Le Maître des Secrets | Lord of the Mysteries | 诡秘之主
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Chapitre 55 – Une perception spirituelle excessive
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Chapitre 55 – Une perception spirituelle excessive

Derrière la porte se trouvait un homme torse nu avec un hideux serpent de mer bleu tatoué sur le bras et de courtes traînées de peinture rouge par groupe de trois sur les côtés de ses joues, sur sa poitrine et sur son abdomen.

Vraiment exotique… Mais n’avez-vous pas peur d’être trop voyant ? D’être arrêté par la police lorsque vous êtes dehors ? Vous faites partie de la Résistance qui mène des opérations secrètes !

Klein s’apprêtait à rétracter son regard lorsqu’il fut presque contraint de froncer les sourcils en voyant ceux, épais et en broussaille, de l’homme et ses yeux pleins de sang-froid.

Il a tué beaucoup de gens… se dit-il, se fiant à son intuition spirituelle.

Honnêtement, étant donné sa personnalité et les connaissances qu’il avait acquises dans sa vie précédente, il avait d’abord éprouvé beaucoup de sympathie pour les rebelles sous la domination coloniale. Cependant, après avoir appris que cet homme et les disciples du Dieu de la Mer se livraient essentiellement aux mêmes actes, il était plus méfiant et en éprouvait de la répulsion.

Non pas qu’il discriminât la croyance locale, mais la foi traditionnelle sur toutes les îles coloniales en était encore à un stade primitif et les gens croyaient aux sacrifices. Ils adoraient la nourriture et le sang, faisaient des sacrifices d’êtres vivants et étaient encore dans un état d’ignorance totale.

De plus, les expériences de l’Empereur et les miennes ont prouvé que la nature Transcendante de ce monde est pleine de folie et de perversité. Une “divinité” qui en est encore au stade primitif du sacrifice est incapable de résister à cette tendance. Le style qu’ils adoptent est évident…

Sans un mot, Klein suivit Danitz dans la pièce.

– « Edmonton, qui est là ? » demanda une voix qui venait de près des fenêtres.

Le tatoué referma la porte et répondit :

– « Ils se sont déguisés. »

Klein, qui avait bien observé le logement, s’en était fait une idée basique.

Le salon n’était pas très grand. Une armoire, une table et quelques chaises suffisaient à le rendre exigu.

À droite, deux portes menaient à ce qui semblait être une chambre à coucher ; à gauche se trouvait une “cuisine” séparée par une armoire. Quant aux toilettes, nul doute qu’il n’y en avait pas. Lorsque Klein était monté à l’étage, il s’était aperçu qu’il y avait des toilettes communes à l’angle de chaque volée de marches. L’odeur nauséabonde de ces locaux qui n’avaient pas été nettoyés depuis longtemps incitait les passants à monter plus vite.

Juste en face de lui se trouvait une fenêtre d’où partaient deux perches de bambou qui servaient à faire sécher une grande quantité de linge.

Quatre ou cinq hommes étaient soit assis, soit debout entre l’embrasure de la porte menant à la chambre et le salon. Tous étaient des indigènes à la peau sombre et aux cheveux légèrement bouclés. Ils portaient des chemises Taraba bleu foncé et avaient plus ou moins de peinture rouge sur la peau. Quant au tatouage représentant un serpent de mer, Klein ne pouvait pas vérifier car ils étaient vêtus.

Certains portaient des revolvers à la taille, d’autres des fusils de chasse d’un brun rougeâtre Quelques-uns avaient même sur le dos des réservoirs en acier gris clair et de longs et volumineux fusils à vapeur haute pression. Ils formaient un demi-cercle autour de Danitz et Klein qui venaient d’entrer dans la pièce.

La personne qui avait parlé était un homme d’une quarantaine d’années en fauteuil roulant. Il portait une veste et une couverture reposait sur ses genoux.

Il avait le crâne rasé, une barbe légèrement verte de chaque côté du visage et ses yeux, d’un marron sombre, étaient calmes et posés.

Il jeta un œil à son visiteur et sourit lentement.

– « Le Flamboyant. »

Danitz en fut un moment stupéfait, puis éclata de rire.

– « Vous avez une bonne vue, Kalat ! »

Me*de ! Suis-je donc si mauvais en matière de déguisement ? grogna-t-il intérieurement, incapable d’accepter ce fait.

Kalat ignora le compliment hypocrite et se contenta de glousser.

