Les Chroniques d'un Pilleur de Tombes | Grave Robbers' Chronicles | 盗墓笔记
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Chapitre 04 – Le Premier Puzzle
Chapitre 03 – La Pagode Menu Chapitre 05 – Le Retour de Grande-Gueule

Il escalada à nouveau l’étage supérieur du palais en se cramponnant à son trésor. Il y avait la statue de l’arhat dont il avait endommagé les yeux, son visage blanc étincelant encore dans l’obscurité. Pas de quoi s’alarmer ; ce n’est pas réel, se dit-il. Et à ce moment-là, le visage de la statue sembla esquisser une expression de rage contorsionnée.

― Ce n’est pas une illusion ; ça pourrait être un zombie. J’ai vraiment vu son visage changer, hurla Chen Pi sans mot dire, paniqué, en fuyant. Il aperçut une sortie éclairée par des flammes vacillantes juste au-delà : son feu de camp. Alors qu’il se précipitait vers la sécurité, un couteau toucha sa gorge et des mains lui arrachèrent son butin. Face à lui se tenaient son guide et un autre Hmong du village, tous deux le regardant avec dégoût et fureur.

Il tendit la main vers son pistolet, mais un son éclatant envahit ses oreilles et un courant d’air étrangement froid tourbillonna autour de lui :

― Mon doigt, mon doigt de déclencheur, hurla-t-il. Il avait disparu.

Avant qu’il puisse réagir à la douleur, l’homme qui accompagnait son guide s’avança et Chen Pi ressentit à nouveau une bouffée d’air glacé balayer son corps. L’homme leva son couteau et le trancha à travers son œil gauche. La lame coupa à travers le pont de son nez, s’arrêtant seulement après avoir traversé son œil droit. Dans son agonie, il remarqua vivement le regard calme et clair de l’homme qui l’avait défiguré, ainsi que le tatouage du qilin bondissant qui recouvrait le torse de son agresseur. Ce fut la dernière chose qu’il n’eut jamais vue.

Lao Hai conclut :

― Au moins les hommes ne l’ont pas tué. Ils ont remis Chen Pi et les coffres au trésor à la police locale qui a jugé que sa cécité était suffisante comme punition. Les coffres furent envoyés dans un musée. Quand on les ouvrit, ils ne contenaient que ce poisson en bronze. Il tapota le journal avec deux doigts, C’est étrange, mais c’est comme ça. Chen Pi a toujours prétendu que quelqu’un d’autre avait ouvert les coffres après qu’il les eut sortis, et avait tout enlevé, ne laissant qu’un faux poisson antique.

― Pourquoi pensait-il que le poisson était faux ? demandai-je.

― Je ne sais pas. Chen Ah-Si est devenu plus tard moine dans un temple à Guangxi. J’ai appris tout cela de certains de ses anciennes connaissances et l’information n’était pas bon marché. Si tu en retires quelque chose plus tard, ne m’oublie pas.

Bien sûr, Lao Hai ne m’aidait pas simplement par bonté d’âme, mais j’avais besoin de plus de détails si l’un de nous deux souhaitait profiter de son histoire :

― Pourquoi assistes-tu à cette vente aux enchères ici ?

― Bien que personne ne sache où se trouve ce poisson, tout le monde semble le vouloir et il est dans le catalogue du commissaire-priseur pour être mis aux enchères. J’ai pensé que tu voudrais voir qui soumettra l’offre gagnante pour celui-ci, dit-il.

― Regarde le prix de départ suggéré – quatre-vingts millions de yuans. Bon sang, j’ai deux poissons identiques – je devrais en obtenir facilement un milliard et demi pour eux. Qui serait prêt à acheter ce poisson – le Sultan de Brunei ?

Je ramenai Lao Hai à son hôtel et rentrai chez moi pour me détendre. Cependant, l’histoire que je venais d’entendre m’avait tellement agité que je me rendis au salon de thé de mon deuxième oncle pour me calmer un peu.

