Les Chroniques d'un Pilleur de Tombes | Grave Robbers' Chronicles | 盗墓笔记
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Chapitre 7 – Une centaine de têtes
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Il me fallut un certain temps pour reprendre mes esprits, durant lequel de nombreux rêves se succédèrent. Dans la faible lumière, je voyais une femme qui me tournait le dos. Je courais me placer devant elle pour voir son visage mais me retrouvai face à son dos. J’avais beau réessayer, je ne voyais que son dos. Je me demandais ce qui se passait lorsque je réalisai brusquement qu’elle avait un dos à l’avant et à l’arrière de son corps. Je me réveillai avec un grand cri et vis que le ciel était peint d’un rouge sang. Le soleil se couchait.

― Tu es réveillé ? Demanda en souriant Grande-gueule, le visage tout près du mien.

Je plissai les yeux pour m’adapter à la lumière et il me montra le ciel. Tu vois ça ? On est enfin sortis !

Je touchai l’arrière de ma tête :

― Espèce d’abruti, tu m’as frappé ?

― Et alors ? Il ne fallait pas te retourner. Tu as failli nous faire tuer, morveux.

Ma mémoire revint brusquement et, paniqué, je tâtai mon dos pour voir si cette chose était toujours derrière moi.

Grande-gueule se mit à rire : Ne t’inquiète pas, elle est partie.

― Qu’est-ce que c’était ? Je ne parvenais pas à me débarrasser de cette peur persistante.

― Petit Frère a dit que cette chose était une marionnette, mais en fait, c’était l’âme de cette femme zombie habillée de blanc. Elle voulait simplement emprunter ton énergie yang pour sortir de la grotte aux cadavres. Petit Frère ne nous a pas donné les détails parce qu’il s’est évanoui après quelques mots, expliqua Oncle San en tout ramant. Il semble avoir de sacrés antécédents. Ce zombie millénaire s’est agenouillé devant lui comme un rien. Je n’avais jamais rien vu de tel !

Je m’assis et eus un sourire : appuyés l’un contre l’autre, Poker-face et Poids-lourd dormaient profondément. Maintenant que je pouvais voir le ciel, je me sentais beaucoup mieux qu’à mon arrivée.

― Qui est ce type exactement ? demandai-je

― Je ne sais pas vraiment. J’avais demandé à mon ami de Changsha de me présenter un assistant expérimenté et ils sont arrivés avec lui. Je sais seulement que son nom de famille est Zhang. J’ai essayé de lui parler à plusieurs reprises en cours de route, mais il dormait ou regardait dans le vide. Je ne connais pas son passé mais comme la personne qui me l’a présenté est très prestigieuse dans ce secteur, j’en ai conclu qu’il était digne de confiance, répondit Oncle San.

Les quelques informations qu’il venait d’apporter ajoutaient encore plus de mystères au personnage, mais je savais qu’il était inutile de l’interroger plus avant sur Poker-face.

― Est-ce que tu vois le village ? demandai-je à Grande-gueule depuis l’avant du bateau.

― On dirait qu’il est juste devant nous.

― Ce village n’est pas aussi minable que nous le pensions, ajouta Oncle San en montrant du doigt des points lumineux. On dirait même qu’ils ont l’électricité.

En pensant au village, j’imaginai aussitôt un bain chaud, de la viande sautée et des villageoises aux épaisses tresses. J’étais de plus en plus excité. C’est alors que je vis, dans les rayons mourants du soleil, l’ombre d’un groupe de personnes chevauchant des mules sur les collines à gauche et à droite de notre position. Ils se dirigeaient eux aussi vers le village. Les collines n’étant pas très hautes, je pus vaguement distinguer qu’ils n’étaient pas du coin.

Arrivés au point de passage du ferry, une petite fille du village nous aperçut et cria : Des fantômes !

Mais elle s’enfuit si vite que nous n’eûmes pas le temps de lui demander la raison de ses craintes.

