Les affrontements entre gros poissons se firent de plus en plus nombreux alors que le tournoi touchait à sa fin.
Et lors de la vingtième série, Jiang Lanjian se retrouva face à Qin Wuxin.
Ils pratiquaient chacun un style de combat à l’opposé de celui de l’autre ; Qin Wuxin était lente et peu à l’aise au corps à corps, tandis que Jiang Lanjian était vif comme l’éclair et excellait à courte portée. D’un autre côté, les attaques sonores de Qin Wuxin étaient connues pour leur puissance et leur caractère insaisissable, alors que Jiang Lanjian péchait justement par ses faibles capacités défensives.
Dire qui sortirait vainqueur de ce duel s’avérait délicat.
Dans l’arène, la longue robe blanche de l’héroïne des saronides flottait dans le vent. Jiang Lanjian lui faisait face, un air calme sur le visage et son épée à la main.
Une soixantaine de mètres les séparait. Si Jiang Lanjian parvenait à franchir cette distance, alors la victoire serait sienne. Dans le cas contraire, sa défaite serait inévitable.
Les deux combattants donnèrent leur maximum dès le début du match ; Qin Wuxin jouant immédiatement les Huit Mélodies du Vent avec sa cithare et Jiang Lanjian n’hésitant pas un seul instant à fondre son épée dans le vent. C’était la première fois qu’il utilisait le concept de vent face à quelqu’un d’autre que Lin Ming, et il le faisait dès le début du combat. Il savait pertinemment que c’était sa seule chance de l’emporter ; s’il attendait, il n’aurait plus la chance d’y recourir.
Les ondes sonores qui s’échappaient des cordes de la cithare étaient invisibles et intangibles. Limité par sa force d’âme, Jiang Lanjian était incapable de les sentir dans le vent. Il pouvait uniquement utiliser son épée pour essayer de se protéger. Portée par le concept de vent, elle forma un vortex d’énergie et des dizaines de lames de vent furent projetées dans toutes les directions, certaines s’écrasant contre l’intention meurtrière qui rampait dans le vide alentour.
Clink , clink , clink !
Des tintements clairs et aigus résonnèrent dans l’air, comme si les cordes de la cithare cassaient net. Jiang Lanjian tranchait les notes, mais sa lumière d’épée était elle aussi constamment dispersée. Les Huit Mélodies du Vent de Qin Wuxin étaient vraiment mystérieuses. Les sons qui s’échappaient de son instrument contenaient des vibrations à la puissance formidable. Une seule note de la cithare suffisait à repousser plusieurs traits de lumière d’épée.
Jiang Lanjian se retrouva acculé à plusieurs reprises dans un des coins de l’arène, piégé par les ondes sonores. Il ne réussissait pas à atteindre son adversaire. Qin Wuxin ne relâcha pas la pression pour autant. Elle savait qu’à la moindre occasion, celui-ci apparaîtrait en un instant à côté d’elle, et à ce moment-là, tous ses efforts seraient réduits à néant.
Quoique pas particulièrement rapide, elle n’en était pas moins capable de se déplacer avec sa cithare suspendue devant elle, ce qui lui permettait de jouer en se déplaçant.
Des sons ordinaires venaient se mélanger aux notes meurtrières des Huit Mélodies du Vent, ce qui rendait les attaques de Qin Wuxin particulièrement dangereuses et imprévisibles. Face à cette musique, Jiang Lanjian était comme empêtré dans un marécage ; à chaque fois qu’il pensait avoir trouvé une ouverture, son concept de vent était aussitôt mis en pièces.
Et pourtant, il était bien conscient qu’il finirait par perdre tôt ou tard s’il restait ainsi sur la défensive. Il suffisait qu’une seule note échappe à sa vigilance et c’en était terminé de lui.
« Epée Gracieuse ! »
Déterminé à contre-attaquer, il serra des dents et arrêta complètement de se défendre avec la lumière d’épée. Mobilisant toute sa véritable énergie pour protéger son corps, il s’élança à toute vitesse, son épée pointée en direction de la gorge de Qin Wuxin.
Il se déplaçait aussi vite qu’il le pouvait, et il parcourut plusieurs dizaines de mètres en une fraction de seconde. Tant qu’aucune note de la cithare ne le frappait, il n’aurait aucun mal à parcourir cette distance qui le séparait de la victoire.