Alors que je sirotais mon thé, allumais une cigarette et regardais fixement un magazine que mon oncle gardait pour ses clients, je me creusais la tête sur les trois poissons, chacun provenant de sa propre dynastie et de lieux éloignés les uns des autres. Comment étaient-ils arrivés là où ils avaient été trouvés et pourquoi ? Pourquoi diable mon oncle San n’était-il pas là pour m’aider à résoudre ce mystère ? Après tout, c’était lui qui avait lancé cette énigme.

Soudain, une odeur de brûlé m’envahit et je vis que ma cigarette avait fait des trous dans une carte reliée au magazine. Je l’éteignis, posai le magazine et fus soulagé que mon oncle ne soit pas là pour me réprimander pour ma négligence.

Avant que je ne puisse me diriger vers la porte, un vieil homme ramassa le magazine et commença à rire doucement :

― Qui aurait endommagé une carte aussi précieuse ? Quel barbare !

Ne souhaitant pas paraître coupable en m’enfuyant précipitamment de la scène de mon méfait, je restai assis à ma table et j’observai le vieil homme. Il était petit et osseux et avait l’air d’avoir environ soixante-dix ans. Il portait des lunettes avec des verres aussi épais que le fond d’une bouteille de bière et se tenait avec la posture droite d’un militaire ou d’un expert en arts martiaux.

Il emmena le magazine à une autre table entourée d’hommes d’âge mûr, tous semblant le regarder avec le respect qu’ils accorderaient à un chef. Curieux, je pris ma tasse de thé et me rapprochai pour être à portée de voix.

― Regardez ceci, Le vieux tenait le magazine devant ses compagnons, Dites-moi ce qu’il y a de spécial sur cette carte ? Faites attention au feng shui qui a été accentué par les marques de brûlure de la cigarette d’un idiot.

Aucun des autres hommes ne proposa de réponse et le vieil homme recommença à rire doucement, disant quelque chose dans un dialecte que je ne pouvais pas comprendre. Ses compagnons cherchèrent tous à regarder la carte et cela m’intrigua. Quelle que soit la langue que parlait ce vieil homme, elle n’avait aucun rapport avec le chinois.

Prenant mon expression la plus humble, je m’avançai vers leur table :

― S’il vous plaît, pourriez-vous permettre à un pauvre étudiant de vous demander, messieurs, d’où venez-vous ? Dans quelle langue parlez-vous en ce moment ?

Les hommes parurent surpris puis éclatèrent de rire :

― Mon garçon, dit le vieil homme, bien sûr que vous ne comprenez pas. Nous parlons le Hmong. Pas plus d’un millier de personnes dans ce pays peuvent le parler ou le comprendre.

― Vous ne semblez pas Hmong, leur dis-je, ce qui les fit rire aux éclats à nouveau. Profitant de leur gaieté, je demandai :

― S’il vous plaît, j’ai entendu votre ami parler de la carte brûlée. Je suis l’imbécile qui a commis ce méfait. Pourquoi cette carte vous intéresse-t-elle autant ? Et que voulez-vous dire par formation de feng shui ?

― Qu’est-ce qui vous intéresse dans le feng shui ? Vous n’êtes certainement pas étudiant en la matière, n’est-ce pas ? demanda l’homme âgé en fronçant les sourcils.

― Je ne connais que quelques notions et je souhaite en apprendre davantage. S’il vous plaît, dites-moi ce que vous savez afin que je comble mes lacunes.

Le vieil homme échangea des regards avec les autres et sourit :

― Ce n’est pas si compliqué. En fait, les positions des trois trous de brûlure sur la carte sont significatives. Reliez-les ensemble avec une ligne imaginaire et regardez-les de côté. Remarquez-vous quelque chose d’intéressant ?

