Le Maître des Secrets | Lord of the Mysteries | 诡秘之主
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Chapitre 57 – Opérations nocturnes
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Chapitre 57 – Opérations nocturnes

Lorsqu’un étranger prendra cette épée sacrée, Dieu, à nouveau, reviendra marcher sur ces terres…

Mais qu’est-il censé se passer si l’épée est brisée ?

Ces deux phrases résonnaient dans l’esprit de Kalat et d’Edmonton, et ils n’avaient aucune idée de la réponse qui dépassait leur champ de compétences.

Durant quelques secondes, ils fixèrent l’épée brisée, sans voix, le visage terne.

Ils ne pouvaient croire que cet objet sacré que seul un étranger avait touché ait brusquement volé en éclats !

Qu’est-ce que cela signifie ? Qu’est-ce que cela symbolise ? Tous deux n’osaient pas y réfléchir trop profondément. Ils avaient l’impression de revenir au tout début. À l’époque, l’une des bases secrètes de la Résistance avait été découverte par des militaires de Loen. Ils furent attaqués sans avertissement et virent leurs pères tués lors de ce massacre. Les femmes de leur famille furent enlevées et vendues en divers endroits. Avant de recevoir cette terrible nouvelle, Kalat et Edmonton avaient éprouvé les mêmes sentiments. Ils se sentaient lourds, confus, dans l’expectative et mal à l’aise. Tous ces ressentis se mêlaient en une pression intense.

– « Retournez dans la forêt, trouvez le Grand Prêtre et découvrez l’explication. Peut-être s’agit-il de la dernière révélation de Dieu ? » dit Kalat d’une voix grave en tournant son fauteuil roulant.

Edmonton se leva aussitôt et dit à ce qui lui restait de subordonnés :

– « Continuez à chercher ces blasphémateurs, mais ne restez pas ici.

« Ordonnez aussi aux croyants qui se trouvent dehors de ne pas organiser de rituels ni même de prier ! »

La tournure qu’avaient pris les évènements le rendait extrêmement vigilant.

Bayam, au coin de la rue où est située la Cathédrale des Vagues…

Une pile de papiers blancs pliée à la main, Danitz tourna la tête, en proie à un mélange de nervosité, d’inquiétude et de perplexité.

– « Vous voulez que je les placarde à différents endroits de la rue et pour finir, sur la porte principale de la Cathédrale des Vagues ? »

Il avait très peur que la porte de la cathédrale ne s’ouvre brusquement et qu’un groupe de prêtres et d’évêques se précipite poings levés pour l’attaquer sans même lui demander pourquoi il avait posé l’affiche.

– « Oui », répondit Klein, toujours aussi froid.

Son plan initial était de confier l’affaire du Dieu de la Mer au Pendu afin qu’il prévienne l’Église des Tempêtes. Mais étant donné que ce dernier détenait toujours le secret du Port de Bansy et qu’il se pouvait qu’il ait signalé l’affaire, il éveillerait facilement les soupçons s’il se présentait avec une autre information importante en un si court laps de temps, aussi avait-il décidé de s’en charger personnellement.

Quant à la solution, elle était très simple. Il apposerait quelques affiches sur la porte d’entrée des Punisseurs Mandatés afin qu’ils les voient dès qu’ils sortiraient.

Mais il y avait un léger problème avec le plan de Klein : il ne pouvait pas savoir quel magasin ou entreprise à proximité de la Cathédrale des Vagues couvrait les Punisseurs Mandatés, aussi n’avait-il d’autre choix que de compliquer un peu la tâche de Danitz en lui faisant coller des affiches partout dans des endroits bien visibles, y compris, mais non exclusivement, sur la porte d’entrée de la Cathédrale des Vagues.

… J’aurais mieux fait de m’enfuir… Pourquoi avoir pensé que ce type m’avait sauvé la vie ? Peut-être aurais-je été converti en Livres d’or s’il s’était agi d’un autre puissant aventurier… Qui aurait pu imaginer que ce fou règlerait si facilement le problème de la malédiction du Dieu de la Mer ? Je me serais peut-être mis dans une situation pire en fuyant…

Tout en se lamentant intérieurement, Danitz déplia la pile de papier et jeta un coup d’œil au contenu.

« Leticia Dolera et ses compagnons étant entrés dans les ruines du Dieu de la Mer sur l’île de Symeem, ils ont été poursuivis par la Résistance. Dans le même temps, Kalat et la Résistance tentaient de vendre une étrange épée en os visiblement un peu courbée. Le corps de Kalvetua est sur le point de le lâcher et son état mental est extrêmement dérangé. »

Danitz demeura figé quelques secondes puis, machinalement, il jeta un coup d’œil à Gehrman Sparrow.

