Les Chroniques d’un Pilleur de Tombes | Grave Robbers' Chronicles | 盗墓笔记
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Je touchai l’arrière de mon cou et seulement alors, réalisai qu’il s’agissait de l’endroit où les flèches m’avaient touché un peu plus tôt. Ces quatre crochets de fer, s’ils ne m’avaient pas tué, avaient tout de même arraché quelques lambeaux de chair là où ils s’étaient enfoncés. La sueur qui m’inondait avait irrité mes blessures, qui à présent me démangeaient un peu.

Il en allait de même des autres plaies causées par les flèches, mais cette fois, la démangeaison était tolérable. N’ayant pas le temps de prêter attention à ces subtils changements survenus dans mon corps, je frottai plusieurs fois mon cou et repris l’étude de cette étrange chambre funéraire.

Je connaissais sommairement les tombes aristocratiques, mais ne sachant rien de la structure de celles des roturiers de la dynastie Ming, j’étais incapable de les différencier. Je ne pouvais donc qu’essayer de comparer ce que j’avais devant moi avec ce que je savais.

Si je me fiais à mes connaissances, je me trouvais dans la salle de gauche de la tombe et celle de droite me faisait face. Toutes deux étaient supposées être symétriques l’une de l’autre, et il devait y avoir, dans chacune d’elles, un cercueil sur une dalle. Le dessus de ces dalles devait être revêtu de carreaux d’or (ou de carreaux d’argile polis comme des miroirs) et il devait y avoir, au centre de la pièce, un trou rectangulaire rempli de lœss (1) et appelé le « puits d’or », mais il n’y en avait nulle trace ici. Tout ce que je pouvais voir, c’était ce grand bassin rempli d’eau.

Ce n’était pas la seule étrangeté. Il y avait aussi la porte séparant ces deux salles latérales. Elle menait probablement à la salle arrière où le cercueil était supposé se trouver, mais que faisait celui-ci dans cette salle latérale ? Par ailleurs, pourquoi avait-il la forme d’une cuvette ? Ce type de cercueil circulaire, qui datait de la période des Royaumes Belligérants, n’était certainement plus utilisé sous la dynastie Ming.

Evoquer cette période me rappela le poisson de cuivre aux sourcils en forme de serpents que nous avions pris au Palais du Roi de Lu aux Sept Étoiles. Ce poisson avait été trouvé en deux endroits et voilà qu’il y avait là un cercueil que l’on ne fabriquait que durant la période des Royaumes Belligérants. Était-ce une coïncidence ?

J’étais si confus que je décidai de ne plus y penser.

J’avais fait le tour du bassin et retournai vers la porte lorsque mon regard tomba sur la grande jarre de porcelaine que quelques minutes plus tôt, j’avais tenté d’utiliser comme arme du crime. Une idée surgit alors dans ma tête. Je la pris et me mis à examiner les peintures qui l’ornaient.

Cette jarre provenait d’une autre chambre auriculaire, mais l’unique motif représenté n’était pas utile en termes d’information. C’était un homme portant une tenue datant de la dynastie Ming, debout sur une montagne et qui regardait un chantier de construction en contrebas. Il était accompagné de plusieurs personnes en robes de cour officielles. On aurait dit qu’ils supervisaient le site de construction.

À en juger par les motifs qui décoraient ces porcelaines, le propriétaire de cette tombe n’était certainement pas un empereur ni un noble, mais plutôt un artisan ou un architecte. Seul ce genre de personne aurait pu avoir les compétences et connaissances nécessaires pour concevoir et construire une tombe aussi étrange. Si d’autres pouvaient avoir eu cette idée, jamais ils n’auraient été en mesure de la concrétiser.

De plus, les artisans de talent étaient peu nombreux au début de la dynastie Ming. À voir la taille de cette tombe, cet homme devait être quelqu’un d’éminent, occupant un poste de haut rang. Non seulement il fallait qu’il soit qualifié pour mener à bien un projet aussi gigantesque que le Palais Ming, mais il devait bien connaître le feng shui et être passé maître dans l’art de concevoir d’ingénieux mécanismes. Il n’était donc pas très difficile de deviner de qui il s’agissait.

