— Hé toi, arrête ! Arrête, tu m’entends ! Sais-tu au moins qui elle est ?! hurla la Sœur Supérieure Aînée dans l’incrédulité la plus totale. Bien que Qin Xingxuan ne laissât rien transparaître au travers de son expression calme, elles étaient des amies proches et elle savait pertinemment ce que la pauvre fille ressentait. Comment pouvait-elle laisser ce minable s’en aller en blessant le cœur de sa plus chère amie ? Pourquoi la plupart des hommes étaient-ils toujours aussi cruels et indélicats ? C’était ce que les élèves appelaient une véritable injustice !
Cet homme était réellement un détestable spécimen du genre masculin. Sans parler de Qin Xingxuan, la plus stupéfiante des beautés, n’importe laquelle des filles du Département de la cithare choisie au hasard pouvait attirer des hordes d’hommes qui viendraient en courant comme des bêtes. Ce garçon ne connaît pas ses propres limites !
Ce ne pouvait être qu’un rêve pour qu’un homme puisse rejeter Qin Xingxuan aussi simplement, comme s’il s’agissait d’un évènement ordinaire.
Le cœur de Lin Ming était peiné. Il savait évidemment qui était Qin Xingxuan, mais ne pouvait révéler ses plans ; il essaya alors de contourner le sujet.
— Sœur Supérieure Aînée, j’ai vraiment quelque chose dont je dois absolument m’occuper, je ne suis pas en train de vous mentir.
— Qui diable appelles-tu Sœur Supérieure Aînée, espèce de petit voyou ? Bon, je ne vais pas ergoter avec toi à propos de choses aussi insignifiantes, je vais faire preuve de générosité à ton égard et te prêter quelques servants qui se chargeront de ce dont tu dois absolument t’occuper, aussi insignifiant que ça puisse être.
Elle se tenait face à Lin Ming, les mains fermement placées à la taille et l’empêchant de partir. Bien que son milieu familial ne soit pas comparable à celui de Qin Xingxuan, elle venait aussi d’une famille aristocratique et c’était extrêmement facile pour elle de dépêcher quelques servants pour s’occuper d’affaires dans la Ville du Grand Avenir.
Lin Ming ne savait pas quoi dire, cette demoiselle était trop autoritaire et hautaine.
— C’est de ma progression que je dois m’occuper, je n’ai simplement pas de temps à perdre au cours des quelques mois à venir, expliqua-t-il.
La Sœur Supérieure Aînée allait dire quelque chose mais Qin Xingxuan l’interrompit.
— Laisse cet élève s’en aller, peut-être que c’est son maître qui l’appelle.
Dans l’esprit de Qin Xingxuan, Lin Ming devait avoir passé la majeure partie de sa vie à pratiquer diligemment pour en être à un tel niveau d’accomplissement malgré son jeune âge. Il était facile d’imaginer, dans cette situation, que son mystérieux maître lui avait organisé des leçons difficiles à longueur de journée.
Lin Ming se sentit soulagé en entendant ces mots. Bien qu’il soit plus mature qu’elles et qu’il ait dit la vérité, il ne pouvait pas se sentir à l’aise devant la force oppressante et les origines de ces deux beautés. Il suffisait d’un seul mot de leur part pour l’écraser !
Qin Xingxuan sourit et dit à Lin Ming qui était sur le point de partir :
— Je m’appelle Qin Xingxuan. Si cet autre élève n’est plus occupé par sa progression et qu’il a un peu de temps libre, je le prierai de venir aux Quartiers du Maréchal pour me voir. Sa présence sera toujours la bienvenue.
Lin Ming s’arrêta et lui dit son nom.
— Lin Ming.
Après quoi il s’en alla. Qin Xingxuan ne put que soupirer en le regardant disparaître. Quelle sorte de caractères était utilisée pour orthographier son nom ? Est-ce que c’était Lin comme la forêt et Ming comme ce qui brille ? Il y aurait bien trop de doublons dans la Ville du Grand Avenir avec seulement ces deux caractères.
Comment le trouverait-elle dans cette ville ? …
Lin Ming savait déjà ce dont il avait besoin tandis qu’il revenait de la Maison Martiale des SeptVéritables. Le Royaume du Grand Avenir produisait bel et bien de la Soie de Ver Céleste mais elle était principalement utilisée pour les instruments. C’était difficile d’en trouver et d’en acheter pour lui avec son expérience et sa réputation dans les arts martiaux. Cependant, il pouvait passer par Lin Xiaodong pour demander à la famille d’en acheter un peu, considérant qu’une famille aussi large devait certainement avoir des musiciens et qu’il serait aisé d’en obtenir aussi longtemps qu’il pourrait payer le prix du marché.
Lin Ming pu estimer de manière approximative le prix de la Soie de Ver Céleste à 20 liangs d’or les 30 centimètres grâce à la «Liste des Cithares Célestes». Cela pouvait paraître relativement accessible mais c’était compliqué parce que la Soie de Ver Céleste était particulièrement fine et légère. Il n’était pas exagéré de dire, si on se basait sur le poids, qu’il fallait plus de 10.000 liangs d’or pour en acheter un seul jin.
