Les Chroniques d’un Pilleur de Tombes | Grave Robbers' Chronicles | 盗墓笔记
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Chapitre 08 – Les singes
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Chapitre 08 – Les singes

L’énorme roi des singes me regarda, ouvrit grand la bouche pour montrer ses crocs blancs, puis émit des sons menaçants comme pour nous mettre en garde.

Lao Yang et moi prîmes chacun dans le feu un morceau de bois, brûlant à une extrémité, et l’agitâmes de toutes nos forces, dans une tentative désespérée de repousser les singes qui se précipitaient vers nous. Certains d’entre eux, plus lents que les autres, se retrouvèrent avec les fesses brûlées. Ils poussèrent un cri de douleur et s’enfuirent au loin.

Pendant ce temps, des singes plus intelligents se rapprochaient furtivement de notre équipement. Lorsque je m’en rendis compte, il était déjà trop tard : un petit primate s’était emparé de certains des sacs étanches que Lao Yang n’avait pas encore rangés dans son sac à dos. Je me précipitai aussitôt pour tenter de l’attraper, mais alors que je me détournai, un autre singe surgit derrière moi avec l’intention de voler mon équipement.

Heureusement, mon sac était si lourd qu’il eut beau essayer, il ne parvint pas à le traîner. Voyant que c’était peine perdue, il renonça et changeant de tactique, se mit à fouiner à l’intérieur et tenta d’en sortir tous les petits objets.

Je fus surpris par l’habileté de ces singes. Ce n’était certainement pas la première fois qu’ils attaquaient des humains de cette façon. Même si je les savais malins, j’avais toujours cru qu’il y avait une limite à leur intelligence. Mais à présent, il me semblait que nous ne pouvions pas nous comparer à eux, du moins pour ce qui était de voler.

Distrait par mes pensées, je vis soudain l’animal sortir de mon sac un paquet. Voyant qu’il s’agissait de biscuits compressés, j’abandonnai aussitôt celui que je poursuivais, me précipitai vers mon équipement et chassai le singe à coups de pied avant de ramasser le paquet que je remis immédiatement dans mon sac.

C’est alors qu’une lumière jaune passa brusquement devant mes yeux : le roi des singes avait bondi et tendait l’une de ses griffes vers mon visage. J’avais vu des singes tuer des lapins avec leurs griffes acérées et je savais que si j’étais pris, je serais défiguré.

N’ayant pas le temps d’esquiver dans une situation aussi désespérée, je levai ma branche enflammée pour tenter de parer le coup. Mon visage fut épargné, mais le singe me laissa une longue égratignure sanglante sur la main. Je serrai les dents de douleur tandis que la branche me glissait des doigts.

Le roi des singes, qui était alors au sol, se releva aussitôt comme si de rien n’était. N’ayant pas le temps de ramasser ma branche, je m’empressai de lui donner un bon un coup de pied, mais à ma grande surprise, il m’agrippa la jambe et la mordit violemment.

La douleur, cette fois, fut si intense que je faillis devenir fou. Toutefois, je gardai ma raison et lui flanquai une bonne claque. Il réagit aussitôt et lâcha ma jambe pour s’enfuir, mais je tendis la main à l’aveuglette et parvins à attraper sa queue.

La queue, pour un singe, était quelque chose de très important. Si important en fait, que si on venait à l’attraper durant un combat, cela équivalait, pour le primate, à une condamnation à mort. L’animal paniqua, poussa un rugissement féroce et bondit vers moi.

Sentant une envie de tuer monter en moi, je me tournais sur le côté pour esquiver son dernier coup, le balançais par la queue et l’envoyais brutalement au sol. À mon avis, ce singe pesait au moins vingt kilos, donc même si le coup n’était pas fatal, il était suffisant pour l’assommer.

Mais le singe était étonnamment résistant. Même si j’avais eu l’impression de lui avoir porté un coup mortel, il n’en fut pas le moins du monde affecté. Au contraire, il poussa un grand rugissement et bondit une nouvelle fois sur moi. Ne sachant plus que faire, je cédai à mon instinct et le lançai contre un arbre à proximité. Mais j’y avais mis tant de force que je perdis ma prise sur sa queue. Le singe vola à plusieurs mètres de là, fit quelques roulades, sauta et grimpa dans un arbre.

