Le Maître des Secrets | Lord of the Mysteries | 诡秘之主
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Chapitre 58 – La Rose d’Or
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Vol 2 : L’Homme Sans Visage / Chapitre 58 – La Rose d’Or

19 rue de l’Espoir, Quartier de Cherwood…

Dans ce quartier, situé près de la rivière Tussock qui traversait Backlund, les piétons pouvaient apercevoir la surface trouble du large fleuve à travers les fissures et interstices entre les maisons.

Mike Joseph, le journaliste du Daily Observer, descendit de voiture accompagné de Klein, qui portait un costume noir à double boutonnage, un semi-haut de forme et des lunettes à monture dorée, et désignant un bâtiment gris-bleu de deux étages, lui dit :

– « Voici la Rose d’Or, la meilleure maison de passe légalement reconnue du secteur du Pont Backlund et du Quartier de Qherwood. Elle est ouverte de 15 heures à deux heures du matin. »

La meilleure ? Dois-je comprendre qu’il y en a d’autres mais qu’elles sont illégales ?

Pensif, le détective jeta un coup d’œil à la porte d’entrée incrustée d’une rose. Il n’y avait pas d’enseigne.

– « Ce n’est donc pas vraiment une fille de la rue », fit-il remarquer sans réfléchir.

– « Bien sûr que si, mais d’un rang plus élevé », répondit Mike en poussant la porte de l’immeuble.

Sitôt entré, Klein perçut une odeur légèrement piquante tandis qu’une mélodie apaisante mais suggestive parvenait à ses oreilles.

Instinctivement, il regarda autour de lui : des videurs en manteau noir et semi-haut de forme, se tenait de chaque côté de l’entrée et dans chaque recoin de la salle. Cette entreprise étant légale, ils étaient manifestement là pour gérer les ivrognes et autres malotrus.

Toute dorée, la salle était décorée de canapés et chaises. Il y avait même un piano et, au centre, une piste de danse.

Des femmes aux cheveux d’or, bruns, blond pâle ou noirs étaient assises çà et là. Il y en avait de jeunes et timides, d’autres très attirantes, certaines paraissaient plus mûres et d’autres encore plutôt belles.

Ces dames écoutaient la musique, bavardaient en riant, lisaient tranquillement journaux et magazines, ou dansaient avec les hommes.

À 15h 30, les clients étaient encore peu nombreux et au premier coup d’œil, l’endroit ressemblait plus à un dancing qu’à une maison close.

– « Le spectacle est plus intéressant après 20 heures », lui dit le journaliste. « Si une dame vous plaît, il vous suffit de l’inviter à danser et tandis que joue la belle mélodie, de lui demander son tarif. Si vous tombez d’accord, vous pourrez alors monter ensemble au premier ou au second étage et passer un moment merveilleux. Et si vous êtes prêt à payer, vous pouvez même rester dormir ici. »

Mike tournait la tête de gauche à droite. Brusquement, il semblait avoir perdu son calme et sa courtoisie, devenant un peu plus frivole.

Avec un sourire, il entra dans la grande salle et s’approcha d’une jeune fille qui avait tout au plus quinze ou seize ans.

Est-ce là sa vraie nature ou un comportement professionnel ? Se demanda Klein, un peu éberlué, en lui emboîtant le pas.

– « Siber, la victime, n’avait que 16 ans. En théorie, une jeune fille du même âge est plus susceptible de s’être liée d’amitié avec elle et de savoir quelque chose », expliqua Mike en baissant la voix.

Haussant ses fins sourcils et reprenant sa voix normale, il demanda :

– « Laquelle de ces dames vous plaît le plus ? »

– « Je ne suis que votre garde du corps », répondit logiquement Klein.

Le journaliste hocha légèrement la tête et se mit à rire :

– « Je n’ai pas l’habitude d’être surveillé quand je fais ce genre de choses. »

– « Je ferai le guet dehors », répondit Klein qui avait parfaitement compris, sur un ton professionnel.

Sans un mot, Mike s’approcha de la jeune fille, s’inclina et l’invita à danser.

Prostituée à cet âge ! Backlund est à la fois éblouissant et sale… Quand je pense qu’un homme d’âge moyen, apparemment bien portant, fréquente cet endroit. Il a même les tempes grisonnantes…

Laissant retomber ses mains, notre détective, droit comme un I, regarda le couple danser un slow.

