Le Maître des Secrets | Lord of the Mysteries | 诡秘之主
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Chapitre 99 – Intégration d’un personnage et détachement
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Chapitre 99 – Intégration d’un personnage et détachement

Une seule Peste Noire… Les autres navires seraient-ils ancrés au-delà des limites de l’Archipel de Rorsted par crainte d’être découverts ? C’est une bonne nouvelle…

Klein détourna le regard et se mordit délibérément la lèvre pour exprimer son agitation.

Après avoir jeté un coup d’œil au profil d’Hélène, Mithor alluma une torche et se mit à la balancer pour faire signe au vaisseau amiral.

Un court moment plus tard arriva un canot qui les ramena, lui et Klein, à la Peste Noire.

Le canot fut hissé et Klein, une nouvelle fois, monta à bord d’un navire amiral pirate. Sous la conduite de Mithor, il pénétra dans la cabine.

Une femme blonde les attendait à l’avant. Elle jeta un regard froid à Hélène avant de lui indiquer une salle latérale.

– « Entrez. »

Cette attitude… C’est comme lorsqu’on rencontre un rival amoureux en chair et en os… Les hommes comme les femmes tombent sous le charme de cette vice-amirale Maladie…

Toujours menotté, Klein redoubla aussitôt de vigilance et le visage grave, suivit la domestique dans la pièce.

Il pensait rencontrer immédiatement Tracy et avoir l’opportunité de la voir en privé. Il était déjà prêt à frapper, mais à part une armoire, un canapé et un miroir intégral, la pièce exiguë au sol couvert de tapis était vide.

Se pourrait-il que Tracy ait délibérément décidé d’ignorer Hélène pour exprimer sa colère ? Klein se souvint des romans d’amour et des feuilletons télévisés qu’il avait regardés auparavant, tout en réfléchissant à la raison des actions de la vierge de malheur.

La blonde jeta un coup d’œil à la tenue masculine d’ «Hélène » qui, étant démaquillée, n’avait plus cette beauté androgyne puis, en deux enjambées, alla ouvrir une armoire et désigna les robes qui s’y trouvaient.

– « Le Capitaine n’aime pas votre tenue. Changez-vous. »

Me*de… pensa Klein.

Lui qui avait imaginé pouvoir rencontrer Tracy habillé en homme, soulagé de ne pas avoir à s’humilier à outrance pour atteindre son but, voilà qu’au final, il ne pourrait pas échapper à ce qu’il espérait éviter.

Voyant qu’Hélène restait là, hébétée, la préposée blonde lui lança un regard noir.

– « Vous avez le choix : soit vous vous changez seule, soit je vous aide ! »

Klein fit l’un des gestes habituels d’Hélène et inspira légèrement.

– « Enlevez-moi les menottes ».

Puis, se tournant sur le côté, il désigna la porte du menton : « Et sortez. »

– « Sale garce prétentieuse… » maugréa pour elle-même la blonde en utilisant la clé que lui avait donnée Mithor pour délivrer Hélène de ses menottes.

Après qu’elle eut quitté la pièce et refermé la porte, Klein se dirigea vers l’armoire et resta là, hébété, durant vingt secondes.

Soudain, il ferma les yeux et tendit la main droite.

Au bout d’un temps indéterminé, il se retrouva devant le miroir dont le reflet lui renvoyait l’image d’Hélène. Ses cheveux roux tombaient en cascade, ses yeux verts brillaient et elle portait une robe rouge et or. Un ruban noué en forme de fleur soulignait étroitement sa taille fine.

Le beau visage d’Hélène était empourpré et elle avait les lèvres pincées. Avec son air grave, elle ressemblait à s’y méprendre à la photo qu’il avait vue précédemment.

Face à l’image que lui renvoyait le miroir, Klein se sentit d’abord un peu gêné. Cependant, il avait, dans une certaine mesure, surmonté cette gêne tandis qu’il se changeait. De plus, il n’y avait personne dans la pièce. Ensuite, il se sentait peu à peu différent.

Non pas qu’il se fût progressivement mis à apprécier ce genre de choses, mais en surmontant son aversion mentale, il avait acquis une certaine forme de détachement de sa conscience de soi. C’était comme si son âme avait quitté son corps, ce qui lui permettait d’observer calmement “Hélène” tandis qu’elle s’habillait en femme et ajustait ses vêtements dans le miroir avec une attitude sereine. Il pensait qu’il s’agissait d’une étape nécessaire de sa mission et qu’il n’y avait rien d’embarrassant ni d’étrange à cela.

