Les Chroniques d'un Pilleur de Tombes | Grave Robbers' Chronicles | 盗墓笔记
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Chapitre 02 – La cloche hexagonale
Chapitre 01 – Lao Yang sort de prison Menu Chapitre 03 – Pistage

Je me penchai pour y jeter un œil, incapable de détacher le regard. Puis je l’attrapai par l’oreille et le rapprochai pour pouvoir l’examiner de plus près. La boucle d’oreille était de forme carrée et ne faisait que la taille du bout de mon petit doigt. D’autres auraient pu penser qu’elle provenait d’une paire de boucles d’oreilles bon marché d’un stand de bord de route, mais je découvris qu’il s’agissait en fait d’une cloche hexagonale.

En dehors de sa petite taille, sa forme et sa couleur étaient quelque peu similaires aux cloches que j’avais pu voir dans la grotte aux cadavres et la tombe sous-marine. Le motif de celle-ci, cependant, semblait légèrement différent.

Cette trouvaille me dégrisa illico :

― Où as-tu eu cette chose ? Lui demandai-je.

Son visage se tordit de douleur sous l’effet de ma poigne :

― T-t-t-tu as trop bu ! Tu sais que je déteste que les gens touchent mes oreilles. Si tu m’attrapes encore, je vais me mettre en colère !

Sa réaction me fit lâcher prise. En effet, je réalisai que j’avais vraiment trop bu.

Il frotta son oreille rougie par mon pincement et dit en grimaçant :

― Merde, tu ne peux pas être plus doux ? Tu n’as pas besoin de t’exciter autant dès que tu vois quelque chose de valeur. Oh, ma pauvre oreille.

Je n’étais plus d’humeur à discuter avec lui :

― Dépêche-toi de me le dire. C’est quoi le problème avec cette chose ? Où l’as-tu trouvée ?

Il sourit d’un air suffisant :

― Tu n’as jamais rien vu de tel, n’est-ce pas ? Je parie que tu es super jaloux. Je l’ai ramassée sur un zombie dans la fosse à sacrifices. Qu’en penses-tu ? Les objets en bronze vert et noir de haute qualité sont bien différents des faux que tu vends.

― Un zombie ? Tu n’avais pas dit avoir simplement déterré des ustensiles de cuisine ? Pourquoi y a-t-il tout d’un coup un zombie ?

Lao Yang pensait que je l’enviais et il devint de plus en plus arrogant :

― Le zombie était enveloppé dans une corde en rotin comme un cocon. Je l’ai déterré alors que je creusais d’autres endroits dans le cratère. C’était probablement quelqu’un avec un statut relativement élevé qui fut offert en sacrifice humain. Il portait cette chose sur son oreille. J’ai aimé son apparence alors je l’ai pris. Mais pourquoi es-tu si tendu ? Est-ce que cet objet a une histoire ou quelque chose ? Est-ce que ça vaut quelque chose ?

J’avais l’esprit embrumé par toutes sortes de pensées qui surgissaient les unes après les autres. Je plissai le front en réfléchissant, qu’est-ce que c’est que cet endroit ? Si cette cloche y est apparue, cela signifie-t-il que le cratère de pierre dont il a parlé a quelque chose à voir avec ce que j’ai vécu ?

Lao Yang comprit finalement que quelque chose n’allait pas :

― Qu’est-ce qui ne va pas ? Pourquoi ton visage est-il autant fermé ? Tu n’as pas à te mettre dans un état pareil parce que j’ai trouvé quelque chose de précieux. Si elle te plaît vraiment, alors je te la donnerai.

― Non, pour te dire la vérité, ta boucle d’oreille n’est pas une chose ordinaire. Bien que je ne connaisse pas son origine, j’ai vu quelque chose de semblable dans d’autres endroits. Voilà ce qui s’est passé…

Je lui parlai rapidement du Palais du Roi de Lu aux sept étoiles et de la tombe sous-marine, en me concentrant principalement sur les cloches. Alors qu’il écoutait d’un air absent, son visage devint pâle, puis vira au vert.