Le bœuf s’était bien comporté. Il était resté sur le bateau de derrière sans causer de problèmes. Grande-gueule, qui s’occupait du bétail dans sa ville natale, se chargea de le faire descendre. Poids-lourd se réveilla une fois à terre en pensant qu’il venait de faire un mauvais rêve. Oncle San le frappa suivi par Grande-gueule qui vint lui donner quelques coups de pied.

Poker-face ̶ qui avait perdu beaucoup de sang ̶ ne se réveillant pas, j’aidais à le mettre dans le char à bœufs. Le corps de ce type était aussi doux que celui d’une femme et on aurait dit qu’il était dépourvu de squelette. Pendant que je l’installais, Oncle San demanda à un passant de lui indiquer l’hôtel le plus proche.

Celui-ci nous regarda comme si nous étions une bande de fous.

― Où vous croyez-vous ? Pourquoi aurions-nous besoin d’un hôtel alors que notre village compte moins de quarante familles ? Si vous cherchez un endroit où loger, allez-voir à la maison d’hôtes.

Arrivés sur les lieux, la maison nous donna l’impression d’être hantée mais à notre grande surprise, elle était très bien ! Au moins, elle était en dur avec le téléphone et l’électricité. Et surtout, il y avait l’eau chaude et des draps propres. Tout compte fait, on aurait pu la considérer comme un hôtel cinq étoiles.

Nous pûmes tous prendre un bain, ce qui n’était pas du luxe avec cette puanteur de cadavres collée à nos vêtements. Puis nous nous rendîmes dans la salle à manger. Poker-face était enfin réveillé mais ne semblait pas très énergique. Nous lui commandâmes donc une assiette de foie de porc pour qu’il refasse le plein de sang et ne prîmes pas la peine de lui demander quoi que ce soit.

Il nous avait sauvé la vie après tout, aussi toute question était, pour le moment, superflue.

Nous commandâmes de la bière, mais comme nous avions prévu de travailler le lendemain, nous ne pouvions pas nous permettre de boire trop. Tout en mangeant, je taquinai la serveuse.

― Je trouve cet endroit plutôt sympa, Grande Sœur. Tous les sols sont en ciment et les routes dehors sont pavées. Le ciment a-t-il été transporté à dos de mule en passant par les collines ?

― C’est impossible ! Savez-vous combien de temps cela prendrait ? Il y a longtemps que nous avons une route par ici ; les camions de la Libération l’ont même empruntée. Mais il y a deux ans, un glissement de terrain l’a ensevelie et nous avons fait une découverte parmi les décombres. Un grand chaudron. Des gens venaient de partout pour le voir. Ils ont fini par l’emporter en disant qu’il s’agissait d’un trésor national datant de l’époque des Royaumes Belligérants. Ils n’ont même pas pris la peine de s’occuper de la route. Vous voyez un peu ? Par la suite, les responsables du village ont dit que nous allions devoir la réparer nous-mêmes. Mais comme nous n’avions pas d’argent pour les travaux, tout s’est arrêté. Cela fait un an déjà.

― Et la voie navigable ? Vous n’avez pas un point de passage pour les ferries ici ?

― Ce truc date d’avant la Libération. Aucun ferry n’est passé ici depuis des années. De nos jours, si quelqu’un veut vous faire emprunter cette voie d’eau, c’est qu’il a l’intention de vous tuer et de vous voler votre argent. Vous, les étrangers, devez être prudents. L’eau dans ces régions est très dangereuse. Beaucoup s’y sont noyés au fil des ans et aucun corps n’a jamais été retrouvé. Les anciens du village murmurent entre eux qu’ils ont été engloutis par le dieu de la montagne.

Je jetai un coup d’œil à Oncle San en me disant : quel genre de putain de guide cherchais-tu ? On dirait que tu es tombé sur un voleur !

Embarrassé de s’être fait avoir, mon oncle s’empressa de boire une gorgée de bière et demanda :

― Au fait, y a-t-il beaucoup d’étrangers qui viennent ici ?

