Les Chroniques d'un Pilleur de Tombes | Grave Robbers' Chronicles | 盗墓笔记
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Chapitre 29 – La boîte pourpre et or
Chapitre 28 – Le Feu Menu Chapitre 01 – Le poisson de cuivre aux sourcils en forme de serpent

Encore à moitié endormi, je me retournai pour demander à mon oncle ce qui se passait dehors, mais il s’était assoupi sur le tabouret près du mien et dormait encore plus profondément que je ne l’avais fait. Je sortis en courant de la clinique et vis les villageois tirant charrettes et mules se hâter vers la colline derrière le village.

― Ça craint, ça craint, cria un jeune garçon qui passait en courant, il y a le feu sur la montagne !

Stupéfait, je me demandai si le foyer que nous avions allumé n’avait pas fini par embraser la forêt. Tout compte fait, nous n’avions pris aucune mesure de précaution en mettant le feu à la crevasse. Si les flammes s’étaient propagées et avaient brûlé la forêt, nous en étions sans aucun doute responsables.

Je sentais la panique monter en moi.  Si ce feu prenait de l’ampleur, on ne compterait pas qu’une ou deux victimes. Nous autres citadins n’étions absolument pas sensibilisés à la prévention des incendies de forêt. C’était une terrible catastrophe.

Je retournai en courant à la clinique et réveillai Oncle San. Nous attrapâmes deux bouteilles d’urine sous le lit – il fallait bien nous en contenter étant donné qu’il n’y avait rien d’autre – et suivîmes la foule en direction de la montagne. Au même moment arriva le gros sur une charrette tirée par un âne. Il tenait une cuvette à la main et nous cria :

― C’est un problème majeur ! Allez, montez vite ! Allons éteindre le feu.

Oncle San et moi-même grimpâmes dans la charrette qui sortit en brinquebalant du village. Une grande fumée noire planait dans le lointain au-dessus des montagnes, ce qui laissait à penser que le feu faisait rage. Mon oncle en resta muet, puis murmura :

― D’après la direction, on dirait bien que c’est le feu que nous avons allumé.

Je lui couvris la bouche en voyant courir vers nous quelqu’un dont on aurait qu’il s’agissait d’un officiel du village.

― Appelez les troupes, vite ! cria-t-il. La montagne devant nous s’est effondrée !

Je compris que la grotte avait dû s’effondrer à cause de l’incendie et m’inquiétai de savoir si les mangeurs de cadavres n’en étaient pas sortis. Si tel était le cas, nous risquions d’avoir des problèmes. Gros lard se mit à fouetter l’âne avec une telle vigueur que son arrière-train était tout enflé et en peu de temps, nous arrivâmes au niveau du monticule qui avait été emporté par la coulée de boue.

Les villageois étant généralement formés à la lutte contre les feux de forêt, ils savaient ce qu’ils avaient à faire. Certains déblayaient des chemins dans les bois tandis que d’autres allaient remplir d’eau leurs cuvettes qu’ils emportaient plus loin dans la forêt. Quand je vis toutes ces casseroles et ces poêles, je compris qu’il faudrait au moins deux heures pour que l’eau arrive jusqu’au lieu de l’incendie. Ce ne serait vraiment pas suffisant pour éteindre le feu.

― Amis villageois, cessez d’aller chercher de l’eau, m’empressai-je de crier. Ce ne sont pas ces quelques gouttes qui viendront à bout de ce feu. Ne faites pas de sacrifices inutiles. Attendons l’arrivée des troupes.

Ils me regardèrent comme si j’étais fou et un homme âgé me dit :

― Cette eau est destinée à être bue, jeune homme, sans quoi les combattants du feu vont se déshydrater et mourir. Nous devons créer un coupe-feu à la périphérie du brasier. Quand il n’y aura plus rien à brûler, le feu s’éteindra de lui-même. Si vous n’y connaissez rien, cessez de faire les idiots et fichez le camp d’ici.

Il avait remarqué les urinoirs que nous tenions à la main et secoua la tête. Tous ayant le regard braqué sur nous, je me sentis devenir écarlate.

C’est vraiment embarrassant, pensai-je. À l’avenir, je m’abstiendrai de faire des remarques inconsidérées. 

Je baissai aussitôt la tête et suivis la foule dans les bois. Tous les arbres qui bloquaient la voie avaient été coupés pour faciliter le passage. Au bout d’une heure environ, la température ambiante avait considérablement augmenté et le ciel devant nous était noir de fumée.

Les villageois sortirent des masques, les trempèrent dans l’eau et les mirent sur leur visage. Je jetai un coup d’œil au gros balourd dont les vêtements, visiblement, n’offraient pas de tissu en trop pour un masque de fortune. Apparemment, il avait pris sa décision car il sortit de sa poche le parchemin de soie bordé d’or, le trempa dans l’eau et le noua sur son visage. Puis, s’armant d’une pelle, il aida les villageois à creuser un fossé pour le coupe-feu.

