Chapitre 194 – Transaction tripartite
Sorcier bizarro… Klein se réveilla soudain de son rêve et ouvrit les yeux sur la nuit noire.
Il n’est pas encore midi. C’est encore très dangereux… marmonna-t-il avant de se rendormir.
À cet instant, il se souvint enfin qu’il avait déjà quitté ces eaux dangereuses. Il ne disparaîtrait plus ni ne se volatiliserait s’il n’était pas endormi à l’approche de l’aube.
Pfiou, c’est ce genre d’environnement stable qu’il me fallait ! Je dois admettre que disparaître mystérieusement pour ne pas s’être couché avant la tombée de la nuit est une excellente manière d’effrayer les enfants et de les dissuader de veiller tard. Hé, ces histoires m’effrayaient souvent quand j’étais jeune.
Klein se redressa, se dirigea vers le bureau et se servit une tasse d’eau.
Après un instant de silence, il avala une gorgée d’eau tandis que ses pensées se remettaient peu à peu en ordre.
Zaratul est réellement devenu fou… Qu’a-t-Il bien pu rencontrer, ou qu’est-il arrivé pour en arriver là ?…
Sorcier Bizarro. La Séquence 4 se nomme Sorcier Bizarro. La Voie du Devin se concentre-t-elle surtout sur la ruse, l’astuce, les plaisanteries et le paranormal ? Ou doit-on simplement la résumer par le mot « étrange » ?
Oui, Clown, Magicien, Sans-Visage et Marionnettiste me donnent bien cette impression. Devin semble faire exception, mais aux yeux des autres le style d’un charlatan peut parfois paraître assez étrange et terrifiant… C’est pour cela que Zaratul affirmait que le destin n’est pas le domaine principal de cette voie ?
De plus, il est manifeste que les Transcendants de cette voie penchent plutôt vers le rôle de lanceurs de sorts.
D’après Will Auceptin, il existe trois moyens d’obtenir la formule de la potion du Sorcier Bizarro. Premièrement, se tourner vers l’Ordre Secret et retrouver le fou Zaratul. Deuxièmement, se rendre au sommet principal de la chaîne des Montagnes Hornacis et dénicher les trésors laissés par la famille Antigonus. Troisièmement, l’obtenir auprès de l’Église ; par exemple, le carnet de la famille Antigonus pourrait renfermer ladite formule.
Mais chacune de ces trois options est plus dangereuse que la précédente. D’après la description de l’Empereur Roselle, Zaratul était autrefois un Invoqueur de Miracles de Séquence 2, un véritable ange. Plus tard, Il a même accédé à la Séquence 1. Il est l’égal, voire à peine moins puissant, qu’un Roi des Anges. Le Zaratul fou – non, « Il » est peut-être devenu fou, n’en sera que plus difficile à affronter. Au minimum, il m’est impossible de Le convaincre ou de Le tromper. Même en comptant sur l’aide de Monsieur Azik, je ne ferais pas le poids face à Zaratul.
Hé hé, à moins d’attendre la naissance de Will Auceptin ; toutefois, si « Il » s’impliquait dans cette affaire, Il risquerait d’attirer l’attention de l’Ange du Destin Ouroboros.
Quant au trésor au sommet principal de la chaîne des Montagnes Hornacis, aux vociférations retentissantes, aux installations de la famille Antigonus et aux rumeurs de la Nation de la Nuit Éternelle enfouie dans les profondeurs du mystère, tout cela me fait penser que l’affaire est loin d’être simple. Je soupçonne qu’il s’agit probablement d’un piège.
Quant à l’Église de la Déesse, je n’ai même pas besoin d’y songer. Outre le fait que la Sainte Cathédrale abrite des anges ainsi qu’une kyrielle d’Artéfacts Scellés de Grade 0, le seul diocèse de Backlund où se trouve le carnet de la famille Antigonus possède déjà un demi-dieu terrifiant…
Klein ne put s’empêcher de se rappeler Monsieur A, qui avait été effacé comme un dessin au crayon. Celui qui avait accompli tout cela devait être l’un des hauts dignitaires de l’Église de la Déesse de la Nuit Éternelle !
Une belle dame aux yeux dépourvus de spiritualité… Elle m’a même souri. Je n’ai aucune idée de ce que cela signifie…
Klein secoua la tête avec résignation, convaincu qu’il ne lui restait pour l’instant qu’une seule option.
Il s’agissait de trouver un demi-dieu de l’Ordre Secret encore considéré comme « normal ».
Comparés au Zaratul dément, je peux au moins communiquer avec eux, voire négocier.
