Les Chroniques d’un Pilleur de Tombes | Grave Robbers' Chronicles | 盗墓笔记
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Chapitre 23 – Perdu dans la tempête
Chapitre 22 – Hors-Piste Menu à suivre...

Le vent était moins féroce ici qu’il ne l’avait été. Quelque chose devant moi bloquait sa force. Où diable étaient les autres gars ? Je n’avais pas couru aussi vite. Avaient-ils tous été frappés par des rochers ? Étaient-ils blessés dans les environs ? 

Je levai ma lampe en l’air, toutefois je ne vis rien au sol. Le hurlement du vent était tout ce que je pouvais entendre. Pendant une minute, je ressentis une terrible panique, comme si je savais que c’était un chemin qui menait assurément vers la mort. Forçant ma respiration à ralentir, je pris plusieurs grandes bouffées d’air, puis j’avançai. C’était mon unique choix. Si je faisais demi-tour pour retrouver les autres, nous allions probablement tous mourir. Mais si les fusées éclairantes signifiaient que d’autres personnes se trouvaient à proximité, nous pourrions peut-être constituer une équipe de secours. 

Je jetai tout l’équipement que je portais, excepté l’essentiel, et je continuai à courir vers les lumières. Malgré tout, elles restaient hors de portée, quelle que soit la distance parcourue, et elles se brouillaient. Je tombai à la renverse, perdant connaissance, et sentis ensuite quelqu’un me relever. En levant les yeux, j’aperçu Qilin et son ami qui m’éloignaient des lumières.

Je pointai du doigt pour leur montrer où j’étais allé, mais il n’y avait rien à voir dans l’obscurité. Les lumières avaient disparu. Même la forme du gros rocher avait disparu. 

Qilin et le type aux lunettes de soleil étaient incroyablement forts et ils me portèrent avec mon barda comme si je ne pesais rien du tout. Je remarquai que l’ami de Qilin tenait un pistolet de détresse dans une main. 

Mes forces revenaient et je tirai sur leurs vêtements pour leur faire comprendre que je pouvais courir seul. Ils me lâchèrent et je le regrettai immédiatement. Ils étaient rapides, et les suivre signifiait que je devais utiliser mes dernières forces. Nous courûmes pendant environ vingt minutes jusqu’à ce que nous atteignions le bord de la rivière. Je ne voyais plus que leurs ombres, puis plus rien du tout. 

Je me plaignais et leur criai d’attendre, puis je trébuchai, fis quelques sauts périlleux sur le sol et je dévalai une pente. En me relevant péniblement, je crachai une bouchée de sable. Je regardai autour de moi et je réalisai que j’étais dans une tranchée profonde avec beaucoup d’autres personnes, toutes blotties les unes contre les autres contre la poussière qui roulait et les cailloux secoués par le vent.

J’étais épuisé. Certains s’approchèrent pour me tirer jusqu’au fond de la tranchée. Quelqu’un me tendit une bouteille d’eau. Je pouvais presque entendre des voix, mais mes oreilles étaient encore perdues dans le souvenir du vent hurlant. Je bu un peu et j’enlevai mes lunettes, me demandant pourquoi Dingzhu-Zhuoma n’avait pas su que cette tempête approchait. Elle devait certainement savoir comment survivre à une telle situation. 

J’avais lu des articles sur les tempêtes dans le désert. Certaines pouvaient durer des mois. Si c’était le cas, nous mourrions tous. 

Qilin et son ami arrivèrent, puis repartirent à la recherche d’autres hommes perdus. Tout le monde se blottissait les uns contre les autres en silence et peu d’entre nous prononçâmes un mot. J’observai autour de moi : il y avait notre guide, sa belle-fille et Tashi. Je ne vis ni Ning ni Hans, mais Wu Laosi était présent. 

Au bout de trois heures, la tempête se calma, cependant le vent hurlait toujours aussi fort. Qilin et son ami firent venir d’autres personnes jusqu’à ne plus pouvoir tenir, et nous nous endormîmes tous. 

Après mon réveil, le vent était plus calme et la seule personne debout était Tashi. Je marchai jusqu’à lui dans l’espoir de respirer un peu d’air frais. J’entendais des voix à l’extérieur et je vis des faisceaux de lumière en haut de la tranchée. 

― Qui est-ce ? demandai-je à Tashi. Il me tendit une cigarette :

― Ning est ici. La tempête diminue en intensité, et elle veut des volontaires pour rechercher les hommes manquant à l’appel. 

Je pris ma veste et mes lunettes, quittai la tranchée et je me sentis beaucoup mieux. Le vent s’était calmé et l’air était presque clair. Je respirai de l’air frais, sans sable, et je me dirigeai vers les lumières et les voix. 

