Le Maître des Secrets | Lord of the Mysteries | 诡秘之主
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Chapitre 199 – Les lettres
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Vol 2 : L’Homme Sans Visage / Chapitre 199 – Les lettres

À la pensée que le propriétaire du chien démoniaque puisse être impliqué dans cette affaire, Klein, changeant de stratégie, décida de raconter au policier tout ce qui s’était passé entre lui et Stanton, et ce dans les moindres détails.

Il prit également l’initiative de mentionner qu’Isengard avait constitué une équipe de détectives pour enquêter sur les meurtres en série, en précisant la part de la prime qu’ils avaient touchée.

– « Dans le cadre de cette mission, c’est moi qui ai touché la plus grosse part car même si je n’ai fait que donner quelques avis et conseils – ce qui, dans le jargon des détectives privés, s’appelle faire des suggestions – M. Stanton était d’avis que c’était moi qui avais le plus contribué », conclut-il.

Les deux officiers chargés de l’interrogatoire prirent des notes et alors qu’ils demandaient si quelqu’un pouvait confirmer, Klein leur donna les noms et adresses de Stuart, Kaslana et des autres détectives concernés.

– « Très bien, M. Moriarty. Votre réponse est suffisamment détaillée », dit l’un des agents en cessant d’écrire. « Combien de temps êtes-vous resté chez Stanton aujourd’hui ? Je veux dire, entre le moment où vous êtes entré et celui où nous vous avons trouvé. »

Klein réfléchit un instant et, sans consulter Jurgen, répondit :

– « Environ deux à trois minutes. »

C’était, en tout cas, l’impression qu’il avait eue.

L’autre policier haussa les sourcils :

– « De nombreux habitants des environs ont affirmé que vous étiez entré vers 14 h 10. Nous sommes arrivés sur les lieux à 14 h 28, ce qui signifie que vous êtes restés là dix-huit minutes environ, et non deux à trois minutes !

« Qu’avez-vous fait durant tout ce temps ? Pourquoi n’êtes-vous pas parti appeler la police ? »

Dix-huit minutes ? Klein fronça les sourcils.

Le moment d’immobilité durant lequel il s’était senti observé lui semblait avoir duré un peu plus d’une minute. Comment avait-il pu s’écouler dix-huit minutes ?

Est-ce l’étrange sensation d’être observé qui a perturbé ma perception du temps ? Ou autre chose ? Un pouvoir Transcendant ? Si vraiment il s’agissait du propriétaire du chien démoniaque, il est au moins Séquence 6, probablement même Séquence 5…

Pendant que Klein réfléchissait, Jurgen se pencha en avant, prêt à accuser la police de poser des questions pièges.

Le motif n’était certes pas judicieux, mais ce qu’il voulait, c’était faire diversion afin de laisser du temps à son client face à cette question désavantageuse pour lui.

Mais au même moment, Klein se frotta le front :

– « Je vous ai dit la vérité. D’après ma perception, il ne s’est écoulé que deux ou trois minutes entre le moment où je suis entré chez Stanton et celui où vous êtes arrivés. C’est en tout cas mon sentiment. »

Les deux agents échangèrent un regard, puis prirent note de cette déclaration.

Il y eut un moment de silence, puis le policier qui avait posé la question expliqua :

– « Pendant ces dix-huit minutes, un domestique qui revenait de congé a sonné, mais personne n’a répondu. Il a regardé par l’oriel et a vu le sol jonché de cadavres. Vous vous teniez sur le seuil de la pièce.

« Terrifié, il a couru comme un fou jusqu’au commissariat, ce qu’ont pu confirmer de nombreux passants et riverains. »

Ignorant le regard de son avocat, Klein secoua la tête.

– « Je n’ai pas entendu la sonnette. »

Les deux agents, à nouveau, se regardèrent, puis, sans faire de commentaire, notèrent ce qui venait d’être dit.

Ils lui demandèrent encore d’autres détails et Klein qui, n’ayant rien fait de mal, n’avait rien à se reprocher, répondit avec honnêteté à toutes leurs questions.