Au bout d’un long moment, il soupira et me dit d’un air envieux :

― Putain. Je pensais que mes trois ans de prison suffiraient à me vanter pour le restant de mes jours. Mais comparé à ce que tu as traversé, ce n’est rien. Si tu te faisais prendre en train de faire ces choses, tu serais certainement mis devant un peloton d’exécution.

― Qu’y a t-il à comparer ? Si j’avais su que le pillage de tombes était comme ça, je ne serais pas allé dans ces endroits, même sous peine de mort. Je désignai son oreille et j’ajoutai, Mais ta cloche est bizarre. Ce type de cloche est normalement assez dangereux pour ensorceler l’esprit des gens pour peu qu’elle fasse du bruit. Comment peux-tu la porter sans être affecté?

― Ce n’est pas aussi dangereux que tu le penses. Tiens, je vais l’enlever et te la montrer ! Sur ce, il enleva la boucle d’oreille et me la tendit.

En examinant la boucle, je sentis immédiatement de quoi il en retournait. Elle avait été remplie de colophane pour l’empêcher de sonner. Je la retournai et la scrutai soigneusement sous toutes ses coutures. Plus je la regardais, plus j’avais l’impression qu’elle ressemblait à celles que j’avais vues dans ces tombes anciennes.

Lao Yang vit à quel point j’appréciais cet objet :

― Si tu l’aimes vraiment, il y a encore beaucoup de zombies intacts dans cet endroit. J’ai marqué son emplacement pour que nous puissions y aller et jeter un coup d’œil. Qui sait, il pourrait y avoir d’autres trésors là-bas. Ensuite, il regarda autour de lui, baissa la voix et dit d’un ton mystérieux, Pour te dire la vérité, mon frère, ma situation n’est pas folichonne en ce moment. J’ai l’intention d’y retourner dans quelques jours.

Pensant qu’il plaisantait, je lui répondis :

― Oublie ça. Je ne veux pas aller en prison avec toi. Tu ferais mieux de chasser cette idée de ta tête. De nos jours, il est préférable de vivre une vie stable et paisible !

Il se rapprocha de moi et murmura solennellement :

― Ne dis pas ça. Réfléchis-y. Tu as une famille qui te soutient, quoi que tu fasses, mais j’ai déjà perdu trois ans et je n’ai rien. Je ne peux pas rester assis à ne rien faire. Je dois trouver des idées, même imprudentes !

Il avait bien l’air très sérieux.

― Merde, continue de rêver. On dirait que ces trois années de prison ne t’ont servi à rien. Laisse-moi te dire une chose. Si tu sors et commets un autre délit, tu finiras à nouveau en prison. Mais ce sera ton deuxième crime donc la punition sera plus sévère. Si tu ne fais pas attention, tu pourrais même risquer la peine de mort.

― Si je suis vraiment aussi malchanceux, je ne peux rien y faire, déclara-t-il, Je n’ai pas le choix non plus, ma situation est désespérée. Mais j’ai déjà bien réfléchi. Je vais d’abord rester à Hangzhou pendant un certain temps, puis je me dirigerai vers les monts Qinling. Je dois d’une manière ou d’une autre obtenir plus de cent mille yuans avant de partir. C’est principalement pour ça que je suis venu te voir. J’espérais que tu viendrais avec moi, mon frère, et que tu me donnerais quelques conseils sur la façon de vendre les marchandises que nous trouvons.

― Comment ça, tu n’as pas le choix ? Tu es juste à court d’argent. Dis-moi combien il te faut et je te le prêterai avec une remise de cinq pour cent sur le taux d’intérêt fixe de la Banque de Chine.

― Oublie ça. Je ne sais pas combien d’argent tu possèdes, mais il devrait être facile pour toi de dénicher cent mille dollars. Bon sang, tu pourrais même obtenir quatre-vingt mille de plus. Toutefois, qu’as-tu de plus que ça ? Vraiment, pourquoi fais-tu semblant d’être riche ?

