Vol 2 : L’Homme Sans Visage / Chapitre 65 – Gratuit ?
Après le dîner, dans la salle de billard du bar des Cœurs Vaillants…
Vêtu d’un simple manteau noir et d’une casquette sombre, Klein, un verre de bière Southville à la main, ferma la porte derrière lui et s’approcha de Kaspars, qui, penché sur la table, essayait de frapper la boule.
Avant même qu’il n’ait pu le saluer, ce dernier se redressa:
– « Maric n’est pas là. Il n’y a pas d’autre réunion comme vous le souhaitiez. Je n’ai que des armes. »
…Il sait bien ce que je veux… Heureusement que ce soir, je suis venu dans un autre but… Se dit le jeune homme qui esquissa un sourire:
– « Je suis ici pour acheter des armes », répondit-il tout en pensant :
Maric n’est pas là… Il semblerait qu’ils aient été exposés et qu’étant dans le collimateur de ses ennemis, ils aient décidé de changer d’endroit… Je ne pourrai donc pas contacter Mlle Garde du Corps… Et j’avais prévu de me faire aider des zombies de Maric pour piéger Millet Carter. Ils savent garder un secret, ne craignent pas la mort et sont obéissants…bon, à condition qu’ils soient spirituellement protégés de l’influence du sifflet d’Azik …
Kaspars en fut légèrement surpris. L’air soupçonneux, il s’appuya sur sa queue de billard et frotta son nez couperosé :
– « Quel genre d’arme cherchez-vous ? Vous avez utilisé toutes les balles que vous m’aviez achetée ? Vous vous entraînez beaucoup. »
Non, uniquement celles que j’ai achetées au Club Quelaag… Pensa Klein qui répondit en souriant :
– « Des explosifs, du genre de ceux que l’on utilise dans les mines. »
– « Que comptez-vous faire ? » Lâcha Kaspars en prenant une expression grave et sévère : « Je vous préviens, n’essayez pas de faire quelque chose de condamnable ! Je ne permettrai pas à mes clients de défier Sivellaus Yard ! Ceci dit, vous n’êtes pas obligé d’acheter vos armes chez moi. »
Pour vendre des armes au marché noir et avoir pu vivre jusqu’à ce jour, d’un certain point de vue, il devait se conformer strictement aux règles. Tout au moins ne vendra-t-il rien à ces fous… Se dit Klein qui avait l’habitude d’évaluer les choses du point de vue d’un Faucon de nuit.
– « Vous semblez avoir mal compris. Je n’ai pas l’intention de faire sauter la porte d’un coffre-fort ni de faire sensation dans les journaux. J’aide simplement quelqu’un à démolir une construction afin de faciliter les rénovations ultérieures. »
– « Dans ce cas, pourquoi n’a-t-il pas engagé une entreprise spécialisée ? » Demanda Kaspars, toujours sur ses gardes.
– « Haha ! Parce que c’est une pièce secrète et il ne veut pas que d’autres soient au courant. » Répondit le jeune homme qui demanda aussitôt : « Connaissez-vous des experts en explosifs fiables ? Je ne suis pas très doué pour ce genre de choses et j’ai peur de faire écrouler toute la maison. »
Lorsque le marchand d’arme comprit qu’il se souciait de garder la maison intacte, les doutes dans son esprit se dissipèrent considérablement.
Il réfléchissait à ce qu’il allait répondre lorsqu’une voix irréelle se fit entendre :
– « Ce n’est pas la peine. »
Une impression de familiarité s’empara de Klein qui se retourna aussitôt : Miss Garde du Corps était assise dans un coin de la pièce sans qu’il se soit aperçu de sa présence.
Elle portait son éternelle robe de cour gothique noire et son bonnet assorti. Son visage était toujours aussi pâle, et ses cheveux blonds et ses traits délicats s’accentuaient mutuellement.
Le détective s’inclina légèrement :
– « Bonsoir Madame. »
– « Bonsoir, M’dame Sharron », dit à son tour Kaspars.
Ainsi, elle s’appelle Sharron… Se dit Klein pensif, attendant qu’elle parle.
La femme regarda Kaspars :
– « Maric ne reviendra plus ici », annonça-t-elle. « Si vous avez besoin de lui pour quoi que ce soit, laissez un message via le troisième moyen convenu. »
– « Bien m’dame », répondit le marchand d’armes.
Lui qui, de toute évidence, avait vu beaucoup de choses dans sa vie, semblait avoir une peur instinctive de Miss Garde du Corps.
