En réalité, il est encore plus talentueux que ne le laissait entendre Qianyu. Il figurerait sans aucun doute parmi les meilleurs disciples de l’Île du Phénix Divin. Comme quoi, ma venue était plus que justifiée. Ça aurait d’ailleurs sans doute été une bonne chose qu’un Aîné se déplace en personne.
Mu Qinghong était de particulièrement bonne humeur. Il lui restait encore à s’occuper de sa mission principale, mais cela attendrait la fin du tournoi. Et en attendant, c’était un véritable privilège que de pouvoir assister à la naissance d’un tel génie.
Si l’agitation qui règne dans la Mer du Sud les épargne… Lin Ming pourrait devenir un des personnages centraux de cette région du monde d’ici un siècle ou deux.
La situation dans la Région de l’Horizon Austral la préoccupait grandement. L’Île du Phénix Divin ne sortirait pas indemne du chaos qui se tramait dans la Mer du Sud.
…
Les matchs de la deuxième série continuèrent sans qu’apparaisse aucun challenger. Ce qui n’en faisait pas pour autant des matchs sans intérêts, puisque même les participants les plus faibles du rang un restaient d’un niveau largement supérieur à quelqu’un comme Bi Tinghua.
Plusieurs matchs passèrent ainsi, jusqu’à ce que Zhang Yanzhao fasse son apparition dans l’arène. Il se retrouvait face à Liu Yan de la Faction des Epéistes, un bretteur particulièrement adroit qui s’était illustré lors du précédent Tournoi des Factions en terminant à la vingtième place.
Maintenant que le phénomène connu sous le nom de Lin Ming était apparu, plus un seul des disciples des Sept Profondes Vallées n’osait sous-estimer les artistes martiaux extérieurs à la secte. Et surtout pas Zhang Yanzhao, qui figurait sur la liste des champions potentiels avec une cote de 1 : 35.
Si tout le monde s’attendait à ce que le combat soit serré, le déroulement du match en surprit plus d’un.
Au début, les deux combattants échangeaient coup pour coup sans qu’aucun semble prendre le dessus.
Cependant, après une vingtaine d’assauts, Zhang Yanzhao sortit de son anneau spatial un sabre prodigieux d’un mètre vingt dont la lame était baignée d’une lueur cramoisie. Ce sabre à la main, il avait déployé une puissante compétence martiale pareille à une vague de sang emportant tout sur son passage. Incapable de résister à l’intention meurtrière qui l’accablait de toute part, Liu Yan fut gravement blessé et il fallut l’évacuer sur une civière.
Ce changement soudain laissa les spectateurs pantois, d’où Zhang Yanzhao tirait-il cette force incroyable et d’où venait ce sabre qui ne ressemblait en rien aux trésors ordinaires ? Depuis quand est-ce que les trente-six pays et les seize familles étaient devenus aussi bons ? Deux de leurs artistes martiaux semblaient avoir toutes leurs chances d’atteindre le top dix.
Comme si Lin Ming ne suffisait pas, un Zhang Yanzhao sauvage venait d’apparaitre !
« Ce sabre de sang est vraiment étrange, je ne saurais pas dire de quel grade il est. Ce n’est clairement pas un simple trésor du degré humain de grade supérieur.
— C’est peut-être un trésor du degré terrestre…
— Impossible !? Pourquoi une de ces familles de seconde zone possèderait-elle un trésor du degré terrestre ? Rien que les aînés de la secte n’ont pas tous des armes pareilles. Et puis quand bien même ce serait le cas, je ne vois pas pourquoi les Zhang le mettraient entre les mains d’un jeune homme… pour qu’il fasse le malin durant le tournoi !?
— C’est bel et bien un trésor du degré terrestre, et pas n’importe lequel, c’est la relique de la Famille Zhang ! coupa une voix forte par-dessus les discussions des jeunes membres de la secte, qui s’empressèrent aussitôt de saluer avec respect.
— Salutations, condisciple aîné Liang. »
L’homme qui venait de s’immiscer dans leur conversation était un jeune maître Houtian de la secte. Âgé d’à peine trente ans, il était promis à un futur glorieux et venait de se voir remettre une Pilule Ouverture du Paradis. Ce n’était par conséquent qu’une question de temps avant qu’il n’atteigne le Xiantian et rejoigne les rangs des Aînés des Sept Profondes Vallées ; d’où l’attitude empreinte de respect de ces disciples.
« Le premier patriarche de la Famille Zhang était un maître Xuandan, et le sabre avec la lame de sang que vous voyez dans les mains de Zhang Yanzhao est la raison de sa renommée. Une fois associé avec les techniques d’escrime inventées par ce virtuose de la lame, son pouvoir est irrésistible !
