Le Maître des Secrets | Lord of the Mysteries | 诡秘之主
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Chapitre 62 – La famille Pound
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Vol 2 : L’Homme Sans Visage / Chapitre 62 – La famille Pound

– « Cher Monsieur Le Fou, faites savoir, je vous prie, à Monsieur Le Monde que je ferai tout mon possible pour me procurer au plus vite la racine et la sève du Tréant des Brumes. »

A la réponse du Soleil, Klein hocha imperceptiblement la tête et marmonna pour lui-même :

Apparemment, il est plutôt satisfait. Même sans les effets supplémentaires liés à l’environnement, la Hache de l’Ouragan reste une arme redoutable.

Il avait transmis au Soleil les informations concernant les caractéristiques et les limites de cette arme Transcendante sans toutefois la décrire directement afin de ne pas paraître trop bavard. Il se devait de maintenir son image.

Cela fait, le jeune homme retourna aussitôt dans le monde réel, se changea et quitta la rue du Palmier Noir.

Quartier Est, rue de Dharavi, dans un pub exigu mais animé…

Xio Derecha se fraya un passage à l’intérieur en se couvrant le nez et la bouche, non pas seulement à cause des relents d’alcool et de sueur, mais parce que la plupart des gens étant plus grands qu’elle, elle craignait de se retrouver à hauteur de leurs aisselles qui dégageaient une forte odeur nauséabonde.

À grand peine et en recourant à ses pouvoirs d’Arbitre, la jeune femme parvint au comptoir et aperçut celui qu’elle cherchait.

C’était un jeune homme d’une vingtaine d’années au visage mince et allongé comme le museau d’un cheval, aux sourcils broussailleux et durs mais aux traits relativement doux.

Il avalait son alcool et riait bruyamment avec les clients à proximité.

– « Williams, j’ai quelque chose à vous dire », annonça Xio en frappant sur le bois du comptoir.

Ce geste rustre lui attira aussitôt des regards furieux qui se détournèrent presque aussi vite devant les yeux sévères de l’Arbitre.

– « Oh, Xio, ça fait des jours que je ne vous ai pas vue. Voyons… environ une semaine…non, trois au moins ! Vous prenez un verre ? Un Moitié-Moitié ? » Demanda Williams, mi-ivre et mi-surpris.

Composé à proportions égales de bière de malt et de vin de liqueur, le Moitié-Moitié était l’une des boissons alcoolisées les plus populaires du Quartier Est.

– « Vous comptez vraiment me laisser boire ? » Demanda Xio en haussant les sourcils.

– « Non, pas question ! » S’empressa de répondre le patron qui essuyait ses verres.

Lorsqu’elle était ivre, en effet, cette fille devenait un vrai danger mortel. Elle dissuadait les clients de boire à coup de poings et les jetait dehors un par un.

Le coin de la bouche de Williams tressaillit :

– « Bon, pourquoi vouliez-vous me voir ? »

En lien avec plusieurs gangs, le jeune homme était l’un des informateurs du Quartier Est.

Xio fronça les sourcils :

– « Vous ne pourriez pas arrêter de boire, William ? Vous feriez des économies, épouseriez une gentille fille et trouveriez tous les jours en rentrant un accueil chaleureux, de l’eau bien chaude et de la nourriture. Vous partageriez votre journée avec elle et en retour, elle vous raconterait les petites anecdotes qui se sont passées à la maison. De mignons enfants viendraient vous embrasser et jouer autour de vous. N’est-ce pas une perspective chaleureuse et agréable ? »

Si elle avait pu prendre ses marques dans le Quartier Est, c’était grâce à Williams aussi avait-elle toujours espéré pour lui une vie meilleure.

– « Chaleureuse ? » Railla Williams. « Une chaleur construite sur l’argent que je ramène, oui ! Je ne suis pas dupe de cette farce. Si je ramenais vingt Solis par semaine, je suis sûr que ma famille se montrerait aussi chaleureuse que vous le dites mais dans le cas contraire, Seigneur, les cris et les insultes de ma femme, les pleurs et les braillements des enfants, tout cela me rendrait fou !

