Le Maître des Secrets | Lord of the Mysteries | 诡秘之主
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Chapitre 70 – Le Syndicat des Dockers
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Vol 2 : L’Homme Sans Visage / Chapitre 70 – Le Syndicat des Dockers

Xio étant dans le métier de chasseur de primes depuis très longtemps, elle faisait beaucoup de choses par instinct, sans réfléchir.

A la vue de ce client qui mesurait près de deux mètres, elle baissa la tête et se remit à manger sa saucisse de porc accompagnée de frites comme si de rien n’était.

Elle avalait la nourriture sans même l’apprécier. Quelques minutes pénibles passèrent après quoi elle releva lentement la tête et feignit de regarder autour d’elle avec désinvolture.

Assis au comptoir, le client en question attendait son verre et son déjeuner.

Des cheveux doux, bouclés, blonds, des yeux d’un marron sombre évoquant ceux d’une bête, une bouche légèrement tombante, une aura de solitude et de malveillance…

Progressivement, les détails lui apparurent et se superposèrent à l’image qu’elle avait en tête.

C’est lui !

C’est le meurtrier présumé !

L’homme qui a tué Williams !

La jeune femme baissa la tête et termina lentement son assiette.

Quelques minutes plus tard, elle déposa son plateau sur le bar et quitta la taverne sans se retourner.

La hauteur de ses bottes dissimulait ses fonctionnalités les plus évidentes.

Une fois dehors, Xio ralentit le pas et chercha un endroit à l’écart d’où elle pourrait observer les gens qui entraient et sortaient de la taverne.

Au bout d’un moment, elle aperçut enfin une connaissance, un technicien nommé Burton qui habitait le Quartier Est et travaillait au dock de Balam Est.

Le jeune homme aimait se payer une tasse de bière de seigle de mauvaise qualité à midi ou dans l’après-midi. C’était la seule boisson que son salaire lui permettait de s’offrir et encore, pas tous les jours.

Xio se précipita vers Burton et lui tapa sur l’épaule.

– « C’est moi, Xio », dit-elle à voix basse.

– « Xio ? » Burton dévisagea le petit homme et eut du mal à reconnaître Xio Derecha, la célèbre Arbitre des rues du Quartier Est.

– « J’ai quelque chose à te demander », dit celle-ci en montrant du doigt le coin de la rue.

Perplexe, Burton la suivit et une fois dans un coin isolé, le jeune homme, qui avait entendu dire que Xio était aussi une chasseuse de primes, demanda :

– « Vous avez une mission primée ? »

– « Oui », répondit-elle avec un léger hochement de tête. Puis elle lui lança cinq Pennies : « Connais-tu ce grand gars qui fréquente la taverne ? »

– « Vous voulez parler de celui qui est grand comme ça, ce blond au regard méchant ? » Demanda Burton, joignant le geste à la parole.

– « Oui », répondit la jeune femme en dépliant le portrait. « Mais il faut que tu en sois sûr. »

Burton regarda attentivement :

– « C’est lui. Depuis deux ou trois mois, il vient souvent à la taverne. Je ne l’avais jamais vu avant. Il est mauvais, complètement irrationnel et il sait se battre. Mieux vaut ne pas le provoquer », conseilla-t-il honnêtement.

C’est vrai, quand j’ai vu cette personne à l’instant, c’était comme lorsqu’enfant, je me suis trouvée face à une bête sauvage. Consciente que je n’étais pas de taille à l’affronter et que j’étais en danger, j’ai dû immédiatement l’éviter…

Xio soupira intérieurement :

– « Avez-vous connaissance d’une personne avec qui il serait en contact étroit ? »

– « Aucune idée. Il n’est pas très sociable et ne parle que très peu. Nous ne savons même pas comment il s’appelle. Nous l’avons surnommé le ‘Géant’ », répondit Burton avec une moue.

Xio réfléchit un moment :

– « A part la taverne, où l’as-tu déjà aperçu ? Tu peux le demander à tes amis mais il faut que ce soit quelqu’un de confiance. »

Burton interrogea sa mémoire :

– « Je le voyais parfois au Syndicat des Dockers lorsque j’y travaillais… je veux parler de celui de Balam Est. Pourquoi n’en êtes-vous pas membre, Xio ? Vous êtes très impartiale. De plus, ces gars nous prennent 1,5 Solis par semaine et quand les autres docks se mettent en grève, ils ne nous versent que la moitié de notre salaire parce que nous avons charge de famille !

