Chapitre 1048 – Bodach

L’endroit choisi par Leylin était significatif. C’est là qu’il avait rencontré pour la première fois la chouette borgne, qu’il soupçonnait désormais d’être un clone du Roi des Cauchemars. C’était elle qui lui avait donné sa plume onirique, permettant à son laboratoire de se connecter au Pays de Rêves.

C’est également à cet endroit qu’il avait découvert Gillian, originaire du Pays de Rêves. Cette période lui avait fourni de précieux éléments de recherche, lui permettant d’approfondir sa compréhension de la Force des Rêves.

Les nombreux Seigneurs du Fléau résidaient au nord de ce lieu, au moins cinq ou six de ces souverains du Pays de Rêves. Ils y déployaient généralement leurs pouvoirs inconsciemment, semant le chaos parmi les indigènes. De ce fait, l’endroit leur était interdit.

Mais à présent, la situation était différente. La Force des Rêves s’était affaiblie, et la zone entourant ces êtres était le seul endroit où ils pouvaient survivre. Après tout, si les Seigneurs du Fléau avaient choisi cet endroit, c’était parce qu’il résisterait à l’affaiblissement de la Force des Rêves.

Comparée à une annihilation totale, une tempête de neige, des radiations ou toute autre calamité n’étaient qu’une plaisanterie. C’est pourquoi, en cette période critique, il était logique que la tribu de Gillian migre vers le nord. De toute façon, ces souverains maléfiques les ignoraient comme s’il s’agissait de fourmis.

« Est-ce là la nature merveilleuse de la vie ? » s’exclama Leylin. Il sentait que le nord abritait la plus grande vitalité de tout le Pays de Rêves.

Il semblait régner en ces lieux un étrange écosystème parasitaire, où les indigènes cherchaient refuge auprès des Seigneurs qui résistaient à l’affaiblissement de la Force des Rêves. On y trouvait de nombreuses tribus semblables à celle de Gillian.

« Voilà qui promet une bonne enquête. Hmm ? » Leylin s’arrêta en plein vol, scannant la gigantesque silhouette sombre avec la puce IA, et se souvint de cette aura familière.

« Enfin, je rencontre quelqu’un que je reconnais ? » Leylin sourit. « Allons le saluer ! »

Grondement ! Leylin s’était habitué à ses pouvoirs de rang 7. Avec l’ajout de la Force Originelle du Paysage de Rêves, il pouvait exercer une puissance cataclysmique.

« Brise-toi ! » Leylin décida de fendre la terre elle-même, révélant un abîme sans fond. Et ce, malgré sa maîtrise, sans recourir à la puissance de la force originelle. S’il l’avait fait, une petite partie du continent se serait facilement déchirée.

« Transformer la boue en roches ! Et la terre en métal ! » Les mages des lois étaient proches de la source de la magie. Ces effets n’avaient rien d’anormal, surtout compte tenu des études de Leylin sur le Monde des Dieux.

Sous son contrôle, l’énergie de son sang utilisa la Force des Rêves, formant des sorts qui semblaient provenir à la fois des mages et des dieux. Leylin était semblable à ces dieux capables de lancer des sorts d’un simple mot, modifiant la réalité comme le sol qu’il avait fendu s’était transformé en une immense plaque d’acier.

Boum ! Une silhouette noire se déplaçant à toute vitesse s’est écrasée contre elle sous terre, la déformant tandis qu’un grondement assourdissant retentissait.

« Bon sang ! Pourquoi y a-t-il une planche d’acier ici ? Non, est-ce une couche de métal dans le sol ? » La surface de la terre fut ouverte par deux énormes griffes de dragon, et un dragon gigantesque en sortit la tête, tel une marmotte dépitée.

Contrairement aux dragons du Monde des Dieux, celui-ci ne possédait qu’un grand œil jaune et deux épines acérées comme des montagnes sur son dos. Ses larges ailes charnues, capables de couvrir le ciel, étaient repliées le long de son corps, lui donnant une silhouette profilée. Il était parfaitement adapté au creusement souterrain.

Plus terrifiant encore, le corps de ce dragon émettait d’effroyables ondulations d’énergie, semblables à celles des mages des lois. Cela révélait la puissance de l’être. Dans le Monde des Dieux, seul le légendaire Dragon de Platine pouvait peut-être lui être comparé.

« Cela fait longtemps, Monsieur le dragon borgne du Monde d’Ultron ! » Voyant le dragon borgne qui s’était reconverti dans les fouilles archéologiques, Leylin fit de son mieux pour étouffer son rire en le saluant poliment.

« Hein ? Qui ose se moquer de la puissante race de dragons Gigakell ? » Le dragon se tapota la tête de ses énormes griffes, semblant sortir de sa torpeur. « Et moi qui pensais qu’il m’était impossible de rater quelque chose qui se passait juste devant moi… C’est donc ce mage de tout à l’heure ! »

Tout en marmonnant et en se plaignant, il sortit son imposant corps du sol. « Cela fait des milliers d’années que nous ne nous sommes pas vus, et pourtant vous avez déjà atteint le rang 7. Un tel talent me rend jaloux… Mais après tout, nous sommes au Pays de Rêves. Qui sait combien d’années se sont écoulées à l’extérieur ? Des dizaines de milliers d’années ont peut-être échappé à mon contrôle… »

« Cela signifie-t-il que vous êtes resté au Pays de Rêves tout ce temps, Mon Seigneur ? » demanda Leylin, surpris.