Je peux comprendre les premières affirmations, mais pourquoi est-il mentionné que le Dieu de la Mer est au bord de l’effondrement et dans un état mental extrêmement dérangé ? Comment Sparrow le sait-il ? Aurait-t-il découvert un problème en gérant la malédiction de Kalvetua ? D’ailleurs, comment a-t-il pu affronter cette malédiction ? L’organisation qui le couvre est plus puissante que je ne le pensais… Se pourrait-il qu’elle soit similaire à l’Ordre Aurora qui est au service d’une véritable divinité ?

Plus il y pensait, plus Danitz tremblait de peur.

La première fois qu’il avait entendu parler de l’Ordre Aurora, c’était à l’occasion d’un pillage en mer. C’était aussi la première fois qu’il voyait son capitaine arborer une expression grave. Après cela, on lui avait enseigné quelques connaissances soi-disant générales sur le monde mystérieux.

Klein posa sur Danitz un regard sans émotion.

Sur l’affiche, il avait éliminé toute hypothèse subjective, n’évoquant que ce qui pouvait être confirmé avec certitude, ceci afin de ne pas interférer avec le jugement des hauts responsables de l’Église des Tempêtes.

La mention d’un objet important que Leticia et ses comparses avaient emporté n’y figurait pas. Le temple perdu avait été remplacé par une ruine du Dieu de la Mer, plus large et plus englobante. Il s’était également gardé de mentionner que la base, manifestement, avait été abandonnée par Kalat et les autres après qu’ils eurent réalisé que quelque chose était arrivé au Dieu de la Mer.

Danitz rétracta soudain son regard, effrayé à l’idée de regarder plus avant.

Le Capitaine affirme que plus une personne a de secrets, plus elle est dangereuse ! Il réfléchit un moment et inquiet, demanda :

– « Si nous la placardons sur la porte d’entrée de la cathédrale, elle attirera certainement l’attention de l’Église des Tempêtes. S’apercevront-ils que c’est moi qui l’ai fait ? »

– « Oui », répondit laconiquement Klein.

Danitz eut un sourire forcé :

– « Ne serai-je pas en grand danger dans ce cas ? »

Klein eut recours à sa capacité de Clown pour contrôler son expression et répondit calmement :

– « Vous êtes un pirate. Votre tête est déjà mise à prix. »

Vous croyez donc pouvoir vous pavaner comme ça dans les rues de Bayam ? ajouta-t-il en son for intérieur.

C’est vrai. Quoi qu’il advienne, ils me captureront et réclameront ma prime… Non, quelque chose ne va pas !

– « Mais ma prime va augmenter ! »

Klein le regarda sans un mot et esquissa un léger sourire.

Durant un instant, Danitz crut entendre une question rhétorique.

N’est-ce pas une bonne chose ?

Une bonne chose à botter pour un âne ! Avec un petit rire sec, Danitz prit la pile d’affiches et, profitant des vents violents et de ce que la nuit était avancée, les placarda bien en évidence dans la rue près de la Cathédrale des Vagues.

Cela ressemble vraiment à une petite publicité… commenta Klein qui l’observait de loin, une main dans sa poche.

Il soupira et se dit : C’est bien d’avoir un assistant. Au moins, je n’ai pas à faire une chose qui pourrait ternir ma réputation… Si quelque chose de similaire s’était produit à Tingen ou à Backlund… Ç’aurait été trop beau…

Arrivé devant la Cathédrale des Vagues, Danitz placarda l’affiche sur la porte d’entrée puis frappa à la porte de son poing.

Cela fait, il s’enfuit en courant comme s’il était poursuivi par dix Punisseurs Mandatés.

Par prudence, Klein prit une figurine de papier, la secoua et la réduisit en cendres avant de se diriger d’un bon pas vers une autre rue.

Après ses récentes rencontres avec les Punisseurs Mandatés, il connaissait parfaitement leur style et ne voulait pas se montrer négligent.

Lorsqu’ils furent suffisamment loin de la Cathédrale des Vagues, les deux hommes ralentirent et reprirent leur rythme de marche.

Danitz étant d’une bonne constitution, il n’avait pas le visage rouge ni n’était essoufflé.

Un peu perplexe, il demanda :

– « Pourquoi n’avez-vous pas simplement écrit à la police ou déposé le dossier au bureau du gouverneur général ? »

Mais avant même la réponse de Klein, il comprit.