« Seigneur, oublions tout ça. Pour bien vivre, il faudrait nous entraider mais dès qu’ils organisent une grève, ils se mettent d’accord avec les avocats envoyés par ces riches. Notre situation ne s’améliore pas du tout ! »

– « Stop, stop », fit Xio avec un signe de la main. « A part ça, as-tu déjà vu ce ‘Géant’ ailleurs ? ».

– « Non, et mes amis non plus à mon avis. Nous en parlons souvent en privé », répondit Burton d’un ton convaincu.

Xio n’ajouta rien et lui remit cinq Pennies.

– « C’est ma tournée. Ne parle à personne de notre conversation, c’est bien trop dangereux. »

Elle n’avait pas fini sa phrase que déjà, elle disparaissait au coin de la rue et se dirigeait vers le Syndicats des Docks situé sur le Quai de Balam Est.

Environ dix minutes plus tard, la jeune femme aperçut le bâtiment jaune.

Aussitôt, elle retourna sa veste de toile, rapiéçages au-dessus, et d’un petit travailleur prit l’allure d’un vagabond.

Avisant des sans-abri agglutinés au coin de la rue, la jeune femme se pinça le nez et alla s’asseoir à côté d’eux. De là, elle jeta un coup d’œil au Syndicat des Dockers, de l’autre côté de la rue, où les gens entraient et sortaient.

Les minutes passaient et Xio, malgré le froid et l’environnement pénible, observait avec ténacité ce qui se passait aux abords du Syndicat.

Elle se souvenait clairement de l’obstination de Williams à boire et de ce qu’elle avait ressenti, ce jour fatidique, en voyant le journal.

Ces sentiments la rendirent plus patiente que d’habitude.

C’est alors qu’une huitaine de personnes sortirent du Syndicat et se dirigèrent en groupe vers le café, de l’autre côté de la rue, pour aller déjeuner.

Les yeux plissés, Xio les balaya soigneusement du regard.

Personne de suspect… La jeune femme était sur le point de détourner les yeux et d’attendre le prochain groupe lorsqu’avec une bouffée d’air chaud, la porte du café s’ouvrit en grinçant. Un homme ôta ses lunettes à monture dorée et de sa manche, en essuya la buée.

Xio lui jetait un regard désinvolte lorsque soudain, elle se figea.

Ces yeux !

Cette bouche !

Il avait toujours ce sourire narquois !

Lanevus ?

La jeune femme détourna rapidement la tête.

L’homme qu’elle venait de voir avait la peau bronzée, les cheveux courts et le visage buriné. Il ne ressemblait en rien aux portraits mais ses yeux et sa bouche lui laissaient une impression familière.

L’impression de quelqu’un qui se moque du monde !

Est-ce Lanevus ? Se peut-il que ce soit Lanevus ?

Xio baissa la tête et fixa les dalles qui pavaient la rue.

Chez les Sammer…

Après un somptueux déjeuner, hôtes et invités se réunirent dans la salle d’activités pour bavarder et décidèrent ensemble de faire une partie de Texas.

Rumeurs intéressantes et histoires drôles fusaient par intermittence et Klein, toujours souriant, intervenait de temps en temps. Il vit aussi les deux enfants Sammer entrer et sortir, pleins d’énergie.

Près de lui, Jurgen Cooper, avec son sérieux habituel, donnait occasionnellement des conseils juridiques.

– « Vous vous ennuyez ? » Chuchota Klein en se tournant légèrement vers l’avocat.

– « Non, leurs sujets de discussion sont très intéressants », répondit sérieusement Jurgen.

Klein en fut stupéfait :

– « Alors pourquoi ne souriez-vous pas ? » Lâcha-t-il.

Jurgen fronça légèrement les sourcils et le regarda, perplexe.

– « Et vous, pourquoi souriez-vous ? »

Le coin de la bouche de Klein tressaillit et il ne sut que répondre.

Il était sur le point de plaisanter sur le fait que Jurgen était comme son chat Brody, toujours aussi sérieux, lorsqu’il entendit soudain une série de supplications éthérées.

Une femme… Mlle Justice aurait-elle déjà trouvé des informations utiles à partir de l’indice que je lui ai donné ?

