Les Chroniques d’un Pilleur de Tombes | Grave Robbers' Chronicles | 盗墓笔记
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Chapitre 25 – Une seule personne
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Le cercueil ouvert, une odeur de poisson me sauta au visage. En m’approchant, je vis qu’il était rempli d’un liquide noir à la surface duquel flottait une brume vaporeuse qui s’élevait en volutes. Je pouvais vaguement apercevoir en-dessous un tas de membres entrelacés, mais j’aurais été incapable de dire combien de corps il y avait là. Tous étaient enduits de cire et agglutinés, ils formaient une énorme masse de chair. Cela dit, je pus sans peine compter douze mains. Inutile de préciser à quel point ce spectacle était répugnant.

À sa vue, Poker-face fronça les sourcils, mais son visage se détendit aussitôt et il baissa le fusil qu’il tenait à la main.  À voir son changement d’attitude, je me dis que ça ne devait pas être trop dangereux. Mais pourquoi, quelques secondes plus tôt, était-il si nerveux ?

On pouvait voir, de haut en bas du cercueil, des rangées bien ordonnées de clous espacés de quelques centimètres. Mais comme ils étaient sous l’eau, impossible de dire s’ils étaient en or pur ou simplement en plaqué. Je distinguais aussi une chose étrange sous cette masse de chair. Lentement, centimètre par centimètre, Gros-lard balaya de sa lampe ce qui semblait être un morceau d’ardoise avec des mots gravés. Des objets en jade et en ivoire avaient été placés entre les différentes parties des corps ainsi que dans leurs mains. Ils semblaient particulièrement précieux et faciles à transporter.

Apparemment, le gros homme brûlait de s’en emparer, mais la masse de cadavres était trop repoussante. Il avait beau être téméraire, il n’avait pas le courage de plonger sa main dans la couche de graisse à l’intérieur du cercueil. Il réfléchit un long moment, mais n’ayant pas trouvé de solution, force lui fut de renoncer.  Il reporta son attention sur les cadavres  et secoua la tête :

― C’est vraiment inhumain, putain. Et moi qui commençais à croire que le propriétaire de cette tombe était un moine taoïste. Comment pourrait-il atteindre l’illumination en exhibant des choses aussi ignobles ? Il mérite que nous le pillions !

Je ne comprenais toujours pas la situation, mais sachant ce qu’il y avait à l’intérieur de ce cercueil, j’avais le sentiment que si je me risquais à regarder une seconde fois, mes nerfs ne le supporteraient pas.

― Ce doit être une sépulture commune, mais pourquoi ce cercueil est-il si répugnant ? demandai-je.

― Serais-tu stupide, mon jeune ami ? As-tu déjà vu une sépulture commune dans laquelle les corps sont amalgamés comme un tortillon de pâte frite ? Ces gens ont manifestement été enterrés vivants. Ils ont probablement été entassés, drogués, puis ont fini noyés lorsque l’eau s’est déversée dans le cercueil. C’est ce qu’on appelle un incubateur de cadavres.

En l’entendant parler de tortillon de pâte frite, ma gorge se mit à me démanger. J’avais très faim, mais l’image de cette masse de chair morte se superposant à celle d’un beignet géant me donnait envie de vomir. Ceci étant et comme il semblait savoir ce à quoi nous avions affaire, je pris un moment pour me ressaisir et lui demandai de m’en dire plus.

Voyant que je n’y connaissais rien, le gros se mit à faire le malin :

― Quoi, tu ne sais même pas ça ? Tu es comme un enfant sans mère. C’est une longue histoire. Voyons voir… Je me trouvais entre les hauts sommets de la montagne Changbai…

Réalisant qu’il s’apprêtait à déblatérer une nouvelle fois ses conneries, je coupai court :

― Je m’en fous totalement. Nous n’avons pas le temps d’écouter tes sottises. Qu’est-ce qu’un incubateur de cadavres a à voir avec la montagne Changbai ? Si tu ne sais rien, ne dis rien !

