Les Chroniques d'un Pilleur de Tombes | Grave Robbers' Chronicles | 盗墓笔记
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Chapitre 28 – Le sang de Qilin
Chapitre 27 – Au sommet Menu Chapitre 29 – Nous rapprochant

Je fus surpris qu’il me pose cette question, mais ne sachant pas de quoi il parlait, je secouai la tête :

― Gros comme ça ? Je ne pense pas avoir déjà mangé quelque chose de ce genre. Mais de quoi parles-tu exactement ? Penserais-tu à quelque chose de précis, Maître Liang ?

Il toucha un peu de mon sang, le renifla et me dit :

― En vous écoutant parler, je me suis souvenu d’une histoire. Il y a longtemps, j’ai entendu un vieux monsieur dire qu’il existait une sorte de chose qui, si on la mange, confère au sang le pouvoir de chasser les mauvais esprits et les mauvais insectes. C’est un remède traditionnel Chinois très rare. As-tu déjà mangé quelque chose de semblable ?

De la taille d’une écaille ? Une médecine traditionnelle chinoise ? J’étais totalement déconcerté. Il s’était passé tellement de choses récemment et je mangeais généralement à la hâte. De plus, je ne m’étais jamais senti malade ni ne me souciais habituellement de ce que je mangeais. Mais maintenant qu’il me posait la question, je ne me souvenais plus de rien.

Lao Yang se moqua de moi :

― J’ai toujours entendu dire que le sang de chien noir ou de coq pouvait chasser les mauvais esprits. Qui aurait cru que notre vieux Wu avait aussi cette capacité ? Ne le dis à personne, sans quoi tout le monde te demandera du sang et tu seras vidé en quelques jours.

Sur ces paroles, il se mit à rire.

― Tu ne peux pas faire preuve d’un peu de décence ? Quel sang de chien et de coq ?! Laisse-moi te dire quelque chose : Depuis les temps anciens, le sang humain a toujours été ce qu’il y avait de plus puissant pour chasser les mauvais esprits, surtout celui des condamnés à mort. D’ailleurs, il y a encore des gens pour se rendre sur les lieux d’exécution et demander aux pompes funèbres de tremper un tissu blanc dans le sang des condamnés afin de l’accrocher à la poutre de leur porte. Si tu ne sais pas, abstiens-toi de dire des conneries.

Voyant que j’étais en colère, Lao Yang se mit à rire avec suffisance, mais soudain, il grimaça de douleur et porta la main à son dos. Il s’était probablement blessé et ne s’en était pas rendu compte avant que le rire ne tiraille sa blessure.

Comme, à mes yeux, il le méritait, je l’ignorai et dis à Maître Liang :

― Pourrais-tu être plus précis ?  Un truc de la taille d’une écaille, c’est beaucoup trop vague. Trop de choses correspondent à cette description. Ce dont tu parles a-t-il des caractéristiques particulières ?

Maître Liang réfléchit avant de répondre, l’air embarrassé :

― Je ne l’ai pas vu de mes propres yeux, je l’ai seulement entendu dire. De plus, ça fait tellement longtemps que j’ai beau essayer de m’en souvenir, je n’y parviens pas.

Déçu, je soupirai.

― Jeune Wu, dit-il avec un sourire, ne t’inquiète pas trop à ce sujet. Ce n’est pas une mauvaise chose. D’ailleurs, si tu n’avais pas été là à l’instant, nous serions tous morts. J’aime à penser que c’est le destin. Dans le monde souterrain, nous avons tous un destin prédéterminé. Sache qu’avec ce cadeau, lorsque tu iras piller des tombes, tu ne devrais pas rencontrer de difficultés.

