Le Maître des Secrets | Lord of the Mysteries | 诡秘之主
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Chapitre 209 – Le vrai Jason
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Vol 2 : L’Homme Sans Visage / Chapitre 209 – Le vrai Jason

15 rue Minsk, dans la salle de bains…

Klein sortit d’une poche cachée une figurine de papier, la secoua et la transforma en un double de lui.

Il le fit asseoir sur les toilettes, un journal à la main pour donner le change après quoi, dissimulé dans l’ombre, il fit quatre pas dans le sens inverse des aiguilles d’une montre et passa au-dessus du brouillard gris.

Tout cela était encore plus magiques que la magie elle-même !

Arrivé dans l’antique et majestueux palais, le jeune homme prit place tout au bout de la longue table de bronze et fit apparaître devant lui le mouchoir de Jason Beria.

Ce n’était qu’une projection, mais elle pouvait également servir à la divination à partir du moment où, dans le monde réel, le mouchoir ne quittait pas son corps. Le premier exemple remontait à l’époque où, alors qu’il vivait à Tingen, il avait utilisé la projection de l’Emblème Sacré du Soleil Muté pour procéder à une divination. Il ne savait alors pas encore s’invoquer lui-même et était incapable d’emporter au-dessus du brouillard des objets chargés d’énergie spirituelle.

Il y avait bien évidemment une grande différence entre utiliser une projection et l’objet réel quant à la divination, c’est pourquoi Klein faisait tout son possible pour utiliser ce dernier. Mais en cette période où il était sous la protection des officiels, il n’était pas très commode de procéder à un rituel.

Si quelqu’un le surprenait en train d’allumer des bougies en plein jour alors qu’il était aux toilettes, il aurait de gros ennuis.

Si vraiment je parviens à localiser Jason Beria par la divination, je pourrai toujours prendre le risque, si la révélation n’est pas assez claire, de m’invoquer et d’apporter le mouchoir ici… marmonna-t-il en prenant une peau de chèvre et un stylo-plume pour noter la phrase divinatoire : « L’Emplacement actuel de Jason Beria. »

En temps normal, se fier à un mouchoir que la cible n’avait utilisé que lors d’un certain rituel n’aurait pas dû permettre de localiser celle-ci, le lien n’étant pas assez fort et les interférences trop importantes. On pouvait facilement, par exemple, finir par provoquer le Grand Duc de l’Abîme visé par le rituel.

Mais Klein avait le pouvoir de supprimer ces interférences. Le fameux Grand Duc de l’Abîme était tout au plus un Diable de Haute Séquence et non l’incarnation du Côté Obscur de l’Univers. L’espace mystérieux surplombant le brouillard avait déjà géré des divinités comme l’Éternel Soleil Flamboyant, le Vrai Créateur et même M. Porte, une divinité légèrement plus faible du niveau d’un ange, et jusqu’à présent, il n’avait subi aucune mésaventure sérieuse.

Quant au fait que le lien ne soit pas assez fort, Klein, dont le pouvoir n’était accru que dans une certaine mesure par le brouillard gris, était impuissant à cet égard et ne pouvait que tenter sa chance. Peut-être lui faudrait-il attendre d’être devenu lui-même un Saint de Haute-Séquence pour avoir la confiance nécessaire dans ce domaine.

En théorie, c’est possible. Après tout, c’est lors d’un rituel que le corps, le cœur et l’esprit d’une personne sont le plus unis. C’est aussi le moyen le plus facile de communiquer avec le monde extérieur… murmura Klein qui, pour l’heure, était à peine considéré comme un expert en mysticisme.

Le mouchoir et la peau de chèvre à la main, il s’adossa à sa chaise, entra rapidement en Méditation et scanda plusieurs fois d’affilé la phrase : « l’emplacement actuel de Jason Beria ».

Au bout de sept fois, il sombra dans un profond sommeil et entra dans le monde des rêves.

Dans cet univers gris, d’innombrables images défilaient et s’entrecroisaient de manière assez dispersée.

Bientôt, la scène devient claire et occupa tout le “champ de vision” de Klein, qui eut alors le sentiment d’être entré dans un rêve.

Il vit alors de faibles lumières et un bureau rouge sombre. Debout devant la fenêtre en encorbellement, quelqu’un observait le jardin où, dans un abri de verre, fleurissaient des roses d’un rouge vif en plein froid de Décembre.