― Ne vous laissez pas tromper par l’exiguïté de ma maison d’hôtes. Je peux vous dire que tous les étrangers qui viennent dans ce village finissent par y séjourner. Depuis que ce chaudron a été déterré, ils sont de plus en plus nombreux. Il y a même des gens qui envisagent de construire une villa de l’autre côté de la montagne.

Oncle San se leva brusquement :

― Putain, ils ne vont tout de même pas aller jusque-là ?! S’écria-t-il.

Il était évident que pour vouloir construire une villa dans ce pays sauvage et montagneux, il fallait être soit un Chinois venu de l’étranger, soit un pilleur de tombes.

Voyant que cet emportement soudain avait surpris la serveuse, Grande-gueule fit rasseoir Oncle San.

― Maître San, tu n’es plus tout jeune. Ce n’est pas la peine de t’énerver ainsi. Puis il se tourna vers la femme : Ne faites pas attention à lui. Maître San a probablement trouvé cela ridicule.

J’entendis alors mon oncle étouffer un juron, puis il esquissa un sourire embarrassé.

― Hé, avez-vous des sites historiques ou des lieux pittoresques dans le coin ? Quelque chose à faire pour le plaisir ?

La serveuse eut un sourire :

― Vous n’avez pas l’air d’être ici pour vous amuser. Vous êtes probablement venu piller des tombes, non ? Devant notre air hébété, elle s’assit près de nous : Pour ne rien vous cacher, quel étranger n’est pas venu ici piller des tombes ? Tout cet attirail dans votre chariot n’est-il pas trop encombrant pour faire du tourisme ?

Oncle San me regarda puis versa un verre de bière à la jeune fille.

― A la manière dont vous en parlez, on dirait que vous êtes vous aussi une experte ?

― Ha ! Comment pourrais-je l’être ? J’ai juste entendu mon grand-père et d’autres personnes parler du nombre de pilleurs de tombes venus ici au fil des ans et qui ont emporté beaucoup de belles choses. Mais mon grand-père affirmait que le plus remarquable se trouve plus loin à l’intérieur. C’est la tombe d’un immortel. Tout l’or, l’argent et les bijoux que l’on peut trouver dans les tombes ne sont rien comparés aux trésors de cet immortel.

Oncle San tendit l’oreille :

― Vraiment ? Votre grand-père y est allé ?

La jeune fille pinça les lèvres, puis sourit.

― Faites attention à ce que vous dites. Mon grand-père le tient de son grand-père et j’ignore de quand date cette légende. J’ai entendu dire que cet immortel avait été envoyé par l’Empereur de Jade, était devenu un grand général et avait mené de nombreuses batailles pour le compte de l’empereur régnant. (1) Après de bons et loyaux services, il remonta dans les cieux et son corps physique fut enterré avec les précieux trésors qu’il avait utilisés durant ces batailles. Cette tombe est censée être plus importante que celle de l’empereur. Cela semble une évidence, sinon, pourquoi le qualifierait-on d’immortel ?

― Dans ce cas, il doit y avoir beaucoup de gens à la recherche de cette tombe, non ? Demanda nerveusement Oncle San. Quelqu’un l’a-t-il trouvée ?

― Ah, vous l’ignorez sans doute, mais il est désormais impossible de s’y rendre. Lorsque la montagne s’est effondrée il y a deux ans, cet endroit a suivi. Vous ne devinerez jamais ce qui est sorti de la montagne !

― Quoi ? Un autre de ces chaudrons ou quelque chose comme ça ? Demanda Poids-lourd.

― Vous êtes sérieux ? Si c’était un chaudron, il aurait été emporté depuis longtemps. Je vais vous le dire, mais cela reste entre nous. La jeune fille prit une gorgée de bière avant de poursuivre : Plus d’une centaine de têtes ont été déterrées !

Notes explicatives :

(1) Considéré comme le souverain du ciel, L’Empereur de Jade est l’une des divinités les plus importantes et les plus populaires de la mythologie chinoise.



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