Je ne pus m’empêcher d’être bouleversé. À l’entendre, le reste de ma vie s’annonçait plutôt sombre. Si je continuais à piller des tombes, cela revenait à dire que j’acceptais de courtiser la mort. Levant les yeux au ciel, je leur dis :

― Mais mon sang n’a pas encore été testé, aussi je n’ai aucun moyen de savoir si c’est vraiment ce qui nous a sauvés à l’instant. Si ce n’est pas le cas, ça va certainement poser problème. Nous ferions mieux de profiter de cette opportunité et de nous dépêcher de sortir d’ici. Nous en reparlerons plus tard.

Maître Liang aurait voulu se reposer un peu plus longtemps, mais quand il vit les insectes rôder autour de nous, il approuva aussitôt mon idée. Nous nous remîmes à grimper, mais quelques pas plus tard, Lao Yang m’attrapa par la main et m’arrêta dans ma lancée :

― Attend… attend !

Son visage était pâle, couvert de sueurs froides et il n’avait pas l’air bien. Je lui demandai aussitôt ce qui n’allait pas.

S’accrochant d’une main à un rocher, Lao Yang se toucha le dos en disant :

― Je ne sais pas. Tout à l’heure, quand je riais, mon dos m’a soudain fait un mal de chien. Je me suis peut-être froissé un muscle quand la corde a cassé. Peux-tu jeter un coup d’œil ? J’ai tellement mal que je n’ai plus de force du tout.

Après que la corde se fut rompue, nous avions heurté violemment la paroi.  Je ressentais moi aussi des douleurs dans tout le corps, mais la situation était si critique que je n’avais pas le temps d’y penser. À présent, alors que les tensions s’apaisaient, ces blessures n’attendirent pas pour se manifester. Lao Yang qui, à l’origine, se trouvait tout au bout de la corde, avait heurté le mur bien plus durement que nous. S’était-il fracturé quelque chose ?

Lui recommandant de ne pas bouger, je soulevai sa chemise et vis, en haut de son dos, un bleu, comme une indentation à l’endroit de la troisième côte. J’appuyai légèrement dessus et il se mit à crier comme un porc qu’on égorge. Il se pencha et manqua me faire tomber.

Ça craint, me dis-je. C’est une sale blessure. Si elle fait aussi mal alors que je la touche à peine, dois-je comprendre qu’il y a vraiment une fracture ?

Le visage déformé par la douleur, Lao Yang tourna à grand peine la tête et me demanda à quoi ressemblait la blessure. Je plissai le front, ne sachant pas trop quoi lui répondre, puis je me décidai :

― Je ne saurais le dire d’un simple regard, mais vu la douleur que tu ressens, je ne pense pas que nous puissions poursuivre l’ascension. Il est possible que l’os soit cassé et que tu ne puisses pas faire d’activités plus intenses. Ça a l’air sérieux, aussi nous faut-il trouver un endroit plat où nous pourrons procéder à un examen plus approfondi.

Lao Yang qui, quelques minutes auparavant, était impatient de grimper, luttait à présent.

― Un examen approfondi ? Oublie ça. Notre torche et notre lampe de poche ne tiendront plus longtemps. Mieux vaut quitter cet endroit. Nous pourrons l’examiner une fois au sommet.

Maître Liang regarda son dos :

― Non, Frère Yang, le jeune Wu a raison. Tu as une déformation dans le dos, tu dois absolument te faire examiner. Si vraiment l’os est fracturé, il faut s’en occuper immédiatement, sans quoi il pourrait transpercer ta cage thoracique et te tuer. Crois-moi, je m’y connais un peu dans ce genre de choses. Nous ne sommes plus très loin du sommet, nous pouvons nous permettre de prendre un petit retard.

Lao Yang aurait bien voulu continuer à argumenter, mais il devait avoir très mal, car ses mots devinrent aussitôt des gémissements. Je jetai un coup d’œil aux petites grottes avoisinantes et vis qu’elles étaient relativement planes.  Je lançai un regard à Maître Liang et nous attrapâmes Lao Yang pour le traîner dans la meilleure des grottes, après quoi je retournai chercher la torche que j’insérai dans une crevasse pour empêcher les insectes d’entrer.