Vlan !
Une onde sonore heurta le bouclier de véritable énergie qui le protégeait, et le pouvoir des vibrations éclata alors.
Ce n’était rien d’autre qu’un son, mais Jiang Lanjian eut l’impression qu’il venait de heurter une montagne. Il fut aussitôt arrêté dans sa course, et ses vêtements se déchirèrent comme s’il avait reçu un coup de sabre.
Pleinement absorbée par son combat, Qin Wuxin n’allait certainement pas manquer une occasion pareille de soumettre son adversaire pour de bon.
Ses doigts pincèrent les cordes de la cithare, et deux notes de musique frappèrent Jiang Lanjian, perçant sa protection de véritable énergie et l’envoyant voler en arrière.
« Victoire de Qin Wuxin ! »
L’héroïne de la Faction de la Cithare laissa échapper un léger soupir de soulagement à l’annonce de l’arbitre. Ce match avait été particulièrement éprouvant et la victoire des plus difficiles à remporter. Sa force et celle de Jiang Lanjian étant très proches, il y avait une part de chance dans sa victoire. Si le bretteur n’avait pas rencontré une onde sonore sur sa trajectoire alors qu’il tentait un ultime assaut, c’est bien elle qui aurait perdu.
Les jeunes saronides de la faction de la cithare éclatèrent de joie avec la victoire de leur championne. Sa place dans le top cinq lui était désormais acquise, et ce peu importe qu’elle perde face à Ouyang Ming, Mugu Buyu et les autres.
Vingt et unième série, Lin Ming contre Mugu Jirong.
Le marionnettiste ne prit même pas la peine d’essayer de combattre et préféra déclarer forfait d’entrée de jeu. Il n’aurait de toute manière rien pu faire. Si les maîtres des pantins faisaient de redoutables adversaires, ils n’en possédaient pas moins une faiblesse de taille, en cela qu’une fois leurs poupées vaincues, ils se retrouvaient complètement démunis.
Mugu Jirong en possédait encore trois autres en réserve, mais la puissance d’attaque de Lin Ming était bien trop dangereuse pour qu’il prenne le risque de les perdre elles aussi. Cette impuissance l’affligeait au plus haut point, le plongeant dans un état de désespoir au-delà des simples sanglots. À l’origine, il avait bon espoir de figurer parmi les dix premiers du tournoi…
Vingt-deuxième série, Lin Ming contre Huan Xiaodie.
Personne ne se faisait d’illusions quant à l’issue de ce combat, pas même les jeunes filles et les jeunes garçons de la faction du mirage qui, quoique de tout cœur avec leur condisciple aînée supérieure, savaient pertinemment qu’elle n’avait aucune chance.
Huan Xiaodie créa ses cent huit fantômes dès le début du match. Malheureusement pour elle, dix mille filaments de véritable énergie chargèrent en avant, piétinant et détruisant chacun d’entre eux sur leur passage.
Davantage pour la forme qu’autre chose, l’illusionniste tenta malgré tout de résister en façonnant quelques illusions ; mais Lin Ming les brisa avec la même aisance.
Des mots d’Ouyang Ming, Lin Ming était un génie de polyvalence qui excellait dans de nombreux domaines. Rien qu’en termes de capacités défensives, la résistance physique de son corps était tout simplement anormale, et la puissance défensive de son âme encore plus effrayante. Tonnerre Divin du Dragon des Flots sillonnait sa mer spirituelle, si bien qu’il pouvait rester immobile dans l’arène et laisser Huan Xiaodie le bombarder d’illusions.
De toute manière, il ressentait bien qu’elle n’y mettait pas tout son cœur et cherchait uniquement à échanger quelques coups pour ne pas perdre la face devant tous les spectateurs rassemblés dans les gradins. Et puisqu’il en était ainsi, Lin Ming n’allait certainement pas chercher à la ridiculiser.
Après quelques échanges peu convaincants, elle lui dit en souriant : « Condisciple Lin est vraiment fort, je reconnais ma défaite.
Après quoi elle se retourna aussitôt pour quitter l’arène.
Mais alors qu’elle partait, Lin Ming se remémora tout à coup quelque chose : — Condisciple aînée Huan, attendez s’il vous plaît !
