Le Maître des Secrets | Lord of the Mysteries | 诡秘之主
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Chapitre 16 – Le moindre des maux
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Vol 2 : L’Homme Sans Visage / Chapitre 16 – Le moindre des maux

Le corps de Meursault gisait là et dans ses yeux grands ouverts, on aurait dit que luisait encore un regard meurtrier.

La blessure qui sectionnait la moitié de sa gorge, mince à l’origine, s’était considérablement étendue sous l’effet de la condensation de la caractéristique Transcendante et semblait plus importante.

Dans le même temps, le bas de son corps dégageait une affreuse odeur liée au phénomène d’incontinence qui suit la mort.

Tenant fermement l’objet en forme de gelée cramoisie, Klein se demandait ce qu’il allait devoir faire à présent.

Globalement, il y avait trois solutions. Premièrement, nettoyer les lieux, soigner ses blessures et porter plainte auprès de la police au nom de la légitime défense. Il pouvait aussi attendre la nuit noire, jeter le cadavre dans un égout et faire comme si rien ne s’était passé. Et enfin, il avait la possibilité de changer une nouvelle fois de nom et de fuir dans un autre quartier.

Cependant, comme il était résident illégal et avait des squelettes dans son placard, s’il faisait appel à la police, ce signalement pourrait facilement amener ceux-ci à découvrir que quelque chose clochait avec son identité. La seconde option, quant à elle – outre le fait d’avoir constamment peur que le cadavre soit retrouvé et que la police vienne frapper à sa porte – présentait un autre danger :

Lorsque l’Ambassadeur pour lequel travaillait Meursault aurait confirmation de la disparition ou la mort de son subordonné, il enverrait certainement quelqu’un d’autre au 15 rue Minsk. Klein serait alors confronté à un adversaire de Séquence 7 et/ou de Séquence 6. Il se pouvait que la faction à laquelle il devait faire face soit un pays, un pays puissant.

La troisième solution, qui lui semblait la plus sage et la plus sûre, présentait elle-aussi un inconvénient, à savoir que son portrait serait probablement diffusé, faisant de lui une personne recherchée. Un portrait de lui sans déguisement, d’après les indications de ses voisins, entre autres Mme Sammer et l’avocat Jurgen. Une fois l’avis de recherche publié dans les journaux et même si leur diffusion se limitait à la vaste région de Backlund, Klein serait très probablement reconnu par Daly et les autres Faucons de Nuit. Le problème deviendrait alors plus épineux.

Cette affaire impliquant Ince Zengwell et l’Artefact Scellé 0-08, il était fort probable qu’il soit poursuivi par un expert du niveau d’un diacre de haut rang.

Il existait, bien sûr, une seconde version possible de cette troisième option qui était de se débarrasser du corps et de toutes les preuves dans les égouts avant de prendre la fuite. Cependant, il courait toujours le risque d’être recherché. L’ambassadeur, ne le retrouvant pas, pourrait ordonner aux membres du Gang Zmanger d’appeler la police et de recourir aux forces officielles de Backlund pour effectuer des recherches. Si jamais ils le retrouvaient, il se retrouverait dans la même situation qu’en optant pour la seconde solution.

Après mûre réflexion, Klein décida de procéder à la divination.

Il va de soi qu’il penchait pour le moindre mal. La première option, relativement moins risquée, lui permettait, dans une certaine mesure, de prendre l’initiative. En s’exposant, il pourrait attirer l’attention des forces officielles et éviter des actes un peu trop fous de la part de l’ambassadeur.

Il prit une feuille de papier sur laquelle il inscrivit sa question, puis détacha le pendule de son poignet gauche et laissa pendre la topaze juste au-dessus du papier.

Je devrais faire un rapport de police… Je devrais faire un rapport de police…

Son incantation mentale terminée, il constata que le pendule tournait dans le sens des aiguilles d’une montre, assez rapidement mais avec une faible amplitude.

La réponse était donc positive !

Après avoir réitéré l’expérience pour les deux autres options et obtenu deux réponses négatives, le jeune homme n’hésita plus.

Il enfila une paire de gants noirs, fouilla le cadavre et découvrit sur l’homme un poignard aiguisé, une petite liasse de billets, un paquet de cigarettes, un briquet et quelques objets divers.

Remettant en place ses autres trouvailles, il ôta ses gants, prit la dague et la planta dans la plaie de Meursault, détruisant ainsi sa forme originale.

