéré comme une perte de contrôle sur son corps!
Elle savait enfin pourquoi un chasseur comme Roland avait brisé son verre de vin ce soir-là. Si cela impliquait les secrets de Dieu, cela aurait été bizarre s’il n’avait pas été dérangé.
L’idée de la création du Monde des Rêves, de races luttant pour leur survie, de la connexion entre les deux mondes et de voyage à travers le Domaine de l’Esprit… Y avait-il quelque chose de plus incroyable que cela?
À l’origine, le choix de Roland et de Valkries de discuter dans un café avait déplu un peu à Fei Yuhan, mais le contenu de leur discussion était si choquant qu’après avoir fini d’écouter, elle réalisa que même si les choses qu’ils disaient étaient formelles et sérieuses, toute personne qui aurait entendu leur conversation aurait considéré cela comme des absurdités.
Malgré cela, Fei Yuhan ne pensait pas que ce dont ils avaient parlé était faux. Il aurait été trop compliqué que Roland commence à jouer un rôle le jour où elle avait commencé à l’observer.
Si ce monde avait vraiment été créé par des humains, alors elle était probablement la première à découvrir la vérité…
«Ha…Ha…Ha ha ha…» Fei Yuhan rit doucement, se sentant excitée de sa découverte
Ce sentiment était… si satisfaisant!
Quant à la question de savoir si elle existait ou n’était qu’une illusion, elle ne la prenait pas du tout en compte. Personne ne savait mieux qu’elle-même qu’elle était un être vivant et pensant. Que ce soit ses gestes et ses actions, ou chaque idée qui émergeait dans son esprit, tout était issu de sa propre volonté. C’était la même chose cette fois-ci, elle avait pris l’initiative de fouiller dans les secrets de ces gens.
Est-ce cela changerait quelque chose si Roland était l’un des créateurs de ce monde? Que son monde soit créé par l’énergie cosmique et les particules élémentaires ou par une personne?
La réponse était que cela ne changerait rien, elle était elle-même et personne ne pourrait prouver le contraire.
Fei Yuhan se pencha en arrière sur sa chaise, laissant son corps frémir alors qu’elle appréciait ce sentiment de plaisir qu’elle n’avait pas ressenti depuis un moment.
Ce n’est qu’après un long moment que son excitation se calma lentement.
Normalement, elle devrait donner à l’Association des Martialistes ses informations concernant les dieux cherchant à détruire leur monde et la nature des Déchus. Cependant, en raison des bouleversements que cette nouvelle engendrerait, elle décida d’observer un peu plus longtemps.
Après tout, à part la discussion entre Roland et Valkries, elle n’avait pas une seule preuve solide entre ses mains. Elle ne pouvait pas non plus exclure la possibilité que Roland, Valkries et toutes les femmes qui étaient avec eux soient tous schizophrènes. Même si la probabilité d’une telle situation était très faible, il ne serait pas mauvais de s’y prémunir.
C’était une bonne chose que Valkries et Roland avaient décidé d’un moyen de communiquer. Cela lui permettrait d’augmenter ses chances d’espionner leurs secrets.
Actuellement, ce qui intéressait le plus Fei Yuhan était le monde d’où ils venaient.
Par exemple, les femmes qui appelaient Roland “Votre Majesté”.
S’ils pouvaient entrer dans le Monde des Rêves, pourrait-elle jeter un coup d’œil à ce que ressemblait le monde de leur côté?
Regardez la supposé “réalité”.
…
«Où étais-tu parti? » Garcia lança un regard mécontent à Roland. «Qu’en est-il de ta promesse de regarder le match avec Cléo? »
«Je suis désolé… J’ai dû rapporter certaines choses à l’Association, je n’ai pas eu le choix. » Roland se frotta la nuque. Il avait tort dans cette affaire, alors il capitula très facilement. Afin que Valkries et lui reviennent à des moments différents, il avait intentionnellement traîné au restaurant un peu plus longtemps et, quand il était parti, il était déjà l’heure de pointe du soir. Cela les amena à attendre une demi-heure de plus à la porte de l’arène.
«Si ce n’était pas parce que je dois encore patrouiller, je vous aurais laissé tomber il y a longtemps», dit Garcia, furieuse. «Emmène la petite fille prendre un bon repas pour te rattraper.»
Elle tapota la tête de Cléo qui hocha la tête puis elle alla à côté de Roland. «Merci, grande sœur! »
«S’il te maltraite, tu dois me le dire. »
«D’accord. »
Cette gamine, prétendant être si docile devant les étrangers. Roland ne put s’empêcher de la maudire intérieurement. Pourtant, en surface, il dit avec enthousiasme: « Détends-toi, laisse-moi m’occuper de tout. Oh oui, veux-tu que je t’amène un repas aussi? »
«Pas besoin», dit Garcia en agitant la main magnanimement. «Allez-y, je retourne dans l’arène.»
«Désolé de t’avoir dérangé aujourd’hui. » Après avoir fait ses adieux à Garcia, il haussa les épaules et se tourna vers Cléo. «Allons-y, il y a un centre commercial devant nous, tu pourras manger ce que tu veux aujourd’hui. »
«OK,» dit Cléo sans enthousiasme.
Étrange, n’avait-elle pas l’habitude de sauter partout dans ce genre d’occasion? Roland était déconcerté. Pourquoi était-elle soudainement devenue si silencieuse?