Les feux de forêt se propageaient très rapidement et étaient extrêmement dangereux. A grande échelle, ils ne pouvaient être contenus qu’en envoyant des hélicoptères. « Contenus » signifiait ici que le feu devait s’éteindre de lui-même, car il était impossible de l’éteindre comme on le ferait en ville. Il fallait plus de vingt ans pour qu’un arbre devienne du bois utile et seulement dix minutes pour qu’un feu de forêt réduise tout en cendres. Un pouvoir extrêmement destructeur. De plus, les feux de forêt se propageaient sur une large zone, donc si vous ne l’éteigniez qu’à un endroit donné, les flammes en provenance d’un autre secteur s’étendaient rapidement derrière vous jusqu’à vous encercler. Le temps de vous en apercevoir, vous étiez déjà pris dans l’incendie, n’ayant aucune autre alternative que d’attendre la mort.

Cela me rappela un film américain relatant l’issue d’un groupe de pompiers encerclés par le feu et n’ayant aucun moyen d’appeler à l’aide (1). L’histoire reposait sur les derniers moments de leur vie. Bien entendu, cela ne nous arriverait pas. L’incendie ne s’était pas encore suffisamment propagé et le fossé du coupe-feu avait été rapidement creusé.

Il était quatorze heures lorsque des hélicoptères appartenant aux gardes forestiers apparurent enfin dans le ciel. Peu de temps après, de nombreuses troupes se rassemblaient dans les bois pour nous remplacer. J’avais particulièrement peur que quelqu’un ne meure à cause du feu, mais le décompte final me rassura : seules quelques personnes furent légèrement blessées.

Nous rentrâmes au village complètement épuisés. J’avais si faim que je demandai à un enfant de me préparer deux gâteaux aux graines de sésame que j’avalai d’une seule bouchée. Je sentis des larmes couler sur mon visage et me dis que je n’avais jamais goûté quelque chose d’aussi délicieux. Quelqu’un qui semblait être le secrétaire du village vint nous féliciter et nous dire qu’il était vraiment rare de voir des citadins aussi consciencieux.

Par pitié, cessez de nous féliciter, pensai-je, sinon, je me sentirai encore plus coupable. Vous nous étrangleriez si vous appreniez que nous sommes les incendiaires.

L’infirmière nettoya les plaies de Grande-gueule et changea ses bandages. Il respirait beaucoup mieux à présent mais n’était pas encore réveillé. Le médecin me dit de ne pas m’inquiéter et m’assura qu’il n’était pas en danger pour le moment. S’il y avait des blessés du fait de l’incendie, on les enverrait au grand hôpital en ville et Grande-gueule les y accompagnerait. Ces paroles me soulagèrent quelque peu.

Oncle San et moi retournâmes à la maison d’hôtes où je pris un bon bain. Avant de me déshabiller, je n’avais pas réalisé que mon corps était couvert de bleus et de coupures des pieds à la tête. Occupé à courir pour sauver ma peau, je n’avais rien senti mais à présent, chaque ecchymose et chaque égratignure pulsait comme pour me rappeler sa présence. C’était si douloureux qu’en sortant de la salle de bains, je pouvais à peine bouger mes jambes.

Je me dirigeai vers le lit et en quelques secondes, m’endormis d’un sommeil si profond que je ne m’éveillai pas avant le lendemain midi. Lorsqu’enfin je me levai, le gros et oncle San étaient toujours dans leur lit et ronflaient aussi fort que le tonnerre.

Je descendis prendre mon petit-déjeuner et demandai à la serveuse où en était l’incendie. Elle me répondit que le feu avait été maîtrisé et que comme il ne s’agissait que d’un petit feu de forêt, les troupes s’étaient déjà retirées.  Un peu rassuré par ces propos, je me rendis à la clinique pour prendre des nouvelles de Grande-gueule. Le personnel m’ayant fait savoir qu’il avait été envoyé à l’hôpital Qianfoshan de Jinan, je les remerciai et retournai à la maison d’hôtes, conscient que nous ne pouvions nous attarder dans ce village et qu’il était temps de préparer notre départ.

Il n’y avait pas grand-chose à ajouter. Lorsque, quelques jours plus tard, nous arrivâmes à Jinan, mon oncle et moi nous rendîmes à l’hôpital où Grande-gueule avait été admis afin de remplir ses papiers. Comme il n’était pas encore sorti d’affaire et qu’il se trouvait toujours dans le coma, nous décidâmes de rester là-bas quelques jours.

Sitôt passé les montagnes, Gros lard nous quitta en prenant soin de nous laisser un numéro de téléphone pour le contacter le cas échéant. Il remit également à Oncle San le parchemin de soie garni d’or afin qu’il s’en occupe.

Quelques jours plus tard, j’appelai l’hôpital pour prendre des nouvelles, mais Grande-gueule n’était toujours pas réveillé. Alors que je soupirai, mon oncle entra, le visage sombre.

― Je suis furieux ! Je ne peux pas croire que j’ai été trompé !

