Chapitre 180 – Aura puissante
Tandis que son regard remontait, Klein devina vaguement l’identité de l’auteur de ces pas.
C’était une femme vêtue d’un pantalon beige, pratique pour se mouvoir. Elle portait de hautes bottes de cuir noir, tandis qu’elle arborait également une jupe marron clair tombant jusqu’aux genoux. L’ourlet, coupé en biais et superposé par paliers, lui conférait une allure libre et assurée.
Une telle tenue donna à Klein l’impression d’être de retour sur Terre. En effet, que ce fût Loen, Intis ou Feysac, Feynapotter, Lenburg, Masin, East Balam et les autres nations, aucune n’avait encore popularisé un tel style !
Klein releva plus vivement la tête et aperçut enfin le visage de la dame.
De longs cheveux châtains retombaient naturellement sur ses épaules. Ses cils droits s’allongeaient avec perfection. Ses yeux bleu profond étaient à la fois sombres et intenses, comme s’ils dissimulaient un océan.
Sa beauté dépassait l’ordinaire, mais ce n’était pas l’aspect le plus remarquable. Chacun de ses gestes exhalait naturellement une noblesse innée. Elle donnait l’impression d’avoir longtemps joui d’un rang éminent. Klein, par réflexe, tenta de baisser la tête pour échapper à son regard.
De plus, elle est très grande. Presque de la taille que j’atteins lorsque j’endosse l’état de Klein Moretti… Klein ajouta soudain intérieurement.
Après avoir intégralement digéré la potion de Sans-Visage, il avait compris que le « soi » était un assemblage de personnalité, d’expériences, de connaissances et de liens sociaux. Son apparence et sa constitution pouvaient changer à volonté ; dès lors, tant qu’il savait qui il était, il n’hésitait pas à employer le terme « état » pour désigner les caractéristiques de chacune de ses identités. Après tout, chaque transformation de Sans-Visage pouvait être stabilisée sans entretien ultérieur. Cela signifiait également que, même dépourvu des pouvoirs transcendants correspondants, il pouvait conserver l’apparence extérieure de Gehrman Sparrow.
Et, de ce fait, il pouvait facilement faire grandir Klein Moretti s’il le souhaitait.
Toc. Toc. Toc. La dame, qui donnait l’impression de dominer le monde du regard, s’avança devant Klein. Elle tira une chaise et s’assit.
« Nous nous retrouvons », dit la dame d’une voix douce et sans émotion.
Sa façon de parler me semble familière… L’esprit de Klein tourbillonna tandis qu’il cherchait l’origine de cette impression.
La scène de son arrivée résonna aussitôt dans son esprit, et son regard se fixa finalement sur cette paire de bottes de cuir noir !
C’est… c’est elle ! Klein se remémora soudain les scènes correspondantes.
Lorsqu’il avait infiltré le Musée Royal dans son état de Corps Spirituel pour récupérer la Carte de l’Empereur Noir, il avait rencontré un demi-dieu. Celle-ci était assise au sommet d’un escalier de bois, entre deux grandes étagères, ses bottes de cuir noir se balançant dans le vide !
Redevenu Sherlock Moriarty, il avait appelé à l’aide lorsqu’il était poursuivi par le chien du Diable. En chemin, il avait rencontré un sentier forestier formé de lianes de pois verts. Il n’avait eu d’autre choix que de suivre la calèche dans les airs, où il avait vu les lianes s’entrelacer pour former un hamac et… une paire de bottes de cuir noir !
C’est elle ! Pourquoi apparaîtrait-elle dans ce monde onirique, ici, sur ces eaux ? E-et puis, elle a dit « nous nous retrouvons ». Je suis Gehrman Sparrow, à présent ! Au milieu de ces pensées, Klein répondit d’un air impassible : « Nous ne nous sommes jamais rencontrés. »
Et quand bien même vous seriez une demi-déesse, tant que vous n’êtes pas un ange, je peux me servir du Sceptre du Dieu de la Mer pour vous résister dans ce monde onirique ! Klein s’encouragea en secret.
La dame aux longs sourcils resta assise, releva le menton et observa Klein pendant deux secondes.