Lao Yang, inquiet pour les sacs, poursuivait les singes affamés qui venaient de nous dévaliser. Mais lorsque ceux-ci virent que leur roi venait d’essuyer une défaite, ils comprirent qu’ils ne pouvaient pas se battre sans réfléchir et ils s’enfuirent. Cependant, ils n’allèrent pas très loin. Restant à proximité, ils continuèrent à se comporter de manière menaçante. Alors que Lao Yang poursuivait l’un d’entre eux, les autres répliquèrent en lui jetant des pierres, ce qui l’irrita. Il se lança à la poursuite des singes et très vite, se retrouva essoufflé avant même d’avoir pu en frapper un.

J’évaluai la situation et compris que nous étions dans une mauvaise passe. Ces singes sauvages étaient énormes et agiles, mais surtout, ils ne craignaient absolument pas les gens. J’avais eu assez de mal à gérer leur roi, aussi que se passerait-il s’ils étaient à deux sur moi ? Nous subirions une lourde défaite, j’en avais bien peur. De plus, ils avaient une bonne mémoire. Je ne savais pas ce que nous avions fait pour provoquer ces macaques, mais si nous ne parvenions pas à résoudre ce problème, nous ne serions plus jamais en paix.

Epuisé et haletant, Lao Yang revint vers moi en courant :

― Ça…ça ne va pas. Ces singes courent beaucoup trop vite. Ne nous abaissons pas à leur niveau et partons. Considérerons ces objets volés comme un cadeau au dieu de la montagne.

Il n’y avait vraiment rien d’autre à faire. En effet, pour ce qui était de se battre dans une très ancienne forêt, nous n’avions clairement aucune chance de gagner contre une bande de singes. Et si cela traînait en longueur, nous risquions de subir d’autres pertes. Certes, ils nous avaient volés des objets, mais ceux-ci n’avaient guère d’importance. Nos bâtons lumineux, par exemple, pouvaient parfaitement être remplacés par des torches.

J’acquiesçai de la tête et répondis :

― Tu as raison. Nous sommes déjà loin dans les montagnes et notre chemin sera plus difficile une fois la nuit tombée. Mais garde un œil sur tes affaires. Ne laisse pas les singes s’en emparer à nouveau.

À la pensée de ce qui venait de se passer, la colère de Lao Yang disparut et il me fit un signe dédaigneux de la main :

― D’accord, d’accord. N’en parlons plus. Considère que la question est réglée.

Nous attachâmes solidement nos sacs à dos, poussâmes de grands cris pour faire fuir les singes et reprîmes notre marche sur le chemin étroit. Nous voyant partir, les primates crurent que nous nous enfuyions, aussi sautèrent-ils sur les deux versants de la montagne pour nous poursuivre avec des bruits moqueurs. Lao Yang se mit en colère :

― Putain de macaques ! Ne faites pas trop les malins ! Si j’ai l’occasion de revenir, je vous attraperai et vous mangerai tous !

Ses cris eurent pour effet d’exciter davantage les singes, en particulier leur roi dont le corps entier dégageait l’aura de celui qui était sorti vainqueur. Il nous suivit de très près durant tout le trajet et lorsque je ne faisais pas attention, il tentait de se jeter sur moi. Lao Yang s’enflamma, ramassa une pierre et la jeta sur le nez du roi avec une force telle que celui-ci manqua de tomber de la falaise.

Les singes entrèrent alors dans une colère noire et ramassèrent tout ce qu’ils trouvaient sur le sol pour nous lancer des projectiles. Très vite, je reçus en pleine tête des pierres et des mottes de terre. Heureusement que personne d’autre n’était témoin de la scène sans quoi je serais mort de honte.

Nous courûmes comme des sauvages durant quelques minutes et lorsqu’enfin nous fîmes une halte, je regardai autour de moi et vis que nous étions désormais dans le Ravin Etroit. La ligne de ciel était à présent très étroite. La distance entre les deux parois montagneuses se rétrécissait de plus en plus et j’avais l’impression qu’elles se rapprochaient de nous. J’avais hâte de sortir de là.

On dirait que le vieux Liu avait raison, me dis-je. Cette faille pourrait bien, en effet, mener au monde des morts.

Un sentiment qui s’accentuait à mesure que nous avancions. Si je ne m’étais pas renseigné au préalable, j’aurais probablement pensé que les deux parois menaient à une impasse au lieu d’une sortie de l’autre côté.

Je me souvins alors de ce que le vieux guide avait dit et de la légende dont il nous avait parlé.

