Les Chroniques d'un Pilleur de Tombes | Grave Robbers' Chronicles | 盗墓笔记
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Chapitre 01 – Le poisson de cuivre aux sourcils en forme de serpent
Chapitre 29 – La boîte pourpre et or Menu Chapitre 02 – La tombe à double paroi

Alors que le couvercle de la boîte s’ouvrait lentement, je vis, dans un espace pas plus grand que mon auriculaire, un petit poisson de cuivre que je sortis pour l’examiner. Il avait l’air tout à fait ordinaire, mais de facture raffinée, en particulier pour ce qui était des sourcils auxquels on avait donné l’apparence de serpents. Surpris, je m’interrogeai sur la valeur de cette chose et me demandai pourquoi elle avait été placée dans un endroit si protégé.

Sur ces entrefaites, mon oncle revint avec un chalumeau et fut très surpris de trouver la boîte ouverte.

― Comment as-tu fait, comment as-tu fait ?

Je lui parlai alors du numéro et il fronça les sourcils :

― Les choses deviennent de plus en plus déroutantes. Il semblerait que ces Américains ne soient pas de simples pilleurs de tombes. Il prit le petit poisson et son expression changea : ne serait-ce pas un poisson de cuivre aux sourcils en forme de serpent ?

Au premier regard, j’eus l’impression qu’il savait, aussi m’empressai-je de lui demander ce dont il s’agissait. Il glissa la main dans la poche de sa chemise et en sortit un petit objet qu’il me tendit. En l’examinant, je m’aperçus que c’était aussi un exquis poisson de cuivre. Il avait à peu près la taille de mon petit doigt et deux serpents de mer en guise de sourcils. Il était d’excellente facture et chaque écaille avait été délicatement ciselée. Il provenait sans doute de la même source que celui de la boîte, mais avec un petit défaut que l’autre n’avait pas. De nombreux petits dépôts semblables à de la chaux blanche étaient pris dans les rainures des écailles. Je compris aussitôt de quoi il s’agissait.

― Est-ce un trésor marin ?

Je vis avec surprise Oncle San hocher la tête. Les trésors auxquels je faisais allusion étaient des antiquités repêchées en mer, généralement des porcelaines bleues et blanches. Étant donné le nombre de ces objets qui reposaient sur les fonds marins, il était plus facile de les trouver là que sur la terre ferme. Mais il y avait tant de de micro-organismes dans la mer que la plupart des articles récupérés étaient couverts de taches d’un blanc grisâtre difficiles à enlever et qui diminuaient leur valeur.

Je me sentis confus car dans mon souvenir, mon oncle ne s’était jamais intéressé à des biens de si petite valeur.

― As-tu déjà pillé une tombe sous-marine ? lui demandai-je.

Il acquiesça d’un signe de tête.

― Une fois seulement et je le regrette vraiment. Si je n’avais pas accepté ce boulot à l’époque, j’aurais certainement toute une ribambelle d’enfants à l’heure actuelle.

Je connaissais un peu le passé d’Oncle San. Il fréquentait une femme nommée Chen Wen-Jin, considérée comme une personne exceptionnelle. J’avais ouï-dire qu’ils s’étaient rencontrés lors du pillage d’une tombe. On la disait si douce et si calme que personne n’aurait jamais cru qu’elle venait de l’école de pilleurs de tombes du Nord. Mon oncle était resté avec elle cinq ans. Elle recherchait les acupoints du dragon tandis qu’il fouillait le sol environnant pour trouver l’emplacement de la tombe. Ce travail d’équipe leur avait valu le surnom de « Héros du Condor » au sein des pilleurs de tombes. (1)

J’appris plus tard qu’elle avait brusquement disparu lors d’un accident au cours d’un pillage. Les filles ne devraient pas faire ce genre de travail, et ma famille était désolée qu’une chose aussi horrible se soit produite. Mais je n’avais que quelques années à l’époque et ne comprenais pas grand-chose à ce qui se passait. Durant une semaine, je vis mon oncle assis comme un morceau de bois, une expression de tristesse sur le visage comme s’il avait le cœur brisé. Puis progressivement, il redevint normal. Je ne me souvenais pas vraiment de ce qui s’était passé lorsque j’étais enfant et même s’il semblait vouloir en parler, je ne pouvais lui laisser voir mon impatience d’en apprendre plus.

― Que s’est-il passé à cette époque, était-ce dans une tombe sous-marine ?

Oncle San soupira.

― Elle et moi étions encore jeunes à l’époque. Plusieurs de ses camarades de classe, qui faisaient partie d’une équipe d’archéologues, avaient une vague idée de la manière dont je gagnais ma vie. Du reste, je n’ai jamais essayé de le leur cacher. Nous étions tous très proches les uns des autres. Plus tard, ils sont partis pour Xisha réaliser des travaux archéologiques sur l’épave d’un navire et je les ai suivis. Mais je ne m’attendais pas… Il marqua une pause, comme s’il ne voulait pas se souvenir de l’incident. Je ne m’attendais pas à ce que l’objet englouti soit si grand.