― Si tu as les yeux rivés sur cent quatre-vingt mille yuans, qu’est-ce que tu comptes faire, bordel ? Tu essaies de te brancher avec une célébrité ou quoi ? Tu n’as rien de mieux à faire ? Tu viens à peine de sortir que tu es déjà en train de comploter. Grandis un peu.

― Ce que je veux faire ne te regarde pas. Si tu n’as pas d’argent, alors tu n’as pas d’argent, mais ne me fais pas la morale ! Tu sais quoi ? Restons-en là. Nous nous sommes enfin retrouvés, et que tu m’aides ou non n’est pas important. Arrêtons de parler de ces choses déprimantes. Ensuite, il me servit un nouveau verre.

J’étais déjà un peu ivre, alors en entendant les leçons qu’il me donnait, je devins immédiatement furieux :

― Écoute, Lao Yang. Ne me sous-estime pas, putain. J’ai économisé de l’argent ces dernières années. Dis-moi la vérité, de combien d’argent as-tu vraiment besoin ? Je te le donne tout de suite !

Il me regarda avec une expression sérieuse sur le visage. L’alcool semblait l’avoir finalement rattrapé. Il se leva et dressa quatre doigts devant mon visage en les agitant :

― J’ai besoin de cette somme. Si tu peux me l’obtenir, je serai ton bœuf que tu pourras monter. Quatre cent mille ? Demandai-je. Ce n’était pas une grosse somme. Même si ça semblait être beaucoup, ça ne l’était pas vraiment, Pas de problème. Je vais les chercher tout de suite. J’en dispose à la maison !

Mais à ma grande surprise, il secoua la tête :

― Ajoute un autre zéro !

― Quatre millions ? Je senti ma mâchoire tomber et mon corps devenir froid, Bon sang, je suis impressionné. Mais qu’est-ce que tu comptes faire avec autant d’argent ?

― Ne pose pas tant de questions. Bref, j’ai besoin de cet argent. Tu crois que tu peux m’en trouver autant ?

Quatre millions n’étaient pas une petite somme. Même s’il se disait qu’un objet en porcelaine brisé pouvait se vendre aux enchères pour des dizaines de millions, ce n’était qu’une rumeur. En vérité, le pouvoir d’achat du marché était limité. Les objets déterrés dans les tombes n’étaient que le premier maillon de la chaîne de vente de reliques culturelles, et les bénéfices n’étaient pas très élevés. Vous pourriez être secrètement heureux si vous gagniez cent mille dollars, mais honnêtement, je n’avais pas quatre millions sous la main.

Lao Yang vit mon expression relâchée et comprit que j’étais impressionné. Il remplit mon verre d’alcool et dit :

― Je le savais. Tu ne peux pas, n’est-ce pas ? Si je n’avais besoin que de quatre cent mille dollars, aurais-je vraiment besoin de venir te voir ?

― Ne tire pas de conclusions hâtives. Je trouverai l’argent pour toi. Il y a pas mal de gens riches dans ce milieu, donc je devrais pouvoir obtenir la somme dont tu as besoin. Mais d’abord, tu dois me dire pourquoi il t’en faut autant.

Lao Yang inclina la tête et fit claquer sa langue avant de demander :

― Combien peux-tu obtenir et à qui vas-tu le demander ? Quoi, tu as des amis que je ne connais pas ? Personne parmi tes amis n’a autant d’argent. D’ailleurs, je ne peux pas te dire ce que tu veux savoir. Cependant, avec quatre millions de yuans, je peux résoudre ce problème où ma vie est en jeu.

En fait, je devais admettre qu’il avait raison. Lao Yang était celui qui m’avait présenté à beaucoup de mes amis, et peu d’entre eux pouvaient me prêter de l’argent. De plus, si je demandais à mon vieux père, l’avare risquait tout simplement de me tuer. Cette situation présentait plus de difficultés que je ne l’avais pensé au départ.