Surpris et croyant qu’il faisait allusion au business des antiquités, je répondis :

― Oncle San, si on a pu te tromper malgré tes qualifications, c’est qu’il s’agit d’une bonne contrefaçon. Tu n’auras certainement aucun problème à la revendre.

Il sortit le parchemin de soie :

― Le revendre, mon cul ! Je ne parle pas d’antiquités, je parle de ça !!!

Je faillis tomber de mon lit :

― Quoi ? ! C’est impossible !

― Si c’est possible !  J’ai fait expertiser ce truc pour connaître sa teneur en or et il s’avère que celui-ci est trop pur pour avoir été raffiné à cette époque. C’est une contrefaçon quasi parfaite !

J’avais peine à le croire mais mon oncle soupira et reprit : J’avais des soupçons depuis un moment. Manifestement, ce jeune homme pouvait vaincre le cadavre sanglant. Pourquoi au début s’est-il enfui, paniqué, et ne s’en est débarrassé qu’à la fin ? Il voulait sans doute nous évincer pour pouvoir agir seul.

― Tu penses qu’une fois séparé de nous, il est allé dans cette grotte, a ouvert le cercueil du roi Shang et y a mis ce faux parchemin de soie ? Mais comment est-ce possible ? Comment une personne peut-elle faire ça toute seule ? De plus, l’ouverture dans l’arbre a été créé par ces chaînes. Si quelqu’un l’avait ouvert, nous n’aurions certainement pas manqué de nous en apercevoir.

― As-tu vu l’arrière du cercueil ? C’est un pilleur de tombes. Il a certainement creusé un tunnel derrière l’arbre, sorti le vrai parchemin par l’arrière du cercueil et l’a remplacé par ce faux ! À nouveau, il soupira : Hélas, je n’ai rien remarqué malgré mes décennies d’expérience dans ce boulot. Cet homme est bien trop mystérieux et impossible à cerner. J’ai d’abord pensé que c’était un descendant de Faqiu Zhonglang Jiang, mais il semblerait que ses origines soient bien plus complexes que ça.

Ne voyant vraiment pas de quoi il parlait, je revins sur le parchemin :

― Tout ce qui est inscrit dessus serait donc faux ?

Oncle San hocha la tête :

― C’est comme dans les histoires du Classique des Montagnes et des Mers. Cela ne semble pas crédible au premier abord mais nous baignions tellement dans l’atmosphère étrange de cette tombe antique que nous y avons cru volontiers. Maintenant que j’y repense, il y avait trop de failles. Réfléchis ! Avec les connaissances que tu as, comment se fait-il que tu n’aies compris que les deux paragraphes les plus importants ? Si tu n’as pas saisi le reste, c’est qu’il s’est particulièrement appliqué pour ce qui est de ces deux passages.

Ma stupéfaction était telle que j’en restai bouche bée. Mon oncle poussa un profond soupir et ajouta :  Il semblerait qu’il soit le seul désormais à connaître le secret du Palais du Roi de Lu. La tombe s’étant effondrée, il nous est impossible d’y retourner pour vérifier.

C’est alors que quelque chose me revint à l’esprit.

― Oh, mais c’est vrai ! J’avais presque oublié. Ce voyage n’aura pas été une totale perte de temps puisque j’ai réussi à ramener quelque chose de cette grotte.

Tout en parlant, je fouillais dans mon sac à dos, priant pour ne pas l’avoir perdue en chemin. Heureusement, la boîte pourpre et or était toujours là : La voilà ! Je l’ai prise sur le cadavre du renard.

Oncle San examina l’objet.

― C’est une boîte à énigmes. Le compartiment principal étant celui où sont logées les serrures, il ne peut pas contenir grand-chose. Ce genre de boîte est très difficile à ouvrir. Tu vois ?

Il tourna le couvercle de la boîte et les quatre coins du fond s’ouvrirent simultanément, révélant un plateau tournant perforé de huit trous. Chacun de ces orifices comportait un numéro, un peu comme le cadran d’un vieux téléphone. Ce type de boîte est l’une des plus anciennes boîtes à énigmes, reprit-il. Il te faut connaître le mot de passe pour l’ouvrir. Attends-moi ici, je vais emprunter un chalumeau à l’atelier automobile. Nous allons l’ouvrir et y jeter un œil.

Je n’eus même pas le temps de réagir qu’il avait déjà franchi la porte.

Si c’est un code à huit chiffres, ne serait-ce pas le 02200059 que j’ai vu plus tôt ? Mais comment un mot de passe antique pourrait-il se trouver sous la forme d’un sceau en relief sur la ceinture d’un Américain ?

Cette pensée en tête, je tentai de composer les chiffres 0-2-2-0-0-0-5-9. A ma grande stupéfaction, j’entendis un clic immédiatement suivi d’un bruit semblable à celui d’un ressort d’horlogerie, puis le couvercle de la boîte s’ouvrit automatiquement.

NDT :

  1. Si mes souvenirs sont bons, le narrateur fait allusion au film « Piège de Feu » (2005).


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