Le Maître des Secrets | Lord of the Mysteries | 诡秘之主
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Chapitre 64 – Le Monde des Esprits
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Chapitre 64 – Le Monde des Esprits

De retour dans le monde réel, Klein éteignit les bougies, rangea les objets restants et inspecta méticuleusement l’entrepôt.

Heureusement pour lui, le tourbillon d’eau de mer créé par Kalvetua avait complètement nettoyé la zone. On ne voyait plus que les traces des jets de pluie qui avaient suivi, les taches noircies laissées par les éclairs, quelques tas de cendres épars et les sillons qu’avaient créé les pieds du jeune homme.

Je pourrais par la suite demander à Danitz d’utiliser sa boule de feu pour “nettoyer” l’endroit de façon à faire croire qu’il s’agissait d’un conflit interne entre pirates…

Hochant imperceptiblement la tête, Klein prit l’une des quelques figurines de papier qui lui restaient et agita son poignet.

La figurine s’envola, s’enflamma d’elle-même et se réduisit en cendres noires.

Cela fait, Klein se dirigea vers la porte, les sourcils froncés.

La semelle de ses bottes avait disparu et ses vêtements étaient en lambeaux, déchirés, mouillés et par endroits, carbonisés.

C’était inévitable en de telles circonstances, car ce n’était pas quelque chose qu’une figurine de papier pouvait supporter. Les déchirures résultaient de la puissante aspiration du tourbillon, la sensation d’humidité de la pluie torrentielle de Kalvetua et les traces de brûlé des éclairs qui les avaient touchés dans l’intervalle entre deux Figurines de Substitution. Bien que le calme fût revenu, son avant-bras droit avait encore quelques spasmes dus à la décharge électrique.

Cela m’a coûté 8 Livres 6 Soli… Je vais devoir acheter de nouveaux vêtements… J’avais pressenti un danger et m’y étais préparé, mais je ne m’attendais pas à ce que Kalvetua soit plus puissant et plus fou que prévu… J’espère y gagner quelque chose plus tard.

Klein secoua silencieusement la tête. Maîtrisant son expression et endurant la douleur, il s’approcha de la porte et frappa trois fois.

Danitz, toujours inquiet, hésita deux secondes avant de lui ouvrir.

Constatant que Gehrman Sparrow était redevenu froid et réservé, qu’il ne dégageait plus cette sensation de faim et de folie qui terrorisaient spirituellement, Danitz poussa un soupir de soulagement. Il jeta un coup d’œil à l’intérieur et demanda :

– « C’est fini ? »

– « Non », répondit Klein en esquissant un léger sourire.

Pas encore ? Danitz sursauta d’effroi.

– « Qu’est-ce qu’il reste à faire ? »

Klein conserva ce sourire qui dissimulait la folie.

– « Un nettoyage. C’est la moindre des politesses. »

Un nettoyage… Abasourdi, le pirate se désigna de la main :

– « Moi ? ».

Les coins de la bouche de Klein s’élargirent.

– « Serait-ce à moi que revient l’honneur ? »

Et je serai dévoré par la Faim Rampante ! pensa Danitz qui laissa échapper un rire creux.

– « Comment dois-je nettoyer cet endroit ? »

– « Avec une boule de feu », répondit simplement Klein.

En tant que pirate à temps partiel, Danitz n’eut pas à faire beaucoup d’efforts pour comprendre les intentions de Gehrman Sparrow. Il passa devant lui et entra l’entrepôt, quelques questions le laissant perplexe.

D’après le Capitaine, la Faim Rampante doit chaque jour dévorer une personne vivante, mais Gehrman Sparrow ne peut la satisfaire qu’après une bataille. D’habitude, il ne s’en préoccupe pas. D’ailleurs, lors du combat tout à l’heure, il a utilisé les pouvoirs de gel de Steel Maveti. Il ne l’a pas nourrie après… Étrange… Quel secret se cache derrière tout ça ?

Un sceau d’un certain niveau ? À moins que l’organisation cachée derrière lui soit en mesure de sceller la Faim Rampante ?

Pendant que Danitz “nettoyait” l’entrepôt, Klein, qui était sorti, observait les nuages sombres au-dessus de lui, attendant avec impatience la suite des événements.

Je lui ai envoyé l’étui à cigares en fer contaminé par l’aura du brouillard gris, il ne me reste plus qu’à attendre que Kalvetua, ce faux “Dieu de la Mer”, s’effondre et meure… J’espère que les Transcendants de l’Église des Tempêtes et l’armée du royaume n’auront pas le temps de le retrouver ou qu’ils laisseront sur place des objets de grande valeur auxquels ils ne pensent pas…

Le jeune homme prit une lente inspiration en écoutant le bruit sourd des bombardements derrière lui.