Un groupe examinait un véhicule coincé latéralement dans le sable, dont seul l’avant était visible. Ning tenait la radio et composait anxieusement différentes fréquences. 

― Qu’est-ce qui se passe ? demandai-je. 

Quelqu’un secoua la tête et répondit simplement : 

― Famille dispersée.

Je n’avais pas bien compris ce qu’il voulait dire, alors je regardai Ning, qui me sourit en m’apercevant, et elle s’approcha :

― A l’instant, Dingzhu-Zhuoma a dit que la tempête pourrait revenir, alors nous devons trouver un abri le plus vite possible. Mais toutes nos jeeps sont enterrées, et certaines d’entre elles sont sans doute inutilisables à l’heure qu’il est. D’autres devront probablement être réparées avant de pouvoir rouler à nouveau, elle fit une pause et poursuit, Le plus inquiétant, c’est que quatre personnes sont portées disparues. Elles ont pu s’égarer au début de la tempête, nous les avons cherchées mais nous ne les avons pas trouvées.

― Qui étaient-elles ? 

― Hans et trois autres personnes. 

― Hans était avec moi quand il a disparu, nous étions là-bas. Avez-vous vérifié cette zone ? 

― Oui. Nous avons fouillé cette partie de fond en comble. 

― Ne vous inquiétez pas. Ils avaient tous un GPS et la tempête était si forte qu’ils n’ont pas pu aller bien loin. Il fait encore nuit. Dès le matin, nous pourrons recommencer les recherches, lui dis-je. 

Elle se mordit la lèvre inférieure et acquiesça, mais son expression ne changea pas, et j’eus l’impression que quelque chose avait vraiment mal tourné. Je ne connaissais pas bien le désert et je ne savais pas ce qui avait pu se produire, alors je me tu. 

Nous forçâmes le coffre de la Land Rover, enlevâmes le matériel qui s’y trouvait et passâmes à la suivante. Celle-ci s’était enfoncée dans le lit de la rivière parce que le sol sur lequel elle se trouvait s’était effondré.

― C’est parce que la surface est en croûte de sel, pas terreuse, m’expliqua un homme, Lorsque la rivière s’est asséchée, il y avait plus de sel à certains endroits qu’à d’autres. La croûte de sel qui en a résulté n’a pas pu supporter le poids de notre transport. Nous nous sommes arrêtés au mauvais endroit. 

― Mais nous avons longé le lit de la rivière pendant tout le trajet et il ne s’est rien passé plus tôt, dis-je, perplexe.. 

― Pour la bonne raison que le lit de la rivière que nous longions plus tôt était sec depuis longtemps. Mais la partie qui se trouve sous nos pieds n’est sèche que depuis six mois environ. Vous n’avez pas remarqué qu’il n’y a presque plus d’herbe ni d’arbustes ici ? Et nous nous déplaçons définitivement en amont de cette rivière. Il devrait y avoir une montagne au bout du lit. Si la rivière n’a pas changé de cours au fil du temps, une ancienne ville ou des ruines devraient se trouver à proximité. Au moins, cela montre que la vieille dame tibétaine ne nous guidait pas aveuglément. J’ai toujours pensé qu’elle était une menteuse. 

J’ai regardé où il décrivait. On aurait dit qu’il y avait quelque chose au bout du désert. Me remémorant l’ombre gigantesque que j’avais vue dans la tempête, j’eus l’impression que ce n’était pas qu’une illusion. 

Ce soir-là, nous localisâmes tous les véhicules et récupérâmes notre matériel. À l’aube, Ning assigna une tâche à chacun, certains s’occupant de la réparation des voitures et d’autres se lançant à la recherche des disparus. 

Après avoir cherché les Land Rovers toute la nuit, nous nous restaurâmes et nous nous glissâmes dans nos sacs de couchage. Nous dormîmes jusqu’au coucher du soleil. 

Lorsque nous nous réveillâmes, le vent était complètement tombé et il n’y avait plus de poussière. Quelques véhicules pouvaient à nouveau rouler et tout le monde était prêt à partir.

Ning n’avait pas dormi du tout et avait une mine déconfite :

― Où sont Qilin et son ami ? demandai-je. 

― Ils sont toujours à la recherche des quatre disparus, dit-elle. 

― Voulez-vous que j’y aille également ? 

― Ce n’est pas nécessaire – trois groupes sont sortis trois fois séparément. Tashi et d’autres ont trouvé une ville en ruine à douze miles en amont de la rivière. Nous y allons parce qu’il va y avoir une autre tempête ce soir.