Les gens comme lui ne supportant pas d’être provoqués, les muscles de son cou se crispèrent :

― Qui a dit que je ne savais pas ? Je voulais juste te donner une vue d’ensemble, mais si tu ne veux pas l’entendre, oublie ça. Ce cercueil est un incubateur de cadavre, basé sur le savoir du feng shui. On les trouve généralement dans les tombes situées en montagne. Si tu as deux emplacements dans la tombe qui, d’après le feng shui, conviendraient pour le cercueil principal, tu ne peux pas n’en choisir qu’un. Il se créerait alors sur l’autre une grande concentration d’énergie spirituelle susceptible d’attirer des entités démoniaques. On place alors à cet endroit un cercueil incubateur de cadavre où l’on enterre les proches parents du propriétaire. Cette disposition est assimilable à une sépulture commune. Ce cercueil doit être exactement le même que celui de la chambre funéraire principale. En feng shui, ce procédé est appelé « nourrir le qi ». Tu comprends ?

Gros lard avait débité tout cela d’un seul souffle, comme s’il récitait un texte appris par cœur. Je n’en avais compris que la moitié mais en restai abasourdi.

― Alors tous les gens qui sont ici sont…

Le gros se tapa la cuisse :

― D’où ma réaction ! Cet homme a peut-être entassé toute sa fichue famille dans ce cercueil. C’est vraiment inhumain !

― Comment est-ce possible ? m’écriai-je. En principe, si l’on suit les principes du feng shui, c’est pour le bien des générations futures. S’il faut ensevelir toute la famille ensemble, quel est l’intérêt de s’y conformer ?

Gros-lard vit que je prenais ça au sérieux :

― Il ne faut pas croire tout ce qu’on te dit. Ces gens riches ne sont pas si stupides. Il a dû trouver plusieurs neveux pauvres à enterrer avec lui. Ce genre de choses est courant dans les tombes de la dynastie Ming. J’en ai vu beaucoup, mais jamais d’aussi grandes.

En regardant cet amas de cadavres et en imaginant la façon dont ils avaient été ensevelis, je me sentis profondément ému. Grand-père m’avait dit un jour que le cœur humain est la chose la plus imprévisible au monde. Pour quelque chose qui n’avait pas ou peu de fondements, on avait pris la vie de ces gens comme s’ils n’étaient que poussière.

Le cercueil étant ouvert, Gros-lard n’allait certainement pas abandonner le trésor si facilement. Il se gratta la tête et dit :

― Regardez ces pauvres gens. Je pense que nous devrions aller à côté chercher des jarres pour récupérer le liquide. Ça porte malheur de laisser de l’eau stagnante dans un cercueil.

Sachant ce qu’il avait l’intention de faire, je répliquai :

― Regarde un peu ta tête de voleur ! Je sais que tu veux récupérer ces objets funéraires, mais tu ne pourrais pas te calmer ? Il y aura beaucoup de choses à prendre lorsque nous serons arrivés à la chambre funéraire principale.

― Va te faire foutre ! s’écria-t-il, rouge de colère. Tu crois vraiment que je suis ce genre de personne ?

Trop flemmard pour débattre avec lui, je me contentai de répondre :

― Nous n’avons ni le temps ni le luxe de nous occuper de ça maintenant. Si nous tardons trop, nous ne pourrons plus sortir et nous mourrons asphyxiés. Nous n’aurons pas de cercueils et personne ne viendra nous pleurer.

A peine avais-je prononcé ces mots qu’à nouveau, la nervosité nous gagna. Sans un mot, Gros-lard se mit à fouiller la pièce. Malheureusement, à part le cadavre du chat, il n’y avait rien qui puisse nous servir.

Poker-face qui, depuis un moment, fixait le tas de cadavres, prit soudain une grande inspiration. On aurait dit qu’il avait vu quelque chose.

Lorsque cet homme, habituellement très calme, devenait nerveux, c’est que quelque chose de fâcheux était sur le point de se produire. Je repris donc aussitôt mon fusil à harpon, prêt à attaquer.

Mais il resta là, les sourcils froncés, silencieux, à fixer le cercueil durant cinq minutes avant de se tourner vers nous :

― En fait, il n’y a qu’une personne dans ce cercueil…



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