« Vraiment ? Monsieur le Bandit Héroïque, Empereur Noir… »
L’esprit de Klein explosa comme frappé par la foudre ; ses pensées se réduisirent en d’innombrables fragments, éparpillés et chaotiques, sans ligne directrice.
E-elle sait que je suis le Bandit Héroïque, Empereur Noir ?
Elle m’a reconnu comme le Corps Spirituel qui a autrefois dérobé la Carte de Blasphème au Musée Royal ?
C-comment est-ce possible !?
Attendez, pourquoi m’a-t-elle directement appelé Bandit Héroïque, Empereur Noir ? Si elle avait employé « Sherlock Moriarty », j’aurais été encore plus stupéfait et j’aurais peut-être échoué à dissimuler le changement de mes expressions…
Tandis que ces pensées défilaient dans son esprit, Klein contrôla instinctivement ses muscles faciaux et déclara calmement : « Je ne sais pas de quoi vous parlez. »
La dame, dont les vêtements différaient des tendances actuelles, ne répéta ni n’expliqua ses propos. Elle déclara plutôt d’une voix directe : « Votre identité de Gehrman Sparrow vient de moi. »
…
Klein sentit aussitôt son cuir chevelu picoter. Il avait l’impression de n’avoir plus un seul secret face à elle.
Cette identité de Gehrman Sparrow a été forgée grâce aux réseaux de Mademoiselle Sharron… Cette demi-déesse fait donc partie de ces contacts ?
Exact, Miss Sharron avait mentionné qu’une personne de son entourage enquêtait sur la véritable identité du Bandit Héroïque, Empereur Noir, et avait promis d’exaucer toute requête raisonnable en échange ; pour les ingrédients, la limite était fixée aux ingrédients de Transcendant de Séquence inférieure à haute…
Selon la description de Miss Sharron, la commanditaire mesurait plus d’un mètre soixante-dix, possédait une silhouette très proportionnée et de longs cheveux châtains. Elle appréciait les bottes de cuir noir. Bon sang… N’est-ce pas la personne qui se tient devant moi ? À l’époque, j’avais même soupçonné qu’il s’agissait du demi-dieu rencontré au Musée Royal. De plus, elle savait pertinemment que j’avais pris la Carte de l’Empereur Noir…
Ces réflexions traversèrent son esprit tandis que Klein restait momentanément sans voix. Il ne put que garder le silence.
La dame, dont le menton n’était pas pointu mais légèrement arrondi, ne s’attarda pas sur l’identité de Gehrman Sparrow. Elle contempla le soleil couchant figé et dit : « Pendant que vous étiez dans l’archipel de Rorsted, l’Empereur Noir de Nast Solomon est également apparu dans ces eaux. »
« Je crois que vous savez ce que cela signifie, Monsieur le Bandit Héroïque. »
Constatant qu’elle ne révélait pas son identité et lui fournissait même indices et preuves, Klein ne put qu’esquisser un sourire et répondre : « La loi de convergence des caractéristiques de Transcendant. »
L’expression de son interlocutrice s’adoucit aussitôt ; elle sourit et déclara : « Vous êtes bel et bien le Bandit Héroïque, Empereur Noir. »
… Elle n’en était donc pas sûre… Elle ne faisait qu’énumérer les indices en adoptant une attitude assurée… Comment a-t-elle pu se montrer si certaine à l’instant ? Possède-t-elle d’autres preuves qu’elle n’a pas révélées ? Klein éprouva un certain regret et fut profondément perplexe.
La dame, qui semblait goûter son statut de personnage éminent, n’ajouta rien de plus. Elle tourna ensuite les yeux vers l’étagère et demanda : « Vous avez découvert que le marque-page était une Carte de l’Empereur Noir grâce à son journal ? »
Un journal… Cette dame sait donc que le prétendu carnet de Roselle est en réalité un journal intime… Klein en resta interdit et ne répondit pas.
« Vous n’avez pas pris ce carnet parce que vous avez ressenti quelque chose ? » demanda-t-elle de nouveau.
Ça… Klein comprit soudain quelque chose et choisit de ne pas répondre, mais plutôt de poser des questions. Il voulait se libérer de sa position passive et ne pas se laisser mener par le bout du nez.
