Les Chroniques d’un Pilleur de Tombes | Grave Robbers' Chronicles | 盗墓笔记
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Chapitre 11 – La chambre aux sept étoiles
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Je regardai de plus près, juste à temps pour la voir baisser la tête. Lorsqu’elle la releva, celle-ci était devenue très grosse, presque plus large que ses épaules. Cette vision me flanqua une frousse que l’on ne saurait exprimer par les mots. Mon cuir chevelu se hérissa et je me mis à crier de façon incontrôlable : un fantôme !

Tout le monde se tourna vers moi. Je désignai l’ombre sans cesser de crier. Presque au même moment, je vis la forme dont elle était issue : Il s’agissait d’un monstre avec une énorme tête et qui tenait une arme étrange à la main ! Dans la pénombre, cette tête géante et difforme était bien plus terrifiante que tout ce que vous pourriez imaginer. Poker-face prit alors sa lampe de mineur et la tint en l’air pour nous permettre de voir le vrai visage du monstre. On aurait dit… On aurait dit une personne avec une grosse cruche sur la tête… Merde, quel con !

Ma peur intense se mua en une colère extrême. L’homme avait une lampe de poche à la main et prenait la pose égyptienne. Il y avait aussi deux trous dans la cruche à travers lesquels deux yeux sournois nous regardaient.

Durant un moment, ce fut très embarrassant. Nous ne savions pas si ce type était un ennemi ou un ami, mais en même temps, nous étions tellement choqués par son apparence que nos cerveaux ne réagissaient pas. Finalement, Grande-gueule attrapa son arme et jura :

― Merde, je vais te buter !

Devant notre fureur, l’individu se précipita droit vers le passage que nous venions d’emprunter en criant :

― Oh mon Dieu !

Grande-gueule n’hésita pas un instant. Il pointa son arme et appuya sur la gâchette, brisant la cruche dont il ne resta plus qu’un anneau autour de son cou.

Tout en courant, l’homme nous invectiva :

― Vous jouez avec la mort, putain ! Attendez de voir ce que je vous réserve quand je reviendrai, bande d’enfoirés !

Puis, comme si la plante de ses pieds était couverte d’huile, il disparut en un éclair dans le passage.

Poker-face le regarda partir et dit :

― Il ne doit pas s’enfuir. On ne peut pas le laisser atteindre notre tunnel de pilleurs. S’il touche ce cercueil, on est fichus !

Il tira ensuite de son sac l’antique épée noir-or et se précipita dans l’obscurité sans même prendre sa lampe de mineur avec lui.

Grande-gueule s’apprêtait à le suivre pour lui venir en aide, mais Oncle San le tira en arrière.

― Tu ne peux rien faire pour l’aider. Va vérifier ces deux chambres annexes et cherche à savoir d’où vient ce type.

Je me précipitai vers la chambre de droite et vis qu’un tunnel avait été creusé dans le mur de pierre. Dans le coin brûlait une bougie qui émettait une faible lumière verte.  Oh , me dis-je, ce type est un mojin .(1)

J’aperçus un sac posé sur le sol et qui semblait lui appartenir. Je l’ouvris et y trouvai quelques outils, des piles et un croquis de cette tombe antique. Même si celui-ci s’apparentait à un tas de gribouillages, je compris au premier coup d’œil que les carrés dessinés sur ce papier représentaient les sept cercueils de l’autre pièce. Dans les marges figuraient de nombreuses annotations, toutes d’une écriture différente. On aurait dit que plusieurs personnes avaient eu ici une discussion. Il y avait un gros point d’interrogation à côté du croquis accompagné de ces mots : Cercueils Trompeurs à Sept Étoiles.

Je me raidis : j’avais l’impression d’avoir déjà vu ces mots quelque part. En y réfléchissant, je me souvins qu’ils étaient mentionnés dans le carnet de mon grand-père. Parmi ces cercueils trompeurs, un seul était réel. Les autres contenaient des mécanismes et des trucs extrêmement étranges. En bref, si vous ouvriez le mauvais cercueil, le mécanisme ou le sort qui s’y trouvait se déclenchait. Au vu de ce qui était arrivé à l’étranger trouvé plus tôt, il ignorait sans doute tout cela et pensait qu’il y avait un trésor dans chacun des sarcophages.

