Les Chroniques d'un Pilleur de Tombes | Grave Robbers' Chronicles | 盗墓笔记
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Chapitre 1 – Le Cadavre Ensanglanté
à suivre... Menu Chapitre 2 – Cinquante ans plus tard

 

50 ans auparavant, au sommet de Changsha Dart.

Quatre pilleurs de tombes étaient accroupis sur un monticule et, sans un mot, fixaient la pelle Luoyang posée sur le sol.

La tête de l’outil était à moitié remplie de vieille terre fraîchement sortie du trou et d’où suintait un liquide rouge vif, comme si elle venait d’être trempée dans du sang.

― Nous avons un problème, dit Pipe-au-bec en faisant tomber son tabac, Il y a un cadavre ensanglanté là-dessous. Nous allons tous mourir si nous ne faisons pas attention.

― Allons-nous descendre ou pas ? Réponds-nous simplement par oui ou par non. Inutile de traîner en longueur ! Dit un jeune homme borgne. Si tes vieilles jambes ne le supportent pas, ne descend pas. Mon frère et moi allons y aller. Peu importe ce qui nous attend en bas, nous lui réglerons son compte.

Au lieu de se mettre en colère, Pipe-au-bec se contenta de rire et s’adressa à l’homme barbu qui se tenait près de lui.

― Ton fils est assez impulsif et arrogant. Tu devrais mieux l’éduquer, sans quoi quelque chose pourrait arriver. Dans ce business, le fait d’avoir un pistolet ne signifie pas toujours que l’on est un as de la gâchette.

Le barbu lança un regard furieux au jeune homme.

― P* de morveux, pourquoi parles-tu à ce vieil homme de la sorte ? Tu mangeais encore la merde dans le ventre de ta mère qu’il pillait déjà des tombes.

― Et quoi ? je me trompe ? Les anciens pilleurs de tombes ne disaient-ils pas que les cadavres ensanglantés étaient une bonne chose ? Il doit y avoir un p* de trésors là-dessous. Si nous ne descendons pas, nous le regretterons à jamais.

― Tu oses me répondre ?

Le barbu leva la main pour le frapper mais Pipe-au-bec l’en empêcha avec sa pipe.

― Ne le frappe pas. Il n’est pas si différent de toi à son âge. Les chiens ne font pas des chats !

Lorsque le jeune borgne vit son père se faire réprimander, il baissa la tête et ricana. Pipe-au-bec toussa puis frappa le garçon sur la tête avec un bâton.

― Pourquoi tu ris ? Quand il est question de cadavres ensanglantés, tout peut arriver. La dernière fois, ton oncle a déterré cette chose avec la Luoyang et depuis, il a perdu la tête. Personne ne sait pourquoi. Tout à l’heure, je descendrai le premier et vous me suivrez. Mon gamin, prend le tuhaozi(1) et ferme la marche. Quant à ton jeune frère, il restera ici. Si nous descendons tous les quatre et que quelque chose se produit, nous n’aurons pas le temps de fuir. Tu t’accrocheras à un bout de la corde du tuhaozi et à notre signal, tu tireras.

Le plus jeune frère n’était pas convaincu.

― Je ne veux pas ! Vous faites du favoritisme ! Je vais le dire à maman !

Pipe-au-bec eut un sourire :

― Voyez-vous ça. T’es juste un enfant gâté. Cesse donc de faire des histoires et attends ici. Je vais te trouver un couteau en or.

― Je ne veux pas que tu trouves quoi que ce soit. Je veux le trouver moi-même.

Irrité, le jeune borgne attrapa les oreilles de son frère :

― Salopard, tu cherches les ennuis ? Tu fais exprès ? »

Apparemment, le plus jeune prenait souvent des coups, car voyant que son aîné était vraiment fâché, il se tut aussitôt. Il regarda son père comme pour l’appeler à l’aide, mais ce dernier l’ignora pour aller vérifier l’équipement.

Visiblement satisfait, le jeune borgne ajouta :

― Pourquoi es-tu si décevant ? Le vieil homme ne t’aidera pas cette fois. Si tu cherches encore des noises, je te flanque une rouste !

Le vieux Pipe-au-bec lui tapa sur l’épaule :

― Allez les morveux, équipons-nous !