Je suivis sa suggestion et sentis ma bouche devenir très sèche. Les trous se trouvaient sur les endroits où les trois poissons de bronze avaient été découverts : la tombe de la caverne des zombies de sang au Mont Qimeng, la tombe sous-marine à Xisha et le palais miroir à Guangxi. Tous figuraient sur la ligne que l’homme âgé m’avait demandé d’imaginer. Elle formait la courbe d’un dragon.

Le vieil homme perçut ma surprise et sut que j’avais saisi un début de compréhension quant au lien entre ces différents lieux. D’une voix teintée de ce qui semblait être de la complicité, il m’expliqua :

― Il s’agit de la forme d’un dragon d’eau, mais il manque un élément crucial. Où se trouve sa tête ?, avant de planter sa cigarette sur la carte, laissant une petite brûlure sur le site des montagnes Changbai.

Perplexe, je demandai :

― Pardon, Monsieur, pourriez-vous m’expliquer ce que vous voulez dire ?

Le vieil homme esquissa un sourire amusé et poursuivit :

― Vous savez sans doute que toute la Chine est traversée par un réseau souterrain de veines de dragon. Celle-ci relie plusieurs chaînes de montagnes distinctes et plonge une de ses extrémités dans l’eau, d’où son appellation de dragon d’eau.

Tandis qu’il parlait, je compris qu’il suivait l’école de feng shui développée par Wang Canghai. Était-ce là le lien que je cherchais ? Les cloches hexagonales découvertes aussi bien dans la grotte du cadavre que dans la tombe sous-marine, le coffre à énigme apparu dans une tombe de la dynastie des Zhou de l’Ouest, les poissons de bronze en trois endroits différents… étaient-ils tous présents dans ces lieux parce que Wang Canghai y avait séjourné autrefois ? Faisaient-ils tous, d’une manière ou d’une autre, partie de son plan pour son palais dans les nuages, celui que j’avais vu représenté dans la tombe sous-marine, le palais qui était désormais enseveli sous une avalanche ? Et quel corps occupait la tombe qui reposait à côté du Palais dans les Nuages, sous de lourdes couvertures de neige ?

Le vieil homme remarqua mon intérêt croissant. Il fit signe à ses compagnons de se lever, me tendit le magazine, régla sa note et sortit. Je le suivis rapidement. Quand je sortis du salon de thé, il était en train d’ôter ses lunettes. Une hideuse cicatrice courait de l’un à l’autre de ses yeux, formant un profond sillon sur le pont de son nez.

Je restai immobile pendant que lui et ses amis montaient dans une voiture et s’éloignaient.

Impossible, pensais-je, comment pourrais-je entendre l’histoire de Chen Pi et le rencontrer par hasard quelques heures plus tard ? C’était trop étrange pour être une coïncidence. Quel genre d’accord avait été conclu entre ce vieil homme et Lao Hai ? Et était-ce vraiment lui, Chen Pi ? Il était censé être aveugle mais cet homme pouvait voir, et il avait l’air beaucoup plus jeune que les quatre-vingt-dix ans du voleur de tombes.

Pourtant, qui qu’il fût, il m’avait montré une connexion que j’avais eu du mal à découvrir par moi-même. Cela m’avait suffi pour me permettre de mieux dormir et plus longtemps cette nuit-là que je n’avais pu le faire depuis des semaines.

Mon sommeil très profond me fit louper l’enchère. Aussi, j’appelai Lao Hai qui me dit que personne n’avait acheté les poissons, car l’enchère était trop élevée. Après avoir  raccroché, je reçus un appel du responsable de la boutique d’oncle San :

― Quelqu’un est ici pour vous voir

Craignant que ce ne soit Lao Yang et sa mère fantôme, je me forçais à aller à la boutique. A peine eus-je franchi la porte que les larmes commencèrent à couler sur mon visage :

― Panzi, tu es vivant ! » Je sanglotai en le serrant dans mes bras.



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