Puis il remit ses gants et plaça l’arme dans la main du mort.

Cela fait, Klein récupéra la caractéristique Transcendante de Meursault, les charmes qu’il avait lui-même créés, les cartes de tarot, le contrat taché de sang, le papier sur lequel il avait inscrit ses questions de divination ainsi que divers autres matériaux qu’il portait sur lui et les mit dans un sac en papier.

Ensuite, il procéda à un rituel destiné à s’invoquer lui-même et prit la forme d’un esprit spécial.

Muni du sifflet de cuivre d’Azik, il se sentait plus fort et plus matériel. Il ramassa le sac de papier, mit fin à l’invocation et retourna au-dessus du brouillard gris.

Temporairement, il plaça les objets réels derrière la chaise à haut dossier du Fou ainsi que le sifflet de cuivre, puis il se détendit, amorça une sensation de rapide descente et réintégra son corps.

S’il n’avait pas brûlé le contrat taché de sang ni le morceau de papier sur lequel il avait noté ses déclarations de divination, c’était parce qu’il craignait qu’une fois son rapport envoyé à la police, l’affaire ne soit transférée à un département spécial et qu’un puissant Transcendant effectue une divination ciblée.

Cependant, avec l’interférence du brouillard gris, même si l’Éternel Soleil Flamboyant descendait en personne, “Il” ne serait pas en mesure d’obtenir une réponse efficace.

C’était aussi pour cela que Klein, depuis qu’il était passé Séquence 8 et avait vu s’accroître son énergie spirituelle, avait emporté ses notes et son analyse hebdomadaire au-dessus du brouillard.

Il ne pouvait pas se permettre, pour le moment, d’assumer davantage de soupçons ni de mener des enquêtes plus approfondies !

Lorsqu’il eut dissipé le mur spirituel, le vent se mit soudain à souffler, dissipant l’odeur des matériaux rituels. Klein avait gardé sur lui les objets occultes et dans toute la maison, il ne restait que les bougies qui brûlaient silencieusement devant lui.

Cette fois et étant donné qu’il se priait et s’invoquait lui-même, il avait choisi des bougies ordinaires. Et dans un foyer, à cette époque, il était tout à fait normal, même si l’on vivait seul, d’avoir des bougies.

Après les avoir toutes éteintes et remises à leur place, Klein a sorti sa montre à gousset dorée, l’ouvrit, évalua le temps écoulé depuis le décès de Meursault et ajouta le temps minimum qu’il faudrait à la police pour envoyer hommes faire une enquête et rédiger un rapport.

Il voulait s’assurer que, dans le cas où un Transcendant serait mis sur l’affaire, une heure serait écoulée depuis le décès de l’homme.

Ce laps de temps était important dans le domaine de l’occultisme et du channeling car au-delà, on ne pouvait recueillir que des informations très vagues et très limitées. Si, par exemple, il était possible de découvrir que Sherlock Moriarty était à l’origine du meurtre de Meursault, il était impossible de connaître les détails de sa mort.

Par contre, il n’était pas du tout inquiet à l’idée que ses adversaires puissent découvrir que des Transcendants étaient impliqués dans cette affaire car les principaux facteurs impliqués (dont le contrat type ensanglanté) se trouvaient au-dessus du brouillard gris.

Sa prémonition et ses capacités de combat seraient également obscurcies, car la divination de l’adversaire, à coup sûr dirigée vers cet espace mystérieux, y subirait certainement des interférences.

Heureusement que je suis aussi un professionnel… J’ai l’impression d’être réellement devenu Moriarty…

Klein inspecta attentivement les lieux afin d’être certain que rien ne clochait puis se mit à marcher, les yeux rivés sur sa montre à gousset.

Une fois le moment estimé passé, il mit ses lunettes à monture dorée, attendit encore quelques minutes, puis sortit.

Sous le ciel déjà sombre de Backlund, les lampadaires à gaz laissaient entrevoir la pluie.

Située dans un quartier de classe moyenne, la rue Minsk faisait souvent l’objet de rondes policières. Klein attendit un moment, repéra deux agents qui n’avaient avec un seul chevron sur leurs épaulettes, armés de pistolets, de matraques et qui, sous leur parapluie, observaient les environs, et s’avança vers eux.

– « Policiers ! Un criminel m’a attaqué ! » Cria le jeune homme, très convaincant.

Son apparence négligée fit que les deux agents prêtèrent de l’importance à la question. Sortant chacun leur matraque, ils jetèrent un coup d’œil méfiant sur le côté.

