Les Chroniques d'un Pilleur de Tombes | Grave Robbers' Chronicles | 盗墓笔记
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Chapitre 13 – Le singe des mers
Chapitre 12 – Les Mensonges d’Oncle San Menu Chapitre 14 – L’île Yongxing

Cet énorme et sinistre visage était presque quatre ou cinq fois plus gros que ma tête et son corps étant dissimulé derrière la porte d’acier, il m’était impossible d’évaluer sa taille réelle. La lumière provenant du trou dans le pont n’étant pas très brillante, je ne pouvais distinguer clairement ses traits. J’ignore s’il s’agissait d’un fantôme ou d’un animal, mais son visage était d’une étrangeté indicible.

Je le regardai fixement tandis que mon corps s’engourdissait du cuir chevelu aux chevilles. J’avais si peur que je pouvais à peine respirer et mes maudites jambes étaient devenues aussi molles que des nouilles. Je fis à grand peine quelques pas en arrière, mais la femme étant toujours allongée sur le sol, je ne pouvais la laisser mourir là, même si je ne l’aimais pas vraiment.

Je la retournai et constatai que les deux mains desséchées avaient à nouveau disparu, mais je n’avais pas le temps de m’en inquiéter pour le moment. Si le niveau de l’eau remontait, sa tête serait submergée et elle finirait noyée. Je mis mes mains sous ses aisselles et la traînai lentement jusqu’à l’autre bout de la cale, là où se trouvaient les escaliers. Une fois sur le pont, je pourrais soit sauter à la mer, soit appeler à l’aide. L’un comme l’autre, c’était toujours mieux que ce à quoi nous étions confrontés.

Les jambes tremblantes, je ne cessai de me répéter : calme-toi, calme-toi. Face à des situations extrêmes, il faut rester extrêmement calme. Je continuai à reculer peu à peu, n’osant pas détacher mes yeux de ce visage terrifiant.

Le monstre me regardait, immobile, indifférent et durant un moment, je n’entendis que le bruit de l’eau. Si cette chose avait fait un quelconque mouvement, comme tourner la tête ou ouvrir la bouche, je me serais peut-être détendu, mais ses yeux étaient rivés sur moi. Plus je le regardais, plus j’étais terrifié. C’est vraiment bizarre, me dis-je, et si tu ne veux pas bouger pour le moment, reste comme ça. Mais n’attends pas que j’arrive en haut de l’escalier pour te jeter sur moi.

Je cessai de le regarder, baissai la tête et accélérai. Après avoir traîné la femme jusqu’au bas de l’escalier, je levai les yeux et me figeai : l’escalier était tellement pourri qu’il n’en restait que l’armature. Je ne savais même pas si j’allais pouvoir y monter seul, alors traîner une femme à moitié morte… Voyant qu’il y avait encore quelques marches de métal fixée à la structure, j’attrapai une des mains de la femme et tentai de grimper. Mais je n’avais pas plutôt mis le pied dessus que ces vestiges se brisèrent, le métal se dissolvant comme de la terre molle.

J’étais face à un problème. Fort heureusement, le monstre, très patient, n’avait toujours pas bougé. Pour l’heure, j’étais dans l’ombre et la lumière provenant du trou passant entre lui et moi, je n’en apercevais qu’une vague silhouette. Rassuré, j’appuyai la femme contre le mur, serrai les dents et sautai de toutes mes forces, convaincu que je devais grimper le premier.

Hélas, j’avais peut-être les bras longs mais sans aucune force, aussi échouai-je à deux reprises. Non seulement je n’avais pas réussi à grimper, mais je tombai à plat sur le visage, suffisamment fort pour me faire pleurer de douleur. Très ennuyé, je réfléchis un long moment sans pouvoir trouver de moyen pour me sortir de cette situation délicate. J’avais pris l’habitude de regarder si le monstre était toujours là, mais il eût mieux valu que je m’en abstienne. A peine avais-je tourné la tête que je vis une énorme chose debout derrière moi, son visage si proche qu’il touchait presque le mien. Sous le choc, je poussai un cri de terreur.

Se retourner pour se trouver face à quelqu’un qui se tient silencieusement derrière vous est déjà effrayant, mais ce sinistre visage était indiciblement terrifiant. Sitôt après avoir crié, je reculais machinalement d’un pas et me collai contre le mur.

Ayant enfin vu à quoi ressemblait cette chose, une brève pensée traversa mon esprit. Enfant, j’avais entendu un camarade de classe de la côte dire qu’un pêcheur de son village avait un jour attrapé une étrange créature, d’apparence humanoïde mais couverte d’écailles. Il l’avait ramenée au village mais personne ne savait ce que c’était. Par la suite, ils appelèrent un vieil homme afin qu’il vienne apporter ses lumières. Quand ce dernier vit l’étrangeté, il eut si peur qu’il faillit tomber de frayeur.

― Laissez-le partir ! Cria-t-il, Vite ! C’est un singe des mers ! Si nous tardons trop, ses congénères vont venir le chercher et quelque chose de terrible va se produire !

