Durant la nuit, Gao Moumou put taper plus de 50.000 caractères d’un seul coup grâce au pouvoir de l’alcool.
Même lorsque Yu Jiaojiao l’avait contraint à rester enfermé dans la petite pièce noire, Gao Moumou n’avait pu atteindre que 30.000, voire 40.000 caractères en une journée alors même qu’il avait été sous l’influence de la Pilule Ouvrant les Yeux et du Liquide Médicinal Énergisant… Il avait même bénéficié du renforcement mental et physique de la potion de Trempe Corporelle.
Là, sa vitesse fulgurante était double, il était capable d’écrire l’équivalent de deux jours de travail en une seule nuit ! S’il ne s’était pas senti si mal à cause de son ivresse, il aurait pu continuer !
Ainsi, il avait été capable de marteler plus de 50.000 fois son clavier. Quel genre d’expression ferait Yu Jiaojiao après avoir découvert qu’il avait réalisé un exploit pendant qu’elle dormait ?
❄️❄️❄️
Pendant ce temps, dans un jardin de bambous au bord d’un lac, dans la région de Jiangnan.
C’était là que résidait une amie de la Fée Neige Élevée. L’ensemble du bâtiment et même le mur d’enceinte extérieur étaient en bambou. La cultivatrice avait passé toute la nuit à rassembler les meilleurs ingrédients, la liste des plats à préparer pour renforcer la constitution de Song Shuhang ayant déjà pris forme dans son esprit. Il y aurait un plat principal, avec treize accompagnements. Le premier devait être mangé dans son intégralité. Quant aux suivants, il fallait seulement en manger un certain nombre. Ce banquet devrait suffire à faire monter en flèche la constitution du Vrai Maître.
Sa décision arrêtée, Neige Élevée se lança dans la cuisine. Elle comptait travailler là et expédier le repas chez Yu Jiaojiao.
Sur le bord de la cuisinière se trouvait le cristal d’esprit d’oignon qu’elle avait échangé avec Song Shuhang. Elle voulait ajouter un peu de poudre d’oignon à l’un des plats d’accompagnement pour voir quels en seraient les résultats.
Alors qu’elle s’affairait, la porte de la cuisine s’ouvrit. Une silhouette élancée remua la taille et bâilla, entrant dans la pièce.
Il s’agissait de son amie, la propriétaire du jardin de bambous. Elle était grande, elle mesurait une tête de plus que la Fée. Elle n’était pas voluptueuse, mais sa taille particulièrement fine qui évoquait un peu un serpent d’eau se balançait d’un côté à l’autre à chaque pas, donnant l’illusion qu’elle dansait. Sa marche était extrêmement agréable à regarder.
– « Neige Élevée, qu’est-ce que vous faites si tôt le matin ? » Elle la rejoignit et tendit le cou pour regarder à l’intérieur de la marmite.
– « Ne me dérangez pas. Je prépare quelque chose pour un jeune camarade Daoïste. Pourquoi ne pas dormir encore un peu ? Je vous préparerai un petit-déjeuner végétarien juste après. »
– « J’ai senti l’odeur de la cuisine pendant que je dormais. Maintenant, j’ai faim. C’est entièrement de votre faute si vous préparez quelque chose d’aussi délicieux si tôt le matin. J’ai envie de manger un plat végétarien qui a le goût du poulet ou du bœuf. En fait, peu importe, à condition que ça ait la même saveur que la viande. »
Elle n’osait pas manger à la volée les ingrédients sur lesquels travaillait la Fée Neige Élevée. Après tout, interrompre un Chef immortel pendant qu’il cuisinait le mettrait réellement en colère. Et même si son amie ne s’énerverait pas trop contre elle, il valait quand même mieux éviter de faire quelque chose qui pouvait potentiellement mettre un terme à leur relation.
Et plus important encore… Pour certaines raisons, elle devait s’abstenir de viande et ne pouvait manger que des plats végétariens. Et elle ne pouvait pas non plus toucher aux condiments ! Il lui fallait tenir encore un an et dix mois !
Ainsi, elle s’accroupit sur la cuisinière et huma les effluves qui se répandaient. Sa bave coulait sans cesse, mais elle ne pouvait que regarder, pas manger.
Puis elle vit le cristal d’esprit d’oignon placé sur le bord. Il sentait vraiment bon.