L’image de l’homme se reflétait sur la vitre. Il était de taille moyenne, avec des cheveux bruns bouclés et des yeux marrons, froids. Il semblait avoir une trentaine d’années.

Ne suis-je pas en train de tenter de localiser Jason Beria ? Qui est-ce ? J’ai la légère impression de l’avoir déjà vu…

Quoique perplexe, Klein ne s’y attarda pas. Il laissa son énergie spirituelle se disperser, comme s’il errait dans un monde mystérieux.

Au moment où il posait sa question, l’homme se retourna et se dirigea vers un coin de la pièce. Là trônaient deux grandes valises de cuir.

L’individu s’accroupit et en ouvrit une. Elle contenait des liasses de billets soigneusement rangées et posés par-dessus, des lingots d’or.

On pouvait apercevoir en surface des coupures de dix Livres et les lingots d’or brillaient d’un éclat enchanteur.

L’homme sortit d’une poche cachée de la valise un objet qu’il secoua et ouvrit.

C’était une peau humaine, un peu pâle…

Une peau humaine entière !

L’inconnu se déshabilla rapidement et revêtit la peau. En seulement dix secondes, il était devenu Jason Beria, avec ses pommettes hautes, ses yeux bleus teintés de gris et ses cheveux soigneusement peignés !

L’image vola en éclats et Klein ouvrit les yeux.

Rien d’étonnant à ce que Jason ait osé prendre le risque. Il s’avère que depuis dix ans, il portait une peau humaine et n’a jamais montré son vrai visage… Comme on pouvait s’y attendre de la part d’un Diable calme et fou… ne put s’empêcher de soupirer le jeune homme.

Jason avait laissé son portrait dans la maison et si cela n’avait pas éveillé les soupçons d’Isengard et des autres, c’était parce que ses voisins, l’ayant vu, savaient à quoi il ressemblait. Même sans ce tableau, avec le pouvoir des Transcendants appartenant aux organisations officielles, il aurait été facile de reconstituer son portrait et le résultat aurait été encore meilleur qu’une photographie ; Il était donc tout à fait logique que Jason n’ait pas éprouvé le besoin ni l’envie de le détruire.

Qui aurait pu penser qu’il laisserait un leurre dans un endroit où cela semblait le plus normal ! Si les recherches sont faites à partir du portrait, même si les Faucons de Nuit sont en possession de l’Artefact Scellé 1-42, il ne leur sera pas si facile de verrouiller la cible… De plus, les deux fois, il a utilisé ses capacités pour dissimuler son visage. Nul n’aurait pu se douter que ce visage était un faux ! se dit notre détective, réalisant à quel point Jason était rusé.

Il se massa les tempes et entreprit de se remémorer les scènes qu’il avait vues lors de sa séance de divination.

Une maison avec une serre de verre. C’est plutôt caractéristique car il n’y a pas beaucoup de propriétés de ce genre à Backlund ! Reste à savoir comment je vais leur en faire part…si j’en informe la Conscience Collective des Machines, Jason percevra certainement le danger, se déguisera et changera d’endroit…

Aller trouver directement le Faucon de Nuit qui porte l’Artefact Scellé 1-42 ? Et si je tombe sur quelqu’un de familier ? Je ne veux pas me retrouver en cendres et être dispersé dans la rivière Tussock… Par ailleurs, je ne peux pas m’empresser de le signaler. Je suis seulement en quête d’indices, comment mes différents canaux auraient-ils pu m’informer aussi vite ?…

Ce type transporte en effet une grosse quantité d’argent et de bijoux, une valise entière de billets… Il se pourrait qu’il y en ait pour plus de 50 000 Livres…

Les idées se busculant dans son esprit, il lui fallut un moment pour retrouver son calme. Il décida d’attendre encore deux jours, puis de trouver un moyen d’informer les Faucons de Nuit en charge de cette affaire de la révélation qu’il avait reçue.

La divination touchant à sa fin, il retourna dans le monde réel, fit disparaître son double et s’assit sur les toilettes.

Dans l’après-midi, Klein, qui était sur le point de sortir, lança une pièce de monnaie et fut averti qu’il était préférable pour lui de s’abstenir. Sans hésiter, il retourna s’asseoir au salon en pensant : je courrais donc un danger si je sortais ?

Une vingtaine de minutes plus tard, la sonnette de la porte d’entrée retentit. C’était Isengard Stanton qui venait lui rendre visite.

– « Les choses avancent, M. Stanton ? » demanda-t-il, l’air plutôt ravi.