« Bien sûr ! Vous ne savez donc pas combien les trésors abondent dans le Pays de Rêves ? Surtout en son cœur… l’éclat des gemmes de suolo pures… Ah, elles sont dix mille fois plus belles que les yeux de la Mère Dragon… Si ce maudit Seigneur du Fléau ne m’avait pas arrêté, j’aurais… pfff ! »

Le dragon borgne sembla se rendre compte qu’il avait accidentellement révélé quelque chose et utilisa ses griffes pour se couvrir la bouche.

« Je vois ! » Leylin acquiesça, tout en le méprisant intérieurement. La nature avide des dragons était immuable, même dans l’immensité du plan astral. Qu’ils vivent dans le Monde des Dieux ou dans le Monde des Mages, tous semblaient partager cette même caractéristique.

« Mais… veuillez m’excuser pour ma franchise… mais vous semblez avoir besoin d’aide… » Leylin fixa ce corps aussi imposant qu’une montagne. De nombreux yeux violets étaient collés aux épaisses cornes et aux écailles du dragon, lui donnant un aspect plutôt répugnant.

Des stries de profondes blessures apparaissaient près de ces yeux violets, se refermant et se déchirant sans cesse. À la seule vue, on pouvait presque ressentir l’immense douleur.

« Vu tout ce qu’il a dit, se pourrait-il qu’il convoite le trésor d’un Seigneur du Fléau et qu’il ait eu la malchance d’être capturé, ce qui l’aurait laissé dans cet état ? Il n’a d’autre choix que de fuir sans cesse… » pensa Leylin, mais ses mains continuaient de s’agiter. Une fine couche de nuages ​​vert clair enveloppait le corps du dragon borgne, de minuscules gouttelettes d’eau ruisselant le long de sa tige.

Le dragon borgne observa Leylin avec méfiance de son œil jaune tandis que la brume verte arrivait, reniflant avec son long museau. Cela sembla le satisfaire, et il ne recula pas.

Pss Pss ! L’eau de pluie verdâtre entra en contact avec les plaies, créant une grande quantité de gaz blanc corrosif. Cependant, les plaies cicatrisées ne se déchiraient plus, permettant au dragon de souffler tranquillement.

« Votre corps présente deux types de blessures. La plus terrifiante est la malédiction des yeux violets, que je ne peux pour l’instant guérir. Cependant, je peux faire disparaître les séquelles des griffures éternelles… » Leylin semblait satisfait.

Pour soigner les blessures infligées par la Force des Rêves, c’était une occasion rarissime lors de ses voyages au Pays de Rêves. De plus, trouver un cobaye doté de la force d’un Mage de rang 7, et avoir la chance d’appréhender d’aussi près la puissance d’un Seigneur du Fléau, n’était pas chose aisée.

« Peste, calamité, malédiction… » Pourtant, la proximité de Leylin et la puissance du fléau qu’il percevait dans ces yeux violets firent changer son expression. Cette puissance était née des forces les plus maléfiques de la loi, et même lui en était terrifié.

« Comme on pouvait s’y attendre d’un Seigneur du Fléau. Ce pouvoir dépasse peut-être les limites du rang 7… » Leylin examina le dragon borgne qui se tenait devant lui. Le simple fait que le dragon ait pu survivre, poursuivi par un individu aussi terrifiant, suffisait amplement à impressionner Leylin.

« Haha… merci, mage aux pouvoirs de guérison. Je me sens beaucoup mieux maintenant ! » Le dragon s’étira joyeusement, son œil jaune reflétant la silhouette de Leylin. « Vous êtes un bon mage, digne de l’amitié des dragons Gigakell ! »

L’immense dragon borgne renifla Leylin : « Mon véritable nom est Bodach Avdizlok Ultron. Je jure sur mon nom véritable que je conclurai un pacte avec vous. Tant que vous ou vos proches invoquerez ce nom pour obtenir de l’aide, moi, du clan du dragon borgne, je vous donnerai du pouvoir. Bien sûr, vous devrez me remettre quelque chose d’une valeur équivalente en guise de paiement… »

En tant qu’entité régie par des lois, il n’y avait pas lieu de douter de ses vœux. Cependant, voyant le regard sournois du dragon, Leylin resta sans voix.

« Il essaie de m’intimider parce qu’il suppose que je ne connais pas le « Contrat d’Alliance de la Tribu des Dragons » ? » railla Leylin intérieurement. Grâce à ses vastes recherches sur le Plan Astral, il savait que dans le Monde des Dieux, le « Contrat d’Alliance de la Tribu des Dragons » était réputé pour être le contrat le moins contraignant. Moyennant le versement d’une somme suffisante de couronnes d’or, une véritable armée de dragons demi-dieux pouvait être invoquée. Bien sûr, le prix était si exorbitant que même l’église de Waukeen en aurait fait faillite.

Leylin soupçonnait fortement que le dragon avait proposé le même contrat à tous ses « amis », afin d’amasser des richesses.

« Laissez tomber. Je ne vais pas l’utiliser de toute façon… » Leylin leva les yeux au ciel intérieurement, puis regarda Bodach.

« Merci de votre bienveillance, mais je pense qu’il vaut mieux que nous discutions maintenant de la malédiction qui pèse sur vous… » Vu l’expérience de Leylin, la rapidité avec laquelle son attitude changea stupéfia même le dragon. « À moins que ce ne soit le lanceur de sorts lui-même, il est très difficile de la lever. De plus, avec le temps, elle pourrait vous causer des dommages encore plus terribles… »

Bien que Leylin fût certain de pouvoir l’éliminer avec quelques années de recherche, surtout compte tenu du Physique Absorbant les Cauchemars, il décida de le cacher.