Mais le pêcheur, n’ayant pas plutôt appris que la créature était très précieuse, eut l’idée de la nourrir et de la vendre en ville. Il informa donc les villageois qu’il l’avait laissée partir, mais en réalité, l’avait cachée chez lui. Le jour suivant, toute la famille du pêcheur avait disparu.  Les villageois, comprenant que quelque chose s’était produit, les cherchèrent deux jours entiers et finirent par découvrir le corps de l’épouse au pied d’une falaise en bord de mer. Elle avait le ventre ouvert et ses entrailles avaient été entièrement dévorées.

Voyant cela, le vieil homme se dit que les autres singes des mers étaient venus se venger. Il fit appel à un maître feng shui, installa sur la plage une table d’offrandes, y déposa de nombreuses têtes de porc et de mouton, puis organisa des rituels durant plusieurs jours jusqu’à ce que tout s’arrête enfin.

Très doué en dessin, mon camarade de classe me fit un portrait du singe des mers afin que je me fasse une idée de ce à quoi il ressemblait. L’image était si réaliste qu’elle fit grande impression sur mon jeune esprit et me perturba durant des nuits. Ce souvenir était si profondément ancré en moi que ce fut la première pensée qui me vint à l’esprit face à cette créature. Mais jamais je n’aurais pensé que ce fameux singe des mers fût si grand.

Les souvenirs défilaient dans mon esprit et le monstre n’avait toujours pas bougé. Il se contentait de fixer avec grand intérêt la femme adossée au mur, la salive aux lèvres. Si elle était revenue à elle, Melle Ming aurait eu si peur qu’elle en aurait mouillé sa culotte.

Je m’efforçai de me calmer et m’adossai fermement à la cloison. Celle-ci étant faite de planches très fragiles et pourries, j’eus soudain une idée. Si j’exerçais suffisamment de pression, je parviendrais certainement à y faire un trou, de sorte que si le singe des mers fonçait sur moi, j’aurais une porte de sortie. De plus, je me trouvais juste devant la poupe où il devait y avoir de nombreux équipements mécaniques. Allais-je trouver là quelque chose qui puisse me servir d’arme ?

Les questions se bousculaient dans mon esprit lorsque j’entendis des craquements provenant du pont. On aurait dit que quelqu’un venait de monter à bord. Je me demandais qui cela pouvait être lorsque je vis Zhang sauter de la brèche. Cet idiot n’avait pas plutôt atterri qu’il dégaina son pistolet et jeta un regard méfiant à la porte d’acier. Puis, se retournant, il poussa un cri de terreur.

― Oh, mon Dieu !

Interpelé par le bruit, le monstre tourna la tête et l’apercevant, poussa un cri extrêmement plaintif avant de se précipiter sur lui.  Doté de bons réflexes, Zhang réagit presque instantanément : il se jeta à terre pour esquiver le premier coup et d’un clic, ramena la culasse de son arme. Puis il tira. La balle traversa l’épaule du singe qui, laissant échapper un gémissement étouffé et sous l’effet de la douleur, recula contre le mur. Zhang tira alors plusieurs fois au hasard, tout près de ma tête. J’eus si peur que je baissai aussitôt le cou.

Le singe des mers était très malin. Réalisant que cette arme était visiblement très puissante, il n’osa pas récidiver. Il fit mine d’attaquer, puis, rapide comme l’éclair, fit plusieurs bonds, passa par-dessus la tête de Zhang le Chauve et se précipita vers la porte d’acier qu’il referma.

L’arme de Zhang le suivit à la trace, laissant une rangée d’impacts dans la cloison. L’eau s’y infiltra aussitôt et le niveau monta beaucoup plus vite cette fois. Zhang était si focalisé sur le fait de tuer la créature qu’il n’y fit pas attention. Il tira à deux reprises pour briser les deux charnières de la porte, puis monta et l’ouvrit d’un coup de pied. Je courus derrière lui pour jeter un coup d’œil et vis, dans le fond du bateau, un trou par où l’eau entrait constamment. Le monstre essayait à grand peine d’y passer. Je compris aussitôt qu’il devait s’agir de la brèche créée lors de l’accident à l’époque, celle qui avait fait sombrer le navire. Mais à présent, obstruée par une grande quantité de rouille marine, elle n’avait plus que la taille d’un bol.

Le monstre était extrêmement puissant et le temps que Zhang pointe son arme, il avait déjà, de la tête, agrandi suffisamment le trou pour pouvoir y passer tout entier avant de plonger dans la mer.

Zhang le Chauve, qui n’était toujours pas prêt à abandonner, tira plusieurs fois dans l’eau. Mais soudain, le navire tout entier grinça comme s’il était sur le point de se briser. Je regardai autour de moi et vis que l’eau m’arrivait déjà aux genoux. Nous ne pouvions pas nous attarder, il fallait partir immédiatement. Zhang revint en courant et secoua plusieurs fois la femme en criant : Ning, Ning ! Voyant qu’elle ne réagissait pas, il la hissa sur son dos puis, utilisant le mien comme tremplin, sauta agilement sur le pont. Au moment où il posait le pied sur moi, je faillis cracher du sang et eus l’impression que ma taille était brisée en deux. Mais il se pencha, me tendit la main et me tira vers le haut.



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