Chapitre 1008 — Début de la bataille

La Toile intérieure était un moyen pratique pour un dieu de canaliser la foi. Il ne l’avait pas empêché de l’utiliser ; il semblait donc ouvert… La condition de base était-elle d’être un demi-dieu ? Leylin paraissait perdu dans ses pensées.

« Le cœur de la Toile… ainsi que l’Avatar de Karsus, le sort de rang 12… » En songeant à la difficulté de libérer la conscience des nombreux Mages, Leylin fronça les sourcils. Pour y parvenir, il devrait détruire l’ensemble de la Toile : la Toile extérieure, dont dépendaient de nombreux sorciers, et la Toile intérieure, canal de foi des dieux.

Les divinités renonceraient-elles volontairement à un canal aussi pratique ? Même si elles étaient capables de calculer instantanément le nombre de fidèles dans leurs royaumes divins, la Toile leur offrait bien plus qu’un simple gain de calcul : elle réduisait considérablement le coût d’octroi des sorts divins et en augmentait la commodité. Habitués à un tel avantage, pourraient-ils encore se contenter de méthodes plus traditionnelles ?

« Une fois la Toile brisée, je me retrouverai face au Monde des Dieux tout entier… » songea Leylin, le visage assombri. « Il n’y aura pas que les vrais dieux : tous les demi-dieux, et même les esprits de la nature ou les êtres divins capables d’utiliser la Toile, deviendront probablement mes ennemis… »

Seul Leylin, étranger à ce monde, aurait l’audace de s’attaquer à l’ensemble de ses divinités. Mais même lui devait peser soigneusement le pour et le contre. Si Ombre Distordue conservait encore une conscience incomplète dans le monde extérieur, il n’avait pas accompli grand-chose depuis des dizaines de milliers d’années — rien d’étonnant.

« Je crains de devoir repousser mon accord avec Ombre distordue… » Leylin se caressa le menton, la décision prise.

Demi-dieu désormais, les blessures de son corps principal étaient totalement guéries. Depuis qu’il contrôlait l’île de Debanks, la foi en lui avait fortement augmenté, au point de pouvoir soutenir son ascension vers la divinité. Le temps jouait en sa faveur.

Si ses deux corps atteignaient un royaume supérieur avant leur fusion, la puissance libérée serait suffisante pour lui permettre de défier le monde !

« Propager la foi est une étape vers la divinité. Mais guider mes fidèles et façonner mon rôle unique de dieu en est une autre. » Il comprenait à présent le lien entre la foi, le feu divin, la force divine et les rôles divins.

La foi était la source, transformée par le feu divin en force divine. Mais cette énergie n’était pas uniforme : l’âme nourrie par la colère différait profondément de celle alimentée par la peur. La foi envers un demi-dieu était hétérogène et demandait un effort considérable pour être convertie.

Le rôle divin servait de filtre, orientant et structurant à l’avance l’énergie des fidèles. Si le feu divin était le moteur, les rôles en étaient le carburateur, distinguant diesel et essence.

En général, l’énergie absorbée après classification diminuait en quantité mais gagnait en pureté, allégeant la charge sur le divin et augmentant la force divine disponible.

Après tout, qu’était-il le plus simple : brûler du diesel, de l’essence… ou les deux ?

« Le rôle d’un dieu ne se limite pas à filtrer la foi… Il permet d’explorer ce domaine pour en tirer une puissance encore plus terrifiante. » Leylin percevait désormais l’énergie spirituelle de ses fidèles pieux ; son feu divin brûlait plus intensément, et des runes de loi commençaient à se former.

Ces runes révélaient l’essence de son futur rôle : massacres et conquêtes, maladies et guérison.

« Mon premier rôle sera-t-il l’un d’eux ? » demanda-t-il à sa puce IA.

[Bip ! Mission établie. Début du scan…]

Quelques minutes plus tard :

[Bip ! Scan incomplet : données enregistrées à 67,66 %.]

Malgré les pertes, la puce avait réussi l’impossible : copier partiellement ces caractères quadridimensionnels.

Leylin sourit : « Si je complète cette analyse, les chances pour un indigène d’allumer son feu divin augmenteront de 50 %… »

Les résultats confirmaient son image auprès des habitants de Debanks : massacre et maladie dominaient, la conquête restait secondaire, et la guérison marginale.

La foi pure ne mentait pas. Même en offrant eau bénite et soins, on le voyait toujours comme l’incarnation de la mort.

« La révérence est plus stable que l’amour… On dirait que je suis voué à la mauvaise faction. »

Il choisit donc la voie du massacre, évitant les dieux bons. Les dieux de la maladie étaient trop lucides pour être manipulés ; Cyric et Malar, eux, étaient plus faciles à affronter.

« Et… Cyric ? » Leylin ricana en silence.

De l’autre côté , sur l’île de Debanks, les dieux observaient la situation.

« Sainte, nos troupes ont pris Ado et Dole. Si nous prenons Dul, la capitale de l’empire sera à portée ! » annonça un officier à Sainte Barbara, radieuse sous la lumière dorée de son front.

À ses côtés, Aya et son frère — devenus ses serviteurs par reconnaissance et nécessité — l’accompagnaient.

« Aya, tu es originaire de près de la capitale, n’est-ce pas ? » demanda Barbara.

« Oui… autrefois du clan Juna, à Ado City. Nous avons fui après la peste… » répondit la jeune femme d’une voix lente, tandis que son frère baissait la tête.

Moins d’un dixième des réfugiés ayant traversé montagnes et rivières jusqu’au Bastion de l’Espoir avaient survécu. La maladie et la famine avaient fait leur œuvre.