Le Maître des Secrets | Lord of the Mysteries | 诡秘之主
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Chapitre 2 : Situation
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À cette vue, Zhou Mingrui, terrifié, recula et manqua de trébucher. On aurait dit que ce qu’il voyait dans le miroir n’était pas lui mais un cadavre desséché.

« Comment une personne avec de telles blessures peut-elle être encore en vie! ? »  Se demanda-t-il. 

Incrédule, il tourna la tête et inspecta l’autre côté. Bien qu’il eût reculé et que l’éclairage fut faible, il pouvait voir la profonde plaie et les taches de sang d’un rouge sombre. 

Zhou prit une profonde inspiration et s’efforça de retrouver son calme.  

Il porta la main à son cœur qui battait la chamade : celui-ci dégageait une immense vitalité.  

Il toucha ensuite sa peau nue et sentit la chaleur couler sous une légère fraîcheur. 

Il s’accroupit pour vérifier que ses genoux pouvaient fléchir, se releva et s’apaisa.  

– « Que se passe-t-il ? » Murmura-t-il en fronçant les sourcils. 

Il fit deux pas en avant avec l’intention d’examiner à nouveau sa blessure à la tête et s’arrêta brusquement : le clair de lune sanguin s’étant relativement assombri, la luminosité n’était plus suffisante pour procéder à une inspection approfondie. 

Alors qu’il tournait la tête vers les tuyaux blancs grisâtres et la lampe à grille métallique suspendue au mur près du bureau, un bref souvenir lui revint : 

Ces lampes à gaz, qui fournissaient une flamme durable et un excellent éclairage, étaient très répandues à l’époque.  Mais étant donné la situation familiale de Klein Moretti, il ne pouvait que rêver de posséder une lampe au kérosène et, à plus forte raison, une lampe à gaz, les bougies étant plus adaptées à son statut. 

Mais alors que, quatre ans auparavant, il travaillait très tard pour être admis à l’université de Khoy, Benson, son frère aîné, estimant que l’avenir de leur famille en dépendait, avait absolument tenu à lui permettre d’étudier dans de bonnes conditions, quitte à s’endetter.  

Mais Benson, qui savait lire et travaillait depuis plusieurs années, n’était pas quelqu’un d’impulsif qui agissait sans penser aux conséquences. Il avait plus d’un tour dans sa manche. Il réussit à convaincre le propriétaire de “relever le niveau de l’appartement en installant des conduites de gaz, ce qui augmenterait ses chances d’être loué plus tard. Le bailleur ayant débloqué l’argent nécessaire aux modifications, Benson avait ensuite utilisé son statut d’employé dans une entreprise d’import-export pour se procurer une nouvelle lampe à gaz et ce pratiquement au prix de revient. Il n’avait donc plus qu’à utiliser ses économies sans avoir besoin d’emprunter.  

Ces bribes de souvenirs lui étant revenus en mémoire, Zhou Mingrui s’approcha du bureau, tourna la valve du tuyau et alluma la lampe à gaz.

Il y eut un crachotement, une brève étincelle mais rien de plus.  

Zhou tourna plusieurs fois l’interrupteur mais à l’exception de quelques crépitements, la lampe demeura éteinte.  

Il porta sa main à sa tempe gauche et tenta de faire appel à ses souvenirs pour en trouver l’explication.  

Quelques secondes plus tard, il se dirigea vers la porte jusqu’à l’installation qui, elle aussi, était encastrée dans le mur et raccordée à des tuyaux d’un blanc grisâtre.

C’était un compteur à gaz!

Après avoir examiné les engrenages et les roulements, Zhou fouilla dans la poche de son pantalon et en sortit une pièce de monnaie d’un jaune sombre avec des reflets de bronze. Au recto était gravé le portrait d’un homme portant une couronne et au verso une gerbe de blé portant le chiffre “1”.

C’était la monnaie de base du royaume de Loen : le penny de cuivre. Avant qu’il ne transmigre, un penny valait environ trois à quatre yuans. Il existait aussi des pièces de cinq pence, une demi-pence et un quart de pence mais ce n’était pas encore suffisamment petit pour faire l’appoint, aussi, au quotidien, fallait-il acheter plusieurs choses pour pouvoir dépenser une pièce de temps à autres.   

Après avoir tourné et retourné la pièce, frappée et distribuée lors de l’accession au trône du roi George III, Zhou Mingrui l’inséra dans la fine “bouche” verticale du compteur à gaz.