Nous roulions depuis une vingtaine de minutes lorsqu’une ombre apparut devant nous dans le soleil couchant. Bientôt, nous vîmes un énorme « château » émerger dans notre champ de vision. 

C’était l’abri que Tashi avait trouvé pour nous. En nous approchant, nous réalisâmes qu’il s’agissait d’une énorme colline rocheuse ressemblant à une boulette de viande cuite à la vapeur :

― C’est la Cité des fantômes du vent, expliqua Tashi, Lorsqu’une tempête s’abat sur cet endroit, on a l’impression que le vent hurle en sifflant à travers les rochers, c’est pourquoi les gens croient qu’il est hanté. 

C’était un endroit particulier, formé de gros rochers sculptés par le vent, de pics aux formes bizarres disséminés sur une grande surface. Nous nous arrêtâmes à l’extérieur du « château », Tashi cria pour nous indiquer des directions et nous nous dépêchâmes d’installer le camp. En l’espace de deux heures, des nuages de sable recouvrirent le ciel. La tempête se poursuivit jusqu’à minuit et nous eûmes droit à une démonstration complète des hurlements du vent lorsqu’il s’engouffrait dans les rochers. 

Aucun de nous ne dormit beaucoup cette nuit-là et Ning était une véritable épave, obsédée sans cesse par les quatre hommes disparus. J’essayais de la persuader d’aller se coucher lorsque nous entendîmes quelqu’un appeler :

― Docteur ! Docteur ! Venez vite ! Ah-Kei est réapparu. 

Ning s’illumina immédiatement : Ah-Kei était l’un des hommes disparus. Nous nous précipitâmes vers la voix. C’était un type qui était sorti pour prendre des photos ; il se tenait près d’une fosse où Ah-Kei était étalé au fond. 

Le médecin sauta à terre, prit le pouls d’Ah-Kei et annonça qu’il était encore en vie. 

Tashi se hâta pour porter Ah-Kei jusqu’au campement. Je regardais la fosse et me demandais comment ce type avait pu se retrouver là. Il se trouvait à au moins douze miles de l’endroit où nos véhicules avaient été abandonnés et il avait dû lutter contre ce vent mortel à chaque étape du chemin. C’était presque incroyable.  

― Ah-Kei s’était évanoui d’épuisement, dit le médecin, et il revint à lui. 

― Je ne sais pas ce qui s’est passé, dit-il lorsqu’il put parler, J’ai vu une ombre dans la tempête et j’ai marché sans jamais l’atteindre. Je suis tombé et c’est tout ce dont je me souviens. Hans et les deux autres ont-ils réussi à se mettre à l’abri ?

― Étaient-ils avec toi ? demanda Ning.

― Ils étaient devant moi. J’ai essayé de les appeler plusieurs fois, mais ils ne se sont pas retournés. Maintenant que j’y pense, nous marchions contre le vent, ils n’ont pas pu m’entendre. Puis je suis tombée et je me suis évanoui. Pourquoi ? Ils ne sont pas encore arrivés? 

Surprise, Ning demanda :

― Tu veux dire que tu les as vus juste avant de tomber ? 

Ah-Kei acquiesça et Ning se tourna vers moi :

― Vous avez entendu ça ? Ils ont dû s’abriter quelque part dans cet endroit. Il faut aller les chercher tout de suite. 

D’un commun accord, Ning, le docteur et moi, partîmes à la recherche des hommes disparus. Si nous ne revenions pas dans les deux heures, le reste de l’équipe avait pour consigne de nous chercher dans la Cité des Fantômes du Vent. Nous étions prêts à lancer nos recherches lorsque Tashi s’approcha, l’air sombre :

― Ma grand-mère m’a dit que vous ne pouviez pas faire ça. 

― Pourquoi ? demanda Ning. 

― C’est beaucoup trop dangereux – c’est une zone immense, d’environ 30 kilomètres carrés, et elle est pleine de pièges de sable. Des gens y disparaissent depuis des siècles, et vous ne ferez qu’augmenter ce nombre.

― Vous n’avez pas à vous inquiéter pour nous. Nous avons des GPS. Si c’est vraiment si dangereux, nous devons y aller tout de suite. Si nous attendons le matin, ces hommes risquent d’être perdus à jamais. 

Avant que Tashi ne puisse argumenter, Dingzhu-Zhuoma s’approcha de nous. Elle posa sa main sur le bras de Tashi et lui parla durement en tibétain. Il pâlit et marmonna :

― Vous avez de la chance, ma grand-mère a changé d’avis. Elle vient de me dire de vous conduire tous les trois dans la ville. 

Il rassembla ses affaires, l’air réticent, et nous partîmes tous les quatre. 