L’interrogatoire terminé, il ne put s’empêcher de demander :

– « Avez-vous trouvé le détective Stanton ? Je n’ai pas vu de cadavre dans la salle d’activité. Il est peut-être encore en vie, vous ne croyez pas ? »

L’un des policiers tapota sur la table avec son stylo :

– « C’est l’une des questions que nous nous posons. Seule la salle d’activité de la maison présentait des traces de combat. Les fenêtres étaient fermées et elles n’avaient pas été ouvertes depuis des jours, ce qui, comme vous le savez, est parfaitement normal à Backlund durant l’automne et l’hiver.

– « L’agresseur et M. Stanton ont quitté la pièce de manière étrange. Nous n’avons trouvé aucune trace de lui, ni dans la maison, ni dans les environs. Pas même du sang. »

Puis, sans attendre que Klein intervienne, il ajouta : « Vous faites sans doute allusion à la porte de la salle d’activité et l’entrée principale, mais de nombreuses personnes des environs ont confirmé qu’il n’y a eu ni poursuite, ni prise d’otage, ni déplacement de cadavre. »

Peut-être que ça s’est vraiment passé au milieu de la nuit ? Peut-être étaient-ils capables de traverser les murs ?

Tandis qu’il imaginait d’autres possibilités, Klein pria silencieusement :

Que la Déesse bénisse le détective Isengard Stanton. Qu’elle fasse qu’il ait pu échapper au désastre. La Déesse de la Nuit Éternelle était, en effet, l’Impératrice du Désastre et de l’Horreur.

Les formalités terminées, Klein fut placé en détention provisoire dans une petite pièce et la police envoya quelqu’un au 15, rue Minsk, accompagné de l’avocat Jurgen, pour récupérer la lettre.

Klein dut attendre le soir pour être libéré sous caution contre une somme de cinquante Livres.

Une fois dehors, il remonta le col de son manteau de tweed et dit à Jurgen :

– « C’est beaucoup plus cher que la dernière fois. Il est difficile pour un détective privé moyen de produire autant d’argent liquide en un si court laps de temps. »

Toujours aussi professionnel et stoïque, Jurgen répondit :

– « La dernière fois, la situation vous était favorable, mais dans le cas présent, une grande partie des preuves vous désignent. »

Il arrêta une voiture de location et se tourna vers Klein : « Sherlock, je suis votre avocat. Avant de répondre aux questions de la police, il serait préférable que vous communiquiez avec moi, même si ce n’est que par le regard. Ne parlez pas sans réfléchir, même si vous pensez que cela ne pose aucun problème. Les gens qui ne sont pas formés peuvent facilement faire des gaffes. »

J’ai… J’ai l’habitude d’inventer mes propres histoires et de résoudre moi-même mes problèmes… se dit Klein avec un rire étouffé à la pensée de ce qui venait de se produire.

– « Ok, je garderai ça en tête. »

Jurgen ne répondit rien et monta en voiture.

Klein prit place en face de lui et repensa à l’attaque du détective Stanton.

Alors qu’il réfléchissait, il entendit gronder son estomac.

L’heure du dîner est passée… pensa-t-il en consultant sa montre à gousset.

Comme il n’avait plus d’énergie à dépenser pour se faire à manger, il se mit à réfléchir à un restaurant qui saurait le tenter.

C’est alors que Jurgen, levant les yeux, lui dit :

– « J’ai demandé à ma grand-mère de préparer à dîner pour trois. »

– « Je ne voudrais pas m’imposer… » répondit Klein, surpris, avant de sourire : « Les talents culinaires de Mme Doris sont toujours un plaisir prometteur. »

Lorsqu’ils arrivèrent rue Minsk, dans le Quartier de Cherwood, le ciel était noir et les réverbères d’autant plus brillants que l’on apercevait à peine la lune rouge.

Après avoir dîné chez Jurgen et s’être amusé avec le chat, Klein, sous le froid et l’humidité, retourna au N°15.

Comme à son habitude, il fureta dans sa boîte aux lettres et en sortit les Nouvelles du Soir de Backlund qui venait d’arriver.

Le journal à la main, le jeune homme ouvrit la porte et au moment où il posait sa canne, il eut le sentiment que quelque chose clochait.

Son intuition spirituelle de Voyant lui soufflait qu’un étranger était entré chez lui !