– « Où est le criminel ? » Demanda d’une voix grave l’un des deux policiers, un homme au visage rond et aux yeux bruns.

– « Il s’est introduit chez moi et a tenté de me tuer ! Dans la bagarre, je l’ai blessé mortellement d’un coup de poignard. C’était accidentel. »

Les deux agents se regardèrent et dévisagèrent Klein avec attention :

– « Conduisez-nous là-bas. »

– « Très bien ! »

Prenant l’attitude d’un homme qui vient d’échapper à un drame, il les conduisit au N°15, sortit sa clé et ouvrit la porte.

Le désordre fut la première chose que remarquèrent les policiers avant qu’ils n’aperçoivent le cadavre étendu sur le sol, sa hideuse blessure à la gorge et le poignard ensanglanté.

– « Surveillez les lieux, je retourne au poste faire mon rapport à l’inspecteur », dit l’autre agent à son collègue.

– « Entendu », répondit le premier en jetant un regard à Klein. L’expression de visage, son langage corporel, tout exprimait la méfiance et la prudence.

Au bout d’un moment arriva un sergent vêtu d’un uniforme à carreaux noirs et blancs avec trois chevrons sur l’épaulette, accompagné du policier qui était parti au poste et de deux autres subalternes.

Tandis que ses hommes inspectaient les lieux à la recherche d’indices, le sergent – un homme qui portait, sous le menton, une courte barbe châtain clair – prit Klein à part et se mit à lui poser quelques questions.

– « Nom. »

– « Sherlock Moriarty. Voici ma quittance pour six mois de loyer », répondit notre détective qui avait tout prévu.

Le sergent lui jeta un regard désinvolte :

– « Quelle profession exercez-vous ? »

– « Détective privé », répondit franchement Klein.

Le sergent fronça les sourcils:

– « Connaissez-vous le défunt ? Savez-vous pourquoi il vous a attaqué ? »

– « Je le connais en effet. Il s’appelle Meursault, et c’est l’exécuteur du gang Zmanger », expliqua Klein qui, sans attendre d’autres questions, poursuivit : « Il y a quelques jours, j’ai été mandaté par un certain Ian Wright pour retrouver son ancien employeur, le détective Zreal Victor Lee. Il se trouve que cette affaire était liée au gang Zmanger et à Meursault.

« Je l’ai suivi et j’ai découvert qu’il rencontrait secrètement un homme qui semblait être quelqu’un d’important. Meursault l’appelait Monsieur l’Ambassadeur. »

Sans grande surprise, le détective vit le sergent blêmir.

– « Un ambassadeur… Vous connaissez son nom ? » S’enquit-il d’un ton grave.

– « Non, mais si je voyais sa photo, je le reconnaîtrais certainement » répondit honnêtement Klein. « Ce matin, Meursault est venu me voir et m’a demandé de rechercher Ian Wright, chose que j’ai refusée en raison de mon éthique professionnelle et lorsque, ce soir, je suis rentré chez moi, il m’a attaqué et presque tué. Heureusement que je suis plutôt habile au combat et que j’ai su réagir rapidement. »

Le sergent réfléchit un moment puis demanda des détails sur la lutte qui s’était produite. Le détective lui raconta tout, excepté qu’il fit passer ses prémonitions pour de la réactivité et le formulaire de contrat pour le poignard que Meursault avait laissé tomber.

« Bon… Suivez-nous au commissariat et attendez les résultats de l’autopsie, les conclusions de l’enquête sur les lieux et les demandes de renseignements des parties concernées », répondit d’une manière un peu superficielle le sous-officier dont on sentait très bien que les pensées étaient ailleurs.

En cet instant, il n’avait qu’une idée en tête : cette affaire importante impliquant des ambassadeurs étrangers, il devait le signaler immédiatement !

Dans un état second, une question lui traversa soudain l’esprit :

– « En qui croyez-vous ? »

– « Au Dieu de la Vapeur et des Machines », répondit Klein sans hésiter.

Le quartier général à Backlund de l’Église du Seigneur des Tempêtes se trouvant précisément dans le Quartier de Cherwood, les affaires impliquant des Transcendants leur étaient souvent confiées à une exception près : les personnes concernées ne devaient pas être des adeptes du Seigneur des Tempêtes.

S’il ne voulait pas tomber sur les Faucons de Nuit, Klein n’avait pas d’autre choix que d’abandonner la Déesse.

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