Il n’était pas entré dans le pays des rêves et ce n’était pas non plus une hallucination.

Alors qu’il lisait le Journal du Moine Ascète, il commença à ressentir physiquement la souffrance de l’Aîné.

Voyager pieds nus à travers une plaine de neige et de glace alors qu’il ne portait que de fins vêtements, ayant froid et étant affamé… La résistance aux températures basses, capacité dont les cultivateurs s’enorgueillissaient, était inopérante. La douleur du moine pendant son parcours d’ascète lui était directement transférée, ignorant complètement ses défenses magiques et ses objets de protection. Le visage de Song Shuhang se figea et devint bleu, et ses lèvres violettes. Il eut l’impression que la plante de ses pieds allait se craqueler à cause du froid.

– « Shuhang ? » La Sœur Aînée Ye remarqua son état anormal et utilisa immédiatement une technique de guérison. Malheureusement, celle-ci n’eut aucun effet. Après tout, il n’était pas blessé.

Il y avait vraiment quelque chose de louche avec le Journal du Moine Ascète. Quelque chose d’étrange se produisit tandis que l’étudiant le lisait à haute voix. Il arrêta immédiatement sa lecture. S’il ne pouvait pas résoudre le problème, il n’avait qu’à le fuir !

Cependant… Quelque chose d’étrange se produisit. Dès qu’il cessa de parler, une autre voix s’éleva dans le vide et continua à lire à sa place. La voix était identique à la sienne.

Il posa rapidement une main sur ses lèvres…

Putain, qu’est-ce qui se passe au juste ? Ma bouche ne bouge même pas ! D’où vient donc cette voix ? De mes narines ? Ou de mes fesses ?

Ye Si réfléchit un instant. « La Récitation Automatique, l’une des incantations de l’ancienne sorcellerie… Shuhang, je ne pense pas que vous la maîtrisiez, n’est-ce pas ? »

Il secoua la tête.

La Récitation Automatique… ? En d’autres termes, si je commence à lire à haute voix le Journal du Moine Ascète, l’ensemble du texte sera automatiquement lu jusqu’à la fin ?

Il se sentit mal. Cette fois, il avait été durement arnaqué. N’était-ce pas la même chose que de le forcer à endurer toutes les souffrances du cultivateur du livre ?

Ye Si fronça les sourcils. « À première vue, je dirais que cette compétence était dissimulée dans le Journal. Shuhang, j’ai peur que votre Vrai Qi ait involontairement activé l’incantation quand vous lisiez à haute voix. Comment vous sentez-vous maintenant ? Y a-t-il quelque chose qui ne va pas avec votre corps ? »

En fait, il y avait quelque chose qu’elle avait oublié de mentionner. La Récitation Automatique était une compétence similaire aux techniques magiques. Song Shuhang en ayant fait l’expérience, il pourrait peut-être apprendre une technique similaire s’il avait de la chance. Cependant, de telles capacités n’étaient pas d’une grande utilité pour les pratiquants. Après tout, ils étaient différents des anciennes sorcières, ils n’utilisaient pas beaucoup de techniques comportant des incantations très longues.

Song Shuhang se força à sourire. « J’ai très froid. J’ai l’impression de traverser pieds nus une couche épaisse de glace et de neige, tout comme le moine. »

– « Troublant. » Elle commença à s’inquiéter. Le voyage de ce Moine Ascète s’était terminé par sa mort. Après y avoir réfléchi, elle utilisa son épée comme un stylo et dessina quelque chose sur le sol. Elle devait immédiatement arrêter la Récitation Automatique qui résonnait toujours dans la pièce. Sinon, la vie de son petit ami serait en danger.

En voyant son visage anxieux, Song Shuhang soupira. Il avait également pensé à la fin du voyage du moine, qui s’était achevé avec sa mort.

Son propre trépas était-il écrit ?

Alors, le froid extrême qu’il ressentait disparut complètement, remplacé par une chaleur torride. Il avait l’impression de marcher au milieu d’un désert. La sensation d’engourdissement extrême transmise par la plante de ses pieds s’était transformée en une agression bouillante.

Il avait l’impression d’être un de ces petits canards qu’on préparait selon la méthode des “pattes de canard rôties”, l’un des dix plats interdits en Chine : le volatile vivant était placé sur une plaque de fer chauffée. Ensuite, on l’assaisonnait. Le canard commençait à danser à cause de la chaleur croissante et finissait par griller. Une fois les pattes bien cuites, elles étaient découpées et servies à table. Quant au reste du canard, toujours vivant, il servait à autre chose.