En proie à un sentiment de familiarité déconcertant, Klein s’efforça de se souvenir et d’établir des comparaisons afin de replacer ce sentiment dans son contexte et de mieux le comprendre.

Bientôt, il en trouva la source. C’était comme s’il jouait à des jeux de rôle. Dans ces jeux, il pouvait opter pour un personnage féminin, en choisir soigneusement les traits et la tenue vestimentaire de façon à ce qu’elle soit belle à ses yeux.

Il n’y avait rien de pervers ni d’embarrassant à cela. D’une part, il regardait le jeu à l’écran « du point de vue de Dieu* », ce qui lui permettait de s’en détacher et d’autre part, il jouait sérieusement son rôle et suivait l’intrigue. En combinant parfaitement ces deux points sans faire de distinction, il n’éprouvait aucune aversion car c’était un jeu.

Klein ouvrit soudain ses yeux mi-clos avec l’impression que c’était là l’état qu’il recherchait en tant que Sans-Visage.

Il pouvait jouer le rôle de n’importe qui, mais il n’était que lui-même.

En entrant dans la peau de son personnage et en s’efforçant de jouer son rôle au mieux de ses capacités, il pouvait se détacher de ses ressentis et observer les choses calmement. Par comparaison, il parviendrait à se comprendre et à se trouver !

Il s’agit à la fois d’entrer dans son personnage et de s’en détacher… C’est là l’application concrète du grand principe des Sans-visages, se dit le jeune homme, soudain apaisé, car la gêne qui subsistait coexistait avec son changement d’attitude.

Avec l’attitude détachée qu’il aurait eue dans un jeu de rôle, il s’observa dans le miroir intégral et s’efforça de se trouver des défauts.

Heureusement que j’ai demandé à Danitz de me procurer deux ensembles de vêtements féminins pour étudier la façon dont ils sont assortis, sans quoi jamais je n’aurais pu, en tant que débutant, les mettre aussi rapidement et normalement. On aurait vite remarqué des défauts dans ma tenue. C’est ce qu’on appelle le professionnalisme. Les vêtements pour femmes sont vraiment compliqués… Du point de vue d’un Sans-Visage, les traits et les contours du visage d’Hélène présentent de nombreux défauts. Elle est peut-être belle, mais elle n’a rien d’éblouissant… Oui, dans cet état d’esprit, je peux clairement sentir que j’assimile ma potion… se dit le jeune homme en se regardant dans le miroir comme s’il était en train d’observer un personnage nommé Hélène.

La préposée frappa à la porte et demanda sur un ton impatient :

– « Vous n’êtes pas prête ? »

Le visage de Klein se décomposa instantanément, comme si elle lui devait dix mille Livres qu’elle ne lui avait pas remboursé.

Dans cet état d’esprit, il se dirigea vers la porte et l’ouvrit.

La blonde lui jeta un coup d’œil et leva les menottes.

– « Mettez vos mains dans votre dos. Désormais, vous êtes une prisonnière ! »

Lorsqu’Hélène la rousse était sur la Peste Noire, jamais elle n’avait craint qu’on lui fasse du mal. Tout ce qu’elle voulait, c’était l’humilier autant que possible.

Klein grogna, se tourna à demi et mit les mains dans son dos. Il se sentait détendu dans la mesure où la femme ne prêtait guère attention à sa tenue.

Après lui avoir passé les menottes, la blonde le conduisit devant la cabine du capitaine.

De la porte entrouverte émanait une odeur de chaleur. Elle n’était pas trop forte, mais suffisamment persistante. C’était une odeur qui faisait reculer les gens et les incitait involontairement à se coucher pour le plaisir.

La blonde frappa à la porte. Elle s’apprêtait à dire quelque chose lorsque soudain, une voix féminine sombre mais plutôt agréable leur parvint de l’intérieur.

– « Laissez-la entrer seule. »

Le visage de la blonde s’assombrit aussitôt. Elle poussa la porte et du regard, fit signe à Klein d’entrer.

L’heure de vérité a sonné…

Klein prit une profonde inspiration et obtempéra.

Avec un bruit sourd, la porte se referma derrière lui, les coupant de l’extérieur.

Klein fit quelques pas sur l’épais tapis et, à la lumière des bougies des chandeliers dorés, vit une dame plutôt belle assise derrière un bureau et adossée à son siège. Elle portait un pantalon beige, avait les jambes tendues et les pieds croisés.