– « Neige Élevée, qu’est-ce que c’est ? »
– « C’était un oignon vert capable de changer d’apparence qui s’est ensuite transformé en cristal, » répondit-elle sans tourner la tête.
Un oignon vert ?
En d’autres termes, c’était un légume.
Et si c’était un légume, c’était quelque chose qu’elle pouvait manger !
Après avoir autant réfléchi, la femme à la taille fine tendit rapidement la tête et enroula sa langue autour du cristal, puis elle l’avala après l’avoir mâché deux fois.
Elle tint ses joues à deux mains et souffla, l’air heureuse : « C’était vraiment délicieux. Je suis transie. »
La Fée aux fourneaux tourna la tête, sans voix. Elle se frotta les tempes. « Est-ce que vous venez de manger cet oignon vert cristallisé ? »
– « Mhm ! C’était délicieux, » dit-elle, plongée dans la sensation de l’arrière-goût du cristal.
– « C’était un oignon vert ! Ne vouliez-vous pas éviter de manger de la viande et des condiments ? » Elle se força à sourire. Elle avait obtenu cette précieuse épice en échange de tout un repas, et voilà que quelqu’un l’avait engloutie sans prévenir avant même qu’elle n’eût la chance de l’essayer.
– « Oui, mais ça, c’était un légume. Alors je peux en manger. »
– « Un oignon vert est bien un légume… Mais c’est l’un des cinq condiments à forte odeur ! »
– « Quoi ? Sérieux ? Mais quand ce foutu chauve m’a ordonné de ne pas manger de viande ni de condiments, il a dit que je ne pouvais manger que des légumes. Il n’a rien dit sur les légumes qui sont des condiments… Je sais ! Ce foutu chauve me trompe !? »
Alors, à l’extérieur du jardin de bambous, une petite pagode exquisement décorée descendait du ciel.
– « Serpent insensé ! Vous avez rompu votre vœu de ne pas consommer de viande ni de condiments. Maintenant, suivez docilement cet humble moine, retournez à l’intérieur de la pagode, enfermez-vous et cultivez pendant encore trois ans et six mois. Vous chanterez également les Écritures pour vous laver de vos péchés ! » retentit une voix puissante.
Au même moment, un rayon de lumière jaillit de la petite structure et se dirigea vers la cuisine, frappant le corps de la femme à la taille fine. Il devint une puissante force d’attraction.
– « Non, non, non ! Maudit chauve, tu m’as trompée ! Cela ne fait que deux mois que je suis sorti de cette pagode, et je n’ai même pas encore eu le temps de m’amuser. Je ne veux pas y retourner ! Et pourquoi faut-il que ce soit précisément trois ans et six mois ? C’est de l’acharnement ! » cria-t-elle en se tenant au rebord de la cuisinière. Elle essayait de résister de toutes ses forces !
– « Toute résistance est inutile. Il y a deux mois, lorsque je vous ai relâchée, vous êtes parvenue à un accord avec ce modeste moine. Vous ne deviez manger que des plats végétariens pendant deux ans. Si vous aviez respecté votre vœu, je ne vous forcerais pas à retourner à l’intérieur. Mais vous avez violé notre accord. Vous êtes en tort ! Femme ou serpent, peu importe, vous devez en payer le prix si vous commettez une erreur. Maintenant, suivez-moi docilement. Pratiquez et chantez les Écrits à l’intérieur pendant trois ans et six mois ! »
La force d’attraction devint encore plus forte. La cultivatrice fut lentement arrachée à la cuisine. Ses doigts s’enfonçaient dans le sol en laissant derrière eux dix tranchées. Finalement, elle s’accrocha obstinément à l’entrée de la pièce, refusant de lâcher. « Maudit chauve, n’avez-vous pas dit que je ne pouvais manger des légumes ?! Les oignons verts sont aussi des légumes, n’est-ce pas ?! Vous m’avez trompée ! Je refuse de l’accepter ! Je refuse de l’accepter ! Neige Élevée, sauvez-moi ! »
Le coin de la bouche de la Fée se contracta. Elle voulait l’aider, mais elle n’y parvenait pas.
– « Tsk ! Stupide serpent, arrêtez de déformer les faits. Quand cet humble moine vous a-t-il dit que vous ne pouviez manger que des légumes ? J’ai seulement dit que vous ne deviez consommer ni viande, ni condiments ! »
Elle cligna des yeux et essaya de se rappeler ce qui s’était passé à l’époque.
Merde, il a raison !