– « J’ai entendu dire que vous aviez tué Steel et Ronces de Sang ? »

– « Sinon, comment seraient-ils morts ? » rétorqua Danitz du tac au tac.

Kalat plissa les yeux et reporta lentement son regard sur Klein dont le visage était tout à fait banal.

Il savait pertinemment que seul, Danitz Le Flamboyant aurait eu grand mal à tuer Hendry et à plus forte raison Steel Maveti. Le bruit courait que s’il avait réussi, c’était grâce à l’aide d’un puissant aventurier, un chasseur de primes chevronné.

Est-ce l’homme qui est avec lui ? Plongeant son regard dans celui de Klein, il n’y vit ni nervosité, ni inquiétude, ni vigilance. Ces yeux évoquaient un profond océan.

Il se pourrait bien que… Au moins, il est plus fort que Le Flamboyant !

Du regard, il fit discrètement signe à Edmonton et aux autres de se tenir sur leurs gardes.

– « Que faites-vous ici ? » s’enquit Kalat en changeant de sujet.

Danitz regarda machinalement Klein et après l’avoir vu hocher la tête, il répondit :

– « Je suis venu voir ce que vous avez de bien à proposer. »

Kalat lui montra une table :

– « Tout est là. »

Il y avait une foule d’objets étranges et divers, dont un sifflet en os, une cornemuse simple et grossière, une feuille noire, un rocher taché de sang…

Sans attendre que Klein et Danitz examinent les objets, Kalat frappa dans ses mains et annonça :

– « J’ai une mission. Si vous parvenez à la mener à bien, vous pourrez choisir librement et gratuitement un objet parmi ceux-ci. »

Il ajouta en riant : « Ce ne sont pas des objets occultes tels que vous les définissez, vous, les étrangers, mais ils ont tous un certain pouvoir surnaturel qui s’affaiblit lentement, oui, lentement, jusqu’à disparaître. »

– « Quelle mission ? » demanda posément Klein qui n’avait pas l’intention de cacher le fait que Danitz n’était qu’un auxiliaire.

Il plongea la main sous la couverture qui lui arrivait aux genoux et en sortit une pile de papier blanc.

– « Localisez-les et si vous parvenez à les attraper, vous aurez davantage. »

Il leur fit voir des portraits plus vrais que nature, dont celui d’une dame aux yeux gris-verdâtres vêtue d’une chemise d’homme.

Leticia Dolera… pensa Klein qui avait aussitôt reconnut la personne recherchée par la Résistance.

C’était l’archéologue et aventurière qu’il avait croisée la veille et avec qui il avait embarqué le matin même. On la soupçonnait d’être membre de l’Ordre Ascétique de Moïse ou de l’Aube Élémentaire.

Danitz l’observa attentivement quelques secondes et trouva l’image vaguement familière.

Soudain, il se souvint de l’endroit où il avait vu cette personne :

Gehrman Sparrow la lui avait montrée en rêve !

Il vient à peine, cet après-midi, d’interroger le Capitaine à ce sujet et voilà que ce soir, nous tombons sur quelque chose qui est lié… N’est-il pas trop ingénieux pour ce qui est de recueillir des informations ?

Danitz résista à l’envie de jeter un coup d’œil à ce fou d’aventurier qui se tenait près de lui de crainte que Kalat et Edmonton ne remarquent quelque chose d’inhabituel.

Il était très expérimenté dans ce domaine.

La Résistance, qui croit au Dieu de la Mer, est à la recherche de Leticia… La foi en ce dieu se répand dans tout l’Archipel de Rorsted, y compris à Symeem… J’ai vu un serpent la nuit dernière… L’image du Dieu de la Mer est celle d’un gigantesque serpent de mer…

En recoupant les deux évènements, Klein parvint rapidement à une première conclusion.

L’archéologue et ses comparses avaient trouvé un objet important concernant le Dieu de la Mer dans le temple oublié de l’antique forêt de l’île de Symeem. D’où le sondage de la nuit passée et les recherches de la Résistance !

Klein réfléchit un instant, puis répondit d’une manière sommaire :

– « J’ouvrirai l’œil. »

Je ne vais pas m’impliquer au hasard dans des affaires liées à des esprits maléfiques. Cela dit, si nécessaire, je le signalerai aux autorités… ajouta-t-il en son for intérieur.

Kalat acquiesça :

– « Jetez d’abord un coup d’œil et voyez si quelque chose vous intéresse. »

Klein s’approcha et s’apprêtait à faire son choix lorsqu’il perçut soudain quelque chose. Instinctivement, il regarda vers le côté droit de la table.