— Mm ? fit-elle en se retournant, avant de lui demander en lui adressant un clin d’œil de ses yeux pétillants, de quoi condisciple Lin souhaite-t-il me parler ?
— Accepteriez-vous de me dire si la faction du mirage possède une technique qui permet de changer sa propre apparence, de telle sorte que personne ne puisse vous reconnaître à moins de posséder un niveau de cultivation supérieur ?
— Il existe bien une telle technique. Pourquoi ? Est-ce que condisciple Lin serait intéressé par nos techniques ? »
Lin Ming acquiesça. Il était particulièrement intéressé par ce genre de techniques de camouflage depuis qu’il s’était fait piéger par Bi Luo. C’était presque indispensable pour pouvoir se promener incognito et commettre des assassinats en toute discrétion.
Il aurait beaucoup moins de mal à cacher son identité s’il maîtrisait cette technique.
Riant d’un air espiègle et un sourire malicieux sur les lèvres, Huan Xiaodie reprit : « Cette technique n’a vraiment rien d’extraordinaire aux yeux de notre faction. Les disciples des autres factions sont libres de l’étudier, à condition toutefois qu’ils se séparent d’un certain montant de pierres de véritable énergie. Mais puisque condisciple Lin a l’air intéressé, s’il ne souhaite pas dépenser ses pierres de véritable énergie, je pourrais lui enseigner… personnellement…
Sa dernière phrase résonna telle une mélodie charmante et aguichante dans le cœur de tous ceux qui l’entendirent.
— Merci, condisciple aînée Huan », répondit spontanément Lin Ming d’un signe de tête.
Cela lui permit de réaliser pourquoi leur force avait pu autant diverger, alors qu’Huan Xiaodie et Qin Wuxin étaient appelées les ‟deux fières et nobles jumelles” de la jeune génération des Sept Profondes Vallées.
L’une poursuivait la voie des arts martiaux avec un cœur pur et un esprit clair, consacrant sa vie à la pratique de son art ; ce qui lui avait d’ailleurs permis d’atteindre le large succès du cœur de la cithare. Quant à l’autre, elle passait son temps à batifoler sans rien prendre au sérieux, riant du monde et des gens qui l’entouraient. Elle semblait bien indifférente à tout ce qui touchait aux illusions et aux arcanes. Dans ces conditions, plus le temps passerait et plus la disparité qui existait déjà entre elles irait en s’aggravant.
Tout cela ne concernait pas vraiment Lin Ming, qui ne s’en préoccupa pas outre mesure. En l’état, seul lui importait d’apprendre cette technique de métamorphose, et qui de mieux placé qu’Huan Xiaodie pour la lui enseigner ?
…
Vingt-deuxième série, cinquième match, Ouyang Ming contre Qin Wuxin.
Si Ouyang Ming pouvait donner l’impression d’avoir le dessus, Qin Wuxin n’était pas du genre à se laisser faire. En réalité, le combat s’annonçait plutôt serré.
La question était de savoir comment Ouyang Ming réussirait à se défendre contre les notes invisibles de la cithare.
Il utilisa immédiatement son cinquième palier du pouvoir divin acacia, enveloppant tout son corps dans un brasier de flammes aux reflets violets. Sous son contrôle, ces flammes formèrent des nuages qui s’enroulèrent autour de lui, comme d’épais boucliers de feu. Il avait également eu recours à ces remparts de flammes contre Lin Ming, mais cela n’avait pas suffi à stopper la Lance Lourde des Profondeurs dans son élan. Alors sans défense, il n’avait plus eu d’autre choix qu’utiliser Les Cents Fleurs au Papillon pour esquiver. Mais il n’avait pas réussi à lui échapper bien longtemps, et la pointe argentée avait fini par le retrouver, le projetant contre la barrière qui cerclait l’arène.
À cause de cela, la plupart des spectateurs avaient une assez piètre opinion de ces remparts de flammes violettes. Aux yeux de beaucoup, c’était même une technique médiocre. Et pourtant, alors que les Huit Mélodies du Vent de Qin Wuxin résonnaient à travers l’arène, les murs de flammes ne présentaient pas le moindre signe de faiblesse. En réalité, les ondes sonores ne parvenaient pas à passer au travers.