Conséquemment, il fut tiré à l’intérieur de celui qu’il avait choisi avant même de comprendre ce qui se passait. Son partenaire l’ayant vu se faire tuer paniqua, s’échappa de la chambre funéraire et, terrorisé, creusa un autre tunnel dans le passage pour s’enfuir.

Cette analyse me paraissant parfaitement logique, je pris la carte et allai parler à Oncle San. Mais il n’y avait plus personne dans la chambre funéraire. Mon Oncle, Poids-lourd, et Grande-gueule étaient partis ou avaient disparu. Il ne restait plus qu’une lampe de mineur dont l’éclairage vacillait, du fait qu’elle avait brièvement séjourné dans l’eau lorsque nous étions dans la caverne aux cadavres.

J’allai jeter un coup d’œil dans l’autre chambre annexe : aucun signe de leur présence. Je pris la lampe et criai :

― Oncle San !

Ils ne pouvaient pas m’avoir abandonné ici tout seul. Ma première pensée fut qu’il leur était arrivé quelque chose, mais je n’avais pas entendu de bruits de lutte. De plus, avec les compétences qu’avaient Grande-gueule et les autres, quels que puissent être les monstres auxquels ils faisaient face, ils pourraient toujours crier pour m’avertir !

À part l’écho de mes propres cris, je ne perçus aucune réponse. La sombre chambre funéraire, les sept froids cercueils et l’étrange cadavre de cet étranger me ramenèrent aussitôt à la réalité. Je réalisai finalement que je n’étais pas un pilleur de tombes professionnel. Je ne pouvais rester seul dans cet endroit. Même s’il n’y avait pas de monstre, mon imagination était assez débordante pour me faire mourir de trouille !

Je criai à nouveau dans l’espoir que quelqu’un me réponde enfin. Mais seul le silence me répondit. Soudain, la lampe que je tenais à la main vacilla, comme sur le point de s’éteindre et je fus pris de sueurs froides. Mon esprit s’emballait.

Si tout était resté calme, j’aurais peut-être fini par retrouver la tranquillité d’esprit. Mais il fallut que j’entende le claquement du couvercle d’un cercueil de pierre. Je ne savais pas duquel il s’agissait, néanmoins je me sentis tout à coup étourdi et eus l’impression que mon cœur allait sortir de ma gorge.

Je me repliais vers le mur lorsque soudain, quelque chose clignota dans ma vision périphérique. Je tournai la tête et constatai que la bougie dans la chambre auriculaire droite venait de s’éteindre. Je soupirai tout en pensant : Je ne t’ai rien pris. Pourquoi éteins-tu la bougie ?

Jetant un œil aux sarcophages, je vis que l’antique cadavre du cercueil précédemment ouvert s’était redressé, faisant s’asseoir de fait le corps de l’étranger qui reposait sur lui. On aurait dit que tous deux étaient assis côte à côte. Le bon côté des choses, c’est qu’ils ne tournèrent pas la tête vers moi.

N’osant plus regarder, je fermai les yeux et les jambes tremblantes, me déplaçai précautionneusement contre le mur jusqu’à la chambre annexe où je bondis tel un chat.

Mon grand-père, dans ses notes, faisait état de techniques visant à renforcer son courage. Par exemple, si vous ne pouviez pas voir quelque chose, c’est que ça n’existait pas. C’était aussi ma façon de voir les choses, sans quoi jamais je n’aurais été capable de penser en apercevant ce cadavre millénaire assis comme ça.

Je posai ma lampe de mineur dans un coin de sorte qu’elle ne soit pas visible de l’extérieur et fouillai le sac laissé par le gros type. Après avoir tâtonné un long moment, j’en sortis quelques biscuits compressés et des morceaux de papier densément couverts de dessins et de textes. Ce gars semblait avoir pris avec lui tout ce qui était important.

Etant donné que la seule lumière se trouvait avec moi dans la chambre annexe, la chambre funéraire à l’extérieur était plongée dans l’obscurité. Je ne savais pas ce que faisait le cadavre. S’il se contentait de s’asseoir et de se rallonger pour exercer ses muscles abdominaux, je n’avais aucune crainte à avoir. Mais le problème, c’est qu’il était peut-être en train de venir vers moi et cette seule pensée suffisait à me terrifier.