« Ma mère en est un bon exemple. Chaque fois que mon vieux rentre à la maison, il me frappe et fait du grabuge, alors autant dépenser mon argent pour boire. Ici, personne n’a que faire de ce que je gagne, tout le monde boit et bavarde dans une bonne ambiance. Si je veux des femmes, il y en a de jolies dans la rue. Elles au-moins ne cherchent pas la dispute. »

Xio eut un sourire :

– « Vous êtes vraiment un incorrigible adepte du Seigneur des Tempêtes. L’alcool finira par vous tuer, à moins que vous ne mouriez d’une étrange maladie. »

– « Au moins, j’aurai profité de la vie », répondit le jeune homme sans se soucier de ce qu’elle disait. « Comme je n’ai pas travaillé depuis presque trois jours, je ne vais pas vous faire de remise ».

Renonçant à le convaincre, Xio passa la main dans ses cheveux blonds coupés courts et ébouriffés, puis lui tendit le portrait de Lanevus qu’Audrey lui avait remis.

– « Aide-moi à garder un œil sur cet homme. Il faut le retrouver au plus vite. Voici différents portraits de lui. »

Stupéfait, Williams étala la feuille de papier, y jeta un coup d’œil.

– « Il est très ordinaire et il y a beaucoup de monde dans le Quartier Est. À tout moment, il y en a qui meurent, certains partent, d’autres arrivent et d’autres encore deviennent des vagabonds. Il sera difficile de le retrouver. »

– « Pour faire court, gardez l’œil ouvert pour moi et si jamais vous tombez sur quelqu’un qui lui ressemble, prévenez-moi immédiatement. » Xio lui tendit un billet de cinq Solis : « Voici de quoi vous payer de la bière. Si vous retrouvez l’homme du portrait, je vous donnerai… euh, dix Livres. »

– « Dix livres ? » Williams eut un sifflement. « Depuis quand êtes-vous si généreuse ? À moins que cette personne vaille plus ? »

– « C’est la récompense offerte. Dix Livres pour avoir fourni des indices. » Xio fit mine de parcourir le pub du regard : « N’oubliez pas cette affaire, je reviendrai dans quelques jours. »

Elle avait déjà parcouru près de la moitié du Quartier Est et confié la même mission à tous les chefs de gangs et informateurs qu’elle connaissait, ce qui lui avait coûté plusieurs Livres d’avance.

Si l’un d’eux réussit, je regagnerai tout, plus de gros bénéfices ! Se dit la jeune femme pour se motiver avant de se diriger vers la sortie, la main sur la bouche et le nez.

Soudain, en raison d’un conflit entre quelques ivrognes, l’ambiance se mit à dégénérer.

Xio leur jeta un coup d’œil exaspéré, puis éleva la voix :

– « Stop ! ».

Un sentiment de domination se répandit dans le pub. Les ivrognes, dont on aurait dit qu’ils se trouvaient face à leur ennemi juré, se rassirent aussitôt. Certains d’entre eux, se prenant la tête à deux mains, s’accroupirent sur le sol.

Ouf, je me demande quand je vais passer Shérif… Soupira Xio, à la fois satisfaite et impatiente.

Le jeudi matin, Klein fit le long voyage qui le menait au Quartier St. George, qui semblait être une toute autre ville, afin de montrer un peu d’intérêt pour son premier investissement.

Fort de ses dernières recommandations et de la révélation du manuscrit de Roselle, Leppard progressait très rapidement sur son projet et en avait déjà construit un grossier prototype qui correspondait parfaitement à l’idée que Klein se faisait des bicyclettes.

Après un tour d’essai, ce dernier fit à Leppard quelques suggestions d’amélioration, lui fit savoir qu’il réglerait la seconde partie de son investissement la semaine suivante et exprima son espoir d’attirer au plus vite de nouveaux investisseurs afin que le projet puisse passer à la phase industrielle.

Seul problème : Leppard se croyant l’inventeur, il s’estimait le droit de donner un nom à ce produit et comme il n’aimait guère le terme de “bicyclette”, il avait l’intention de l’appeler « vélo », ce qui était plus populaire.

Mais Klein n’en avait que faire.

À midi, il retourna chez lui au 15, rue Minsk. Il n’avait pas ôté son chapeau qu’une série de supplications irréelles lui parvinrent.

Miss Justice ? Aurait-elle déjà recueilli si vite les informations sur les nobles démunis ?

En pleine réflexion, il s’apprêtait à traverser le salon pour monter à l’étage lorsque soudain, la sonnette de la porte d’entrée retentit.

Il alla ouvrir et se trouva face à Julianne, la domestique des Sammer.

– « M. Moriarty, Mme Sammer souhaiterait vous inviter à un déjeuner dominical. Beaucoup de voisins seront présent », annonça la femme sur le ton de celle qui récite quelque chose.

