Les Chroniques d’un Pilleur de Tombes | Grave Robbers' Chronicles | 盗墓笔记
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Chapitre 10 – Des mains flétries
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Chapitre 10 – Des mains flétries

Ces deux mains flétries, manifestement humaines, étaient si ratatinées et desséchées qu’on aurait dit deux morceaux de bois mort posés sur les épaules de cette femme. Je n’avais aucune idée de ce qu’elle pouvait ressentir, mais leur seule vue me donnait froid dans le dos.

Les deux mains ne bougeaient pas. Elles pendaient là, mollement, comme si elles n’étaient rien de plus que des ornements vestimentaires. Voulant voir d’où venaient ces mains, je tentai de débusquer les bras auxquels elles auraient dû appartenir, mais ses cheveux étaient trop ébouriffés pour que je puisse voir quoi que ce soit clairement.

Elle tremblait de terreur. N’importe quelle femme ordinaire, à sa place, se serait certainement évanouie depuis longtemps. Mais son corps commençait à faiblir et je compris qu’elle avait probablement atteint sa limite.

À genoux, dos à nous, le capitaine faisait des courbettes tout en marmonnant quelque chose dans le dialecte local. Je ne comprenais rien à ce qu’il disait, mais à mon avis, il accomplissait une sorte de rituel, vraisemblablement pour demander la bénédiction de Mazu. (1) Après avoir scandé quelques mots, il prit deux étranges morceaux de bois semi-circulaires et les jeta sur le pont comme pour demander un signe des dieux. Il regarda ensuite ce que cela donnait, se prosterna plusieurs fois, les ramassa et les lança de nouveau.

Quand je le vis trembler de tous ses membres, je sus que les présages n’étaient pas bons. Si je n’avais jamais cru à ce genre de choses jusque-là, j’avoue que j’étais un peu inquiet devant la piété du capitaine. Ce type de personne, en effet, était très particulier quand il s’agissait de foi et si leur divination indiquait que j’étais un mauvais esprit, nul doute que lui et les autres me jetteraient à la mer sans une once d’hésitation.

Subrepticement, la femme cria et fut projetée en arrière. Ne se tenait-elle pas suffisamment ferme au bateau ou par ces mains l’avaient-elles entraînée ? Quoi qu’il en fût, elle se retrouva sur le vaisseau fantôme qui – et ce fut le comble – s’éloigna immédiatement ! Sachant que les choses tournaient au vinaigre, et ce que je me retourne ou non, je me précipitai pour aller la sauver, mais le capitaine me retint aussitôt.

― Il n’y a rien que nous puissions faire ! Si vous mettez le pied sur un vaisseau fantôme, vous ne pourrez plus revenir ! Ne gâchez pas votre vie !

Le capitaine était si fort que je ne pus le repousser, quant à l’équipage… Avait-il été ensorcelé ? Ces gens n’avaient pas le courage de se retourner. Je les maudissais intérieurement lorsque soudain, Zhang le chauve, surgi de Dieu sait où, attrapa l’ancre du bateau et la lança avec force. Elle vola dans les airs et vint s’accrocher à la rambarde du vaisseau fantôme. Celui-ci se déplaçait si vite que la corde qui retenait l’ancre se tendit en un instant, puis notre bateau eut une secousse et fut entraîné.

Effrayé, le capitaine prit un couteau pour couper la corde, mais d’un coup de poing, Zhang l’envoya au sol. Furieux, les membres de l’équipage, se précipitèrent sur lui un à un, mais il sortit un pistolet, le pointa sur le capitaine et cria :

― Ne bougez pas ou je le tue !

Les membres de l’équipage, qui ne s’étaient encore jamais trouvés dans une telle situation, n’osèrent pas s’approcher. Zhang le chauve s’adressa alors à moi.

― Jeune Wu, je les ai sous contrôle. Allez la sauver !

Bouche bée, je me demandai si j’avais bien entendu. S’attendait-il à ce que j’aille jusque-là à la nage dans une mer aussi agitée ? Il me lança un regard noir, puis désigna la corde comme si c’était une évidence : Allez-y ! Les jeunes se doivent d’être courageux !