– « Si, et je dis bien si je venais à avoir besoin de l’aide de Maric, comment pourrais-je le contacter ? »
– « Par l’intermédiaire de Kaspars », répondit simplement Sharron.
– « Très bien. » Le détective étendit les mains : « Au fait, que sous-entendiez-vous lorsque vous disiez qu’il n’était pas utile de faire appel à un expert en démolition ? »
Le regard bleu de Sharron ne faiblit pas le moins du monde.
– « J’en suis un. »
Vous ? Une experte en démolition ? Attendez une minute… N’êtes-vous pas une Transcendante dotée de capacités spéciales, probablement de Séquence 5 ? Pourquoi jouer les expertes en démolition à temps partiel ?
Notre détective était à court de mots.
Finalement, il décida de croire Miss Garde du Corps et après réflexion, lui dit :
– « Je vais rendre visite à.… »
Il s’interrompit et regarda Kaspars. Il était évident que ce qui allait suivre ne pouvait être entendu par cet homme ordinaire.
Intrinsèquement, de par son corps, ce marchand d’armes est bien une personne ordinaire… pensait le jeune homme en son for intérieur.
Sharron se tourna vers Kaspars :
– « Préparez les explosifs. Deux livres. Il payera. »
– « Bien M’dame Sharron. »
Le trafiquant jeta un regard à Klein et sortit en boitant de la salle de billard sans oublier de fermer la porte derrière lui.
Voyant que Miss Garde du Corps le regardait sans rien dire, Klein eut l’impression d’être observé par un fantôme. Très vite, il réfléchit à ce qu’il allait dire.
– « J’ai trouvé l’adresse du Baronet Pound et lui ai rendu visite au milieu de la nuit… »
Le détective lui rapporta tout ce que le baronet lui avait dit et conclut : « Je pense qu’il a menti dans de nombreux domaine. Par ailleurs, et il est impossible qu’une famille de Vicomtes soit si facilement manipulée.
« Si un enfant a pu remarquer quelque chose d’anormal, comment se peut-il que la maison royale et les églises n’aient rien décelé ?
« Une fois tombé dans la déchéance, Rafter Pound a eu de nombreuses occasions d’entrer en contact avec des étrangers et autres membres de l’aristocratie. Avec un peu de courage, il aurait facilement pu résoudre le problème.
« Cela m’amène à penser qu’il devait cacher quelque chose, une chose dont il y a de fortes chances qu’elle soit liée à la structure souterraine.
« Au vu de son état d’esprit, il semble que l’esprit maléfique ne soit pas près de s’échapper, c’est pourquoi j’ai l’intention de détruire l’entrée avec des explosifs afin que personne ne puisse y pénétrer. Mais bon, je ne voudrais pas libérer accidentellement le mauvais esprit. »
Mlle Sharron ni rejeta ni n’approuva ces suppositions.
– « Comme je ne connais pas grand-chose à la démolition, j’envisage de dessiner un plan et d’engager un expert en démolition pour qu’il m’indique où poser les explosifs et quelle quantité il faut. Si je vous demande une nouvelle fois de m’aider, quel en sera le prix ? » Demanda-t-il après un instant d’hésitation, tout en pensant :
Si c’est trop cher, mieux vaut que je cherche un démolisseur ordinaire. Après tout, cette affaire ne me rapportera que 50 livres et Miss Garde du Corps me réclame 1000 Livres pour trois jours…
Il avait déjà tout prévu.
– « C’est gratuit », répondit Sharron, laconique comme à son habitude.
Gratuit ? Klein en resta stupéfait.
De ce qu’il en savait, ce qui est gratuit est toujours le plus cher !
Sharron prit le temps de s’assoir et lui donna une brève explication.
– « Une fois l’entrée effondrée, je serai la seule à pouvoir entrer et sortir. C’est ce que j’avais l’intention de faire. »
Si je comprends bien, une fois que vous serez suffisamment confiante, vous avez l’intention de vous débarrasser du mauvais esprit et de récolter les objets renfermés dans ce lieu ? En fait, la destruction de l’entrée vous préservera d’éventuelles interférences et de la convoitise. Les Transcendants des autres Séquences, en effet, ne peuvent pas passer à travers les rochers et la terre comme un esprit… Bon, à part ceux qui ont suivi la voie de l’Apprenti, mais ils ne connaissent pas cette structure souterraine… Se dit Klein qui venait de comprendre.
