Le récit d’Habeng était court et sans fioritures, mais ses auditeurs furent malgré tout touchés en plein coeur.

« C’est une triste histoire » commenta doucement Mag après un moment.

L’orque hocha la tête. « Oui. Je n’ai pas vu Marcus depuis de nombreuses années. Je n’aurais jamais pensé qu’il attaquerait nos mines d’or. Cette fois, mon frère et lui pourraient bien régler cette histoire une bonne fois pour toutes » dit-il d’un air troublé. Il avait toujours suivi son frère et Marcus étant jeune. Ce dernier avait été comme un autre grand frère pour lui. Désormais, à cause du conflit et de la mort de Grâce, ils étaient devenus ennemis.

« Quoi qu’il en soit, ils régleront la situation tôt ou tard. Je savais que l’un d’entre eux mourrait lorsque Grâce a été tuée. » Il ramassa sa cuillère et mangea son riz frit. Puis, il se mura dans le silence.

« Mag, puis-je payer avec le reçu ? » demanda Conti en lui souriant.

Le maître des lieux hocha la tête répondant avec la même expression. « Bien sûr. Trois roujiamo, ça fera neuf pièces d’or. Je vais décompter la somme de votre reçu. »

« Merci. » Le chevalier se leva de sa chaise, prit sa longue épée et tapota Habeng sur l’épaule. « Ne t’inquiète pas. Il va gagner. »

« Merci » répondit-il. Aussitôt, il retourna à son assiette.

Conti jeta un coup d’œil en direction du comptoir. Voyant qu’Amy n’avait pas l’intention de sortir et de lui dire au revoir, il se retourna et sortit, un peu déçu.

L’orque finit son riz frit et partit avec son gourdin. Mag pouvait sentir sa détresse.

Après un certain temps, d’autres clients arrivèrent. Certains voulurent essayer le nouveau plat dont ils avaient entendu parler. Son prix était bien inférieur à celui du riz frit Yangzhou, mais il restait quand même très cher.

Mag s’habitua rapidement à leur cri étrange et à leur air embarrassé suite aux premières bouchées. Ils continuaient à manger malgré tout, incapables d’y résister.

Le temps d’ouverture pour le petit-déjeuner d’une heure et demie passa rapidement. Il se dirigea alors vers la porte et retourna le panneau à l’entrée. Puis il nettoya les assiettes, les mit dans le lave-vaisselle et essuya les tables.

« Père, viens vite ! Est-ce que le vilain petit canard va éclore ? » s’écria Amy soudainement d’une voix surprise mais excitée.

« Vraiment ? » Mag était également un peu étonné. Il alla à l’arrière du comptoir et s’accroupit à côté de sa fille. Il entendit alors le bruissement de l’œuf sous la couverture. Cette fois, le bruit était beaucoup plus net et pressant, comme si la petite créature essayait de sortir.

« Amy, lui as-tu dit quelque chose ? » demanda Mag, curieux. La pauvre bête semblait terrifiée en s’empressant de sortir de sa prison.

Elle hocha solennellement la tête. « Oui. Je l’ai encouragé. »

Son père ne put empêcher son visage de prendre une expression un peu étrange. « Et qu’est-ce que tu lui as dit ? »

« Sois gentil et sors, vilain petit canard, ou je vais te mettre le feu. Je suis sérieuse ! » répéta-t-elle sérieusement en serrant son petit poing.

Mag ne put retenir un gloussement. Quel genre d’encouragement était-ce donc ? C’était une menace. Pas étonnant que la petite chose griffe vigoureusement sa coquille. Elle devait être horrifiée.

« Père, pense-t-il que je mens ? Peut-être que c’est pour ça qu’il ne sort pas après que je le lui aie dit tant de fois. Est-ce que je peux le faire flamber ? » demanda-t-elle en le regardant dans les yeux, ne sachant que faire.

Il va cui re si tu fais ça , pensa Mag. Puis, tandis qu’il réfléchissait à une façon d’enjoindre Amy à la patience, l’œuf se craquella.

Ils se figèrent un instant, puis écarquillèrent les yeux pour regarder la petite fissure sur ce dernier.

« Sors rapidement, vilain petit canard. Je sais que tu es moche, mais moi je suis jolie. » Elle fixa le gros œuf, dans l’expectative.

Elle est vraiment comme moi quand j’étais sur Terre . Peut – être a -t- elle subie mon influence . Mag regarda sa petite fille. Elle a une langue vicieuse, et elle a compris comment l’utiliser toute seule. Elle est vraiment talentueuse.

Elle était comme un morceau de jade brut de haute qualité. Il n’avait besoin que de la guider légèrement. Avec son apparence mignonne et sa petite voix douce, sa langue acérée écraserait définitivement les autres, sans qu’ils ne puissent se mettre en colère. Il se sentit méchamment bien.

Mag avait été amené ici à cause de ses propos vicieux, il s’était donc retenu jusqu’à présent. Au mieux, il pouvait critiquer le système, et regardait ce monde avec pardon et amour.

Sinon, il aurait rapidement être transféré une nouvelle fois dans un autre monde, celui-ci et les différentes espèces y résidants lui offrant tant de sujets à développer. Il ne voulait pas quitter Amy.

Cette dernière était différente. Elle avait peut-être un discours mordant, mais les gens ne la détestaient pas. Ils lui pardonnaient en un rien de temps, il n’avait donc pas à s’en inquiéter.

Il hocha légèrement la tête en la regardant. On dirait qu’il est temps que je lui apprenne à utiliser habilement sa langue. Elle se souv ien t parfaitement de la table de 9 et appren d l’addition, la soustraction et des multiplications simples avec des nombres à deux chiffres. Elle d evra it être capable de maîtriser les opérations du quotidien . Amy apprenait vite.

La fissure dans la coquille s’étendit et se divisa. Elle partait du sommet et couvrit tout l’oeuf en un court instant.

Mag le regardait, excité lui aussi. Qu’est – ce qui va en sortir ? C’est un œuf, et le nid était sur une falaise, donc c’est probablement un oiseau. Mais il est si grand, ce n ’est sans doute pas un oiseau ordinaire. P eut – être une sorte d’oiseau monstrueux ?

« Petit vilain petit canard, je compte jusqu’à trois. Si tu ne sors pas, je vais te mettre le feu » dit Amy de ses grands yeux bleus. Sa patience s’était rapidement épuisée. Elle tendit la main.

* Crack… *

Avec un son doux, une petite tête moelleuse avec un morceau de coquille en guise de chapeau apparut. L’animal regarda autour de lui, les yeux mi-clos, l’air confus et alarmé. Il vit finalement Amy. « Miaou » dit-il doucement.

« Un… Un chat orange ! » Mag écarquilla les yeux. La petite créature était clairement un chat orange et blanc. Ses yeux n’étaient pas complètement ouverts, et sa fourrure était gluante. Il étudia Amy un instant. Quelle mignonne petite bête !

« Wow, il est trop chou ! » La jeune fille cligna des yeux de surprise. Elle tendit la main pour le toucher, mais la retira à mi-chemin. « Père, tu avais dit que le vilain petit canard deviendra un cygne quand il sera grand. Mais pourquoi ne ressemble-t-il pas à une oie rôtie ? »