Il me tapota l’épaule et dit d’un ton posé :

― Mon vieux Wu, arrêtons de parler d’emprunt d’argent et concentrons-nous sur d’autres moyens. Notre meilleure option est que tu prennes un peu sur toi et que tu accompagnes ton frère à cet endroit. Ce n’est pas comme si c’était ta première fois de toute façon, alors ne t’inquiète pas trop. Quand on y pense, ce n’est pas un gros problème. On ne peut pas vraiment appeler ça du pillage de tombe. Nous allons simplement nous rendre dans la fosse funéraire et tu pourras me choisir les objets qui ont de la valeur. C’est comme ramasser des coquillages dans l’océan, ça n’a rien d’illégal. Imagine juste que tu pars en voyage. Il y a des montagnes et des rivières magnifiques, ainsi que des montagnardes bien roulées. Tu n’as encore rencontré personne, n’est-ce pas ? Allons y jeter un œil. Peut-être que tu pourras épouser une fille Dai (1) et la ramener à la maison.

Je n’étais pas d’humeur à écouter ses bêtises :

― C’est facile pour toi de dire ça. Tu penses vraiment qu’il y a des reliques dans cet endroit qui valent quatre millions de yuans ? Si tu veux te faire autant d’argent avec un seul job, trouve des objets de la dynastie Han. (2) Mais ces tombes ont déjà été déterrées depuis longtemps. On dirait que ce voyage sera une perte de temps et d’argent.

― Oh, tu penses donc que je suis stupide et que je n’y ai pas pensé ? Laisse-moi te dire. Je n’ai pas l’intention de retourner à la fosse sacrificielle cette fois-ci. Quand j’étais avec mon cousin la dernière fois, il m’a dit qu’il y avait probablement un grand mausolée impérial près de la fosse. Cette fois, c’est ce que je vise. Tu n’es pas doué pour le Feng Shui ? Allons voir. Je pense que tu serais certainement en mesure de le trouver !

Je n’avais pas envie de continuer à en parler :

― Trouve quelqu’un d’autre. Je ne veux pas aller dans de vieilles tombes.

― Vieux Wu, tu n’es pas très fraternel. Réfléchis à quel point c’est une bonne affaire. Premièrement, tu vas m’aider. Ensuite, tu peux enquêter sur l’affaire impliquant ton oncle San. Il y a un lien entre cette affaire et ton oncle. Même si tu ne viens pas pour moi, vas-y pour toi !

Je me sentais mal à l’aise avec cette boucle d’oreille, mais il avait raison, la disparition de mon oncle était déroutante, et il y avait peu d’indices. De plus, ce type de cloche était apparue à la fois dans la grotte aux cadavres du Temple des Graines et dans la tombe sous-marine, ce qui signifiait qu’elle devait être importante. Si je ne saisissais pas cette opportunité, il y avait une chance pour qu’il soit encore plus difficile de découvrir quoi que ce soit.

Rien qu’à repenser à mes deux dernières expériences, j’en avais des sueurs froides et les jambes qui flagellaient. Ajouté à cela tout le travail difficile que nous aurions à faire pour escalader une montagne, il y avait de quoi hésiter.

J’hésitais quelques minutes, réfléchissais à nouveau et réalisais que si je n’y allais pas, avec mon caractère, je le regretterais vraiment par la suite. De plus, il était rare que Lao Yang me supplie comme ça. Si je refusais encore une fois, nous pourrions être en froid pour un long moment. Il serait préférable de s’accorder immédiatement et d’estimer la situation une fois sur place. Si c’était vraiment impossible, je pourrais toujours changer d’avis et faire marche arrière.

Selon « Ba-Zi », ceux d’entre nous qui pratiquaient le Taiji dans leur vie étaient extrêmement curieux lorsqu’il était question de choses qu’ils ne connaissaient pas. (3) Par conséquent, même si j’acquiesçai à la demande de Lao Yang, je me senti soulagé :

― Eh bien, si tu le présentes comme ça, frère, je suppose que je vais aller avec toi. Mais tu dois d’abord me donner cette boucle d’oreille. Je vais aller voir de quelle dynastie elle provient et si elle a de la valeur ou non. Si elle n’a aucune valeur, alors cela signifie que cet endroit ne vaut pas la peine d’être visité et tu devras trouver un autre plan.