Lin Ming pouvait plus ou moins en acheter un mètre avec ses 70 liangs d’or. Il avait dépensé 800 liangs d’or à la foire du commerce pour acheter une quantité importante de matériaux, mais il allait devoir dépenser 60 liangs d’or rien que pour obtenir 90 centimètres de Soie de Ver Céleste. Pourtant, ces 90 centimètres ne représentaient vraiment pas grand-chose en termes de poids, le prix de la Soie de Ver Céleste était vraiment prohibitif.
Il fixa sur sa tête de lit un calendrier avec un nombre de pages identique à celui du nombre de jours qu’il lui restait. Il prévoyait d’en retirer une chaque jour. Il comptait pratiquer la technique d’inscription le premier mois et acheter les médicaments dont il avait besoin pour finalement travailler comme un fou au cours des deux mois suivants. Il était convaincu de pouvoir dépasser la Première Étape de L’Entraînement Physique et peut-être même d’atteindre le sommet de la Deuxième Étape s’il utilisait des élixirs et des pilules.
Même s’il ne pouvait pas dépasser ZhuYan en atteignant le sommet de la Deuxième Étape, au moins il ne perdrait pas misérablement.
Après avoir utilisé sa véritable énergie pour s’entraîner une centaine de fois, Lin Ming entreprit de s’attaquer à la pratique réelle de l’inscription qui requérait l’usage de matériaux. C’était par cette pratique réelle qu’avait débuté la majorité des maîtres des inscriptions, mais il ne pouvait pas s’offrir le luxe de gaspiller ses matériaux. Il se devait de réaliser chacun de ses précieux essais avec la plus grande attention possible et réussir au moins une inscription viable avec cette pile de matériaux dont il disposait et qui valait 800 liangs d’or.
L’inscription ne nécessitait pas seulement une bonne cultivation, elle nécessitait aussi un bon professeur, un support financier et plus important encore, une puissante force d’âme.
Et ce parce qu’il fallait être capable de contrôler la gravure des marques en utilisant sa force d’âme au cours du processus d’inscription. La force d’âme de Lin Ming avait été mesurée quand il était enfant, elle était de troisième grade.
Avoir un talent martial de grade 3 et une force d’âme de troisième grade pouvait être considéré comme décent. C’était même bien pour une famille aristocratique sans antécédents dans les arts martiaux, mais c’était loin d’être exceptionnel.
Les artistes martiaux à l’Étape de l’Entraînement Physique n’avaient que très peu de raisons d’utiliser leur force d’âme, c’était la première fois que Lin Ming utilisait cette forme d’énergie. Il commença à mobiliser sa force d’âme en accord avec les mémoires obtenues du fragment d’âme. Il la fit circuler dans son corps, se familiarisant avec elle et la déplaçant à l’aide de son esprit.
Tous les êtres vivants avaient une force d’âme, mais le fait de pouvoir la mouvoir selon sa propre volonté était impensable pour le commun des mortels. Cela nécessitait les formules de loi de l’âme et requérait une pratique quotidienne rigoureuse. De nombreux maîtres des inscriptions étaient parvenus à mémoriser les différents symboles et les structures basiques. Mais ils pouvaient être incapables d’utiliser la force d’âme s’ils n’avaient pas suffisamment étudié les formules de loi de l’âme. Or, il était impossible d’utiliser un matériau sans contrôler la force d’âme. Ces maîtres n’avaient alors pas les compétences pour gaspiller ces marchandises.
Un sentiment de paix profonde émergea des mémoires du fragment d’âme à l’instant même où Lin Ming commença à manipuler la formule de loi de l’âme; il fut empli d’une sensation familière. L’érudit à qui avaient appartenu les souvenirs de la formule de loi de l’âme que Lin Ming utilisait devait l’avoir pratiquée un nombre de fois excessivement élevé au cours de sa vie. Lin Ming eut l’impression, la sensation, d’avoir manié les techniques d’inscription depuis sa plus tendre enfance. Sa fatigue en fut aussitôt réduite.
Non seulement il conservait la majeure partie de sa force d’âme, mais il n’avait pas à craindre une quelconque influence négative de ces mémoires.
Il positionna doucement sa main, l’invisible force d’âme entreprit de s’insinuer dans les racines de l’Herbe Vent de Ciel et en aspira le jus. Lin Ming commença à le transformer à l’aide de son esprit, dirigeant le jus et le modelant en des formes diverses, le transformant parfois en de fines cordes, le condensant d’autres fois en une bulle cristalline.
Lin Ming lui-même fut surpris par son niveau d’aisance. Il avait lu dans son manuel contrefait qu’il était écrit, à propos de ceux utilisant les formules de loi de l’âme, qu’un mois d’entraînement était nécessaire pour les individus ayant un talent de perception inné et qu’il pouvait ne pas y avoir de résultats du tout après six mois de pratique pour ceux ayant un talent moindre.