Était-ce la police venue chercher les preuves ? Méfiant, le détective regarda autour de lui et son regard tomba sur une lettre posée sur la table basse, là où il n’aurait dû y avoir que des journaux.

Dans l’éventualité d’une agression, il entra prudemment dans le salon et s’approcha de la table basse. Tout était parfaitement calme et silencieux.

Il jeta un coup d’œil à la lettre, puis enfila une paire de gants noirs avant de l’ouvrir.

L’enveloppe ne contenait qu’un fin morceau de papier. Lorsqu’il l’eut dépliée, une couleur rouge sombre se refléta dans ses yeux et ses narines perçurent une légère odeur de sang.

Sur le papier, on pouvait lire, écrit avec du sang : “Vous allez tous mourir !”

Est-ce vraiment le propriétaire du chien diabolique ? Cherche-t-il à se venger des personnes qui ont causé la mort de son subordonné ? C’est purement un cas où l’on intimide les faibles et où l’on craint les forts. Pourquoi ne pas rechercher directement les Faucons de Nuit responsables de l’opération de nettoyage ? Le cœur de Klein se serra.

Mais très vite, il rétracta ses plaintes. Il était tout à fait normal, en effet, d’exercer sa vengeance sur quelqu’un de manipulable. Lui-même, durant ces derniers mois passés à Backlund, n’avait jamais entrepris de retrouver Ince Zangwill. Par contre, il avait poursuivi sans relâche Lanevus.

Il jeta un nouveau coup d’œil autour de lui et réalisa que toute cette histoire était un peu confuse.

Ne craint-il pas, en cherchant à se venger d’une manière aussi ostentatoire, de se faire prendre par les Transcendants officiels ? Serait-ce le « jeu de rôle » qu’exige sa potion ?

Ou peut-être a-t-il compris, Stanton s’étant échappé, qu’il ne pourrait pas se débarrasser discrètement de ses cibles et a dû changer de méthode. Mais qu’est-ce qui motive celle-ci ?

De plus, il est évident qu’il m’observait lorsque j’étais chez Stanton. Pourquoi n’a-t-il rien fait ? Avait-il une certaine appréhension vis-à-vis du simple détective que je suis ?

Non, ce n’est pas crédible… Sait-il que je suis un Transcendant ? Possible. Suite aux effets secondaires du Passe-partout, je me suis perdu et c’est là que je suis tombé sur le chien démoniaque. Il m’a vu et savait à quoi je ressemble. Certes, j’étais déguisé mais je n’ai aucune certitude qu’un Diable ne puisse pas voir à travers…

Peut-être qu’après cet incident, il a pu, par un moyen que j’ignore, montrer la scène à son maître…

Mais n’ayant pas les moyens de le vaincre à l’époque, je me suis enfui, pathétique. En quoi aurais-je pu l’effrayer ? À moins qu’il ne s’agisse de moi, mais d’autre chose, comme d’Insegard qui, blessé, pouvait très bien se cacher à proximité ?

En m’écrivant si ouvertement, pensait-il que, parce que je suis un Transcendant “sauvage”, je n’oserai pas solliciter l’aide des officiels ?

La tête pleine de questions, Klein inspecta la maison et monta à l’étage.

Il n’avait pas plutôt ouvert la porte de sa chambre qu’il aperçut une autre lettre. Posée sur le bureau, celle-ci semblait l’attendre depuis un bon moment.

Klein l’ouvrit et lut, écrit en lettres rouge sombre : « Vous êtes le prochain. »

Le prochain… Quelle arrogance… soupira-t-il.

Soudain, une idée lui traversa l’esprit. Il leva la tête et regarda par la fenêtre.

Face à lui se dressaient quelques maisons à deux étages dont les lumières étaient allumées.

La lueur des lampadaires qui se reflétait sur les murs formait un entrelacs de zones claires et sombres.

Tout à coup, les zones d’ombre se tortillèrent pour former une silhouette noire en queue de pie.

Celle-ci, mimant un pistolet, pointa ses doigts en direction de Klein avant de ramener “l’arme” vers elle et de souffler sur la “bouche du canon”.

Cela fait, elle se désintégra sans bruit et les ombres reprirent leur place d’origine.

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