— Le premier Patriarche de la Famille Zhang était un maître Xuandan ? Je croyais que ce n’était qu’une rumeur…
— Maître Xuandan… c’est dur à croire. Dans ce cas-là, comment les Zhang ont-ils pu se retrouver là où ils en sont ?
— Il n’y a rien qui résiste au temps, reprit le futur Aîné en constatant l’incrédulité des disciples qui l’entourait. Il y a trois mille ans, la Famille Zhang était un titan qui régnait sur de nombreux pays et s’appropriait leurs ressources ; à cette époque, leur statut était comparable à celui d’une petite secte de rang trois. Cependant, leur Premier patriarche finit par mourir de son vieil âge, et sans aucun nouveau maître Xuandan pour lui succéder, tous ceux qui convoitaient leurs richesses eurent le champ libre pour passer à l’attaque. C’est une véritable calamité qui s’est abattue sur les Zhang à ce moment-là, un vrai bain de sang ayant conduit à l’extermination de la quasi-totalité de leurs membres et la conquête de leurs terres. Seule une infime partie d’entre eux survécurent en emportant ce qu’ils pouvaient dans leur fuite. Ils vécurent ainsi dans l’ombre pendant mille ans, avant que leurs ennemis ne s’affaiblissent à leur tour et qu’ils décident de reprendre fièrement le nom de la Famille Zhang. Même si leur statut actuel n’est plus celui d’antan, les Zhang n’en restent pas moins une très grande famille à l’héritage multimillénaire qu’il serait bien mal avisé de sous-estimer. Nos Aînés eux-mêmes doivent adopter une attitude respectueuse à l’égard de leur Patriarche. »
Son récit achevé, il soupira, le cœur empli d’émotions. Quel autre destin sinon la mort pour celui qui perd la force de protéger ses biens et ses richesses ?
Les Sept Profondes Vallées toléraient l’existence de cette puissante famille en leur sein pour deux raisons, d’une part pour le tribut considérable qu’ils avaient payé au moment de les rejoindre, et d’autre part parce que la majeure partie de leurs techniques et de leur savoir portaient sur le sabre et son maniement ; sabre qu’aucune des sept factions de la Secte n’utilisait, rendant ces connaissances inintéressantes à leurs yeux.
Les Zhang faisaient profil bas depuis maintenant des décennies, si bien que personne ne s’attendait à voir Zhang Yanzhao brandir l’arme de ce glorieux ancêtre durant le Tournoi des Factions. Peut-être avaient-ils recouvré assez de force pour afficher leur héritage au grand jour et étendre leur influence ? Qui sait depuis combien de temps ils attendaient ce moment !
…
Alors que les conversations continuaient bon train dans les gradins, Jiang Baoyun observait lui aussi Zhang Yanzhao.
D’apparence assez âgée, on lui aurait volontiers donné vingt-cinq ou vingt-six ans. Il n’affichait pas la moindre arrogance, sa respiration était profonde et calme et son pas assuré. Plus surprenant encore, son aura semblait douce et tranquille, rien à voir avec l’énergie tyrannique qu’il avait déployée durant le combat.
L’énergie de son sabre est restreinte ; on dirait l’état du retour à l’origine. Impressionnant ! Il va falloir que je revoie mon jugement à son sujet. Visiblement, les Zhang lui ont remis Croc de Sang avec l’espoir de le voir briller durant ce Tournoi des Factions. Une fois utilisé avec les Trois Morsures du Roi Sanguinaire inventées par Zhang le patriarche, j’ai bien peur qu’il n’y ait pas grand monde qui puisse résister parmi tous ces prétendus génies, une poignée tout au plus…
Décidément, cette compétition martiale est de plus en plus intéressante ! La suprématie des disciples directs est révolue, voilà que le top dix devient un champ de bataille pour les fiers héros de ce monde.
Le septième et le huitième match furent remportés par Huan Xiaodie et Qin Wuxin, les deux jeunes déesses de cette génération. Leurs adversaires avaient beau être de puissants artistes martiaux déjà bien classés lors des tournois précédents, ils furent vaincus en deux temps, trois mouvements.
L’apparition de ces deux fières et magnifiques jeunes femmes dans l’arène avait généré des vagues de clameurs dans les gradins. Clameurs auxquelles Lin Ming se trouvait parfaitement indifférent, plongé qu’il était dans Éther.
La deuxième série de matchs toucha à sa fin.
Sinon Fang Qi, plutôt malchanceux durant cette série, tous les autres disciples directs se retrouvèrent face à des adversaires négligeables et balayèrent toute opposition.
