Livre 19 : Métamorphose – Chapitre 206 – Les Artefacts Scellés de Niveau 2
Dans le long et paisible corridor du sous-sol, le messager de près de quatre mètres de haut constitué d’ossements prit la lettre et disparut.
Lorsqu’il ne vit plus que les classiques lampes à gaz encastrées dans les murs, Klein rangea le sifflet et se dirigea vers la Porte Chanis.
Tandis qu’il rédigeait son message, il avait décidé de l’Artefact Scellé à choisir.
Tout d’abord, il était presque impossible que l’un des artefacts de Niveau 3 ait un quelconque effet sur le bébé de Megose, à moins qu’il ne s’agisse d’un objet comme l’Emblème Sacré du Soleil Muté qui possédait des pouvoirs cachés.
Mais pour l’heure et dans une telle situation, Klein n’était pas d’humeur à explorer ou à rechercher un secret dont il ne savait même pas s’il existait. De plus, la plupart des Artefacts Scellés présentaient un certain niveau de danger pour l’utilisateur. Klein élimina donc les artefacts de Niveau 3, qui affaiblissaient leur utilisateur sans affecter l’ennemi.
Par ailleurs, les Faucons de Nuit de Tingen ne possédaient aucun artefact de Niveau 1, seulement trois de Niveau 2. C’était, à l’origine, un secret que Klein n’était pas autorisé à connaître, mais la situation étant critique, Dunn, ayant recours à une clause d’urgence, lui avait tout expliqué.
Le Capitaine ne pouvait pas avoir sur lui d’autres Artefacts Scellés en même temps que les cendres de Sainte Selena.
Et derrière la Porte Chanis de Tingen, se trouvaient trois artefacts scellés de Niveau 2 : le 2-030, le 2-078, et le 2-105.
Le premier, qui avait pour nom “Poison Inépuisable”, provenait d’un Transcendant de Séquence inconnue qui, devenu fou, s’était brusquement suicidé en s’entaillant le poignet, laissant son sang couler dans une coupe d’argent ordinaire. Mais son sang ne suffisait pas à remplir la coupe et le liquide contenu devint cristallin et tentant, une tentation à laquelle même un Transcendant de Séquence 5 ne pouvait résister. Il le but et mourut sur le coup, empoissonné.
Après sa mort, le poison exsuda par ses pores et se rassembla. Son volume était le même qu’avant qu’il ne le boive. Ni plus, ni moins.
D’après Dunn, les chercheurs de la Sainte Cathédrale étaient d’avis que ce poison pouvait tuer un Transcendant de Haute Séquence. Cependant, comment pourrait-il être tenté de le boire ? C’était, pour ainsi dire, impossible. De plus, les caractéristiques du 2-030 étant évidentes, il ne se trouverait personne pour l’avaler accidentellement. Pour empoissonner quelqu’un, il fallait d’abord le capturer, en prendre le contrôle et le lui faire avaler de force. Mais pourquoi se donner tant de mal ?
Le 2-030 étant une tentation permanente, il fallait que l’utilisateur soit particulièrement concentré pour résister à son pouvoir. La moindre négligence et il l’avalerait le plus naturellement du monde.
Dunn avait à peine terminé ses explications que Klein décida ne pas choisir cet Artefact Scellé.
Le 2-078 avait pour nom “Porte de la Mort”. Il ressemblait à une porte de bois ordinaire mais tout être vivant qui la traversait mourait instantanément. Aucun Transcendant de Haute Séquence n’avait pris part au test.
Doté d’une certaine forme de vie, il tentait constamment de s’échapper et avait le pouvoir de prendre l’apparence de portes existantes. Si l’utilisateur commettait la moindre erreur, il en perdait aussitôt le contrôle et ne pouvait plus, par mesure de prudence, passer aucune porte se trouvant à proximité. Il lui fallait alors rester où il était et attendre de l’aide, ou bien briser un mur pour s’échapper.
Klein envisagea la possibilité d’utiliser le 2-078, mais après mûre réflexion, il se dit que l’intuition d’une créature légendaire, probablement très aiguisée, lui permettrait certainement de différencier la Porte de la Mort des autres.
Finalement, il opta pour le 2-105.
Le nom de cet artefact, qui ressemblait à un épais vaisseau sanguin rigidifié, était “Vaisseau Sanguin Voleur”. Quiconque le touchait, qu’il soit protégé ou non, se voyait voler sa vie. Au début, ce n’était pas évident. Mais si l’on ne rompait pas le contact avec lui, les effets se manifestaient au bout d’une demi-heure. D’après Dunn, un hérétique de Séquence 5 était resté agrippé à lui durant deux heures. D’un homme musclé d’une trentaine d’années, il était devenu un vieillard voûté à la peau flasque, aux cheveux blancs et clairsemé et édenté.
Le 2-105 avait pour principale particularité de conférer à son porteur la possibilité de voler une capacité à une cible située dans un rayon bien spécifique. Dans une moindre mesure, cela fonctionnait même sur des Transcendants de Haute Séquence.
En dix minutes, la personne volée perdait la capacité en question au profit du porteur qui lui, pouvait l’utiliser avec habileté. Dix minutes de plus et la capacité disparaissait. La personne volée devait alors attendre quelques jours pour récupérer.