Debout devant la fenêtre de sa chambre d’hôtel, Alger contemplait le ciel couvert.

J’ai reçu le gaz anesthésiant des Sanguins peu de temps après la dernière réunion du Club du Tarot. J’étais prêt à partir en mer pour récolter des ingrédients, mais une semaine s’est écoulée et je suis toujours coincé à Bayam…

Il secoua la tête, les lèvres crispées.

Il y avait d’abord eu l’incident du Monde traquant Stell Maveti. Cela lui avait rapporté une belle somme d’argent et il avait dû attendre de toucher la prime. Celle-ci obtenue, il s’était trouvé face à l’effondrement de ce serpent de mer et avait reçu l’ordre de rechercher les fameux aventuriers et archéologues.

J’ai appris qu’au cours de l’enquête menée hier matin, Leticia et les autres ont été retrouvés. Il semblerait que les Punisseurs Mandatés et les militaires aient obtenu des indices importants et bon nombre d’entre eux se sont rendus sur l’île de Symeem… C’est quelque chose dont je ne pourrai jamais profiter…

Détournant le regard, Alger releva sa courte tunique qui ne lui arrivait pas aux genoux et marmonna :

– « Que cela se termine au plus vite. »

Lorsque Kalvetua serait mort et que le tsunami ne serait plus un risque latent, il pourrait quitter le port. Après avoir quitté Bayam, la Cité de la Générosité, il pourrait œuvrer à évoluer vers la Séquence 6, le Béni des Vents.

Tandis qu’il réfléchissait, le cœur d’Alger s’emballa et à nouveau, il se tourna vers la fenêtre.

Dans le ciel, les nuages se dissipaient rapidement et la lune cramoisie y brillait tranquillement.

Il était minuit lorsque Klein se réveilla en sursaut. Il avait vaguement senti quelque chose.

Sortant de son lit, il se rendit à la fenêtre et écarta les rideaux.

La lumière cramoisie de la lune qui filtrait couvrait toute chose comme du givre. Il faisait froid et il régnait un climat onirique.

Le jeune homme vit que les nuages bas avaient disparu. La lune brillait, haute dans le ciel, parmi quelques rares étoiles.

Dois-je comprendre que l’affrontement entre le Dieu de la Mer et le Roi des Mers est terminé ?

Après deux secondes de réflexion, Klein détourna le regard, ferma les rideaux, fit quatre pas dans le sens inverse des aiguilles d’une montre et se transporta au-dessus du brouillard gris.

S’asseyant au bout de la longue table tachetée, il sortit une pièce d’or et récita à voix basse :

Kalvetua est mort.

Après avoir répété sept fois cette phrase, il donna une pichenette à la pièce d’or et la regarda s’élever et retomber dans sa paume, la tête du roi face à lui.

Le Dieu de la Mer était donc bien mort !

Comme prévu, les antiques ruines elfiques sur l’île de Symeem et l’endroit où se cachait Kalvetua pour survivre sont étroitement liés… Les Punisseurs Mandatés et les militaires viennent de récupérer le Livre des Calamités et comme ils n’ont appris l’existence des ruines que depuis à peine plus d’un jour, Kalvetua n’a pas pu tenir bien longtemps… Je pensais qu’il survivrait encore deux ou trois jours…

Klein soupira et tenta de savoir, par le biais de la divination, si les Transcendants officiels étaient entrés dans la cachette de Kalvetua.

Mais comme il manquait d’informations, ce fut un échec et il n’obtint aucune révélation.

Après avoir réfléchi un moment, le jeune homme changea de stratégie. Il détacha de son poignet son pendule et demanda s’il était dangereux pour lui de rechercher et d’explorer la cachette de Kalvetua.

Étant lui-même impliqué, il obtint très vite des résultats.

Le pendentif se mit à tourner dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, mais lentement et dans un mouvement de faible amplitude.

C’est dangereux, mais c’est acceptable… Le danger est même moindre que pour le rituel sacrificiel…

Hochant doucement la tête, Klein revint dans le monde réel et se mit à préparer son opération.

Il verrouilla la porte de la chambre, puis organisa le rituel pour s’invoquer lui-même.

De retour au-dessus du brouillard gris, il prit la carte de l’Empereur Noir et la plaça dans son corps spirituel.

Tout à coup, il se matérialisa, comme s’il était de chair et de sang. Un brouillard noir collait à la surface de son corps et formait une aura majestueuse. On aurait dit qu’il était entièrement vêtu d’une armure physique avec, sur sa tête, une magnifique couronne noire.