Il plongea son regard dans les yeux bleu sombre de la dame et demanda directement : « Étiez-vous la mystérieuse personne qui, à bord du Future, m’espionnait en secret ? »
La belle dame, qui ne souffrait aucune familiarité, répondit franchement : « Oui. Cattleya ignore que je suis montée secrètement à bord du Future, mais vous l’avez toutefois découvert… L’instinct de danger d’un Clown ? »
D’après ses observations et les informations déjà récoltées, elle peut en gros déterminer que je suis un Sans-Visage, un Magicien… À en juger par son ton, elle connaît très bien l’Amirale des Étoiles… Les hautes sphères de l’Ordre des Ascètes de Moïse, ou bien cette Reine Mystique ? Klein acquiesça et dit : « En effet. »
La dame releva le menton et esquissa un léger sourire.
« Il est impossible pour un Clown ordinaire de pressentir le danger à un tel niveau, même s’il est déjà en Séquence 5. »
Elle a de nouveau découvert une particularité… Cela… Elle connaît très bien la Voie du Devin… En effet, les pouvoirs de la Brume Grise m’influencent quelque peu, m’octroyant une intuition directe même lorsqu’il n’y a pas de danger… Klein ne lui laissa pas l’occasion de répliquer et demanda d’une voix profonde : « Les bruits de porte et les pas qu’Anderson Hood a entendus dans les profondeurs de la salle des fresques venaient-ils de vous ? »
« Parlez-vous du chasseur accablé de malchance ? » demanda la dame, pensive.
« Oui. » Klein acquiesça.
« C’était bien moi. » La dame marqua une pause. « Informez ce chasseur d’une prophétie : le danger le plus mortel se cache souvent dans la vie quotidienne. »
Qu’est-ce que cela signifie ? Voyant qu’elle n’avait pas l’intention d’expliquer, Klein réfléchit puis demanda : « C’était vous qui m’avez fait apparaître dans le rêve du Saint des Ténèbres ? »
La dame lissa ses longs cheveux châtains et répondit, d’une voix à la fois douce et froide : « Ce n’est pas difficile à deviner. »
« Grâce à ce rêve, j’ai confirmé que vous aviez pris les restes de ce serpent de mer, Kalvetua. »
« Et, comme auparavant, vous êtes apparu sous forme de Corps Spirituel. Vous avez emporté l’objet de Jahn Kottman et disparu aussitôt ? Oh, et vous portez toujours la Carte de l’Empereur Noir. »
Klein ne répondit pas à ce sujet et demanda à la place : « Êtes-vous la Reine Mystique ? »
« Beaucoup me nomment ainsi », répondit calmement la dame.
C’est donc bien elle… Sa prime atteint six cent cinquante mille livres rien que dans le royaume de Loen ! Klein inspira silencieusement et demanda : « Madame, pour quelle raison me cherchez-vous ? »
La Reine Mystique le dévisagea de ses yeux bleus durant quelques secondes avant de dire : « J’espère que vous accepterez de me transmettre la méthode permettant d’interpréter le langage créé par le Grand Empereur Roselle. En échange, je peux satisfaire la plupart de vos requêtes. »
Klein ne confirma ni ne nia. Il eut un léger rire et demanda : « Allez-vous jusqu’à me fournir les formules de potions de Transcendant de Haute Séquence correspondantes ? »
La Reine Mystique rassembla son maintien, mais déclara sans perdre en majesté : « Votre destin repose sur le sommet principal de la chaîne du Hornacis. »
Cela… Klein ressentit une étrange secousse.
Ses yeux s’agitèrent. Tandis qu’il réfléchissait à une question, la Reine Mystique se leva.
« Lorsque vous aurez besoin d’aide ou d’indices concernant quelques Cartes de Blasphème, donnez-moi la réponse. »
Elle se retourna et s’enfonça dans les profondeurs de la bibliothèque vaste et ordonnée. À chaque pas, sa silhouette s’estompait avant de disparaître rapidement.
La bibliothèque s’effondra aussitôt. Après un instant d’errance, Klein se retrouva dans la salle ornée de magnifiques fresques.
Anderson le regarda, stupéfait, et s’écria : « Comment êtes-vous arrivé ici ? »