Au bout de quelques minutes, Mike revint vers lui et lança, légèrement agacé :

– « C’est trop cher ».

Puis, s’approchant, il ajouta à voix basse : « Cette fille connaissait Siber, mais Mme Lopez, la tenancière, leur a interdit de parler à qui que ce soit de cette affaire sous peine d’être sévèrement punies. Sitôt qu’elle a entendu parler du châtiment, cette jeune fille, Dieu soit loué, en a littéralement frissonné. J’imagine sans peine à quel point cela doit être horrible. »

Impuissant, Klein eut un soupir compatissant et demanda d’une voix sourde :

– « Alors que comptez-vous faire ? ».

– « Je ne voudrais pas causer de nouveaux problèmes à ces filles, j’ai l’intention d’aller directement voir Madame Lopez. » Mike tapa sur l’épaule de Klein et ajouta : « Protégez-moi ! »

Klein se tourna sur le côté et prit un ton grave :

– « Si jamais nous sommes en danger, vous devrez m’écouter ! M’écouter, c’est bien compris ? »

– « D’accord, d’accord », répondit Mike en posant les mains sur ses épaules.

Cela dit, il se dirigea vers un coin de la salle où une charmante dame lourdement maquillée et vêtue d’une robe magnifique était assise dans un fauteuil.

« Si vous ne voulez pas abandonner après une danse et vous couvrir d’embarras devant ces filles, je vous conseille d’aller voir Mme Lopez d’abord et de vous renseigner sur leurs tarifs », ajouta-t-il en haussant la voix.

Celle-ci, qui avait entendu leur conversation, se leva lentement et sourit :

– « Bon après-midi, messieurs. Je suis Lopez. L’une de mes filles vous plaît-elle particulièrement ? »

– « Oui », répondit Mike avec un petit rire en la dévisageant. « Vraiment, je vous admire. »

Moi aussi, je vous admire… Vous vous comportez comme si vous étiez chez vous… Se dit Klein en crispant les lèvres.

Lopez demeura un instant comme figée sur place puis eut un petit rire qui sonnait faux :

– « Désolée, je ne me sens pas bien aujourd’hui. Vous savez sans doute que les femmes ont leurs indispositions mensuelles. »

Voyant qu’il n’avait aucun moyen de s’isoler avec elle dans une pièce pour discuter, Mike se tut quelques secondes.

– « M’dame Lopez, je suis journaliste. Je cherche à en savoir plus sur l’affaire Siber. Voici ma pièce justificative », dit-il d’un ton sérieux.

Le visage de Lopez s’assombrit :

« J’ai dit tout ce que je savais à la police. Vous devriez leur demander !

« Siber était une orpheline, une sans-abri que j’ai adoptée. Un soir, elle a accepté de passer la nuit chez un de nos hôtes et au matin, elle a été retrouvée morte sur le chemin du retour.

« Maintenant, ou vous invitez une dame à danser, ou vous partez ! »

Joignant le geste à la parole, elle fit signe à deux de ses videurs.

Klein intervint alors pour le protéger et l’escorta jusqu’au hall, ce qui dissuada les deux hommes de le chasser.

– « Elle ment », dit-il au bout de quelques pas.

Mike le regarda, surpris :

– « Vraiment ? »

– « Tandis qu’elle vous parlait, elle n’osait pas vous regarder en face mais discrètement, elle guettait votre réaction. Il est évident qu’elle mentait. De plus, elle était sur la défensive et paraissait très agitée. »

– « Vous êtes vraiment un grand détective », dit Mike après un moment de stupéfaction. « Vous devez avoir un sens aigu de l’observation et de remarquables capacités de déduction pour avoir décelé tous ces détails utiles. »

Uniquement parce que ma vision spirituelle m’a permis de m’apercevoir que les couleurs émotionnelles de Lopez n’étaient pas les bonnes… J’en ai ensuite tiré mes conclusions…

– « Merci, il est temps pour nous de partir », répondit Klein avec un sourire.

Mike Joseph tourna la tête vers Lopez et la vit se diriger vers une porte latérale dans un coin de la pièce, comme si elle se rendait dans son salon privé. Aux alentours, tout était très calme et depuis de nombreux endroits de la salle, on ne pouvait voir ce qui se passait à l’intérieur. Deux videurs montaient la garde à l’extérieur.