La troisième série de matchs commença alors, tandis que Lin Ming achevait justement sa méditation, après avoir compressé suffisamment de véritable énergie pour recharger la Graine des Dieux Infernaux. Il resta tranquillement assis en tailleur pour ajuster sa respiration et son esprit, avant d’ouvrir les yeux et de découvrir que Fang Qi était déjà de retour au centre de l’arène.
Mm ? Fang Qi est déjà de retour ? Il ne lui aura pas fallu longtemps pour se rétablir de ses blessures visiblement. Les Sept Profondes Vallées possèdent vraiment des remèdes miraculeux. À croire qu’ils sont capables de remettre n’importe qui sur pied tant que l’âme n’est pas endommagée. Je me demande qui est son adversaire…
Alors qu’il se posait la question, Lin Ming entendit tout à coup un ricanement sordide reconnaissable entre tous. Un type au visage allongé et à la peau particulièrement fripée entra à son tour dans l’arène, un sac à l’allure étrange fixé sur son dos. Il était recouvert de bandages et ressemblait à une momie tout droit sortie de son sarcophage. Ses membres étaient minces comme des brindilles et ses vêtements d’une excentricité rare. Il avait définitivement un drôle d’accoutrement. On aurait dit un cadavre ayant commencé à pourrir dans son cercueil avant de se relever d’entre les morts emmitouflé dans un tas de bandages et de chiffons.
Fang Qi devint tout pâle en le voyant approcher.
Sans déconner, j’ai été maudit sur huit générations, c’est ça ? D’abord je me retrouve face à ce monstre de Lin Ming, et comme si ça ne suffisait pas, maintenant je devrais affronter ce mort-vivant de la Faction des Pantins !?
Le simple fait de le voir lui donnait la nausée…
Ce drôle de type est sûrement le disciple direct de la Faction des Pantins, Mugu Buyu. Moi qui pensais que les disciples directs ne se rencontreraient pas avant la confrontation finale… sa défaite face à moi lui aurait-elle fait perdre sa position de challenger ?
D’abord surpris, Lin Ming en vint finalement à se dire que c’était compréhensible. Les affrontements entre disciples directs étaient réservés à la fin du tournoi pour renforcer le caractère compétitif du tournoi, pas pour les ménager. Un disciple direct qui s’avérerait trop faible se verrait éliminé rapidement.
« Combattez ! »
L’arbitre prononça les mots que Fang Qi redoutait le plus. Il aurait préféré affronter Jiang Baoyun plutôt que de se retrouver face à Mugu Buyu. Ce type employait des techniques vraiment étranges, ce qui compliquait la lecture de ses mouvements et de ses actions. Fang Qi n’était même pas sûr que Jiang Baoyun puisse le vaincre.
Non seulement ça, mais il combattait avec des poupées faites de cadavres, des outils recouverts de peau humaine ou encore des lanternes brûlant de la graisse humaine ; en résumé, un macabre arsenal à vous glacer le sang…
Et le pire dans tout cela, c’est que l’Oriflamme Solaire de Fang Qi ne contenait plus une seule rune, le contraignant à emprunter une arme de substitution qui possédait à peine un tiers de sa puissance. Si bien qu’il s’attendait déjà à terminer en piteux état alors que le combat commençait à peine.
« Héhéhé ! Es-tu prêt à déclarer forfait, le mioche de la Faction des Archimages ? » interrogea Mugu Buyu, un sourire malveillant sur les lèvres. Sa manière de parler reflétait le peu de respect et de considération qu’il avait pour Fang Qi, puisqu’ils avaient en réalité presque le même âge.
Fang Qi devint blême. S’il avait bel et bien envisagé de déclarer forfait à l’instant, cette odieuse provocation de Mugu Buyu ne lui laissait plus le choix, il se devait de l’affronter. Sans quoi il passerait pour un couard aux yeux de toute la secte. Lui aussi était un disciple direct après tout ! Qu’en serait-il de son honneur s’il abandonnait sans combattre et s’il acceptait d’avaler les insultes de son adversaire sans réagir ?
Il ne s’agissait pas seulement de son honneur à lui, mais bien de celui de sa faction toute entière. Il ne pourrait jamais relever la tête devant ses condisciples de la Faction des Archimages s’il baissait les bras maintenant.
Prêt au pire et rassemblant son courage, il dit : « Si tu veux te battre, battons-nous ! Mais ferme-là avec tes conneries !
— Eh ! eh ! sale petit effronté ! Malheureusement pour toi, seuls les forts peuvent être téméraires. Dans ton cas, tu ne fais que passer pour un imbécile. » Et une poupée semblable à une araignée bondit du sac qu’il transportait avec lui.
La partie supérieure de son corps était celle d’une femme, et la basse celle d’une araignée gigantesque. Beauté funeste et créature lugubre, Fang Qi tressaillit en voyant qu’elle était faite de cadavres.