La pièce tomba au fond et aussitôt, les engrenages se mirent en marche, produisant un bref mais mélodieux son mécanique. Zhou resta quelques secondes devant le compteur, retourna au bureau et tourna le commutateur de la lampe.   

Il y eut quelques crépitements suivis d’un son aigu, puis d’une flamme qui prit rapidement de l’ampleur. 

Une vive lueur se répandit d’abord à l’intérieur de l’applique murale avant de traverser le verre transparent, inondant la pièce d’une chaude lumière.

Les ténèbres se retirèrent rapidement et le cramoisi s’estompa par la fenêtre. Sans savoir pourquoi, Zhou Mingrui se sentit mieux et s’avança immédiatement vers le miroir pour examiner sa tempe dans les moindres détails. 

Après un moment, il réalisa que, mise à part la tache de sang séché, la plaie ne saignait plus, comme s’il avait été efficacement pansé et bénéficiait d’une excellente hémostase. À en croire la croissance perceptible de chair et de sang autour de la blessure, dans trente à quarante minutes, voire deux à trois heures, celle-ci ne serait plus qu’une légère cicatrice.  

« S’agirait-il d’effets réparateurs consécutifs à la transmigration ? » Se demanda Zhou en relevant le coin droit de sa bouche avant de laisser échapper un long soupir. 

Quoi qu’il en soit, il était toujours en vie! 

Son esprit apaisé, il ouvrit un tiroir duquel il prit un petit morceau de savon, décrocha l’une des vieilles serviettes déchirées suspendues à côté du placard et sortit pour se rendre à la salle de bain commune aux locataires du second étage.

« Il faut vraiment que je fasse disparaître ces taches de sang sur ma tête! J’ai l’air de sortir tout droit d’une scène de crime. Que je m’effraye moi-même est une chose, mais si je fais peur à ma sœur Melissa qui se lève tôt le matin, ça risque d’être très problématique! »

Le couloir était d’un noir d’encre et à la lueur de la lune cramoisie qui s’infiltrait par la fenêtre au bout du corridor, on distinguait à peine quelques ombres qui évoquaient des yeux de monstre observant les vivants tard dans la nuit.

Frissonnant de peur, Zhou marchait à pas légers.  

Le clair de lune étant plus puissant dans la salle de bains, il distinguait aisément ce qui l’entourait. Il se plaça devant un lavabo et tourna le robinet. 

Le bruit de l’eau lui rappela soudain son propriétaire, M. Franky.

L’eau étant comprise dans le loyer, ce gentilhomme en haut-de-forme, petit et mince, inspectait activement la salle de bains pour écouter l’écoulement. S’il était trop fort, oubliant ses bonnes manières, il agitait sa canne et frappait à la porte en criant des choses comme : « Espèce de voleur! Le gaspillage est honteux! Je saurai m’en souvenir! Si cela se reproduit, je vous mets à la porte, vous et vos sales bagages! Retenez-bien ce que je vous dis, cet immeuble est le meilleur rapport qualité prix de toute la ville de Tingen et jamais vous ne trouverez un propriétaire plus aimable! »  

Zhou chassa ces pensées et à l’aide d’une serviette humide, nettoya soigneusement les taches de sang qui maculaient son visage. 

Après avoir vérifié dans le miroir décrépit qu’il ne restait plus sur son visage pâle qu’une plaie hideuse, il se détendit et ôta sa chemise pour en frotter les taches avec un pain de savon.

Soudain, un souci potentiel lui traversa l’esprit. Il fronça les sourcils : 

La blessure était trop flagrante et trop sanglante. Sa chambre devait encore en porter les traces. 

Lorsque, quelques minutes plus tard, il en eût terminé sa chemise en lin, il humidifia la serviette et retourna à son appartement.  Il essuya d’abord l’empreinte du sang sur le bureau, puis, à la lumière de la lampe à gaz, se mit à la recherche des taches qu’il aurait pu négliger. 

C’est alors qu’il constata qu’une quantité non négligeable de sang avait coulé sur le sol sous le bureau. Il aperçut aussi, sur le côté gauche du mur, une balle jaune. 

Ces indices lui donnèrent une idée approximative de la manière dont Klein était mort :

« Se serait-il tiré une balle dans la tempe ? » Pensa-t-il. 

Peu pressé de vérifier son hypothèse, il essuya soigneusement les taches de sang et nettoya la “scène”, après quoi il revint au bureau, ouvrit le barillet du revolver et sortit les cinq balles de laiton qui s’y trouvaient.  Avec la douille, cela faisait six. 