Il n’avait pas exigé qu’elle ne mangeât que des légumes. Néanmoins, elle avait fini par considérer n’avoir que cette option… Elle avait instinctivement conclu que si elle ne pouvait pas manger d’animaux, elle ne pouvait manger que des concombres.
– « Je m’en fous, je m’en fous ! Maudit chauve, vous m’avez joué un sale tour en utilisant des mots compliqués ! Je refuse de l’accepter ! » hurla-t-elle.
Cependant, peu importait sa réticence. La force que produisait la pagode devenait de plus en plus intense alors que sa propre lutte devenait de plus en plus faible. Finalement, elle fut traînée à l’intérieur de la structure !
La Fée Neige Élevée se frotta le visage. Elle sentait que son visage était un peu raide. Sans voix, elle ne savait pas quoi dire.
– « Fée Neige Élevée, ce modeste moine va maintenant prendre congé. Je vais demander à ce stupide serpent de réciter les textes sacrés et de s’entraîner à nouveau à l’intérieur, » monta une dernière fois la voix. Évidemment, le moine connaissait également la Fée. De plus, ils semblaient être en aussi bons termes avec la cuisinière que la femme à la taille fine.
– « Je vois ça. À bientôt, Grand Maître. Je vous souhaite de bien vous amuser, tous les deux. » Elle semblait plutôt indifférente au fait que le bouddhiste enlevait son amie.
En fait, cette même question avait été abordée plus de trente fois au cours des 200 dernières années. Comme si cela ne suffisait pas, à chaque fois cela s’était produit en sa présence. Bref, elle s’y était habituée !
Un claquement se fit entendre depuis l’intérieur de la pagode. Le combat final de la femme serpent.
Le bâtiment retrouva rapidement son calme. Puis il tournoya et s’éleva haut dans le ciel, disparaissant sans laisser de trace !
❄️❄️❄️
8 août, nuageux. Comme le soleil se cachait, la température baissait un peu.
Tôt le matin, 9 heures.
Yu Jiaojiao se réveilla, finalement dégrisée. La veille au soir, elle et Shuhang avaient réussi à vaincre Tubo et Yangde dans la bataille de la boisson.
Mais par la suite, les deux avaient subi une défaite écrasante face à Horizon !
Comme le disait le proverbe, il y a toujours quelqu’un de meilleur que soi !
Au réveil, elle avait un peu mal à la tête.
En la voyant émerger, ses domestiques lui apportèrent de l’eau chaude pour l’aider à se remettre de son glorieux combat, ainsi qu’un petit-déjeuner.
En parlant de repas, les cinquante sandwichs à la viande que Shuhang avait achetés avaient tous disparu, il n’en restait pas un seul.
Yu Jiaojiao, Shuhang et ses colocataires n’avaient réussi à en manger que dix. Les quarante autres s’étaient retrouvés dans le ventre du Prêtre Daoïste Horizon. Ce dernier avait mangé et bu à sa guise, sans aucune gêne !
La pratiquante se frotta à nouveau les tempes.
Après s’être levée du lit, elle ramassa sa tablette, posée à proximité. Comme d’habitude, elle voulait jeter un œil au nombre de caractères que Gao Moumou avait tapés.
Mais elle se souvint de ce qui s’était passé. La veille, le binoclard avait bavardé avec ses amis toute la journée et avait bu avec elle jusqu’à tard le soir. Complètement saoul… Il n’avait certainement pas eu le temps d’écrire.
Autrement dit, il n’avait rien fait. Elle soupira. Cela faisait quelques jours qu’elle lisait joyeusement plusieurs milliers de mots. Par conséquent, elle se sentait un peu mal à l’aise de ne rien avoir à se mettre sous les cils.
Alors qu’elle y réfléchissait, la page à l’écran de sa tablette se rafraîchit. Le roman de Gao Moumou comptait seize chapitres supplémentaires.
Elle n’osa pas en croire ses yeux. Elle utilisa ses petites pattes pour les frotter.
Seize chapitres. Chacun de 3.000 caractères. Autrement dit, il y avait environ 50.000 nouveaux caractères !
Que s’est-il passé au juste ?
Quand Gao Moumou a-t-il réussi à écrire tous ces chapitres ?
Yu Jiaojiao essaya de se rappeler ce qui s’était passé la veille.
Alors, une scène refit confusément surface dans son esprit.