Ses sourcils étaient longs et droits, ses yeux d’un bleu azur vifs et brillants. Elle portait une chemise de lin blanche qui laissait entrevoir l’intimité de son corps et ses cheveux bouclés d’un noir corbeau tombaient en cascade, dissimulant les endroits critiques. Klein se sentit aussitôt mal à l’aise.

En voyant entrer Hélène, la vice-amirale leva la main gauche et demanda avec un sourire ambigu :

– « Dites-moi, comment dois-je vous punir ? »

Elle tenait à la main un fouet de cuir noir.

… Madame, on peut toujours discuter… pensa Klein pour lutter contre son malaise.

Il leva les yeux au ciel puis la regarda et répondit sans une once d’émotion :

– « Revenir ici est déjà la plus grande des punitions. Tout le reste n’est qu’un bonus. »

– « Toujours aussi têtue, mais toujours aussi indécise… »

Tracy se leva. Elle était grande et mince, et sous l’éclairage des bougies, les ombres de sa silhouette dansaient avec un charme extrême.

Elle retint son sourire et s’avança vers Hélène, le fouet de cuir dans la main gauche. Elle n’avait pas une once de doute.

Klein remarqua alors qu’elle portait au poignet droit un bracelet incrusté de diamants.

L’objet occulte décrit par Hélène ? Celui qui peut atténuer la plupart des dommages ?

Le jeune homme, qui avait initialement prévu de passer à l’action sitôt que l’écart entre eux se réduirait, se retint.

« Oh, ils vous ont menottée ? C’est bien. Nous n’avions encore jamais joué à ce jeu », dit Tracy en souriant, alors que ses yeux bleu azur évoquaient un océan de tempête qui prenait de la force.

Madame, votre texte est très mauvais… pensa Klein qui serra les lèvres et ne répondit rien.

Tracy s’approcha de lui et fit glisser sa main droite sur sa joue.

« Votre retour est donc la plus grande des punitions ? »

À mesure qu’elle parlait, ses yeux s’embuaient, devenant extrêmement séduisants.

« Vous n’avez pas l’air de le penser. Même si vous résistez toujours au début, vous êtes souvent plus passionné que moi vers la fin… »

Elle n’avait pas terminé sa phrase que Klein, sortant sa main gauche des menottes, agrippa son bracelet à la vitesse de l’éclair et le tira violemment vers le bas !

Au même moment, sa main prit une teinte dorée et deux éclairs illuminèrent les yeux verts et profonds du jeune homme.

C’était la Faim Rampante ! La Perforation Psychique !

Et pour retirer sa main des menottes, Klein avait fait appel à un pouvoir du Magicien, un pouvoir qu’il n’utilisait que très rarement, à savoir l’Assouplissement des Os.

Il avait depuis longtemps planifié et préparé ce qu’il ferait une fois infiltré. Il lui fallait trouver une occasion de se retrouver seul avec la vice-amirale Maladie et l’assassiner sans retenue.

Ce n’était qu’ainsi qu’il aurait une chance de vaincre un amiral pirate, qu’il pourrait la blesser grièvement et la capturer.

Et si jamais c’était impossible, il n’aurait aucun scrupule à la tuer. Il avait déjà grandement l’habitude de canaliser les esprits au-dessus du brouillard gris, aussi ne craignait-il pas de ne pouvoir obtenir les renseignements dont il avait besoin. Une trafiquante d’êtres humains ne méritait aucune pitié !

De plus, afin d’éviter de commettre une erreur, il n’avait apporté que la Faim Rampante, la plus difficile à détecter car capable de se camoufler. Les autres objets occultes, il les avait stockés dans l’espace mystérieux au-dessus du brouillard. De plus, il se trouvait sur la Peste Noire, entouré de Transcendants hostiles. Le combat devait donc être le plus rapide possible !

Il devait également éviter d’être terrassé par les pouvoirs de Tracy.

Plus longtemps il la combattrait, plus les fléaux qu’elle lui infligerait seraient graves !

C’est alors que le bracelet serti de diamants quitta le poignet de Tracy. Les yeux verts de Klein lançaient des éclairs tandis que la belle et charmante vice-amirale en restait hébétée. Elle ne fit qu’esquiver par instinct.

Elle ne pouvait croire qu’Hélène était en train de l’attaquer, ni qu’elle possédait autant de réactivité et de capacités.

NDT : *le « point de vue de Dieu » est une expression empruntée au jargon des réalisateurs cinématographiques et qui désigne une vue d’ensemble de la scène, une vision englobant la totalité des personnages et éléments concernés.

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