Nous gravîmes une pente abrupte derrière notre camp et, une fois arrivés au sommet, Tashi empila quelques pierres pour indiquer notre itinéraire à ceux qui nous suivraient :

― Chaque fois que nous tournerons, je ferai un autre empilement. Si nous tombons sur un de ces tas de pierres, nous saurons que nous tournons en rond, expliqua-t-il, et nous avons tous convenu que c’était une bonne idée. 

Bientôt, nous entrâmes dans la ville. Des collines de roches noires nous entouraient et j’avais l’impression de marcher dans un paysage lunaire, mort et sinistre. Après avoir parcouru un ou deux kilomètres, Ning se mit à hurler dans une radio portable tandis que nous criions dans l’espoir que les trois disparues nous entendent et réagissent. Dans la ville silencieuse des fantômes du vent, nos voix se brisaient en échos qui se chevauchaient et s’estompaient dans le lointain, nous donnant un air fantomatique. 

Nous continuâmes à appeler tout en marchant. Au bout de trois heures, nous nous enfonçâmes dans la ville. Nos lampes de poche balayaient les rochers à proximité, et nous regardâmes jusqu’à ce que notre vision se brouille et que nos cris engourdissent nos cordes vocales. Cependant, nous ne vîmes pas l’ombre de Hans ou de qui que ce soit d’autre, et nous n’entendîmes  aucun écho répondant aux nôtres. 

Nous nous arrêtâmes pour nous reposer et Ning demanda à Tashi comment il pensait que nous devrions mener les recherches selon l’expérience du désert qu’il avait :

― C’est le seul moyen. Nous avons déjà parcouru quatre miles et demi environ. Si notre chemin avait été en ligne droite, nous aurions parcouru une longue distance, mais la vérité, c’est que nous avons fait demi-tour sans le savoir. Ma boussole indique que nous retournons. Les gens sont comme des fourmis ici, et il est normal de tomber dans un itinéraire en forme de S. Je ne peux garantir que nous prenons le chemin le plus court possible. Je peux seulement vous garantir que je vous sortirai de là en toute sécurité, mais je n’ai aucun conseil à vous donner pour retrouver vos hommes. Ce serait plus facile s’ils restaient sur place. S’ils cherchent une sortie, quelle est la probabilité que deux groupes de personnes se rencontrent dans ce labyrinthe ?

― Vous n’avez jamais perdu quelqu’un auparavant ? demanda Ning en plissant le front. Tashi empilait un autre tas de pierres. Sans lever les yeux, il répondit :

― Nous ne venons jamais dans ce genre d’endroit la nuit. 

Ning et moi nous regardâmes et haussâmes les épaules. Nous reprîmes nos recherches et Tashi empila au moins trente autres tas de pierres pendant que nous poursuivions notre chemin. Nous n’avions trouvé aucun des tas précédents, ce qui me glaçait le sang. Cela faisait des heures que nous marchions et pourtant, le territoire que nous parcourions n’était pas celui où nous étions allés auparavant. 

Nos voix commençaient à s’affaiblir, aussi nous nous arrêtâmes pour nous reposer et boire un peu d’eau. Après un bref silence, le médecin demanda : 

― Y aurait-il vraiment des fantômes dans cet endroit ? Les hommes auraient-ils pu être emmenés par des fantômes ? 

Venant d’un homme de science, cette question nous surprit tous. Tashi lui lança un regard noir :

― Ne parlez pas comme ça. Bien sûr qu’il n’y a pas de fantômes. Vos hommes sont là, quelque part, il faut juste continuer à chercher.

Nous nous levâmes, étirant nos muscles fatigués, lorsqu’une voix brouillée par les parasites crépita dans la radio de Ning. C’était clairement la voix d’un homme qui criait, mais les parasites étaient trop importants pour que nous puissions distinguer ses mots. 

― Ils doivent être proches si nous pouvons capter cette voix. Les rochers gêneraient toute transmission à longue distance, dis-je en souriant. 

Ning joua avec la fréquence. La voix s’amplifia mais demeurait inintelligible :

― Nous sommes ici pour vous sauver, dit-elle dans l’émetteur, Quelle est la position de votre GPS ? 

La réponse fut un flot de bruits inarticulés. L’interférence était forte, mais le ton de la personne avait changé. De toute évidence, il avait entendu la voix de Ning, mais pas ses mots. 

Ning répéta son message, seulement la voix n’était toujours pas claire. Alors que j’écoutais, quelque chose me troubla. La personne à l’autre bout du fil ne semblait pas parler. Les sons ressemblaient plutôt à des rires narquois, bas et moqueurs.



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