Lao Yang fut ravi de m’entendre dire que j’allai l’aider :

― Ok, comme tu veux ! Tu peux l’avoir !

― Mais laisse-moi te prévenir, dis-je d’un ton sec, Une fois que nous serons arrivés, tu devras écouter tout ce que je dis. Même si tu as besoin de péter, tu dois me le dire avant. Tu as compris ?

Ce type avait déjà cessé de m’écouter et était perdu dans ses pensées sur les monts Qinling. Il me versa plus d’alcool et commença à me passer de la pommade :

― Bien sûr, bien sûr. Aussi longtemps que tu pourras trouver quatre millions, je te considérerai comme mon second père. Non seulement je t’obéirai quand tu me diras de ne pas péter, mais je mangerai aussi mon pet si tu le veux !

Ivres d’alcool, nous continuâmes à tout planifier. Puis nous commençâmes à parler de femmes, à nous exhiber l’un devant l’autre et à boire jusqu’à minuit, heure à laquelle nous glissâmes sous la table et perdîmes connaissance.

Au cours du mois suivant, nous eûmes tous deux des choses à régler. Tout le matériel qui avait été acheté avant mon dernier voyage à Shandong fut enterré et nous dûmes le racheter. A ces fins, je donnai à Lao Yang une liste et lui demandai de s’en occuper.

Ensuite, je profitai de mes contacts pour obtenir des médicaments de l’armée. Lorsque je m’étais rendu à Shandong précédemment, nos bouteilles d’eau pesaient trop lourd, ce qui consommait énormément de force physique inutile. Il y avait beaucoup de montagnes et de ruisseaux dans les monts Qinling, nous n’avions donc pas besoin d’apporter trop d’eau, mais il fallait quand même préparer quelques médicaments pour traiter la diarrhée du fait que nos estomacs de citadins n’étaient pas habitués à cette eau naturelle.

Après avoir donné mes instructions, je pris l’avion pour Jinan, puis je me rendis au marché de Yingxiongshan pour trouver Lao Hai et lui montrer la pierre œil de poisson de Gros-lard.

Quand Lao Hai vit ce que j’avais apporté, son sourire heureux devint un peu gênant :

― Monsieur, je vends des antiquités ici. Vous devriez l’emmener chez un bijoutier pour qu’il vous l’évalue.

― Cette pierre à œil de poisson est aussi une antiquité, lui dis-je, Elle a au moins quatre ou cinq cents ans.

― Je sais que votre objet est vraiment précieux. Cette perle serait considérée comme un trésor si elle avait été sertie dans une épingle à cheveux ou cousue sur un chapeau, mais comment puis-je la vendre en tant que pierre brute ? Les gens ne vous croiront pas si vous dites que c’est une antiquité. Je vous propose de vous procurer une épingle à cheveux en jade, d’y fixer cette perle et de voir si elle peut être vendue. Je vais d’abord vous donner un acompte et vous pourrez me laisser cette chose. Quiconque s’y connaît en marchandises en paiera naturellement un bon prix.

Il fit preuve de tellement de sincérité, et n’ayant pas le temps de marchander avec lui, que je décidai d’accepter. Je pris son acompte de deux cent cinquante mille yuans et repris l’avion pour Hangzhou, déçu. Ensuite, je me rendis chez un ami de mon grand-père avec la boucle d’oreille de Lao Yang afin de lui en demander la provenance et si elle valait la peine que l’on fasse le long et tortueux voyage jusqu’à Shaanxi.

Le nom de famille de ce grand-père était Qi, et il faisait partie de la première génération d’antiquaires de Hangzhou. Il était désormais considéré comme un maître en études chinoises et occupait le poste de professeur invité dans plusieurs universités. Il était spécialisé dans les minorités ethniques et avait effectué de nombreuses recherches à leur sujet. A peine lui avais-je montré la cloche qu’il n’en détacha pas le regard et que sa main trembla.