Les policiers de rang inférieur et le personnel du bureau du gouverneur général sont des locaux. Ils pourraient parfaitement avoir de la sympathie pour la Résistance, voire être eux-mêmes des croyants ou clandestins du Dieu de la Mer.

Tout en discutant, ils tournèrent au coin de la rue et virent, face à eux, un très grand bâtiment rouge. Il était tout éclairé et on pouvait y entendre de la musique. Des gens et des calèches entraient et sortaient. On n’aurait jamais cru qu’il était tard dans la nuit.

– « Ha, nous voilà arrivés ici. »

Après une seconde d’hésitation, Danitz eut un sourire, un sourire que tout homme aurait compris.

Klein, qui ne manquait pas de connaissances théoriques, réalisa soudain.

Le Théâtre Rouge ?

Danitz eut un rire malicieux.

– « C’est l’un des endroits les plus célèbres de toute la Mer de Sonia. On y trouve de mystérieuses et coquettes filles de Balam, des filles de Feynapotter passionnées, des jeunes filles d’Intis ouvertes et séduisantes, de grandes et gracieuses dames de Feysac, des femmes de Loen conservatrices et calmes, des indigènes douces et dociles… »

Ce type en sait long… Il vient souvent ?

Klein jeta un coup d’œil au Flamboyant, mais ne répondit rien.

Pour une raison qui lui échappait, Danitz se sentit percé à jour et eut un rire gêné.

– « C’est ce que disent les pirates lorsqu’ils se vantent. Je ne suis venu ici que quelques fois.

« Je n’avais pas beaucoup d’argent autrefois. Tout ce que je pouvais trouver, c’était quelques établissements de qualité moyenne, principalement dans la région de la Mer de Brouillard. Ensuite, j’ai rejoint le Rêve d’Or… »

Pas étonnant… Bien que les hommes de la vice-amirale Iceberg bénéficient d’avantages sociaux assez intéressants et partagent souvent les trésors, il reste difficile d’économiser pour s’offrir quelques maisons à Bayam… Comparé au pirate typique, ce type au moins sait faire preuve de tempérance et économiser son argent… se dit Klein.

Danitz ne souhaitait pas poursuivre sur ce sujet.

– « Il y a beaucoup de filles des rues à Bayam, surtout là », dit-il en pointant le doigt au loin. « Un jour, un pirate a fait une expérience. Il a frappé au hasard à la porte d’une famille, a donné un peu d’argent et a demandé à coucher avec la maîtresse de maison. Au final, trois ou quatre familles sur dix ont accepté. Tss… personne n’aurait refusé à quelqu’un comme vous qui avez l’apparence standard des gens de Loen. Il se peut qu’ils cachent secrètement leurs filles pour éviter que vous ne les aperceviez. La Marine de Loen commet chaque année de nombreux meurtres et viols ici. Ils ne valent pas mieux que les pirates, mais on se contente de les renvoyer dans leur pays et de leur faire payer une petite amende. »

Klein, qui écoutait en silence, repensa soudain à la soirée où il avait vu les fidèles du Dieu de la Mer prier autour du bassin. Il revit leurs visages fiévreux et engourdis.

Backlund, dans la villa de la famille Odora…

Emlyn White, qui avait pris l’initiative d’exposer certains problèmes le concernant, suivit nerveusement Cosmi au sous-sol, jusqu’à la salle de pierre grise où se trouvait le cercueil de fer noir.

– « Honorable Seigneur Nibbs, pourquoi m’avez-vous convoqué ? »

Bien qu’Emlyn ait répété des dizaines de fois cette scène dans son esprit, il ne parvenait pas à faire disparaître complètement la tension et l’appréhension qui l’habitaient.

Soudain, il comprit quelque chose. D’un point de vue théâtral, le personnage qu’il jouait devait cacher ses inquiétudes et ses peurs.

Nul besoin d’une dissimulation particulière… Je me suis bien débrouillé ! pensa le vampire, soudain beaucoup plus calme.

La voix profonde d’un homme âgé sortit du cercueil couvert de symboles et de signes magiques.

– « Pour vous récompenser. Pour l’Ancêtre, vous avez risqué votre vie en priant Le Fou. Même si vous n’ayez pas reçu de réponse, vous avez pris un risque énorme. C’est un acte qui mérite récompense.

– « Voici une traite de 7 000 Livres. Je ne vous l’ai pas donnée en temps voulu en raison du Grand Smog de Backlund, mais il n’est jamais trop tard.

« Cela dit, faites attention à vous et ne vous relâchez pas. Si quelque chose d’anormal se produit, informez-en immédiatement Cosmi. »

Il m’a vraiment donné de l’argent…

Emlyn faillit oublier de refermer la bouche.

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