Je secouai la tête. C’était ridicule. N’étant guère sportif, si j’y allais à la nage, je mourrais avant d’arriver et utiliser cette corde n’était pas non plus une solution. Quand bien même je réussirais à rejoindre le bateau, je serais à bout de souffle en arrivant. Comment, dans ces conditions, pourrais- je sauver qui que ce soit ?

C’est alors que j’entendis Melle Ning crier. Elle essayait désespérément de grimper sur la corde, mais on aurait dit que quelque chose la tirait en arrière. Ne pouvant plus avancer, elle dut s’agripper à la balustrade à deux mains :

― M. Wu ! cria-t-elle, Aidez-moi !

L’entendant appeler au secours, je commençai à avoir des doutes, aussi me gifflai-je pour me faire réagir. Wu Xie, ah Wu Xie, tu es encore un putain d’homme ou pas ?

J’ignorais si cette gifle m’avait ramené à la raison ou si elle m’avait rendu stupide, mais je sentis monter en moi un sentiment de bravoure. Je serrai les dents et criai :

― Si je dois mourir, qu’il en soit ainsi !

Je pris une grande inspiration, ramassai une paire de lunettes de natation posée non loin de moi, les plaçai sur mes yeux, puis ôtai mes chaussures. Cela fait, je me dirigeai vers le bord du bateau, attrapai maladroitement la corde tendue et je regardai la mer déchaînée. De temps à autre, je pouvais voir l’eau submerger la corde.

Elle mesurait environ douze mètres de long et était certainement assez solide pour supporter mon poids. Ce ne serait donc pas trop périlleux si j’étais assez rapide avec mes mains et mes pieds. Les vagues restaient un problème majeur qui faillit, par contre, me faire changer d’avis.

Je n’avais encore jamais été dans une situation nécessitant autant de détermination. Je décollai prudemment mes fesses de la rambarde et me mis à ramper lentement le long de la corde. Je reproduisais ce que j’avais vu faire à la télévision, ces soldats des forces spéciales qui se suspendaient à l’envers à la corde et utilisaient pieds et mains pour se déplacer. Je priais tout en rampant, mais avant même que je n’aie pu fermer la bouche correctement, une vague déferla et faillit me noyer. Mon visage était vert lorsque je refis surface, mais cela me permit de jauger la puissance des vagues. Je me dis alors que je devrais pouvoir atteindre sans problèmes le vaisseau fantôme.

Sitôt qu’une vague me frappait, je m’immobilisais et lorsque l’eau se retirait, j’avançais de quelques pas. Je ne sais combien de temps cela me prit, mais j’étais tout proche du vaisseau fantôme lorsqu’une énorme vague me submergea et me poussa à plus d’un mètre sous la surface de l’eau. L’impact fut si fort que je faillis m’évanouir, mais je retins ma respiration et me contraignis à rouvrir les yeux. J’aperçus alors une chose singulière : une très longue chaîne couverte de rouille flottait au fond de l’eau, non loin du bateau, avec, au bout, quelque chose d’étrange que je ne pouvais distinguer clairement.

J’expirai et tentai d’y regarder de plus près, mais la corde se souleva et me tira hors de l’eau. Cette fois, je me trouvai à la crête de la vague et en regardant en bas, j’aperçus Melle Ning couchée sur le dos et qui semblait se déplacer vers la cabine. J’en restai stupéfait, ne sachant pas si c’était elle qui se déplaçait ou ces deux mains desséchées qui la tiraient !

Voyant qu’elle ne résistait pas du tout – on aurait dit qu’elle avait perdu connaissance – et n’ayant pas d’autre choix, je rejoignis au plus vite le bateau, escaladai le bastingage et m’écroulai sur le pont.

Note explicative :

Mazu ou Ma-tsu est une déesse des mers encore largement vénérée sur la côte sud-est de la Chine et en Asie du Sud-Est.



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