À cet instant, j’eus un éclair d’inspiration en percevant une rafale de vent qui provenait du tunnel. C’est vrai , pensai-je, ce tunnel doit mener à l’extérieur ou ailleurs . Peu importe, ce sera toujours mieux qu’ici !  Je gravai une marque près de l’entrée du tunnel pour qu’Oncle San sache que j’avais emprunté ce chemin. Puis je ramassai la lampe de mineur, rangeai les affaires du gros dans son sac, le mis sur mon dos et me glissai dans le tunnel.

Tout en rampant, je me remémorai ce que mon grand-père m’avait inculqué lorsque j’étais enfant, à savoir que les tunnels anciens étaient circulaires et les modernes carrés, que les tombes de la Dynastie Qin étaient enfouies dans les montagnes et celles de la Dynastie Han sur les pentes, qu’en matière de sexe, mieux valait neuf coups superficiels et un seul profond… Une minute ! Je secouai la tête, réalisant que la plupart de ces choses n’étaient pas utiles dans la situation présente. Je regardai le tunnel des pilleurs de tombes : il semblait à la fois circulaire et carré. Je n’avais aucune idée de quand il avait bien pu être creusé.

En réfléchissant à tout ça, je me dis que si le type à la cruche avait creusé lui-même ce tunnel, il aurait déclenché le mécanisme en heurtant les briques de la tombe. Et quand bien même ç’aurait été un maître, il aurait au moins fait du bruit. Mais nous l’avions à peine remarqué lorsqu’il était entré, donc ce tunnel devait être là depuis un moment. En d’autres termes, soit il avait été creusé par un autre groupe, soit il existait depuis longtemps. J’en déduisis que ce type était descendu en utilisant le tunnel de quelqu’un d’autre ou que son passage avait croisé celui-ci.

En effet, après avoir rampé un certain temps, je me retrouvai face à une bifurcation et constatai que les deux tunnels avaient été creusés avec des techniques complètement différentes, donc par deux groupes différents. L’un ou l’autre devait bien conduire à l’extérieur, alors peu importait mon choix. Je dessinai une autre marque près du tunnel que j’avais choisi afin qu’Oncle San puisse me retrouver et continuai à ramper.

À ce stade, j’avais hâte de prendre une bouffée d’air frais et de voir briller la lune. Ce serait encore mieux si, en sortant du tunnel, je voyais un feu brûler. Des gens me verraient, viendraient m’aider, me tireraient de là et m’installeraient dans une tente. Je mangerais alors de la nourriture sèche, passerais une bonne nuit de sommeil, puis Oncle San et les autres me retrouveraient et nous rentrerions ensemble à la maison.

J’en avais vraiment marre.  Piller des tombes ? Rien à cirer ! Certains peuvent ne rencontrer qu’un seul baixiong ou heixiong en une vie entière et moi dont c’est la première fois, je tombe sur des tas de zombies ! J’avais l’impression de ne même pas pouvoir reprendre mon souffle. C’était vraiment trop dur. Tout bien considéré, ce serait idéal si la personne là-haut était une femme et qu’elle me fasse un bon massage des épaules ou quelque chose comme ça.

J’étais tellement motivé par cette pensée que j’accélérai. Bientôt, j’aperçus la lueur d’un feu. Ravi – c’était pour moi l’obscurité qui précède l’aube – je mobilisai tous mes membres pour me précipiter et enfin sortir la tête car il me fallait vraiment prendre une grande bouffée d’air. Malheureusement, je déchantai aussitôt. Ma déception fut à la mesure de mon espoir.

Devant mes yeux s’ouvrait un autre passage très similaire à celui que nous avions emprunté en venant. De toute évidence, cette tombe s’avérait plus complexe que prévu.

Je ne pus m’empêcher de jurer en balayant la zone de ma lampe. Mais en regardant de plus près ce passage, je fus un peu abasourdi.  Quoi ? N’est-ce pas le même passage que celui que je viens d’emprunter ?

Ce tunnel de pilleurs était relié à celui de l’autre côté.

Nous avions d’abord pensé que quelqu’un l’avait creusé pour s’échapper mais à présent, j’étais complètement perdu. Je ne parvenais pas à comprendre la raison de ce tunnel.

Notes explicatives :

(1) Mojin est un autre terme pour désigner les pilleurs de tombes.



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