Sur ce, il commença à pelleter de la terre à l’instar d’un tourbillon ravageant tout sur son passage.

Une demi-heure plus tard, ils avaient creusé un long tunnel. À l’exception de son frère qui remontait de temps en temps pour respirer, le cadet n’entendait rien de ce qui se passait en dessous. Impatient, il s’approcha du trou et cria :

― Grand-père, tu as creusé jusqu’au bout ?

Après quelques secondes, la voix lointaine de son frère borgne répondit :

― Nous ne… savons pas. Toi… tu restes là et tu sécurises… la corde ! Le plus jeune entendit alors tousser le vieux : Tais-toi… et écoute ! Il y a du mouvement ! »

Un silence de mort s’installa.

Le benjamin était trop tétanisé pour parler. C’est alors qu’il perçut un son effrayant venant du trou, presque comme le coassement d’un crapaud.

― Petit frère, tire ! Cria le jeune borgne.

Sans la moindre hésitation, il tira d’un coup sec sur la corde du tuhaozi. Brusquement, il sentit une force opposée, mue par je ne sais quoi, tirer la corde vers le tunnel. Pris au dépourvu, le jeune garçon faillit tomber dans le trou. Mais grâce à sa vivacité d’esprit, il attacha aussitôt la corde autour de sa taille et se pencha en arrière de manière à ce que son dos forme un angle de trente degrés par rapport au sol. C’était un truc qu’il utilisait quand il jouait au tir à la corde avec les autres garçons du village. Il déportait tout son poids sur le point de traction et même une mule n’aurait pu le battre.

De cette manière, il put tenir tête à la chose dans le trou. Dix secondes passèrent après quoi le plus jeune frère entendit un coup de feu venant du tunnel, puis son père lui crier : Cours !

Il sentit la corde se détendre et dans un souffle, le tuhaozi jaillit du trou. On aurait dit que quelque chose y était accroché mais le jeune garçon n’avait pas le temps de s’en préoccuper. Comprenant que quelque chose s’était produit en bas, il attrapa l’outil et se mit à courir.

Quelques kilomètres plus loin, il jeta un œil au tuhaozi et poussa un cri d’effroi en apercevant une main pleine de sang accrochée à l’outil. Il reconnut la main de son frère et éclata en sanglots. Même si son aîné n’était pas mort, il était désormais estropié.

Il serra les dents et s’apprêtait à faire demi-tour pour tenter d’aller sauver son père et son frère lorsqu’il vit une chose rouge sang accroupie derrière lui qui le fixait.

Le jeune garçon n’était pas complètement fou. Il avait déjà suivi son père dans de nombreuses tombes et vu beaucoup de choses étranges. Il savait que, sous terre, tout pouvait arriver. Le plus important était de ne pas en faire un drame et de se montrer pragmatique. Il faut savoir qu’aussi dangereux que puisse être un fantôme, il n’était pas plus puissant qu’un vivant. Que ce soit un heixiong ou un baixiong(2), il restait soumis aux lois de la physique. Si une balle pouvait le toucher et le détruire, il n’y avait rien à craindre.

Cette pensée en tête, le jeune garçon reprit son calme et se mit à reculer. Il sortit un pistolet de sa ceinture et se prépara à tirer quelques coups en rafales. Au moindre mouvement de la chose, il l’arroserait comme il se devait.

Mais il ne s’attendait pas à ce qu’elle se lève brusquement. En y regardant de plus près, il sentit son cuir chevelu s’engourdir et son estomac se révulsa : De toute évidence, il s’agissait d’un homme écorché ! Il était couvert de sang comme s’il s’était extrait de sa peau… Qu’il puisse encore se promener dans cet état tenait vraiment du miracle. Était-ce là le vrai visage d’un cadavre ensanglanté ?

Alors qu’il réfléchissait, le cadavre se pencha en avant et se précipita droit vers lui, si près que le jeune garçon pouvait sentir l’odeur de ce visage dégoulinant de sang. Profitant de la situation, il se laissa tomber en arrière tout en tirant à bout portant une volée de balles dans la poitrine de la chose. Celle-ci était si proche que l’impact fit gicler le sang partout. Alors que le cadavre reculait de quelques pas, le jeune garçon eut un sursaut triomphal. Il pointa son arme vers la tête de sa cible et pressa la détente…

Il y eut un clic. L’arme s’était enrayée !