– « Marché conclu ! » Dit-il en s’empressant d’ajouter : « Hmm… Pourriez-vous emprunter quelques hommes à Maric, des hommes qui savent garder la bouche cousue ? Il faut bien que Carter voie que j’ai des assistants. »
– « D’accord », répondit Sharron.
S’abstenant sciemment de parler de paiement, Klein eut un sourire :
– « Dans ce cas, fixons cela demain matin à dix heures. Il va nous falloir d’abord explorer le terrain afin que l’explosion ne cause pas de dégâts visibles. »
Sharron hocha légèrement la tête et s’évanouit dans le néant.
…
Le samedi matin, Xio Derecha prit une voiture publique et retourna dans le Quartier Est pour voir ce que ses missionnés avaient trouvé.
Tandis qu’elle attendait la correspondance, l’envie la prit soudain de se procurer un journal.
Elle prit donc un penny, acheta un exemplaire du Backlund Bulletin à un livreur de journaux qui passait à proximité et le parcourut rapidement.
Arrivée à la troisième page, ses yeux s’arrêtèrent sur un article :
« À 19h10 hier soir, une grave explosion s’est produite dans l’immeuble situé 1, rue Dharavi, dans l’Eale Quartier Est. On pense qu’elle était due à une fuite de gaz. L’explosion s’est produite dans l’appartement #03-06. Le locataire est mort sur le coup et son cadavre est incomplet. Au moment où nous imprimons ces lignes nous comptons déjà, trois morts et seize blessés… »
1, Dharavi Street… Appartement #03-06… N’est-ce pas… N’est-ce pas là où habitait Williams? Il serait mort, mort dans une explosion causée par une fuite de gaz ? Non, non ! Absolument impossible ! Il n’aurait jamais été déraisonnable au point d’utiliser du gaz quand bien même il y aurait une installation dans cet immeuble. A-t-il fini ainsi pour avoir accepté la mission dont je l’avais chargé ? Mais Lanevus est un criminel recherché. S’il découvre que quelqu’un le recherche, il lui suffit de changer d’endroit. Nul besoin pour lui de tuer pour préserver son secret. Au contraire, il s’exposerait à des problèmes en agissant ainsi…
Cette façon de faire est si étrange et radicale qu’on dirait l’œuvre d’un fou…
De toute évidence un simple escroc…
Pauvre Williams…
Je vous vengerai, soyez en sûr !
Je découvrirai la vérité !
L’air grave et triste, Xio regarda la voiture publique garée devant elle et décida de ne pas la prendre, consciente qu’il serait très dangereux pour elle de retourner dans le Quartier Est dans l’immédiat.
Elle avait l’intention de rentrer immédiatement et de demander à Fors de lui trouver une maison à louer, après quoi elle se rendrait déguisée dans le Quartier Est et demanderait à quelqu’un qu’elle connaissait bien de clarifier le mobile du meurtre, et de se lancer sur les traces de l’assassin.
(Elle soupira) : Il est vrai que les missions confiées par Miss Audrey ne sont jamais sans danger… Je n’imaginais pas qu’un escroc recherché, à partir du moment où je ne l’arrêtais pas ni ne l’empêchais de s’échapper, puisse se venger aussi cruellement… J’ai manqué de prudence. C’est moi qui ai causé la mort de Williams… Ceci dit, il recueillait peut-être aussi des informations sur une autre affaire, ce qui aurait causé cette catastrophe…
La jeune femme ferma les yeux et traversa la rue en direction de la station des transports publics allant en sens inverse.
…
À 10:14, après avoir inspecté la surface de la fameuse structure souterraine datant de la Quatrième Époque, Klein et Miss Sharron arrivèrent devant le 8 rue Williams.
Millet Carter vit alors arriver le détective Sherlock Moriarty dans son uniforme d’ouvrier gris-bleu et sa casquette sur la tête, accompagné de ses trois assistants taciturnes. Quant à Sharon, elle avait déjà disparu.
– « C’est plus pratique pour l’exploration », expliqua Klein.
Carter balaya du regard les trois assistants, visiblement doués pour le combat, et hocha la tête d’un air satisfait.
– « Vos préparatifs ont été plus rapides que je ne l’aurais cru. L’un d’eux est-il expert pour ce qui est d’éloigner les serpents ? »
– « Oui, ils sont très doués pour ça », répondit sans hésiter le jeune homme tout en pensant :
Comment un zombie pourrait-il craindre d’être mordu par des serpents ?