Le jeune homme se leva et s’inclina légèrement :

– « Je dois aller à la salle de bain. »

Une fois seul, il verrouilla la porte, fit quatre pas dans le sens inverse des aiguilles d’une montre et se transporta au-dessus du brouillard gris.

Il ne s’était pas trompé : l’appel venait précisément de Justice.

Soudain nerveux, Klein répandit son énergie spirituelle, pressé d’entendre ce qu’elle avait à dire.

Après l’habituel titre honorifique, la jeune femme lui relata franchement :

– « On a identifié l’indice que vous m’aviez donné à la taverne de l’Alliance Ouvrière, quartier des quais, Quai de Balam Est. Il s’agit d’une personne surnommée le « Géant ».

« Elles l’ont suivi, déterminé ses allées et venues et ont découvert quelqu’un qui pourrait bien être Lanevus au Syndicat des Dockers, toujours à Balam Est.

« Pour le moment, elles n’osent pas approcher celui-ci car le Géant est très puissant et dangereux. Elles attendent une opportunité.

« Elles ont aussi demandé si, une fois acquise la certitude qu’il s’agit bien de Lanevus, elles pourraient prévenir la police et toucher la prime. »

Ainsi, Lanevus a un puissant et dangereux assistant… En a-t-il d’autres ? Une faction qui le soutient ? Pourquoi a-t-il tué autant de monde ? Que comptait-il faire au sein du Syndicat des Dockers ?

Aux questions qui fusaient dans son esprit, Klein eut le sentiment que les choses étaient beaucoup plus complexes qu’il ne l’aurait pensé.

Quant à la dernière question, sa réponse était oui, bien évidemment. Il leur suggèrerait même d’en informer directement l’Église de la Déesse de la Nuit Éternelle dans la mesure où il était toujours possible que la police divulgue l’information.

Amener les Faucons de Nuit de l’Église de la Déesse à tuer Lanevus est aussi une forme de vengeance ! Se dit le jeune homme.

Il avait une forte envie de s’assurer de suite que l’homme était bien Lanevus, de peur que les choses ne changent s’il attendait trop longtemps.

Il prit une profonde inspiration, réprima ses émotions et détacha le pendule enroulé autour de son poignet.

Il serait dangereux de se rendre au Syndicat des Dockers pour confirmation.

Klein répéta sept fois cette phrase, puis ouvrit les yeux et observa le pendentif de topaze. Il était immobile, totalement immobile.

La divination aurait-elle échoué ? Se demanda-t-il en fronçant les sourcils.

Il modifia donc la phrase, changea de méthode mais toutes ses tentatives se soldèrent par un échec.

Après mûre réflexion, trois raisons lui vinrent à l’esprit. Soit il manquait d’informations pour procéder à une divination, soit Lanevus n’était pas au Syndicat des Dockers, soit celui-ci, tout comme Ince Zangwill, détenait des objets susceptibles de faire écran à la divination.

Un objet capable de faire écran à la divination… Un avantage qu’il aurait obtenu grâce à ce rituel destiné à engendrer le fils de ce dieu ? Une petite part de divinité du Vrai Créateur ?

Klein réfléchit quelques secondes et décida que, quoi qu’il arrive, il irait faire un tour au Syndicat.

Certaines choses devaient être faites malgré la certitude du danger.

Si ces deux dames ont pu observer discrètement sans être vues, je le peux aussi… Il suffit que je voie Lanevus une fois et j’aurai confirmation par la divination…

Bien entendu, je ne saurais agir de manière irréfléchie. Je vais devoir m’y préparer. Il faudra, par exemple, que j’envoie l’Œil Noir au-dessus du brouillard car je ne peux le garder sur moi au risque de voir la corruption spirituelle du Vrai Créateur entrer en résonance avec “sa” divinité. Autre chose : il me faut paraître plus grand pour le “Géant” ne fasse pas le rapprochement entre moi et le “passant” d’hier soir. Je vais devoir trouver un motif suffisamment crédible pour ne pas éveiller les soupçons. Voyons…. Je pourrais me faire passer pour un journaliste et me rendre là-bas pour une interview. Je rendrai visite à Mike Joseph et lui emprunterai sa fausse carte professionnelle…

Esquissant un sourire, Klein s’enveloppa d’énergie spirituelle et redescendit dans le monde réel.

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