Il y avait là une épée courte faite d’os fins. Elle était légèrement plus longue qu’un avant-bras, d’un blanc laiteux avec quelques stries rouge sombre.

Elle peut déclencher ma perception spirituelle… pensa Klein en tendant la main pour saisir la tranchante épée d’os placée juste devant lui afin de l’examiner attentivement.

Ses doigts n’avaient pas plutôt touché l’arme que des cris de désespoir et de douleur résonnèrent dans son esprit. Il perçut alors une forte odeur de sang et il lui sembla voir de nombreuses silhouettes illusoires difformes, en décomposition et couvertes de mucus.

Le front de Klein lui faisait mal, comme s’il avait été transpercé par une aiguille. Instinctivement, il retira ses doigts.

Un peu sinistre… Ce n’est pas un simple objet…

Klein, qui avait déjà vécu des choses bien plus intenses, n’eut qu’un léger changement d’expression.

Il réprima son envie d’activer sa Vision Spirituelle de crainte d’apercevoir quelque chose qu’il ne devait pas voir.

Kalat échangea un regard avec Edmonton et dit en souriant :

– « Cette épée est capable de drainer le sang d’un ennemi. Elle est plutôt efficace. Vous la voulez ? »

Un peu proactif… pensa Klein en fronçant les sourcils. Mais aussitôt, il les relâcha et répondit d’une voix grave :

– « Non, je ne veux rien de tout ce qui est ici. »

Si Kalat ne lui avait pas posé la question, il lui aurait acheté l’épée et aurait fait des recherches au-dessus du brouillard. Cependant, le fait que l’homme en ait fait la promotion l’avait rendu vigilant. Raisonnablement, il renonça donc à ce projet.

Kalat croisa les mains :

– « Ce n’est pas cher du tout. Vous préfèreriez voir autre chose ? »

– « Ce ne sera pas nécessaire. »

Les pupilles de Klein se rétrécissent brusquement et il se dirigea vers la porte.

Danitz hésita un instant avant de se précipiter à sa suite.

Edmonton, l’homme qui avait un serpent de mer tatoué sur le bras, le regardait en silence. On aurait dit qu’il allait tendre la main et les arrêter à tout moment, mais il n’en fit rien.

C’étaient les puissants aventuriers qui avaient tué Steel Maveti et Hendry alias Ronces de Sang !

Une fois sorti de l’appartement, Klein descendit les escaliers sans un mot. Danitz le suivit en courant, alarmé.

D’après son interprétation de la situation, il ne posa pas de question et se contenta de suivre.

Les deux hommes retournèrent rapidement sur la place et la foule qui s’était à nouveau amassée pour s’agenouiller ou se prosterner une nouvelle fois se dispersa.

Cependant, cette fois, un homme restait agenouillé à même le sol, immobile.

Klein ne lui jeta pas même un coup d’œil et passa devant lui sans s’arrêter.

Danitz, cependant, le regarda machinalement et vit que le visage de l’homme était aussi sec qu’un rocher usé par les intempéries.

Un morceau de chair provenant de sa joue tomba au sol ; c’était un morceau de peau grisâtre auquel étaient attachés des poils de barbe.

Il semblait totalement déshydraté.

Surpris, Danitz n’osa pas regarder à nouveau. Il avait l’impression que les choses avaient pris une tournure étrange et dangereuse.

Ils traversèrent les ruelles, quittèrent la ville et montèrent dans une calèche de location.

Le cocher était manifestement un autochtone d’une quarantaine d’années au sourire très plaisant.

Mais il demeura silencieux tout au long du trajet, tellement silencieux que Danitz eut l’impression d’entendre son cœur battre comme un tambour.

Les lèvres pincées, Klein ne disait pas un mot.

La voiture arriva rapidement sur le quai. Afin de pouvoir se changer, Danitz demanda au cocher de les arrêter à une certaine distance de la rue du Citron Acide.

Une fois descendu de la calèche, Klein, sans payer la course, poursuivit son chemin à grandes enjambées, laissant Danitz stupéfait.

Il donna deux Soli au cocher et se lança à la poursuite de Gehrman Sparrow.

Au bout de quelques pas, il se retourna et vit le cocher s’agenouiller sur le sol, le visage plein de ferveur et de dévotion. Il se pencha et baisa l’endroit où Klein avait posé le pied.

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