Si les vibrations étaient bel et bien à même de disperser les flammes, de nouvelles apparaissaient pour les remplacer dans la foulée, reconstituant ainsi indéfiniment le bouclier.
Après avoir atteint le cinquième palier du pouvoir divin acacia, la véritable énergie d’Ouyang Ming était épaisse au point que c’en était terrifiant. À moins d’être capable de franchir l’ensemble des remparts d’un seul coup comme Lin Ling l’avait fait, Ouyang Ming n’aurait aucune difficulté à les reconstruire à l’aide de sa véritable énergie.
Ouyang Ming retourna l’éventail de lames dans ses mains et une Faux du Seigneur de la Mort fendit l’air en direction de Qin Wuxin !
Celle-ci serra les dents, sa main droite dansant à un rythme effréné sur les cordes de son instrument.
« Huit Mélodies du Vent ! »
Clink , clink , clink , clink !
Les huit notes de musique rencontrèrent la faux sinistre, la dispersant dans un tourbillon de flammes aux reflets violets.
Ouyang Ming en profita pour s’élancer en avant jusqu’à se trouver à moins de trente mètres de son adversaire.
« Jeune condisciple Qin, l’interpella-t-il dans la fureur du combat, les attaques de ta cithare sont vraiment redoutables, malheureusement… tu n’es pas capable d’en gérer suffisamment en même temps pour que je ne puisse les voir. »
Wooov !
Le rempart de flammes se dressa devant lui, bloquant la deuxième série de vagues sonores qui s’abattaient sur lui. Qin Wuxin utilisa cette diversion pour tenter de mettre de la distance entre eux, mais Ouyang Ming ne l’entendait pas ainsi, et il s’élança à sa poursuite.
Les notes de musique résonnaient les unes après les autres. Mais cela n’empêchait pas Ouyang Ming de poursuivre sa charge en avant et, d’obstacle en obstacle, il se rapprochait de plus en plus de Qin Wuxin. Sans compter qu’à force d’envoyer des salves d’attaques avec les Huit Mélodies du vent, celle-ci commençait à atteindre les limites de ce que sa véritable énergie pouvait supporter, tandis qu’Ouyang Ming disposait encore d’une grande partie de ses réserves.
Wham !
L’éventail de lames s’ouvrit une nouvelle fois à tout juste un mètre du coup élancé et délicat comme le jade de Qin Wuxin.
L’issue du combat ne faisait désormais plus aucun doute, l’héroïne de la faction de la cithare était vaincue.
Les spectateurs en eurent le souffle coupé. Ouyang Ming n’avait quasiment pas rencontré d’adversaire à sa taille durant les finales. Tous ses matchs s’étaient soldés par une victoire sans appel, jusqu’à ce qu’il tombe sur Lin Ming et qu’il se fasse lui-même malmener. Beaucoup de gens en avaient conclu qu’il n’était pas si doué que cela, mais ce qu’ils venaient de voir les fit radicalement changer d’opinion. Ouyang Ming venait de l’emporter avec une supériorité manifeste face à Qin Wuxin.
Cette victoire ne manqua pas de rappeler à tout le monde qu’il avait arraché la troisième place lors du précédent Tournoi des Factions. Sa force était indiscutable !
Sa défaite contre Lin Ming ne trouvait qu’une seule explication – Lin Ming était encore nettement plus fort que lui.
« Lin Ming a sa place sur le podium, c’est sûr ! Il ne reste plus que Jiang Baoyun et Mugu Buyu devant lui. Ah ! je suis pressé de les voir s’affronter !
— S’il remporte son prochain combat, il sera deuxième. Et s’il parvient à remporter les deux prochains, alors ce sera le nouveau champion des Sept Profondes Vallées !
— Champion des Sept Profondes Vallées ? Comment pourrait-il décrocher la première place ? Jiang Baoyun est juste imbattable ! Il n’a même pas eu besoin d’utiliser son épée pour vaincre Qin Wuxin, est ce que Lin Ming peut en dire autant ? Il ne fait pas le poids face à lui. Dans le meilleur des cas, il réussira à tenir tête à Mugu Buyu, et encore, Mugu Buyu n’a pas non plus révélé toute l’étendue de sa force… »
Pendant que les commentaires fusaient de toute part dans les gradins, un autre match entre poids lourds commença.
Jiang Lanjian affrontait Mugu Buyu !
