« C’est tout ce que tu as à suggérer ? Rien d’autre ? »
Samuel et les autres Archidiables se regardèrent, l’incrédulité dans le regard.

Bien qu’Asmodée possédât les Huit Sombres, les autres seigneurs disposaient également de leurs propres damnés. Combinées, leurs forces pourraient anéantir les subordonnés d’Asmodée.

Asmodée sourit et lança un appât puissant :
« Rien d’autre. En attendant que tout soit réglé, restons ici et laissons les événements se dérouler d’eux-mêmes ! »

« Qu’en pensez-vous ? » Mammon regarda ses deux compagnons. Il avait déjà été ému. Après tout, c’était tout un niveau de Baator qui était en jeu !

« Tu veux semer la discorde entre nous ? » Samuel rit :
« Tu vas être déçu… »

Bien qu’il ait dit cela, personne n’en crut un mot.

« Votre forme physique doit rester ici, y compris celle de Méphistophélès et des autres », ajouta Léviste.

« Très bien, je vais leur faire signer un autre contrat. Les autres seigneurs absents devront eux aussi rester sur leurs territoires et ne rien faire tant que tout ne sera pas réglé. » Asmodée ricana. « Et alors ? »

« L’ordre est primordial ! Si nous le rejetons, même au nom de la Force Originelle Mondiale de Baator, les Neuf Enfers seront bouleversés. La Volonté Mondiale nous répudiera. »
L’analyse de Léviste était calme, et il finit par répondre :
« J’accepte ce contrat ! »

« Je suis d’accord ! »
« Moi aussi ! »

Mammon et Samuel acquiescèrent également. Après tout, ce résultat dépassait largement leurs attentes.

« Très bien ! La Comtesse Sorcière, Baalzébul et Méphistophélès m’ont également donné leur réponse. Que le Styx nous en soit témoin ! »
Asmodée tourna alors son livre de contrats vers une nouvelle page blanche.

Une fois que les trois autres eurent vérifié qu’il n’y avait rien de mal avec le contrat, ils hochèrent la tête, faisant le plus solennel des vœux à la rivière des enfers…

À ce moment-là, Leylin ignorait totalement l’existence de ce contrat conclu entre les Archidiables de Baator. Cependant, les répercussions de cet événement allaient bientôt plonger Baator dans une vague de bouleversements, qui culmineraient avec l’aube d’une nouvelle ère.

« La Tour de Fer de Belzébuth… »
Baalzephon regarda le lourd manteau de ténèbres devant lui, le regard empli de tromperie et de solennité.
« Leycien. Que sais-tu de cet endroit ? »

C’était le château d’un Archidiable ! Baalzephon n’était qu’un damné, et il n’osait émettre aucune hypothèse sur cet endroit.

« Seigneur Baalzephon, la Tour de Fer a toujours été un territoire interdit à Dis. Même mon ancien supérieur, le Seigneur Azlok, le chef des gardes, n’y a jamais mis les pieds… »

Leylin avait dit vrai. Ses enquêtes antérieures et le témoignage d’Azlok lui avaient appris que Belzébuth ne confiait rien à ses subordonnés. Très peu de diables étaient autorisés à pénétrer dans la Tour de Fer, peut-être un défaut de leur race.

La légende racontait que le seul moyen d’entrer dans la Tour de Fer était de signer un contrat avec Belzébuth, sous le sceau du Styx, par lequel on renonçait à tout pour la protéger à vie. Malgré cela, le contrat retenait tous ces diables à l’intérieur de la tour.

« La Tour de Fer recèle de nombreuses malédictions et elle est gardée par une immense armée de golems. D’anciens et puissants diables y résident, engagés pour la protéger. Nous nous trouvons actuellement aux confins de la Tour, les Plaines de la Gourmandise. Cet endroit est gardé par une armée d’esprits affamés dressés par Belzébuth, et seuls les diables autorisés y pénètrent. Les autres devront accomplir un rite d’autocannibalisme. »

« Des esprits affamés ? »
Baalzephon hocha la tête, estimant que ce nouveau subordonné qu’il avait recruté était plutôt utile.
« L’autocannibalisme, c’est faire une offrande en mangeant une partie de soi-même ? »

Le visage de Baalzephon était empli d’inquiétude. Il n’hésitait pas à sacrifier une partie de son corps, mais la règle la plus répandue de la gloutonnerie était que les pouvoirs sacrifiés ne pouvaient jamais être récupérés.

De toute évidence, c’était la première ligne de défense de Belzébuth. Sans sa permission, quiconque souhaitait entrer devait d’abord s’affaiblir.

« Existe-t-il un moyen de contourner cette règle ? »
Baalzephon se demanda, puis secoua la tête, impuissant. Comment pourrait-il déjouer la ruse d’un Archidiable de Baator ?

« L’aspect le plus important de la cérémonie est qu’elle requiert une partie de la puissance fondamentale. Toute autre énergie est inutile… »
Baalzephon jeta un coup d’œil à Leylin debout à côté de lui, se retenant de céder à son impulsion.