« C’est bien ça », pensa-t-il en replaçant les projectiles dans le barillet.  

Il regarda sur sa gauche et ses yeux tombèrent sur les mots inscrits sur le cahier : « Tout le monde, moi compris, va mourir. » Des questions l’assaillirent : 

« D’où vient ce pistolet ? S’agit-il d’un suicide ? D’un meurtre maquillé ? Quel genre d’ennuis a bien pu s’attirer un diplômé d’histoire d’origine modeste ? Comment a-t-il pu se suicider sans laisser davantage de sang ? Serait-ce liée aux bénéfices de guérison apportés par la rapide transmigration ? » 

Après quelques minutes de réflexion, Zhou Mingrui mit une autre chemise de lin, s’assit et se mit à examiner des questions plus importantes.

Il n’avait que faire du vécu de Klein, l’essentiel pour lui étant de savoir pourquoi il avait transmigré et s’il existait un moyen de repartir. 

Ses parents, sa famille, ses amis, ses meilleurs potes…Le monde fascinant d’Internet et tous ces mets délicieux… autant de raisons qui le motivaient! 

Machinalement, il ouvrait et refermait le barillet du revolver. 

« Cette période n’est guère différente pour moi du passé. J’ai toujours été un peu malchanceux mais pourquoi ai-je transmigré ainsi, sans raison spécifique ? Pas de chance…. Mais j’y pense : hier soir, avant le dîner, j’ai justement tenté un rituel supposé améliorer ma chance! » 

Une pensée traversa l’esprit de Zhou, illuminant ses souvenirs dissimulés par un brouillard de confusion.

Lui qui, derrière son clavier, s’instituait à la fois politicien, historien, économiste, biologiste et folkloriste s’était toujours considéré comme quelqu’un qui savait pas mal de choses sur tout, ce à quoi son meilleur pote répondait en riant qu’en fait, il touchait à tout mais ne savait pas grand-chose.  

L’une des choses à laquelle il s’intéressait était la Divination Chinoise. 

Un an auparavant, s’étant rendu dans sa ville natale, il avait découvert dans une vieille librairie un livre relié intitulé “Quintessence de la Divination et des Arts Arcaniques des Dynasties Qin et Han”. Comme le sujet semblait très intéressant et était susceptible de lui donner l’occasion de fanfaronner sur internet, il l’avait acheté. Malheureusement, son intérêt avait été de courte durée, l’écriture verticale utilisée dans le livre rendant sa lecture extrêmement pénible. Il s’était donc contenté de feuilleter les premières pages avant de l’abandonner dans un coin. 

Le mois précédent, Zhou avait joué de malchance. Il avait perdu son téléphone portable, ses clients s’étaient enfuis après l’avoir escroqué et il avait commis des erreurs au travail. C’est alors qu’il s’était souvenu du rituel d’amélioration de la chance dont il était question au début du livre, d’autant que sa mise en pratique ne nécessitait aucune connaissance particulière. 

Il lui suffisait seulement de placer une assiette contenant des aliments de base à chaque coin de sa chambre, sur une table ou encore une armoire, après quoi il devait se positionner au centre de la pièce et faire quatre pas dans le sens opposé aux aiguilles d’une montre de manière à dessiner un carré en psalmodiant successivement à chaque pas, et ce avec sincérité :  

« Les bénédictions proviennent du Seigneur Éternel du Ciel et de la Terre », « Les bénédictions proviennent du Seigneur Céleste du Ciel et de la Terre », « Les bénédictions proviennent de la Quête Exaltée du Ciel et de la Terre » et « Les bénédictions proviennent de la Dignité Céleste du Ciel et de la Terre. »   

Cela fait, il devait fermer les yeux et attendre cinq minutes sans bouger. Alors seulement, le rituel serait considéré comme achevé.

Comme cela ne coûtait rien, il avait repris le livre, suivi les instructions et opéré le rituel juste avant de dîner. Mais sur le moment, rien ne s’était produit. 

Jamais il n’aurait pu penser qu’en pleine nuit, il transmigrerait! 

« Il y a de fortes présomptions pour que cela soit dû au rituel… » Pensa-t-il en se redressant. « Je vais devoir le refaire ici, demain. Si vraiment c’est la cause, je devrais pouvoir revenir à mon époque. » 

Il devait à tout prix essayer!

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