« Qu’est-ce qui ne va pas? Tu n’as pas aimé la compétition ? »
«Non, c’était bien mieux que de le regarder à la télé…»
«C’est bien alors. Une fois de retour des vacances, je vous emmènerai assister à quelques autres compétitions en direct. Je suis membre de l’Association après tout, il ne devrait pas être trop difficile d’obtenir des billets. »
Ils traversèrent le trottoir et marchèrent côte à côte dans la rue. La neige sous leurs pieds avait déjà fondu à cause de toutes les personnes qui marchaient dessus. Mais de plus en plus de neige descendait du ciel nocturne, et elle était teintée de couleurs brillantes venant des néons. Si cela continuait, demain matin la ville serait susceptible de devenir complètement blanche.
Alors qu’ils marchaient, Cléo se retrouva à un pas derrière lui.
Roland sentit alors le coin de sa veste s’accrocher à quelque chose.
Il s’arrêta de marcher et se retourna, surpris.
La petite fille tirait sur le coin de sa veste, la tête baissée. Elle ne disait pas un mot.
«Qu’est-ce qui ne va pas…» demanda Roland stupéfait. «Euh, j’avais tort de ne pas rester avec toi et d’avoir dû partir travailler…»
Cléo secoua la tête. «Je … ne veux pas rentrer. »
«Quoi? »
«Je ne veux pas retourner dans ma ville natale, Mon oncle. » Elle leva la tête, se mordit la lèvre puis continua: « Puis-je continuer à vivre chez vous pendant les deux mois de vacances? Je vais trouver un moyen de payer le loyer, j’ai déjà épargné de l’argent pour acheter de l’épicerie, je serai certainement plus rapide cette fois, je te promets de te payer à temps à chaque fois. »
En regardant la petite fille qui semblait avoir rassemblé son courage, Roland ne put parler un instant.
Le souvenir de la lecture de son journal apparut dans son esprit. Il sentit soudainement qu’il avait tort.
Ce n’était pas un secret que la famille de Cléo était séparée. Il pouvait dire d’après ses manières quotidiennes et ses dépenses en nourriture et en vêtements que sa famille était très sévère et strict envers elle. Mais Roland n’était pas intervenu et n’avait pas tenté de maintenir leur relation actuelle.
Parce qu’elle était l’autre créatrice de ce monde.
Afin de laisser le Monde des Rêves continuer de fonctionner comme il l’avait toujours fait, maintenir le statu quo était sans aucun doute le meilleur moyen.
C’était aussi la raison pour laquelle il n’avait pas immédiatement demandé à Cléo de rejoindre l’Association après son éveil.
Est-ce que changer la situation actuelle augmenterait les chances qu’elle retrouve ses souvenirs? Si elle redevenait la sorcière qu’elle était lorsqu’ils s’étaient affrontés, quels seraient les changements dans ce monde?
Il avait toujours tenté d’éviter que quelque chose comme ça arrive.
Mais Roland avait négligé de penser aux sentiments de Cléo, elle n’était qu’une petite fille d’à peine quinze ans.
«Croyez-vous vraiment que ce monde est fictif? »
Lorsque Lan lui avait demandé cela, il avait donné une réponse négative. Mais la manière dont il traitait Cléo contredisait ses paroles.
«Je… je ne peux pas…? » Le courage que la petite fille était parvenue à rassembler disparut lentement et sa voix devint de plus en plus basse.
«Tu dois savoir que je ne suis pas ton tuteur légal. Si je te laisse rester dans l’appartement, ça ira pour un ou deux jours, mais après un certain temps, ta famille viendra frapper à la porte. Lorsque ce moment viendra, peu importe à quel point tu ne veux pas, ils vont t’emmener de force et ils ne te laisseront plus revenir ensuite. Et je risque d’avoir des problèmes aussi ensuite. »
La lumière dans les yeux de Cléo s’assombrit alors qu’elle baissait la tête.
«Mais il y a un moyen de contourner cela. » s’exclama Roland en s’accroupissant et en époussetant la neige sur ses épaules.
«Vraiment? » Elle releva brusquement la tête.
«Tout ce que tu as à faire, c’est de rejoindre l’Association des Martialistes. L’Association est en tout temps un centre d’accueil pour les Éveillés; tant que tu décides de rester, personne ne peut te forcer à changer d’avis, même si tu es mineure. » Dit Roland avec un sourire. «C’est le privilège d’être un artiste martial… alors, veux-tu devenir un artiste martial? »
«Je…»
«Mais même si tu rejoins l’Association, tu devras toujours aller à l’école ! Ne pense pas que tu pourras abandonner l’école pour cette raison. » Il haussa les sourcils. « Ne t’inquiète pas pour les compétitions et des choses comme cela. Si tu ne veux pas combattre, tu as le droit de ne pas le faire. »
Ses derniers mots semblaient soulever un fardeau sur les épaules de Cléo. Elle inspira profondément et hocha la tête avec vigueur. «Dans ce cas, je vais le faire. »
«D’accord, quand nous rentrerons, je remplirai un formulaire de demande pour toi. Après cela, tu pourras vivre où tu veux. »
«Puis-je continuer à vivre à l’appartement 8025? »
Roland lui tendit la main. «Bien sûr. »
Le statu quo était brisé.
Ce qui se passerait ensuite était inconnu …
… mais ce serait le résultat d’une décision qu’il avait prise de son plein gré.
Sous les flocons de neige, ils se fondirent dans la mer des piétons et se dirigèrent vers le centre-ville.