Klein seul en serait incapable, mais il pouvait solliciter l’aide de Monsieur Azik ou celle de la Reine Mystique Bernadette, à un certain prix.
Je ne peux pour l’instant me contenter de cela…
Klein ramena rapidement son attention sur la manière d’aider Anderson Hood à se débarrasser de la malédiction de malchance.
Cela fait plus de deux mois. Je me demande si le Conseiller du Destin Ricciardo a quitté l’île d’Oravi. Soupir… Il n’a pas convoqué mon messager durant tout ce temps pour me transmettre des indices sur l’objet mystique que je cherche. Toutefois, ce n’est pas un gros problème ; Bellman Carnot n’a certainement pas quitté son poste. Je peux contacter le Conseiller Ricciardo par son intermédiaire.
C’est tout aussi bien. L’École de Pensée de la Vie n’a pas encore achevé la mission, ce qui signifie qu’elle n’a pas versé le paiement final. Ils peuvent s’en acquitter en améliorant la chance d’Anderson ; je recevrai alors le paiement de la part d’Anderson.
Hé hé, en matière d’objet mystique ou d’Artéfact Scellé doté d’une puissance offensive immense, l’épée d’Anderson n’en est-elle pas un ? D’après les caractéristiques révélées par Faucheur, je peux ignorer l’objet qui se forme après sa mort… Hé, je ne suis pas non plus un démon cupide. Je paierai certainement des frais supplémentaires pour l’aider à passer le cap.
Klein chassa ses pensées malicieuses et sortit la grue en papier de son portefeuille. Après l’avoir dépliée, il effaça soigneusement les marques de crayon qui s’y trouvaient.
Elle est vraiment sur le point de se déchirer. Je pourrai tout au plus l’utiliser encore deux fois… marmonna-t-il avec tristesse. Puis il replia la grue en papier et retourna se coucher. Quant à l’idée d’utiliser le poste radio pour contacter Arrodes, il comptait s’en occuper après avoir quitté ce terrain de jeu des pirates.
À l’aube, Klein se leva avec langueur et se lava lentement, estimant que c’était ainsi que la vie devait être.
Toc ! Toc ! Toc !
Les coups frappés à la porte interrompirent son état de rêverie.
Sans même faire appel à son acuité pour le danger, son intuition spirituelle lui indiqua qu’il s’agissait d’Anderson Hood.
Comme on pouvait s’y attendre du Plus Puissant Chasseur. Il a bel et bien survécu jusqu’à présent…
Klein cliqueta de la langue et se força à afficher une expression neutre avant d’ouvrir la porte.
Anderson portait une casquette de chasse au cerf d’origine inconnue. Il afficha un large sourire en tendant à Klein une pièce d’or de Loen.
« Ce que je vous devais d’hier. »
Klein prit la pièce d’or et en estima le poids dans sa main.
« J’ai une réponse à votre problème. »
Les yeux d’Anderson s’illuminèrent.
« Quelle est la solution ? »
« Ne me dites pas qu’il n’y a aucune solution… »
Suis-je ce genre de personne ? Je dirais simplement que c’est sans espoir ; attendez tranquillement votre mort. Adieu !
Klein se moqua intérieurement tandis qu’il balayait Anderson d’un regard indifférent.