Il l’examina pendant trois heures. Puis il feuilleta six ou sept livres aussi épais qu’une brique avant de relever la tête. L’attente fut tellement longue que je faillis m’endormir, lorsqu’il dit enfin en soupirant :

― J’ai si honte. J’étudie les minorités ethniques depuis des lustres, mais je n’ai jamais rien vu de tel auparavant. Jeune Xie, s’il te plaît, dis-moi où tu as eu cette chose.

N’osant pas trop entrer dans les détails devant un aîné, j’inventai une histoire au hasard en utilisant certains des points clés que Lao Yang m’avait racontés. Seulement, quand je vis comment ses yeux s’illuminèrent, je ne pus me défaire du sentiment que cette chose n’était pas aussi simple que je l’avais pensé au départ :

― Grand-père, qu’est-ce qu’il se passe ? Quelque chose ne va pas avec cet objet ?

Grand-père soupira à nouveau et dit que, d’après ses recherches, la fabrication de cette cloche remontait à la période comprise entre les dynasties Xia et Zhou occidentales. (4) Le motif qu’elle portait, appelé serpent à double corps et à visage humain, provenait probablement d’un ancien pays appelé « Royaume de She », qui existait quelque part entre les provinces actuelles de Shaanxi et de Hubei. Mais ce pays disparut soudain deux mille ans plus tôt.

L’histoire de ce pays était limitée, avec seulement des bribes d’informations apparaissant dans de nombreux documents anciens. Il semblait avoir traversé une période de prospérité au début de la dynastie des Zhou occidentaux, puis se serait volatilisé au milieu de cette même dynastie. En l’espace de dix à vingt ans, il avait vite disparu dans les forêts primitives.

Le Royaume de She existait dans de nombreux mythes et légendes. On en trouvait même de nombreuses traces dans le « Classique des Montagnes et des Mers » où il y était fait référence en tant que « Royaume du Serpent hors du Sichuan ». (5) Ce royaume considérait le serpent à double corps et à visage humain comme un dieu, si bien que nombre de ses décorations portaient ce motif.

De nos jours, la plupart des personnes qui étudiaient l’histoire de ce pays pensaient que le Royaume de She descendait d’un pays qui s’était séparé de l’ancien royaume mystérieux de Huaxu. (6) Son origine remontant probablement à la période des sociétés matriarcales (7) dont on dit qu’elles adoptèrent ce serpent comme totem. Cela s’expliquait principalement par le fait qu’une légende concernant Fuxi (8), qui aurait eu le corps d’un serpent et le visage d’un humain, concernait l’ancien royaume de Huaxu.

Étant donné que tous ces éléments provenaient de livres anciens et de documents exhumés, l’existence de ce pays avait toujours été controversée dans les milieux universitaires. Bien que cette cloche n’était pas connue sur le marché des antiquités, elle constituait un trésor inestimable pour certaines personnes spécialisées dans le domaine.

Le fait que cette chose était si obscure me rendit inquiet. Même si nous trouvions la tombe ancienne et que nous ramenions d’autres objets, il y avait une chance que nous n’en obtenions pas un prix élevé. Si c’était le cas, je craignais que le voyage ne soit qu’une énorme perte de temps, d’argent et d’efforts.

Grand-père Qi vit mon expression et me demanda ce qui n’allait pas. C’était un vieil homme d’affaires, alors je lui expliquai ma situation.

Il réfléchit un moment puis me gronda. Il me tapa ensuite sur l’épaule et me dit que si je voulais vendre cette chose, il pourrait m’aider à trouver un bon acheteur. Il ne serait certainement pas difficile d’obtenir quatre millions de yuans, mais je ne pouvais parler de cette affaire à personne d’autre.

Après l’avoir écouté, je compris immédiatement tout ce qui se passait. Merde, me dis-je, ce vieil excentrique semble être engagé dans les affaires de la pègre. Il est probablement encore en train de faire en catimini ces affaires d’avant la libération. Toutefois, je fus tellement soulagé qu’il accepte de servir d’intermédiaire que je le remerciais.