La plante des pieds de Song Shuhang le brûlait et semblait être en feu. Encore quelques minutes et ses pieds pourraient également être coupés et servis dans l’assiette de quelqu’un… C’était dégoûtant !

– « Est-ce qu’on en est au chapitre du désert ? »

Était-ce si amusant de tourmenter les autres ? Il en conclut que l’auteur du Journal du Moine Ascète était vraiment un sadique.

L’étudiant ne s’était pas encore habitué à la chaleur infernale qu’il ressentit un autre type de souffrance extrême. Il eut la sensation de marcher sur des lames tranchantes : le chapitre de la forêt de rochers pointus.

Il ressentait des vagues de douleur déchirantes les unes après les autres !

Bon sang, comment ce Moine Ascète a-t-il pu choisir ce passe-temps ? Marcher pieds nus sur des cailloux ? Cette méthode de cultivation est absolument diabolique !

Il serra les dents et se remémora le contenu du livre. Après la forêt venait le poison.

Zut, j’ai envie de pleurer.

Ça arrive, je le sens.

Ce sentiment d’être empoisonné était un mélange entre manger par erreur une saleté et se faire piquer par un insecte venimeux. C’était vraiment douloureux et il lui devenait difficile de respirer. De plus, il avait l’impression d’avoir une fièvre et de monter à plus de 40 °C ! Il avait l’illusion que l’air qu’il respirait contenait du sable, ce qui lui faisait mal aux voies respiratoires.

Il hurla de douleur.

– « Je suis désolée, je suis désolée… Tout est de ma faute ! » La Sœur Aînée Ye avait essayé toutes sortes de méthodes pour arrêter la Récitation Automatique, mais toutes s’étaient révélées inutiles. Il s’agissait d’une compétence dont les anciennes sorcières étaient fières. Elle garantissait que l’incantation continuerait, même si l’invocatrice était rendue muette, il était donc très difficile de l’arrêter.

Lorsqu’elle vit le visage de Song Shuhang devenir bleu et de la mousse sortir d’entre ses dents, elle ne put s’empêcher de se mettre à pleurer. « Snif, snif, snif ! »

Le jeune homme ouvrit la bouche et essaya de la réconforter, mais pas la moindre parole encourageante ne franchit ses lèvres.

Après le poison, Song Shuhang connut les vagues déferlantes, fut enterré vivant par des tempêtes de sable, fut frappé par la foudre et surmonta plusieurs autres drames.

Puis… L’ultime phase arriva.

Dans le dernier chapitre… c’était la mort.

À ce moment-là, une voix grave et neutre résonna dans les oreilles de Song Shuhang.

Âme sans cœur qui s’est livrée aux péchés… Viens, meurs !

Il comprit enfin ce qui se passait. Son cœur n’avait pas été assez compatissant en lisant le Journal à haute voix. Par conséquent, il avait activé une sorte de piège caché à l’intérieur du texte.

Espèce de salaud !!!

Le développement de l’intrigue de votre Journal, c’est de la merde ! C’est tellement évident que l’auteur se délecte de toute la souffrance du moine, vu la manière dont il les raconte. Comment puis-je lire cette chose avec un cœur compatissant ?!

C’est pareil que de forcer quelqu’un à faire un truc qu’il ne veut pas et de lui demander d’en profiter !

Par contre, il sentait avoir découvert l’astuce pour lire le Journal du Moine Ascète avec un cœur compatissant et à voix haute. Si on lui donnait une autre chance, il était sûr qu’il en serait capable. Dommage, il était mal parti pour cela.

Mais à ce moment-là, peu importait qu’il fût déprimé ou en colère. La mort approchait…

Il avait l’impression d’avoir été enfermé dans une petite pièce noire. Que ses os étaient enfouis dans la terre et commençaient à se décomposer.

Finalement, il mourut…

Même ses ossements se défirent et se mêlèrent à la terre.

Utilisant sa propre vie comme un voyage d’ascète, sa mort en marquait la fin.

Son corps avait péri, mais son âme avait réussi à atteindre un tout nouveau niveau !

Finalement, la vision de l’étudiant devint noire et il perdit le contrôle de ses membres.

Était-ce là ce qu’on ressentait quand on mourrait ?