La caverne que nous avions trouvée faisait environ sept ou huit mètres de profondeur et moins d’un mètre de haut. La lumière du soleil ne l’ayant pas atteinte depuis de nombreuses années, l’air y était très humide et les parois rocheuses présentaient des taches de moisissure. On pouvait voir quelques traces d’une activité humaine antérieure, mais elles n’étaient plus vraiment évidentes. Après avoir parcouru cinq ou six mètres, nous vîmes que la grotte se terminait en un cul-de-sac aux parois rugueuses.

M’étant assuré qu’il n’y avait pas de danger, je rangeai le pistolet. Maître Liang utilisa l’arme artisanale pour fabriquer une attelle qu’il attacha au dos de Lao Yang à l’aide d’une corde. Le visage de celui-ci se détendit un peu. Ce maître sait tout faire, me dis-je. Il sait tirer parti de n’importe quoi. À l’avenir, si nous retournons piller des tombes, il nous faudrait un talent comme le sien.

Lorsque Maître Liang eut terminé, je lui demandai comment allait Lao Yang :

― L’os ne semble pas cassé, me dit-il à voix basse, mais il est probablement fêlé. Je lui ai prodigué les premiers soins de base, aussi ne devrait-il plus souffrir autant. Cela dit, jeune Wu, tu ferais mieux de faire entendre raison à ton ami. Dans l’état où il est, il ne peut pas poursuivre l’escalade.

Je compris alors ce que Maître Liang essayait de me dire. Il voulait me persuader de redescendre. Du reste, il m’avait déjà fait une ou deux allusions en cours de route. Cette aventure était vraiment trop pénible pour lui. Il avait manifestement pensé abandonner, toutefois, il n’en avait rien dit compte tenu de l’insistance de Lao Yang à poursuivre. Il avait à présent une excuse et il était tout à fait normal qu’il l’exploite.

Devais-je le croire concernant la gravité de la blessure de Lao Yang ?

Voyant à quel point j’étais méfiant, il me dit :

― Jeune Wu, même si je ne fais pas partie de votre groupe, nous sommes tous mêlés à la même affaire. Je ne me permettrais pas de plaisanter avec ça. Si tu veux, tu peux faire ton propre examen. Mais pour être honnête, j’ai bien peur que dans notre état actuel, nous n’y laissions la vie si nous nous entêtons.

Je jetai un coup d’œil à Lao Yang, qui, pris d’un nouvel accès de douleur, ne prêtait pas la moindre attention à notre discussion. Tapotant l’épaule de Maître Liang, je lui dis doucement :

― Tout dépend de la situation. Tu devrais toi aussi te reposer. Ce n’est pas le moment de parler de ça. Même si tu veux redescendre, il te faut d’abord te reposer.

Il marmonna quelque chose, s’adossa au mur, se frotta les cuisses et se tut. Je vérifiai le reste de notre équipement, m’assis à mon tour, me massai les tempes et me mis à réfléchir aux propos de Maître Liang.

À l’origine, n’étant pas du tout intéressé par ce qu’avait dit Li Pipa, je n’avais eu aucune objection lorsque Maître Liang, quelques temps plus tôt, m’avait demandé d’abandonner. Mais nous avions traversé tant d’épreuves pour arriver jusqu’ici que j’étais un peu réticent à l’idée de renoncer. Cela étant, je savais au fond de moi que ce que venait de me dire Maître Liang était raisonnable. L’un de nous avait un os fracturé, le second était en très mauvaise santé et j’avais moi-même atteint les limites de ma force physique. Il serait vraiment imprudent de notre part de poursuivre l’escalade.

Mais si nous abandonnions, Lao Yang en serait très contrarié. Nous avions fait tout ce chemin ensemble et voilà que j’étais prêt à me liguer avec un étranger contre  lui. Peut-être ne voudrait-il plus être mon ami après ça. De plus, si, à certains moments, Maître Liang pouvait paraître lâche, c’était un vétéran dans le domaine. Etait-ce une ruse de sa part pour nous diviser ? Si je l’écoutais, nous pourrions tous deux tomber dans son piège. J’étais face à un pénible dilemme.