Je n’eus qu’à réfléchir quelques secondes pour qu’un nom ne me vienne aussitôt à l’esprit : Wang Zanghai.

Cet homme était connu pour ses capacités extraordinaires et ses réalisations en matière de feng shui n’avaient pas leur pareil. Pour cette raison, il fut désigné pour participer directement à la conception de l’ensemble du Palais Ming et conçut également plusieurs grandes villes chinoises. À cette époque, un seul mot de sa part suffisait à faire disparaître des villes entières. J’appris aussi par des textes anciens qu’il avait écrit un livre sur le feng shui, réputé si profond que c’était presque comme avoir un aperçu des secrets du ciel. Malheureusement, ses descendants n’en avaient fait que quelques copies qui furent toutes perdues au fil du temps.

On racontait en outre que c’était lui qui avait conçu la tombe sous-marine de Shen Wansan, située à Zhouzhuang, au fond du Yinzibang .(2) Cet homme était donc plus que capable de se construire ce genre de tombe.

Mon hypothèse me paraissait très raisonnable et je n’avais besoin que de quelques informations écrites pour confirmer cela. Malheureusement, le propriétaire de cette tombe devait être analphabète, car il n’avait laissé aucune inscription.

Soudain, j’entendis des bruits d’éclaboussures en provenance du bassin. J’en fus si surpris que cela coupa court à mes réflexions. Je dirigeai aussitôt ma lampe torche vers l’eau et vis des bulles de différentes tailles se former à la surface, à intervalles irréguliers. On aurait dit que quelque chose bougeait dans ce bassin sans fond.

Paniqué, je levai mon fusil à harpon et fixai ces bulles avec appréhension. Mais au même moment, je vis jaillir de l’eau une chose d’un blanc étincelant qui atterrit sur le sol et roula vers le mur, à bout de souffle. Je regardai de plus près et fus rempli de joie : c’était Gros-lard! Il était torse nu, laissant voir un ventre aussi gros qu’un tambour.  Alors qu’il reprenait son souffle, il m’aperçut et me fit signe de la main :

― Merde, j’ai bien failli mourir de suffocation !

J’étais sur le point de lui demander ce qui s’était passé quand quelqu’un d’autre sortit de l’eau, juste à mes pieds. C’était Poker-face. Lui aussi était à moitié nu, mais je ne voyais plus son tatouage noir de Qilin. De toute évidence, il n’avait pas eu à faire autant d’efforts que le gros. Il leva la tête, prit une grande inspiration et, me voyant, demanda :

― C’est la gauche ou la droite ?

Je répondis la gauche et il poussa un soupir de soulagement. Brusquement, il agrippa son poignet et s’assit. En voyant l’éraflure noire sur celui-ci, j’eus un mauvais pressentiment.

Le gros resta un long moment allongé, essoufflé, avant de parvenir à se remettre. Alors qu’il se tenait le ventre, haletant, je leur demandai comment ils étaient arrivés ici. Il cracha sur le côté :

― Ne me pose pas la question. Heureusement que tu n’as rien vu. J’étais mort de trouille. Par chance, il y avait, sous ce morceau d’ardoise au fond du cercueil, un trou qui débouchait ici, sans quoi nous serions morts sur place.

― Qu’y avait-il donc de si terrifiant ?

― Merde, je ne saurais même pas le décrire, me répondit Gros-lard. Pour faire court, il y avait une putain de chose dans le ventre de cet amas de cadavres à six corps.

Note explicative :

(1) Le lœss est un sol sableux jaune typique du nord de la Chine.

(2) Il est question de ce riche homme d’affaires au chapitre 2 de la seconde partie. Zhouzhuang est une ancienne ville bâtie sur l’eau, très prisée des touristes.



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