– « Peut-être devrions-nous suivre M’dame Lopez et observer sa réaction. L’inquiétude va sans aucun doute la pousser à agir… » Dit brusquement le journaliste. « Pourriez-vous vous occuper au plus vide de ces deux videurs ? »

– « Je suis seulement chargé de votre protection, Monsieur, et c’est contraire à la loi », répondit aimablement le détective.

Mike Joseph serra les dents

– « Je vais vous augmenter ! Ce sera 5 livres comme convenu s’il y a lutte, et 10 s’il faut combattre encore lors de notre fuite ! »

– « Marché conclu ! », Répondit Klein en lui serrant la main.

Les deux hommes firent alors un détour pour éviter les deux videurs et s’approchèrent discrètement de la porte latérale.

– « Stop messieurs, veuillez quitter cette zone », ordonna l’un des deux gardes en s’avançant vers eux.

– « Désolé, nous allons immédiatement… »

Tandis que Klein s’inclinait poliment, il leva brusquement le poing droit et frappa l’homme au ventre.

Alors que celui-ci se pliait en deux sous le coup de la douleur, le jeune homme, qui s’était relevé, lui asséna un coup derrière la tête.

Le videur s’effondra, évanoui. Visiblement surpris par la tournure que prenaient les événements, son acolyte le regardait, hébété. Avant même qu’il n’ait pu réagir, Klein fonça sur lui, lui couvrit la bouche de sa main droite et de l’autre, le frappa à l’estomac.

Alors que le videur se penchait pour vomir, notre détective retira sa main droite de sa bouche et abattit sa paume sur l’homme tout en le soutenant de la main gauche pour qu’il ne fasse pas de bruit en tombant.

Mike et Klein se regardèrent, puis ce dernier tourna la poignée et poussa la porte latérale. Le journaliste se baissa et le suivit à l’intérieur.

Comment se fait-il que vous soyez si habile… Vous n’êtes qu’un simple journaliste  ! Railla Klein en marchant d’un pas vif le long du couloir pavé.

Soudain, ils entendirent la voix de Lopez.

– « Dites à Capim de n’envoyer personne dans les prochains jours ! »

Capim ? Envoyer quelqu’un ? Klein regarda Mike : il était tout aussi perplexe que lui.

C’est alors qu’ils entendirent les pas de Lopez qui se dirigeait vers le couloir.

– « Filons ! » Souffla Klein en entraînant le journaliste vers la sortie.

Ils coururent sans se retourner et arrivés à la porte latérale, Klein brisa la serrure de façon à retarder la sortie de quiconque se trouvait à l’intérieur.

Puis, comme si de rien n’était, ils traversèrent en hâte la salle et tandis que de faibles voix en colère leur parvenaient, s’approchèrent de la sortie.

Une fois dans la rue, Mike poussa un soupir de soulagement et dit avec un étonnement sincère :

– « J’ai vécu de nombreux scénarios similaires, mais jamais cela n’avait été aussi simple et relax.

« Merci. Je dois rentrer et découvrir qui est Capim. »

Tout en parlant, il a sorti son portefeuille, y pêcha un billet de cinq livres et marmonna:

– « Franchement, vous me coûtez cher. Plus de la moitié d’une semaine de salaire. »

– « Mais vous pouvez demander un remboursement, non ? » Fit Klein avec un sourire. « N’avez-vous pas peur que Lopez localise votre journal et que la police vous arrête ? »

– « J’utilise une fausse carte d’identité », répondit Mike Joseph en haussant les épaules, l’air de celui qui a l’habitude.

Klein ne pouvait que l’admirer.

Après avoir regardé Mike monter dans une calèche et partir, il traversa la rue en diagonale et, tandis qu’il attendait les transports publics, s’assura de ne pas être suivi.

C’est alors qu’une voiture de location ralentit et s’arrêta devant lui. Un homme d’âge moyen en manteau noir en descendit et salua notre détective d’un signe de tête.

Il avait des yeux bleus, un visage fin et des tempes grises. C’était le vieil homme que Klein avait vu à la Rose d’Or.

Ce n’était pas un client… Réalisa soudain le jeune homme. Il est comme nous…

– « Bonjour, je suis le détective Isengard Stanton. J’assiste la police dans cette affaire. On peut discuter ? » Demanda l’homme en pointant du doigt les rails du véhicule.

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