« Je vais perdre une partie de mes pouvoirs avant même de rencontrer l’Archidiable… Ce n’est pas un bon début… »

Alors qu’il réfléchissait, il sentit une crise imminente se profiler. Sans hésiter, il lança immédiatement un sort de Téléportation Majeure gravé dans son corps.

Il disparut de son emplacement initial en un éclair, réapparaissant à proximité. Mais les restrictions du royaume originel de la gourmandise rendaient extrêmement difficile l’utilisation de la magie de téléportation pour s’en échapper.

« Zut ! Cette interférence… » Baalzephon jura, furieux. Mais il regarda bientôt son épaule droite, stupéfait.

Un gros morceau de chair manquait, et des fils d’énergie maléfique circulaient encore autour. Un monstre illusoire ressemblant à un poisson était soudainement apparu lors de sa téléportation, détruisant la résistance au feu et les autres défenses dont tous les diables étaient si fiers. Une seule morsure l’avait réduit à cet état.

« Une créature dotée du don de Téléportation ? Non… C’est une capacité de haut niveau permettant de traverser deux plans et de brouiller la distance ! Je sens même l’aura unique d’une créature du plan astral… »

Leylin avait recueilli immédiatement beaucoup d’informations, utilisant Baalzephon comme une pierre éclairante.

Bien qu’il ait dévoré la plupart des souvenirs de Belzébuth, le diable avait clairement caché certains secrets. Ces fragments manquaient de nombreux détails importants, et Leylin ignorait donc tout de la Tour de Fer.

« Même si je savais tout, il n’y aurait peut-être pas de meilleure solution. La Tour elle-même ne reconnaît que l’aura de Belzébuth. Même l’autorité et l’essence diabolique de Baator seraient inutiles ici… » Leylin sourit ironiquement.

Pendant que Leylin se stabilisait, Baalzephon, lui, était sur le point de perdre le contrôle.

« Zut ! Cette créature n’est certainement pas venue de l’enfer et n’est jamais apparue sur le plan matériel. Ne me dites pas que c’est une abomination créée par un dieu ? »

Les connaissances de Baalzephon ne s’étendaient pas au-delà du Monde des Dieux, et encore moins au plan astral. Pour lui, une existence possédant des pouvoirs que même un damné ne pouvait comprendre était une abomination.

En peu de temps, il fut attaqué à plusieurs reprises. La perte d’une partie de son corps n’était pas le pire : il sentait sa propre origine se dissiper.

« Bon sang, que dois-je faire pour quitter cet endroit ? »
Il continua d’utiliser des sorts de téléportation. Mais les esprits affamés le poursuivirent, déchirant sa chair et dévorant son pouvoir.

Oubliez les diables et les autres races : le plus grand ennemi d’un diable était ses semblables. Belzébuth avait organisé ses préparatifs spécifiquement pour les diables. Baalzephon fut malheureux d’être renversé si facilement.

« Mm, comme c’est intelligent », dit Leylin d’une voix désolée, mais il faisait juste semblant.

Les esprits affamés percevaient l’énergie de son corps et n’osaient pas s’approcher. Quelques-uns osèrent l’effleurer, mais ils furent aussitôt dissous par la puissance dévorante émanant de lui.

« Mmh, on dirait une sorte de corps spirituel. Il s’agit sans aucun doute d’une créature astrale… »
La puce IA afficha ses résultats sous les yeux de Leylin.

« On dirait que Belzébuth s’est appuyé sur la Plaque de Manderhawke pour acquérir plusieurs objets intéressants du plan astral… »
Une lueur d’avidité traversa son regard. Bientôt, il entendit le rugissement désespéré de Baalzephon :
« Il n’y a rien d’autre à faire, dépêche-toi et commence l’autocannibalisme ! »

Alors que Baalzephon luttait avec acharnement, quelque chose se tramait dans la Cité de Fer de Dis. Un immense portail de téléportation s’ouvrit, et des troupes de diables en armure s’engouffrèrent pour prendre le contrôle de l’immense cité.

Des conflits éclatèrent encore, mais les démons, privés de leurs chefs, étaient bien plus faibles que ces élites. Ils perdirent rapidement et battirent en retraite.

Grâce aux arrangements antérieurs de Leylin, Azlok avait évacué les lieux avec les diables encore fidèles au Dieu Serpent Ailé, échappant ainsi au conflit. L’armée principale se dirigea bientôt vers la Tour de Fer, menée par sept damnés des fosses.

« Cet idiot de Baalzephon a osé venir tout seul ! Se croit-il capable d’affronter un Archidiable ? D’ailleurs, il a même osé trahir mon seigneur ! »
ricana Zapan, des Huits Sombres, en regardant la haute tour lumineuse percer les nuages.

« Dépêchez-vous de prendre le contrôle des défenses. Nous devons encercler la tour. Le gros des forces des autres Archidiables va bientôt arriver ! »
encouragea un autre membre des Huits Sombres, le regard empli de désir et d’ambition.

L’ordre d’Asmodée était arrivé, et la décision unanime des Archidiables laissait aux Huits Sombres leur seule chance de seigneurie !