Après s’être complètement saoulé, Gao Moumou se levait tranquillement et annonçait à tout le monde son nouvel objectif. Après avoir terminé son discours, il agitait la main et déclarait : « Je vais écrire quelque chose. Maintenant. Aujourd’hui, je vais écrire et me battre jusqu’à l’aube ! Vous feriez mieux de ne pas essayer de m’arrêter, ça me mettrait très en colère ! »
Comme tout le monde était ivre à l’époque, personne n’avait essayé de l’arrêter.
Était-il réellement allé écrire après cela ? Jusqu’à l’aube ? Et 50.000 caractères !
Yu Jiaojiao cligna des yeux.
Attendez un instant… 50.000 ? Est-ce juste une coïncidence ?
Elle sortit son téléphone portable et déverrouilla l’écran, naviguant jusqu’à la photo du Vénérable Blanc.
Elle était assez excitée. Était-ce vraiment si efficace ? La veille, elle avait fait un vœu devant la photo du Vénérable. Elle avait demandé que Gao Moumou écrivît l’équivalent de 50.000 caractères.
Mais avec tout ce qui s’était passé, il n’aurait pas dû avoir le temps. Jamais elle n’aurait imaginé découvrir le lendemain matin que ce mortel avait réellement atteint cet objectif !
C’est le pouvoir des vœux !
L’Aîné Blanc est vraiment tout-puissant !
Elle serra les pattes, ne sachant que faire.
Après avoir réfléchi un instant, elle revint à sa tablette et se connecta à un compte.
Il s’agissait de celui de “Tyran Jiaolong veut créer une équipe de football”.
Évidemment, c’était celui de son père. Si elle pouvait l’utiliser, c’était parce qu’elle était celle qui l’avait créé !
Après s’être connectée, elle entra dans le Groupe des Neuf Provinces #1 et téléchargea le [Pack des expressions de Aîné Blanc] dans le dossier des fichiers partagés du salon. Ensuite, elle le décompressa et l’envoya sur son propre compte, Beauté Poisson Dragon.
Elle avait réussi à obtenir la version complète du pack.
Elle se décida. Elle utiliserait chaque jour une image différente du Vénérable comme fond d’écran. De plus, elle lui rendrait hommage de temps en temps pour gagner des points de karma. Peut-être pourrait-elle être exaucée d’une manière encore plus éclatante la prochaine fois. Devrait-elle essayer de faire taper à Gao Moumou 100.000 lettres par jour ?
Hmm, c’était trop. S’il atteignait ce rythme, son style perdrait vraiment en qualité. Dans ces conditions, peut-être valait-il mieux souhaiter qu’il continuât sur une base de 20.000 caractères quotidiens pendant un mois entier.
Alors qu’elle réfléchissait, elle modifia son écran de veille et son fond d’écran. Ainsi, elle offrirait une prière au Vénérable Blanc chaque fois qu’elle déverrouillerait son téléphone.
Elle prévoyait également de partager cet heureux événement. Après tout, il fallait parler de ses joies !
Avec son téléphone portable, elle se connecta à son compte personnel et écrivit sur son mur :
Hier, j’ai fait un vœu en regardant la photo d’un bel Aîné. Aujourd’hui, à mon réveil, j’ai découvert qu’il s’était réalisé. La vie est merveilleuse.
Elle joignit également au message la photo du sourire éclatant de sa mère.
Elle n’avait pas ajouté beaucoup d’amis à son compte Beauté Poisson Dragon. La plupart faisaient partie de la famille du Véritable Monarque Tyran Jiaolong. Il y avait ses femmes, ses fils – qui étaient presque assez nombreux pour former une équipe de football – et toutes ses filles.
De plus, elle avait invité quelques Aînés et collègues Daoïstes avec qui elle était en bons termes.
Elle avait également le Vénérable Blanc dans ses contacts, depuis le jour où il lui avait demandé son aide pour provoquer un petit tsunami à proximité d’une île isolée en mer de Chine.
Voilà pourquoi elle parlait d’un bel Aîné plutôt que de l’Aîné Blanc. Elle ne voulait pas qu’il vît son message et qu’il lui donnât un avant-goût de la dernière édition de son Épée volante jetable.
Après tout, elle était différente de Douce Plume. S’asseoir dans son vaisseau et errer à travers l’univers comme Ulysse 31 ne l’intéressait pas.
Yu Jiaojiao jeta un coup d’œil au paysage, par la fenêtre. Elle était vraiment de bonne humeur.