Cela devait faire plus de dix ans à présent. Mon oncle n’avait que peu d’expérience en matière de tombes sous-marines, mais comme il était fou amoureux à l’époque, il avait fini par vanter ses compétences devant Chen Wen-Jin. Il fut donc autorisé à suivre l’équipe en mer. Ils affrétèrent le bateau d’un pêcheur du coin et mirent deux jours pour atteindre le Récif du Bol par l’ouest. C’était l’une des voies les plus dangereuses de l’ancienne Route Maritime de la Soie et les naufrages y étaient fréquents. Oncle San plongea pour jeter un coup d’œil et demeura stupéfait à la vue de toutes les porcelaines bleues et blanches brisées qui jonchaient les fonds marins. Il y en avait tant que ç’en était stupéfiant.

Chen Wen-Jin lui expliqua que ces objets provenaient d’un navire qui avait sombré et qu’ils avaient été emportés par les courants. Autrefois, les pêcheurs pouvaient remonter jusqu’à quatre ou cinq objets en porcelaine sitôt qu’ils jetaient leurs filets, mais convaincus que ceux-ci appartenaient au Roi Dragon des Mers, ils les rejetaient la plupart du temps.

Malheureusement, presque tous étaient brisés et il était rare de trouver des objets intacts. Et quand bien même ils l’auraient été, les fonds marins les parasitaient tellement qu’ils étaient difficiles à nettoyer. Les camarades de classe de Chen Wen-Jin, qui considéraient la valeur de ces objets d’un point de vue archéologique, étaient tous très excités. Mon oncle, en revanche, fut bouleversé rien qu’en les voyant. Il regrettait de ne pas avoir vécu à l’époque du naufrage et semblait oublier qu’en ces temps-là, cette porcelaine bleue et blanche n’était pas considérée comme une antiquité.

Ils plongèrent deux ou trois jours d’affilée et remontèrent de nombreux paniers de porcelaine. Oncle San était doué pour évaluer ce matériau qu’il connaissait comme sa poche. Il pouvait récupérer une pièce et en parler durant une demi-journée. C’est ainsi qu’il devint le chef officieux de l’équipe archéologique. Comme son nom de famille était Wu et son prénom Sanxing, les plus jeunes le surnommèrent Frère Sanxing. Mon oncle était sur un petit nuage et prenait son rôle de chef très au sérieux.

Le quatrième jour cependant, quelque chose se produisit. L’un des membres de l’équipe partit en kayak et à la nuit tombée, il n’était toujours pas revenu. Inquiets, ses camarades levèrent aussitôt l’ancre et partirent à sa recherche. Ils finirent par retrouver le kayak échoué sur un rocher à deux kilomètres du Récif du Bol, mais la personne restait introuvable.

Cela ne me dit rien qui vaille, se dit Oncle San. Ce membre de l’équipe est peut-être parti explorer et a eu un problème.

Il enfila aussitôt son équipement et plongea. Au milieu de la nuit et après plusieurs heures de recherches, il retrouva enfin le corps. Son pied était resté coincé dans le récif corallien et il était gonflé d’avoir séjourné si longtemps dans l’eau. En le ramenant à la surface avec l’aide du reste de l’équipe, mon oncle vit que le cadavre tenait un objet serré dans sa main gauche. Il écarta ses doigts et découvrit un poisson de cuivre aux sourcils en forme de serpent.

Alors que tous pleuraient la mort de leur camarade, Oncle San réalisa qu’il y avait peut-être autre chose sous l’eau, ce qui expliquerait que l’archéologue soit venu de nuit pour le récupérer.

Oncle San supposa que cette personne avait vu quelque chose lors de son exploration (tractée par un bateau) durant la journée mais qu’elle n’avait rien dit aux autres. Elle avait certainement l’intention d’y retourner de nuit lorsqu’elle serait seule mais quelque chose s’était produit. Mon oncle se garda bien de dire ce qu’il pensait car la personne en question étant morte, il n’y avait plus lieu d’en parler.  Mais le poisson de cuivre que le cadavre tenait dans la main était certainement un indice.

Le jour suivant, il fit part de cette affaire aux autres membres de l’équipe mais à peu près en ces termes : Le camarade Untel faisait des heures supplémentaires pour la cause archéologique lorsqu’il a eu un malheureux accident. À en juger par les fruits de son travail, il a manifestement trouvé un objet au fond de la mer. Il a donné sa vie pour ce poisson de cuivre, aussi ne pouvons-nous pas le laisser tomber.

Ce discours motivant eut pour effet de remonter un peu le moral de l’équipe. Les archéologues retournèrent dans le secteur où s’était produit l’accident et entamèrent des recherches en quadrillant la mer. C’est alors qu’ils découvrirent quelque chose.

Il y avait là plus de quarante énormes ancres de pierre (des ancres anciennes, très différentes des modernes) sous l’eau à proximité.(2) Elles étaient toutes identiques en forme et en taille, et dessus était gravé un texte ancien pratiquement illisible. Oncle San supposa que ces ancres provenaient soit de quarante navires de même taille, soit du même. Mais réflexion faite, il était peu probable qu’une quarantaine de navires aient coulé au même endroit et au même moment. Il devait y avoir, échoué sur les fonds marins, un très grand navire, si grand qu’il faille toutes ces ancres pour le maintenir en place.

En voyant cela, Oncle San, qui était très féru d’histoire, émit une hypothèse particulièrement audacieuse. De retour à la surface, il se tourna vers Chen Wen-Jin et lui dit :

 ― Il semblerait qu’un bateau-tombe soit enfoui par ici sous les eaux.

Notes :

(1) “Le Retour des Héros du Condor” est un roman wuxia de Jin Yong (Louis Cha).

(2) Les ancres antiques étaient en fait de simples dalles de pierre percées d’un trou.



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