« Un demi-dieu doué pour modifier la chance vit sur l’île d’Oravi. Il me doit une faveur. »
« Excellent ! » Anderson ne cacha pas sa joie. « Alors, quel paiement dois-je effectuer ? »
Très judicieux de votre part…
Klein se tut volontairement deux secondes avant de déclarer : « J’ai besoin d’un objet mystique possédant de puissantes capacités offensives. Avez-vous des pistes ? Si la valeur dépasse celle du rituel d’amélioration de chance, je paierai la différence. »
Anderson fronça progressivement les sourcils avant de les détendre. Il déclara avec un sourire : « Je possède un objet mystique qui correspond à votre demande. Il renferme un pouvoir de Transcendant capable d’infliger des dégâts mortels. Les effets négatifs ne sont pas trop graves non plus : il mange, dort et porte une certaine malchance, attirant facilement monstres et ennemis. À l’occasion, il devient bavard et légèrement agaçant. Haha, je plaisante. »
« Pour être franc, mon Brachydonte de la Mort est l’objet mystique qu’il vous faut, mais c’est la seule arme qui me reste. Eh… Je dispose toutefois d’une piste. Il s’agit d’un revolver assez particulier ; les balles qu’il tire possèdent les effets “Attaque de faiblesse”, “Attaque létale” et un “Effet de carnage”. En outre, on peut l’associer à des balles de caractéristiques différentes. Les effets négatifs consistent à développer, après chaque utilisation, une faiblesse auparavant inexistante, comme la peur de la lumière, la peur des navires, la peur des chiens, etc. Et cette faiblesse dure six heures. »
« Il n’y a quasiment aucun effet négatif à le porter sur soi ; il donne simplement soif, ce qui est tout à fait supportable. Si les caractéristiques du revolver ne faisaient pas double emploi avec mes capacités et mes autres objets mystiques, je l’aurais acheté à l’époque. Le vendeur le propose pour 9 000 livres ! »
« Donc, le prix total serait de 1 500 livres plus les informations concernant le revolver. Qu’en dites-vous ? »
Cela semble tout à fait convenir. En plus, cela s’accorde avec mes habitudes de combat…
Klein n’accepta pas immédiatement et demanda en retour : « 1 500 livres ? »
« Haha, j’ai croisé plus de dix pirates hier. Ils se sont montrés très aimables : ils m’ont offert tous leurs porte-monnaie. Sinon, ils m’auraient prêté leurs caractéristiques et leurs têtes. En une seule nuit, j’ai récolté 1 600 livres. Franchement, j’adore ce paradis de pirates ! » déclara Anderson, tout sourire. « Je dois garder 100 livres pour moi afin de payer les billets de bateau pour retourner à la Mer de Brume. Je ne peux donc vous verser que 1 500 livres. »
Gagner 1 600 livres en une nuit ? Non seulement il y a beaucoup de pirates à Toscarter, mais ils valent aussi cher ou possèdent beaucoup d’argent ?
Klein songea soudain à passer quelques nuits supplémentaires dans cette ville portuaire.
Cependant, en considérant que les cibles faciles, repérables et monnayables avaient pour la plupart déjà été éliminées par Anderson, ce qui restait n’était certainement pas simple. Klein se sentit de nouveau morose et demanda froidement : « N’avez-vous pas peur d’être la cible d’une vengeance pour avoir agi ainsi dans un terrain de jeu pour pirates ? »
« Pourquoi m’inquiéter ? Je n’ai pas peur, même s’ils sont les subordonnés d’un amiral pirate. Hé hé, je crois que vous êtes pareil. S’ils appartiennent aux hommes des Quatre Rois, ce n’est pas un grand problème non plus. Nous nous apprêtons à partir, et la propagation des informations prend du temps. D’ici à ce qu’ils arrivent, j’aurai changé de navire et d’identité plusieurs fois ! » répondit Anderson, sans grande inquiétude.
Pourquoi vous jetez-vous encore la poisse…
Klein le regarda silencieusement avec pitié.
« Marché conclu. »
« Haha, voici 300 livres. Vous devrez patienter pour les 1 200 restantes, le temps que les primes et l’argent des caractéristiques arrivent. Ne vous inquiétez pas, cela viendra sans faute aujourd’hui ; ce n’est pas grand-chose. » Anderson sortit un épais portefeuille rempli de nombreux billets de soli et le tendit à Klein.
Par égard pour son rôle, Klein se contenta d’un rapide comptage avant de glisser l’argent dans son propre portefeuille et dans ses poches. Il déclara sans émotion : « Achetez deux billets pour Oravi pour demain. »
Il ne recommanda pas expressément à Anderson de les prendre sous une fausse identité, convaincu que le chasseur en face de lui était mûr et expérimenté.
S’il manquait d’expérience et de force, avec sa façon d’agir, il reposerait depuis longtemps au fond de quelque mer…
Klein ne put s’empêcher de railler intérieurement.
« D’accord. » Anderson désigna le sol. « Petit-déjeuner ensemble ? C’est moi qui régale. »
Klein acquiesça sans le refuser.
Une fois en bas, les deux hommes s’installèrent à une table près de la fenêtre. Au milieu du service, un serveur apporta des tasses en porcelaine blanche et des petites cuillères.
Au moment où ils échangeaient, le regard du serveur se brouilla soudain. Il saisit la petite cuillère et la planta sans prévenir en direction de la gorge d’Anderson.
Bien qu’Anderson fût surpris, sa réaction ne fut nullement lente ; il se pencha aussitôt en arrière et évita l’attaque soudaine.
Bang !
Non loin de là, le patron de l’hôtel tira soudain sur le corps esquivant d’Anderson.
« Q-qu’est-ce que je fais… » Après le coup de feu, le patron marmonna, l’air alarmé et hagard.