Après y avoir réfléchi un moment et ne sachant que faire, je décidai tout bonnement de ne plus y penser. Le meilleur plan, dans l’immédiat, était de prendre les choses étape par étape.

Je me retournai pour les regarder. Maître Liang était déjà endormi – il était tellement épuisé qu’il ronflait – et Lao Yang faisait une sieste. Mais il n’avait pas l’air de dormir profondément, probablement à cause de sa blessure au dos. Bien que cette petite grotte fût humide et froide, c’était beaucoup plus confortable que d’être suspendu à la falaise. Voyant qu’ils se reposaient, une vague d’intense fatigue s’empara de moi.  J’eus beau faire tout mon possible pour rester éveillé, le sommeil me prit sans même que je m’en aperçoive.

Je dormis à poings fermés et lorsque je m’éveillai, tout mon corps était détendu et je sentais un agréable picotement parcourir mes membres. La lumière de la torche était très faible, ce qui laissait à penser que j’avais dormi longtemps. Je passai la tête par l’entrée de la grotte et vis que presque toutes les bestioles au dehors avaient disparu, mis à part quelques-unes éparpillées çà et là.

Soulagé, j’allumai la lampe de poche et la dirigeai vers le haut. De là où je me trouvais, la cime de l’arbre de bronze ne semblait être qu’à trois ou quatre heures d’escalade. Les trésors censés être cachés là-haut étaient pratiquement à portée de main. Il aurait vraiment été dommage que nous redescendions maintenant.

Si Lao Yang n’était toujours pas réveillé, son visage était apaisé et il semblait en bien meilleure condition. J’allais voir Maître Liang avec l’intention de le réveiller pour discuter de ce qu’il y avait lieu de faire lorsque je m’aperçus qu’il n’y avait plus personne à l’endroit où il s’était allongé.

Hein ? Je me figeai d’abord, puis, reprenant mes esprits, je braquai ma lampe vers les profondeurs de la grotte. Il était introuvable. Où a-t-il bien pu passer ? Je m’aperçus alors que l’arme utilisée pour soutenir le dos de Lao Yang avait disparu. Pris de sueurs froides et d’un mauvais pressentiment, je portai la main à ma ceinture. Mon pistolet aussi s’était volatilisé !

Bâtard ! jurais-je intérieurement. Honnêtement, je n’aurais jamais pensé qu’une personne aussi dégonflée puisse voler mon arme et s’enfuir pendant que je dormais ! Mais pourquoi n’avait-il pas emporté la lampe de poche ? Comment pouvait-il faire quoi que ce fût sans lumière ? J’étais si anxieux que je n’avais pas les idées claires. Saisissant la torche, je me lançai à sa poursuite. Ce type étant particulièrement lent, s’il était parti depuis peu, je le rattraperais en un rien de temps.

Malheureusement, j’étais à peine sorti de la grotte que quelque chose passa devant mes yeux. Je n’eus même pas le temps de savoir si ce vieux Liang était monté ou descendu. Une ombre noire s’abattit sur moi et me donna un coup de pied dans la poitrine. À court de souffle, je fus renvoyé dans la grotte et percutai le sol. Alors que je tentais de me relever, quelque chose me frappa soudain la mâchoire avec une puissance telle que je faillis perdre connaissance. Hébété, je levai les yeux et vis un gros type, cigarette à la bouche et fusil court à la main, se baisser et entrer dans la caverne, aussitôt suivi par Maître Liang dont le visage était blême.

Un rapide coup d’œil me suffit pour me rendre compte que je connaissais ce gros : c’était l’un des deux patrons de Guangdong, le dénommé Wang. Pointant son arme sur moi, il m’ordonna de m’écarter et se tourna vers Maître Liang :

― Vieux Liang, lequel de ces jeunes gens a-t-il absorbé du sang de Qilin ?



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