Isengard pointa du doigt le bout du couloir :

– « Allons parler à l’intérieur. »

– « Entendu », dit Klein en s’écartant pour le laisser passer.

Assis dans un fauteuil face à lui, sa coiffe de chasseur à la main, Stanton prit une profonde inspiration.

– « L’Apôtre du Désir s’est à nouveau manifesté. »

Voyant que Klein gardait le silence, il hocha la tête d’un air satisfait et poursuivit : « Les familles de deux détectives, persuadées qu’elles n’avaient rien à voir avec tout ça, ont refusé la protection et sont restées à l’extérieur. Aujourd’hui même, à l’heure du déjeuner, ils ont été retrouvés sans vie dans leurs bureaux respectifs. L’un d’eux était visiblement mort de peur et l’autre était si excité qu’il avait usé jusqu’à ses dernières forces.

« Ils étaient trop têtus, ce qui n’a rien d’étonnant venant d’adeptes du Tyran, mais par voie de conséquence, les Punisseurs Mandatés ont dû intervenir officiellement. Il paraîtrait que plusieurs Églises et Transcendants de Haute Séquence aient décidé de considérer l’affaire de l’Apôtre du Désir comme étant l’un des événements les plus importants survenus ces derniers temps. »

– « Et vous espérez que je ne révèlerai pas que vous êtes un fidèle du Dieu du Savoir et de la Sagesse ? » s’enquit Klein qui, visiblement, avait saisi.

– « Entre détectives, nous nous comprenons », répondit Stanton en acquiesçant de la tête.

– « Pas de problème », promit Klein avant d’ajouter : « J’ai quelques sources d’information qu’il ne m’est pas facile de révéler. Si, par la suite, j’obtiens d’eux des informations, je compte sur vous pour en informer les Faucons de Nuit et garder tout ceci confidentiel. »

Quant à la question de savoir pourquoi il avait choisi les Faucons de Nuit plutôt que la Conscience Collective des Machines, point n’était besoin de précisions à ce sujet. Intelligent comme l’était le grand détective Stanton, il n’aurait aucune peine à comprendre.

Isengard ayant accepté la requête, il prit un air perplexe :

– « En m’en parlant, vous permettez à Jason d’en être informé. »

– « Espérons que nous trouverons un moyen d’éviter cela… Réfléchissons. Votre bague devrait être capable d’imiter plusieurs pouvoirs Transcendants. »

– « Très bien », répondit simplement Isengard.

Il réfléchit quelques secondes, puis sortit sa pipe pour en prendre une bouffée.

– « Ce qu’a fait l’Apôtre du Désir aujourd’hui a confirmé l’une de mes suppositions. Et c’est aussi une question à laquelle vous aviez pensé. »

– « Son but essentiel ne serait donc pas la vengeance ? » demanda Klein, qui avait compris le sous-entendu.

Isengard se pencha en avant et répondit d’un ton grave :

– « Si Jason a passé le stade du Sang-froid, cela signifie qu’il a vraiment le sang-froid. Jamais il ne serait allé aussi loin pour ce Diable. Voyez-vous, Sherlock, tous les officiels de Backlund ont été mobilisés sur cette affaire, qui intéresse jusqu’aux Transcendants de Haute-Séquence. À ce stade, ne serait-ce pas plus facile pour lui de s’attaquer à sa vraie cible ?

– « C’est logique ! », répondit Klein.

Après un bref échange, Isengard partit à la recherche de Kaslana. Klein, de son côté, lança une pièce et comme il l’avait prévu, se rendit au Club Quelaag.

Aucun d’entre eux n’avait encore fait part de ses soupçons aux Transcendants officiels, craignant que, se sentant en danger, Jason finisse par modifier ses plans.

Sitôt arrivé dans le hall du club, Klein tomba sur Aaron, le chirurgien.

– « Ça faisait longtemps », lui dit-il en souriant.

– « J’ai été très occupé ces derniers temps », répondit le médecin sur un ton amical, sans perdre pour autant son habituel visage froid. « De plus, ma femme est enceinte depuis peu. Je vais une nouvelle fois être père. »

– « Félicitations. Et depuis quand ? » demanda Klein sur un ton désinvolte.

Aaron réfléchit un instant :

– « Nous venons à peine d’en avoir la confirmation. Elle doit être enceinte de plus d’un mois. »

– « Plus d’un mois ? » répéta Klein, surpris, en le regardant droit dans les yeux.

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