En partant, j’emportais beaucoup d’informations sur le Royaume She. Je feuilletai les documents pendant mon trajet en taxi et je découvris beaucoup de photos de peintures murales, dont certaines étaient très étranges. Elles représentaient un grand nombre de personnes agenouillées devant un arbre pour le louer. Il y avait plusieurs notes en marge indiquant qu’il s’agissait du rite sacrificiel le plus important du Royaume de She – offrir des sacrifices à un « arbre Dieu Serpent ». Selon la légende, cet arbre pouvait satisfaire n’importe quelle demande à condition de lui offrir du sang. En fait, c’était une sorte d’arbre à souhaits.

Je remarquai que la forme de cet arbre était très similaire à l’image que Lao Yang avait dessinée pour moi au restaurant. Cela signifiait-il que l’arbre de bronze qu’il avait déterré était le totem du Royaume She, l’arbre du Dieu Serpent ?

Un grand nombre de peintures murales comportaient des motifs de serpents à visage humain, ce qui indiquait clairement que c’était la caractéristique la plus importante du Royaume She. Je repensai aux cloches que nous avions trouvées dans la grotte aux cadavres du Temple des graines et dans la tombe sous-marine, par contre je ne me souvenais plus si elles portaient des motifs de serpents à visage humain à double corps ou non. D’après leur apparence, cependant, les cloches de ces trois endroits devaient provenir de la même source, ce qui voulait dire que ce mystérieux Royaume de She pouvait être la clé.

Deux jours plus tard, dans un bus couchette longue distance pour Xi’an, Lao Yang et moi étions assis sur deux lits adjacents, mangeant des graines de melon et discutant.

Au début, j’avais prévu de prendre l’avion pour me rendre directement à Xi’an, seulement je n’avais pas les compétences d’oncle San pour faire passer un gros sac de contrebande à la sécurité de l’aéroport, et je dû prendre un bus pour cela. En fin de compte, je n’avais pas d’autre choix que de faire ce voyage sous contrat privé.

Afin d’économiser sur les frais de transit, le bus allait et venait périodiquement sur l’autoroute avant de se faufiler dans les vallées montagneuses. Le voyage était ennuyeux, alors Lao Yang et moi parlions de tout et de rien. Je lui dis qu’il pourrait y avoir une tombe Han à cet endroit ou une tombe Tang. Il était si enthousiaste qu’il aurait souhaité descendre du bus à mi-chemin et commencer à creuser.

Pendant que nous bavardions, Lao Yang me demanda si nous devions aller dans d’autres endroits que le cratère qu’il avait visité trois ans auparavant. Il n’était pas facile d’entrer dans les montagnes, donc si nous avions l’occasion de pouvoir faire sortir plus de marchandises, il ne fallait pas la louper. Ce serait encore mieux si nous pouvions trouver d’autres tombes à proximité.

J’avais prévu de faire tout cela dès le début. Les environs faisaient probablement partie de l’ancien royaume des serpents, aussi il devrait y avoir d’autres reliques en plus de la fosse sacrificielle et de la tombe ancienne voisine. Si nous pouvions simplement trouver une ou deux tombes et emporter quelques objets avec nous, cela m’aiderait à trouver ce que je cherchai. Je ne partageai pas mes pensées, mais dis plutôt en plaisantant :

― Ne sois pas avide. Tu ne te souviens probablement pas du chemin du retour. J’ai hâte de voir ce que tu feras si tu ne trouves pas la fosse sacrificielle.

Lao Yang me sourit malicieusement et dit qu’il avait laissé une marque là-bas il y a longtemps.

― Ça fait trois ans, lui dis-je en riant, quel genre de marque serait encore présente après trois ans dans les montagnes profondes ?

Il éclata de rire :

― Attends de voir. Non seulement ma marque aura duré trois ans, mais elle sera encore là après trente ans !

Ne comprenant pas ce dont il parlait, je préférai l’ignorer. Puis je m’assoupis après quelques mots supplémentaires échangés avec lui.