Il regarda le gant de peau humaine posé sur la table, hésitant à l’enfiler.

Au-dessus du brouillard, la Faim Rampante était comme scellée. Elle n’osait pas faire de mouvements inhabituels, mais dès qu’elle quittait la zone, sa faim incontrôlable causait du tort à son porteur, qu’il soit vivant ou sous la forme d’un corps spirituel.

Klein se demandait si le haut niveau de l’Empereur Noir avait le pouvoir de contenir la Faim Rampante dans son corps spirituel et la maintenir normale.

Je vais tenter. Si ça ne marche pas, je mettrai fin à l’invocation et reviendrai ici… Ça ne prendra pas beaucoup de temps et il n’y a aucun danger…

Le jeune homme prit la Faim Rampante et l’enfila par-dessus le gantelet de son armure noire.

Puis, sans l’ombre d’une hésitation, il franchit la Porte d’Invocation et aidé de la flamme de la bougie qui s’étendait, arriva dans le monde réel.

Par prudence, la première réaction de Klein fut de vérifier l’état de la Faim Rampante. Il la trouva calme et docile, soumise au niveau élevé de l’Empereur des Ténèbres.

Pas mal… Avec un soupir de soulagement, il plaça dans son corps des objets occultes comme le sifflet d’Azik, la Bouteille de Poison Biologique et la Broche du Soleil.

Enfin, il prit sa canne de bois noir avec l’intention de l’utiliser pour récupérer son étui à cigarettes en fer contaminé par l’aura du brouillard gris.

Pour trouver l’endroit où se cachait Kalvetua, il lui fallait d’abord pénétrer dans le monde des esprits et localiser l’endroit de l’intérieur, sans quoi c’était voué à l’échec.

Quant à la manière d’y pénétrer, Klein n’envisageait aucune des trois méthodes proposées par M. Azik. En tant que corps spirituel doté d’intelligence et de capacité de réflexion, comment pourrait-il ne pas trouver le monde des esprits et y pénétrer ?

Il se calma un peu et se remémora la scène des innombrables lumières sphériques. Son corps et son esprit s’apaisèrent aussitôt, il fit le vide dans sa tête tandis que sa conscience s’étendait.

Bientôt, il s’aperçut qu’il était entouré de choses indescriptibles, immatérielles et transparentes. Toutes les couleurs devinrent vives, distinctes, mais elles se superposaient et le brouillard gris était devenu si léger qu’il semblait que tout était enveloppé d’éther.

Dans les profondeurs, très haut dans le ciel, il vit sept rayons d’un brillant éclatant aux couleurs différentes. Ils semblaient doués de vie et renfermaient un immense savoir.

C’était le monde des esprits. Il se confondait totalement avec la réalité et était omniprésent.

Si jamais je tombe sur des Punisseurs Mandatés ou des militaires, je mettrai immédiatement fin à l’invocation et retournerai au-dessus du brouillard gris…

Klein fit un pas en avant. Il n’avait eu aucune peine à pénétrer dans le monde des esprits et sentit son corps se dématérialiser.

La cape noire derrière lui se souleva légèrement et la canne de bois qu’il tenait à la main se redressa.

– « L’endroit où se trouve mon unique étui à cigares en fer », prononça-t-il d’une voix grave et digne.

Tandis qu’il psalmodiait, le jeune homme, sans savoir pourquoi, se sentit tendu. Au milieu des couleurs saturées et distinctes qui l’environnaient, des yeux indifférents et inquiétants l’observaient.

Après avoir répété sept fois sa phrase, Klein relâcha sa prise et attendit la révélation.

La canne de bois noir flottait et avançait, ni trop vite, ni trop lentement.

Le jeune homme la suivit, volant à travers le réel, l’illusoire, l’étrange et mystérieux monde des esprits.

S’il venait à perdre ses repères, il aurait tôt fait de se retrouver complètement perdu et de ne plus jamais pouvoir repartir.

Mais ce n’était pas un problème. Si vraiment il se « perdait », il pouvait mettre fin à l’invocation et retourner immédiatement dans l’espace au-dessus du brouillard.

Poursuivant sa canne qui tantôt filait, tantôt redescendait, se faufilant entre les couleurs distinctes qui se chevauchaient, il passa devant des créatures à moitié dissimulées qu’il n’aurait su décrire avec précision, incapable de savoir jusqu’où il allait.

Soudain, il aperçut un œil. Il était rond, avec des noirs et des blancs clairs.

Celui-ci le regardait sans ciller. Il n’avait ni tête, ni corps.

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