La veille au soir, Klein était allé rapporter l’appareil photo à Mme Sammer et même échanger quelques mots avec elle, mais à aucun moment sa propriétaire n’avait fait allusion à un éventuel déjeuner.

D’abord perplexe, Klein se rappela aussitôt :

Si j’en crois les magazines, il est vrai que jamais la classe moyenne n’invite en personne à un évènement. Ils font porter l’invitation de façon officielle par un ou une domestique… C’est bien le style de Mme Sammer…

Il promit donc qu’il serait à l’heure le dimanche suivant.

Qui refuserait un déjeuner gratuit ? De plus M. et Mme Sammer ne sont pas des gens très difficiles à vivre si l’on ne se soucie pas de leur manie de frimer…

Il regarda Julianne s’éloigner, ferma la porte et se dirigea vers l’escalier, balayant du regard le salon, la salle à manger et la cuisine, un peu en désordre.

Ca fait quelques jours que je n’ai pas fait le ménage… Mais pour une maison de célibataire, c’est plutôt propre… J’ai tellement de secrets que je pourrais même être attaqué. Ce n’est pas l’idéal pour engager une domestique… Je devrais en discuter avec Mme Sammer dimanche et lui demander de m’envoyer sa bonne pour faire le ménage deux fois par semaine. Je la payerai, bien sûr… Ce type d’arrangement est fréquent entre locataires et propriétaires…

Arrivé dans sa chambre à coucher, Klein tira calmement les rideaux.

Une fois passé le brouillard, il constata que la prière qu’il avait entendue provenait bien de Mlle Justice.

La jeune fille au sang bleu était assise devant son piano, les mains sur les touches. Mais au lieu de jouer, elle murmurait le titre honorifique du Fou qui n’appartenait pas à cette époque.

– « …J’ai réuni des informations concernant les nobles démunis. Je demande la permission d’organiser un rituel sacrificiel et sollicite votre aide pour les transmettre à M. Le Monde. »

C’est rapide… comme on pouvait s’y attendre de la part d’une « professionnelle » … Se dit Klein qui répondit aussitôt.

Audrey, qui revenait tout juste du bureau royal des armoiries et des experts en la matière, accomplit le rituel auquel elle n’était pas très habituée et lança l’épais manuscrit à travers la porte irréelle.

– « Je vais le transmettre au Monde », dit Klein d’un ton indifférent en coupant la connexion.

Comme il n’était pas pressé, cette fois, de retourner dans le monde réel, le jeune homme feuilleta le manuscrit et tomba sur le passage qui concernait la famille Pound.

Ils avaient, en effet, obtenu le titre de vicomte lors de la Bataille du Serment Violé. Désormais fidèles à la famille royale, ils jouissaient d’un certain pouvoir au sein de l’armée et de leur propre fief.

Mais trente-deux ans auparavant, deux des héritiers de la famille avaient contracté une grave maladie et étaient décédés. Le vieux Vicomte n’avait alors pas eu d’autre choix que de faire venir l’enfant d’un parent éloigné.

Peu de temps après, le vieil homme mourait à son tour. L’enfant étant encore jeune, il changea de majordome sous l’incitation des domestiques et devint un dandy.

En huit ans seulement, il avait perdu la majeure partie de sa fortune et été rétrogradé au rang de Baron. Même la maison familiale de Backlund fut vendue.

Dans les années qui suivirent, il fut à nouveau rétrogradé au rang de Baronnet.

Morts de maladies graves ? Leurs corps sont probablement introuvables. Ils doivent tous se trouver dans la pièce centrale de la construction souterraine, de l’autre côté de cette porte sanglante… Le vieux Vicomte a certainement dissimulé l’affaire pour empêcher toute éventuelle enquête de la part de la famille royale, de l’armée ou des églises… Il semblerait que la famille Pound ait découvert il y a environ trente ans cette structure souterraine datant de la Quatrième Époque. C’est peut-être même eux qui ont construit cette porte secrète… Mais il y a plus de deux cadavres dans cette pièce. D’autres seraient-ils venus là dans les temps anciens pour explorer ?

Bon, je vais devoir aller parler au Baronet Pound sans toutefois révéler qui je suis…

Klein cessa de réfléchir et posa les yeux sur le dernier paragraphe. C’était exactement ce qu’il cherchait :

Baronet Pound, actuellement domicilié 29 rue Sivellaus, Quartier de l’Impératrice.

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