Lorsque nous arrivâmes à Xi’an, nous passâmes la nuit dans une petite maison d’hôtes et nous mangeâmes des légumes marinés locaux, du riz frit et de la soupe à l’hibiscus pour le dîner. Ensuite, nous flânâmes dans le marché nocturne jusqu’à minuit passé. Lao Yang se souvenait de la qualité du riz frit qu’il avait mangé plus tôt et fit des histoires jusqu’à ce que j’accepte de l’accompagner dans un stand de nourriture. Nous trouvâmes un stand au hasard sur le bord de la route, nous y assîmes et commandâmes deux bouteilles de bière que nous bûmes en mangeant. À ce moment-là, je parlais sans inquiétude, car j’étais convaincu que les gens du coin ne seraient pas capables de comprendre notre dialecte du sud. Donc, nous parlâmes librement de notre aventure de pillage de tombes prévue pour le lendemain. Mais alors que nous étions en train de bavarder, j’entendis un vieil homme assis à côté dire :

― Avez-vous l’intention de faire du commerce avec des produits locaux ?

NDT :

(1) Le peuple Dai désigne plusieurs groupes ethniques de langue tai vivant dans la préfecture autonome Dai de Xishuangbanna et dans la préfecture autonome Dai et Jingpo de Dehong, dans la province chinoise du Yunnan. Les Dai constituent l’un des 56 groupes ethniques officiellement reconnus par la République populaire de Chine.

(2) Il parle spécifiquement de la dynastie Han de 206 av. J.-C. à 220 ap. J.-C. Il fait référence aux Han occidentaux et aux Han orientaux.

(3) « Ba-Zi » (également connu sous le nom de « Quatre piliers de la destinée ») est une technique de voyance qui utilise l’année, le mois, le jour et l’heure de votre naissance pour déterminer votre destin. Les personnes qui ont un «  Taiji » (également appelé « noble de Taiji ») dans leur tableau de calcul du Ba-Zi sont réputées intelligentes, justes, responsables, dotées d’un fort caractère, refusant de faire les choses à moitié, et aimant apprendre la littérature, l’histoire, la philosophie, la métaphysique et les sujets religieux.

(4) La dynastie Xia s’est déroulée de 2070 à 1600 avant J.-C. et la dynastie Zhou occidentale de 1027 à 771 avant J.-C., soit une période d’environ 573 ans.

(5) Le pinyin pour « Elle » dans le Royaume de She est shè (厍). Le pinyin pour serpent est shé (蛇). Ils ont la même consonance mais des caractères différents.

(6) Le royaume Huaxu aurait existé dans l’ancienne période culturelle Yangshao-Dadiwan, il y a 6584 – 6374 ans. Il s’agissait d’une nation matriarcale établie par la dirigeante Huaxu (la mère supposée de Nüwa et Fuxi) dans les temps anciens. Elle est souvent considérée comme une société utopique ou un pays imaginaire, car l’Empereur jaune l’aurait vue en rêve. Selon lui, Huaxu « était un lieu naturel, où les gens n’avaient pas de désirs et ne mouraient pas prématurément. Ils ne s’accrochaient pas à outrance à la vie, et n’avaient pas peur de la mort. La beauté et la laideur ne se développaient pas dans leurs cœurs. Les montagnes et les vallées ne les faisaient pas s’arrêter de marcher, et ils vivaient heureux. »

(7) Par Tiffany : Les historiens pensent que les Chinois ont adopté un système matriarcal il y a 10000 ans, et qu’il a été progressivement remplacé par un système patriarcal il y a environ 5500 ans.

(8) Fuxi (ou Fu Hsi) est un empereur chinois légendaire (trad. 2852-2738 av. J.-C.). On lui attribue, ainsi qu’à sa sœur/épouse Nüwa, la création de l’humanité et l’invention de la musique, de la chasse, de la pêche, de la domestication et de la cuisine. Fuxi et Nüwa seraient des créatures à visage humain et à corps de serpent.



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