Que cela fonctionne ou non, nos chances de succès passeront au moins de 5 à 10%. Ne suis-je pas le Roi du Jaune et du Noir qui confère la chance, après tout ? De plus, notre objectif principal est essentiellement de prendre des précautions et de nous préparer au pire des scénarios. Nous n’aurons pas nécessairement à passer à l’action… Espérons que les renforts ne tarderont pas…
Arrivé devant la salle de garde, Klein n’avait plus aucune hésitation.
Concernant les effets négatifs de l’Artefact Scellé 2-105, il n’était pas inquiet, car il n’avait pas l’intention de l’utiliser personnellement.
Comme il avait déjà le Charme du Soleil Flamboyant et le sifflet d’Azik, dont il ne savait pas s’il fonctionnerait, il comptait le remettre à Léonard.
Mon cher Poète, il est temps pour vous de montrer votre véritable secret… murmura Klein en apercevant Seeka Tron debout près de la salle de garde.
L’auteur à temps partiel aux cheveux blancs et aux yeux noirs demeura quelques secondes silencieuse :
– « Pourquoi ne restez-vous pas garder la Porte Chanis ? Je suis plus forte et plus expérimentée que vous. »
Mais vous ne possédez pas de Charmes du Soleil Flamboyant… Pensa Klein qui répondit en souriant :
– « Parce que je suis de Séquence 8, Madame. Ce ne serait pas sûr ici non plus. Beaucoup d’Artefacts Scellés dotés d’une certaine forme de vie ne demandent qu’à passer à l’action. Si nous échouons, les gens ici ne survivront certainement pas.
« Notre objectif, là-haut, est de gagner du temps et d’attendre les renforts. C’est peut-être même plus sûr que de rester à proximité de la Porte Chanis. »
Seeka Tron plissa lentement les lèvres et traça sur sa poitrine une lune cramoisie :
– « Que la Déesse vous bénisse tous. »
Dunn n’ayant pas eu le temps de rédiger un document, Klein ne put passer la porte. Il resta donc là à regarder sa collègue entrer par une petite ouverture.
Quelques minutes plus tard, elle revint, tenant à la main gauche un épais vaisseau sanguin pâle et teinté de sang.
Klein tendit la main pour le prendre et il sentit aussitôt un léger courant se propager dans son corps.
…
Pendant ce temps, à la réception…
Léonard, qui avait perdu sa rigidité et retrouvé une expression normale, discutait de la maison louée par Lanevus qu’ils venaient de découvrir.
– « Vraiment ? Il ne m’en avait jamais parlé… », répondit Megose d’un ton normal en fronçant légèrement les sourcils, après quoi elle arracha une pleine poignée de ses cheveux blonds et les jeta négligemment dans une poubelle placée sur le côté.
Abasourdi, Léonard ravala avec peine sa salive. Ses mains étaient moites de sueur.
…
Le Vaisseau Sanguin Voleur à la main, Klein monta à l’étage.
Dunn Smith, dans son coupe-vent noir, était debout devant la porte de la salle de repos, le regard profond comme lors de leur première rencontre.
« Je me présente à nouveau : Faucon de Nuit Dunn Smith. »
Alors que cette voix venue du passé résonnait à ses oreilles, Klein le revit près du cadavre de Kenley, la bouche maculée de sang.
Il s’approcha silencieusement, leva la main gauche et dit :
– « Capitaine, j’ai choisi l’Artefact Scellé 2-105. J’ai l’intention de laisser Léonard l’utiliser. »
Dunn hocha légèrement la tête. Sans demander d’explications, il se retourna et pointa du doigt son bureau :
– « J’ai reçu un télégramme de la Sainte Cathédrale. Ils vont immédiatement réunir une équipe de puissants Transcendants et nous demandent de gagner le plus de temps possible.
« Ils n’ont rien dit au sujet des coïncidences. Sans doute n’ont-ils pas encore tiré de conclusions, ou peut-être la personne qui m’a télégraphié, manquant d’informations, n’avait-elle aucun moyen d’émettre des hypothèses. Nous devons faire le meilleur usage possible du temps, vous savez, et ne pas en perdre à rédiger des télégrammes trop longs. »
– « En effet », acquiesça Klein. Il s’approcha de la cloison, jeta un œil à l’extérieur et demanda : « Comment ça se passe ? »
– « Rien d’étrange pour le moment », répondit Dunn en baissant les yeux sur la boîte contenant les cendres de la Sainte qu’il tenait toujours à la main.
Voyant que Léonard et Megose passaient du temps à discuter, Klein se retira dans la salle de détente juste en face, séparé de Smith par le couloir.
Soudain, le Capitaine laissa échapper un petit rire :
– « J’ai oublié quelque chose. »
– « Quoi donc ? » Demanda Klein, perplexe.
Dunn lui lança un regard en coin :
– « Daly m’a demandé de m’expliquer avec vous. »
– « Hein ? » Fit le jeune homme qui, sur le moment, ne voyait pas très bien ce que le Capitaine voulait dire.
Mais deux secondes plus tard et avant même que son supérieur n’ait pu ouvrir la bouche, il comprit.
Si Madame Daly n’avait pas répondu immédiatement, c’était parce qu’elle pensait que ce n’était pas nécessaire. Elle avait transmis l’affaire à Smith, lui laissant le soin de s’expliquer.
Il n’y a donc rien de grave concernant le Capitaine !
En cet instant critique, il se sentit soudain submergé d’une vague de joie.