J’avais entendu de nombreuses histoires de soldats fantômes et beaucoup de gens ennuyeux spéculaient sur le sujet. La plus célèbre était celle du ravin de Jingmacao, dans le Yunnan. Selon la légende, Meng Huo, le roi barbare du sud, avait donné l’ordre de le creuser (1). L’endroit existait toujours et durant la saison des pluies, les gens prétendaient entendre le bruit des armes s’entrechoquant lors de batailles. Encore plus mystérieux, le second cas célèbre s’était produit durant le tremblement de terre de Tangshan (2). On raconte que de nombreuses personnes ont vu une longue caravane de chevaux transportant des centaines de milliers de têtes hors de Tangshan. Cette caravane s’est heurtée au convoi de l’Armée Populaire de Libération qui se dirigeait vers la ville pour porter secours aux sinistrés. Il y avait beaucoup d’histoires comme celles-ci, mais je ne pouvais pas me les rappeler toutes.

Lao Yang m’avait également raconté quelques anecdotes au sujet de cet endroit et affirmé que même si presque personne n’avait traversé ce ravin depuis sa formation, il n’y avait pas un brin d’herbe. On aurait dit que tout était piétiné chaque jour par des chevaux. Quelques années auparavant, des gens avaient voulu y construire un site pittoresque, mais il s’était mis à pleuvoir abondamment à l’arrivée de l’équipe de construction. La même chose se produisait chaque fois qu’ils revenaient et l’endroit était si éloigné du village que les responsables du projet durent finalement abandonner.

Nous nous aventurâmes plus loin dans le ravin et marchâmes jusqu’à ce que nos sens s’engourdissent. Quelle pouvait bien être la longueur de cette brèche dans la montagne ? Je l’ignorais, mais plus nous nous enfoncions, plus il faisait sombre et plus la température baissait. L’atmosphère était lugubre et nous avions l’étrange sentiment d’être observés. Sans que nous nous en soyons aperçu, les singes avaient cessé de nous suivre. Cette faille montagneuse nous sembla soudain très calme, un peu effrayante. Seul le sifflement du vent et quelques sons étranges que nous ne pouvions pas identifier perturbaient le silence. Nous nous sentions très mal à l’aise.

Lao Yang et moi nous posâmes des questions à tour de rôle afin de détourner notre attention de l’atmosphère étrange qui régnait dans ce lieu. Malgré cela, je ne parvenais pas à me débarrasser de ce sentiment de malaise, qui devenait de plus en plus intense à mesure que nous nous aventurions dans la faille. Il y eut même quelques moments où j’en vint à penser que la mince bande de ciel au-dessus de nous pouvait disparaître brusquement, que nous allions rester piégés à jamais dans cette sombre montagne.

À mesure que ces pensées se bousculaient dans ma tête, je perdais la notion du temps. Lao Yang, qui marchait devant moi, s’arrêta tout à coup et je lui heurtai le dos si fort que cela m’irrita quelque peu :

― Que se passe-t-il ? demandai-je. Préviens-moi si tu dois t’arrêter !

Il se tourna vers moi et je vis que son visage était blême. Ses lèvres tremblaient. Après avoir longuement tenté de parler, il balbutia :

― Mon… mon vieux Wu, il y a quelqu’un de… devant…

Je le regardai fixement, me demandant ce qu’il voulait dire par « quelqu’un ». Comment était-ce possible, sachant que cet endroit était au moins à plus de quarante kilomètres du village le plus proche. Je jetai un coup d’œil rapide par-dessus son épaule et aussitôt, je sentis mon cuir chevelu s’engourdir et mon esprit bourdonner. C’était si stupéfiant que je faillis me mordre la langue et tomber à la renverse.

Devant nous, dans cette faille montagneuse, se tenait une forme humaine. Le visage caché dans l’ombre, elle nous regardait, immobile.

Notes explicatives :

(1) Meng Huo était un chef local de la région de Nanzhong dans l’État de Shu Han durant la période des Trois Royaumes en Chine. Il était communément dépeint comme un chef local représentant les familles de la région de Nanzhong, mais certains historiens doutent de son existence historique. L’image populaire de Meng Huo provient du roman « Les Trois Royaumes » (l’un des Quatre livres extraordinaires de la littérature classique chinoise) qui le présente comme un chef de tribu barbare du sud.

(2) Le tremblement de terre de Tangshan s’est produit en 1976. Il a été le plus meurtrier de Chine et l’une des catastrophes les plus coûteuses en vies. Son intensité maximale correspondait au XI (extrême) sur l’échelle de Mercalli. En quelques minutes, 85 % des bâtiments de Tangshan se sont effondrés ou sont devenus inutilisables, tous les services sont tombés en panne et la plupart des ponts routiers et ferroviaires se sont effondrés ou ont été sérieusement endommagés.



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