Chaque maître de l’inscription possédait sa propre formule de loi de l’âme. Elles étaient naturellement plus ou moins bien classées, certaines étant moins efficaces que d’autres. Par conséquent, les maîtres de l’inscription tenaient leur propre formule de loi de l’âme en haute estime, ils y prêtaient une grande attention. Les formules de loi de l’âme influençaient à tel point l’habileté à utiliser la force d’âme que ces maîtres ne les transmettaient pas nécessairement à leurs disciples. C’était quelque chose de la plus haute importance pour un maître de l’inscription.
La «Tactique d’Âme Oppressante » à l’intérieur des mémoires de l’érudit était, sans l’ombre d’un doute, le summum des formules de loi de l’âme. Même le meilleur des maîtres de l’inscription du Continent du Grand Dévers n’était rien d’autre qu’un gosse de plouc comparé à ce grand sage.
Lin Ming avait, en plus de cela, une synergie positive avec la formule de loi de l’âme issue des mémoires. Son talent de force d’âme de troisième grade était, en pratique, au même niveau qu’un quatrième grade, voire d’un cinquième grade. C’étaient les précieuses techniques qui avaient été laissées par les mémoires !
Ses cinq doigts formèrent facilement un simple sceau et une vague de force d’âme pénétra la goutte de jus d’Herbe Vent de Ciel. Les doigts de Lin Ming dessinèrent une ligne dans l’air qui brillait d’une lumière étincelante. La force d’âme interagit avec le jus d’Herbe Vent de Ciel et ils se fondirent en une plaisante rune mystique.
La rune était plus fine qu’un ongle de la main et contenait pourtant une énergie complexe. Même à l’intérieur de la même rune, à cause des différences subtiles de forme, technique, puissance de la force d’âme et d’autres facteurs, 10.000 maîtres de l’inscription obtiendraient 10.000 manifestations différentes. Et il y avait celles d’une plus petite ou plus grande profondeur parmi elles. Lin Ming était satisfait de son résultat sans pour autant être capable de dire si le symbole de rune qu’il avait créé était un déchet ou un trésor.
Il commença à créer le symbole de rune suivant. Il n’avait utilisé qu’une demi-goutte du jus d’Herbe Vent de Ciel, il lui restait donc l’autre moitié. Ses doigts se tordirent alors qu’il formait un autre sceau, il commençait à condenser l’autre moitié du jus avec sa force d’âme pour en créer un autre. Toutefois, aussitôt que le sceau s’illumina, une légère brise apparut dans la force d’âme de Lin Ming, altérant le résultat. Le jeune homme ne put qu’observer, impuissant, cette demi-goutte de liquide devenir un amas de cendres flottantes.
Il poussa un soupir et se mordit la langue. Il fallait 1 jin de racines pour obtenir cette unique goutte, en sachant que chaque racine coûtait quelques liangs d’or, soit l’équivalent du revenu mensuel d’une famille nombreuse pour une grande partie de la population.
C’était dur à imaginer, mais il n’y avait aucune solution pour stabiliser la force d’âme de ceux qui venaient de commencer à pratiquer les techniques d’inscription et ces échecs étaient courants. Le succès, ça, c’était le véritable miracle !
Quelques liangs d’or s’étaient évaporés dans l’air en un clin d’œil. Il était facile de dépenser plusieurs centaines de liangs d’or en pratiquant les techniques d’inscription ne serait-ce qu’un jour durant. C’était vraiment jeter de l’argent par les fenêtres ! Le goût de l’échec était encore bien frais dans la bouche de Lin Ming, il redoubla de prudence. Il bougea à nouveau ses doigts pour former un autre sceau, de nouvelles inscriptions émergèrent l’une après l’autre de ses mains. Il échoua plus qu’il ne réussit, tout du moins au début, mais le nombre d’échecs commença à diminuer à mesure que le temps passait.
Alors qu’il produisait plus de runes, Lin Ming commença à s’apercevoir que sa maigre force d’âme était vraiment trop faible. C’était dû au fait qu’il n’en était qu’à la Première Étape de l’Entraînement Physique. Il ne serait pas capable de continuer bien longtemps malgré le support de la Formule de l’Authentique Chaos Primordial et de la Tactique d’Âme Oppressante.
Lin Ming n’était plus en état de former les runes aussi facilement qu’auparavant avec le trop peu de force d’âme qui lui restait. En outre, de plus en plus d’erreurs survenaient et chacune d’entre elles correspondait à une perte de force d’âme. C’était un cercle vicieux !
Le processus d’inscription n’en était qu’à mi-chemin alors que la force d’âme de Lin Ming était déjà incroyablement basse. Il commençait à avoir des difficultés pour la soutenir et, sans qu’il s’en aperçoive, la force d’âme à l’intérieur de son corps fut harassée de fatigue et une vague de vertiges le traversa. Les runes devant lui commencèrent à vibrer, comme si elles étaient sur le point de se briser.
Le cœur de Lin Ming bondit et il stabilisa rapidement sa force d’âme. Ses paumes furent couvertes de sueur en un instant. Il venait de manquer de peu de faire un beau gâchis. Combien de dizaines de liangs d’or auraient-elles été perdues ?
Lin Ming se ressaisit immédiatement, il était capable de voir le pot d’or brillant à la fin de l’arc-en-ciel couvert de sueur.