Son grand-oncle avait autrefois déterré ce vieux pistolet de la tombe d’un seigneur de guerre. Inutilisé depuis de nombreuses années, il n’avait pas pu l’entretenir faute de temps et manquait d’occasions pour tirer. Comment aurait-il pu prévoir cet incident de parcours ?

Mais le jeune garçon n’abandonnait pas si facilement. Il arma son bras et lança de toutes ses forces le pistolet sur le cadavre. Sans se soucier de savoir s’il l’avait touché ou non, il tourna la tête et, avisant un grand arbre juste en face de lui, s’enfuit vers celui-ci en se disant que la chose rouge sang ne serait pas capable d’y grimper.

Manque de chance, il trébucha et tomba. Son visage s’écrasa contre une souche, et il se retrouva avec le nez et la bouche en sang.

Le cadet frappa durement le sol. Pourquoi diable était-il si malchanceux ?

À cet instant précis, il entendit un souffle de vent derrière lui et sut que le Roi Yama(3) était venu le chercher. Je vais mourir, qu’il en soit ainsi. L’ayant accepté, il resta allongé sur le sol sans prendre la peine de se lever.

Mais contre toute attente, le cadavre le piétina comme s’il ne l’avait pas vu, laissant ses empreintes sanglantes sur son dos. Le mort était étonnamment lourd et sitôt qu’il le sentit peser sur lui, le jeune garçon eut l’impression que la bile lui remontait à la gorge.

Son dos se mit à le démanger et ses yeux devinrent flous. Il comprit rapidement qu’il avait pu être empoisonné et que le niveau de toxicité était très élevé. Dans un état second, il réalisa que la main coupée de son frère, qui n’était pas très loin, semblait tenir quelque chose.

Il cligna des yeux, regarda plus attentivement et vit qu’il s’agissait d’un morceau de soie ancienne.

Ce que mon frère voulait tant rapporter n’est certainement pas ordinaire, se dit-il. Et je ne sais même pas ce qui leur est arrivé. Quoi qu’il en soit, je dois en prendre soin afin qu’ils puissent le récupérer lorsqu’ils retrouveront mon corps, si je meurs. Ainsi, la main de mon frère n’aura pas été coupée pour rien et je ne serai pas mort en vain.

Cette pensée en tête, il lutta pour ramper jusqu’à la main coupée, récupéra l’étoffe et la fourra dans sa manche.

Ses oreilles bourdonnaient. Il avait comme un voile sur les yeux tandis que ses mains et ses pieds devenaient froids. De ce qu’il savait par expérience, l’entrejambe de son pantalon était certainement trempé. La mort de personnes empoisonnées par un cadavre étant généralement très laide, il espérait vivement que la fille du village voisin ne le verrait pas dans cet état.

Ses pensées confuses s’emballaient et son cerveau avait cessé de l’écouter. Brusquement, il entendit ce même son étrange de coassement et eut le sentiment que quelque chose n’allait pas. Le cadavre ensanglanté n’avait encore jamais produit ce son. Et si… cette chose n’était pas un cadavre sanglant ?

Mais alors, qu’avait-il vu ?

Malheureusement, il pouvait à peine penser. Levant la tête par réflexe, il vit un drôle de visage, énorme et exsangue, se pencher vers lui. Totalement vides, ses yeux ne reflétaient pas la moindre étincelle de vie.

Notes explicatives :

Tuhaozi se traduit littéralement par “souris de terre”. C’est une sorte d’outil pointu qui ne sert pas à creuser mais à véhiculer la terre. Généralement des cordes sont attachées à ses deux extrémités, mais il se peut que l’on n’utilise qu’une seule extrémité. Pendant que les personnes à l’intérieur du trou creusent, d’autres récupèrent la terre à l’extérieur.

Hei=noir, bai=blanc, xiong=virulent, sinistre, inquiétant, terrible, etc. Heixiong et baixiong sont des termes tirés de “Ghost Blows Out the Light” (alias “Candle in the Tomb”). Il doit s’agir d’une sorte de zombie dont les cheveux noirs ou blancs poussent au contact de l’air à l’extérieur de la tombe.

Le roi Yama est le roi des Enfers.



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